Au cœur du cœur


J'ai osé. J'ai franchi la porte d'un cimetière de sentiments et de souvenirs. Le sien. J'ai toujours été d'un naturel curieux, j'avais la cruelle envie de m'aventurer dans ce sanctuaire d'émotions fanées. Tenter. Prendre le risque de bouleverser le cours de choses que je ne peux pas contrôler. Alors je suis entré. Une pancarte gauchement taillée dans du bois était accrochée à l'entrée. Je plissai légèrement les yeux et y lus «Qui que tu sois, je suis désolée que tu aies atterri ici.». C'était écrit à l'encre, je reconnus son écriture joliment calligraphiée. L'endroit était très sombre, si bien que je n'en distinguais pas les murs. Une odeur de sang et de sel me prit à la gorge et j'eus un haut-le-cœur. Je clignai des paupières plusieurs fois, frottai mes yeux douloureux.

Où avais-je bien pu atterrir ?

Une fois que mes yeux se furent habitués à l'obscurité, je restai sidéré. Bon sang, mais que s'est-il passé ici ? Tout était sans dessus-dessous, comme si des personnes s'étaient battues pour une cause que j'ignorais. Un no man's land, vide d'humanité. Ce lieu avait l'air d'un champ de bataille. Mais quelle étrange guerre avait bien pu se dérouler ici ? Je m'avançai un peu plus dans l'antre et regardai autour de moi. Je sursautai soudainement, éberlué.

J'hallucine.

Accrochées aux murs dont il m'était impossible de distinguer la couleur, un nombre incalculable de photos, de portraits, de paroles écrites avec du sang et qu'un océan de larmes avaient visiblement déformés et abîmés. Moi. Mes mots. Mon visage imprimé en des centaines d'exemplaires me scrutant vicieusement.

Bon sang. J'y suis. Je suis dans son cœur.

J'étais incapable de détourner mes yeux de tous ces moi aux regards sataniques, et pourtant cette vision m'était insupportable.

C'est à ce moment là que je compris.

Tout.

La façon qu'elle avait de me regarder, de me supplier silencieusement d'entendre les mots qu'elle était terrifiée de prononcer.

Ce que je percevais au fond de ses prunelles mais dont je ne tenais jamais compte, et le goût amer qui me serrait la gorge chaque fois qu'elle me tournait le dos.

Tout ceci venait de cet endroit. Par quelle sorte de maléfice avais-je donc bien pu être aveuglé à ce point ? Quelle horreur. C'est moi qui avais fait ça.

Je suis le seul responsable de tout ce carnage.

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