Lettre 31 - Fred

25 octobre, 04h11, 1995, 

Hermione... 

Quand je t'ai soufflé "bonne nuit "  tout à l'heure, en te regardant monter les escaliers qui mènent au dortoir des filles, la première heure du matin avait sonné depuis longtemps. 
Je suis resté immobile. Raide comme la justice, jusqu'à ce que l'ombre de ta silhouette ne se répercute même plus sur ma rétine. 

J'aurais aimé t'emmener dans les cuisines de l'école pour une autre raison que sortir d'une retenue avec Ombrage. T'y emmener pour une petite fringale nocturne en amoureux par exemple. 
Et surtout, j'aurais aimé rester calme. Rester calme et profiter clairement. 
Au fond, je l'ai vu dans ton regard, quand tu es partie te coucher, que tu n'avais rien vu, rien compris, rien décelé. 
Mais moi je te le dis, ce soir, sous le Fred que tu connais, sous le Fred de nos rendez-vous de minuits, il y avait moi, l'adolescent amoureux, l'adolescent paumé, et son foutu cœur qui ne savait plus comment battre. J'ai bien cru que j'allais faire une crise cardiaque plusieurs fois, entre ses arrêts et ses accélérations.

Et je ne pouvais plus. Je ne répondais plus de rien. 
Mes pensées tourbillonnaient sans queue ni tête, désordonnées, emmêlées, brouillons. Elles se cognaient contre ma boite crânienne, m'étouffaient, me rendaient fou. 
La conclusion qui m'avait frappé sous ton regard ne pouvait que me rendre fou, ou du moins attaquer ma santé mentale. 

Recouvrant mes esprits, j'avais monté deux à deux les marches qui me conduisaient tous les jours depuis des années à la chambre que j'habitait la majeure partie du temps. J'avais fait de mon mieux pour ne réveiller personne, mais je dois bien dire que je m'en fichais un peu, de réveiller les gens ou non. 
Lee ronflait, étendu de tout son long, sous ses draps en bordel, je n'ai jamais put comprendre comment il faisait pour donnait l'impression de faire la guerre durant son sommeil. Et puis, entre nous, son oreiller ne m'a jamais paru à ce point hargneux. 

Le second lit était occupé par George. Le troisième était vide, c'était le mien. Sous prétexte, qu'on était un peu trop dangereux comme voisins de chambrée, on s'était retrouvé parqué tous les trois dans un dortoir dès la seconde année. Cela ne nous avait jamais vraiment dérangé, on était resté juste tous les trois, entre meilleurs amis et c'est tout ce qui pouvait compter à nos yeux. 

J'avais regardé à nouveau le lit de mon meilleur ami, conscient que son sommeil était à tout épreuve, et que même en cas d'attaque d'hippogriffes démoniaques cracheurs de feu, cet idiot ne se réveillerait pas. Par précaution, je m'étais quand même approché en silence, pour tirer ses rideaux. Je n'aurais pas voulu le réveiller sans le faire exprès.... A contrario de mon frère. 

C'était un peu méchant de couper sa nuit de la sorte, et je m'en saurais probablement voulu si ce n'est pas un cas d'extrême urgence. Pour me rassurer, je me suis dit qu'après tout nous étions dans la nuit qui faisait la passerelle entre vendredi et samedi, on aurait tout le loisir de faire la grasse mat' le lendemain. 

J'ai posé une main sur son épaule, il a roulé faiblement sur le côté, c'était compliqué d'émerger. Dans la pénombre qui noyait la chambre, j'ai vu ses yeux papillonner faiblement, cherchant à comprendre ce qu'il se passait, à retrouver ses marques sur tout ce qui l'entourait, reprendre son corps et son esprit, bref se réveiller. 
Il avait grogné en voyant mon visage penché sur le sien. Demandant qu'elle heure il était d'une vois pâteuse. 
"Presque deux heures du matin." je lui avais répondu, la voix basse, arrachant par la même occasion quelques grognements supplémentaires à mon jumeaux. 

"- Fred qu'est ce que tu fous ? Pourquoi tu me réveilles en pleine nuit ?! 

 - Désolé Frangin... C'est une urgence... J'ai besoin de ton aide. 

- Que... ?" ma phrase avait achevé de le sortir de son état d'assoupissement visible. Il s'était redressé, totalement alerte, attendant que je lui explique la situation, soudain un peu inquiet. 

"- George... Je... Je crois qu'Hermione a compris que je l'aimais..." 

Il a ouvert des yeux ronds comme des billes. Alors je le réveillait juste pour ça ? 
Mon regard devait vraiment être inquiet, parce qu'il n'a pas relevé, pas grogné que je le réveillait sous prétexte que j'étais : un gros handicapé des sentiments. 

"- Et pourquoi tu penses ça ?" je m'étais mordu la lèvre. La conclusion m'insupportait mais il fallait bien que je l'explique. 

"- Réfléchis !  Absolument tout porte à croire qu'elle a compris... Tout dans sa façon d'être avec moi... Ses rougeurs, sa manie de frissonner à chaque fois au moindre de nos contacts physiques... et puis quand elle m'a fuit pendant des jours sans m'expliquer la raison..."

George m'a alors regardé comme si j'avais un problème dans ma tête. 

"- Tu crois quoi ? Qu'elle t'a fuis parce que c'est pas réciproque mais qu'elle sait pas comment te le dire pour pas te blesser ? 

- Précisément. 

- T'es pire qu'un idiot en fait."  j'avais relevé le regard blessé à travers ma tristesse. Je m'attendais à plus de compassion de sa part. 
Il a fait comme si il ne voyait pas mon regard. Il a continué de parler. Sa voix claquait dans l'air comme si il énonçait de simple faits. Neutre. Il était totalement neutre. 

"- Tu es idiot oui. Tu ne t'es pas dis qu'il pouvait y avoir une autre raison à son comportement. 

- Bah non... Laquelle ? 

- Ecoute... Ca fait quelque temps que j'y pense mais je voulais être sûr avant de t'en parler... Les faux espoirs tout ça... Et... 

- Et quoi ? 

- Fred. Je pense qu'Hermione t'aime aussi." 

Temps d'arrêt. Temps d'arrêt. Temps d'arrêt. 

"- C'est... Je... Je... C'est..." George avait un sourire moqueur au coin des lèvres mais il préféra m'expliquer. 

"- Je l'observe depuis la fin des vacances tu sais.  Et tout... Tout ou presque m'a amené à cette conclusion. Ses joues que tu fais rougir sans efforts, et ses œillades quand elle pense que personne ne peut la voir, ses sourires qu'elle réverse uniquement à toi, sa façon de s'ouvrir mais juste à toi -sérieux Freddie, tu es le seul à la connaître aussi bien je pourrais parier-, et de frissonner  vous échanger un contact physique et puis qu'elle est la seule à savoir nous différencier... 

- Cela ne veut rien dire.

- Rien dire ?" on dirait que pour lui, je devenait de plus en plus idiot. " Rien dire ? Mais Fred enfin ! Même notre propre mère ne sais pratiquement pas nous différencier. Elle, elle en est capable sans le moindre problème ! Tu ne comprends donc pas ? Ca veut dire qu'elle nous observe Fred ! Elle t'observe. 

- Et alors ? Elle m'a fuit pendant une semaine au début du mois je te rappelle ! On ne fuit pas quelqu'un qu'on aime ! " j'ai eu l'impression qu'il hésitait à me répondre soudain, comme la réponse lui paraissait être peut-être un peu trop secrète, ou bien un peu trop lourde pour moi. 

"- Parfois si. Parfois on peut fuir quelqu'un qu'on aime. J'en ai parlé avec Ginny -elle ne m'a lâché absolument aucune info sur Hermione cette sœur indigne-. Je lui ai exposé ma théorie, elle l'a pratiquement validé en me donnant quelques indices et...

- Viens-en fait. " il esquissa un nouveau sourire moqueur. 

"- Tiens, c'est étrange comme tu ne tiens plus en place. HAHA. Enfin bref. Toujours est-il que je pense -et avec certitudes ou presque- qu'Hermione est tombé amoureuse de toi sans s'en rendre compte. Elle est restée dans le déni longtemps. Elle devait avoir peur au fond. Mais... Elle a finit par découvrir la vérité... 

- La semaine ou elle m'a fuit... Tu crois que c'est l'élément déclencheur de tout cela ?" il a hoché la tête. 

"- Tu captes vite. Je pense qu'elle s'est rendue compte à ce moment là ce qu'elle ressentait et qu'elle avait peur de rester avec toi parce qu'elle ne savait plus comment réagir face à cela. 

- Ouais... Cela pourrait expliquer pourquoi elle était si gênée quand j'ai voulu savoir et qu'elle a éludé toutes mes questions. 

- Possible..." George avait acquiescé à ma remarque, puis m'a viré de son lit juste après. Il disait qu'il était fatiguée et qu'on aurait tout le loisir d'en reparler au matin. 

Je le regarde. Il s'est rendormi à une vitesse ahurissante. Moi, ce n'est pas mon cas. Je crois que le sommeil ne veut pas de moi. 
Je suis resté assis sur mon lit, seule avec ma main droite qui me lançait faiblement, atténué par l'Essence de Murlap. Je suis resté assis, sans rien faire d'autre avant de me mettre à t'écrire... 

Et  tous les mots de George tournent encore et encore dans ma tête comme dans un chaudron cabossé. 
Je ne sais pas si il a raison ou tort. Je ne sais même pas si c'est possible ou pas. Je ne sais rien. Plus rien du tout. 

Je sais que je ferais mieux de te poser la question en face. J'en ai pas le courage.

Hermione...  Est-ce que tu es amoureuse de moi ? 

Perdu d'amour, 
Fred. 


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