⁃▫◊Effusion◊▫⁃

Ce soir-ci, le père de Richard était mort, mais en vue des rumeurs, tout laissait croire qu'on n'en avait absolument rien à fouetter. D'ailleurs, sa femme, assistée de son audacieuse mère, était déjà en train de préparer les futures fêtes nuptiales. Car oui, rien de plus dangereux que de laisser un royaume sans protection, il fallait sur le champ couronner un nouveau roi ! Et... La charge était retombée comme une enclume sur les épaules de Richard, prince de Custard.

« Aller bouges-toi ! Tiens-toi correctement ! La fourchette ne se prend pas ainsi ! Arrête de tripoter le pommeau de ton épée ! »

D'habitude, les deux femmes n'avaient jamais été aussi pointilleuses sur les manières du prince, mais maintenant qu'il se devait de régner, il fallait à tout prix corriger ces traits de caractère ! Alors silencieusement Richard subissait. Bien sûr, il sentait la pression monter, mais il ne pouvait rien y faire.

Il attendait en voyant ses prétendantes défiler. Mais comme pour les funérailles de son père, il n'en tirait rien.

Une, deux, trois... Oh tout plein ! Des jeunes filles passant du visage le plus harmonieux au plus... Patatoïde s'exhibaient face à lui et sa fief réputation. Alors gentiment il leur baisait la main, envoyait quelques compliments et les chassait de son regard.

À la fin, il ne prit même plus la peine d'exécuter les règles de la grande courtoisie :

« Bonjour.

- Bonjour Prince.

- Au revoir.

- M― »

Mais un soir, Richard en eut marre de ces coutumes à la noix. Plus que marre ! Il les haïssait de plus profond de son être ! Alors il appela sa génitrice et sa grand-mère. Le ton grave et prononcé il leur jeta à la figure :

« Stop ! Il en est trop ! Je n'en peux plus de voir gesticuler dans cette salle ! Si seulement vous pouviez arrêter d'envoyer des lettres à chaque fois que vous entendez le mot "princesse" dans un royaume proche.

- Richard ! Tu es l'héritier ! Tu dois te soumettre aux traditions.

- Traditions de mon rectum !

- Corrige-moi ce langage veux-tu !

- J'ai le droit de m'exprimer !

- Mais pas de façon vulgaire !

- Bon, d'accord... Je vais aller droit au but. Je ne veux pas devenir roi de Custard ! »

Les deux femmes lâchèrent simultanément un « OOOOH !» de désapprobation. Puis Richard se sentant légèrement coupable reprit :

« Enfin... Je ne veux pas me marier. C'est trop tôt pour moi. Laissez-moi au moins le temps.

- Mais. Beaucoup de gens sont heureux que tu te maris ! Les habitants sont rassurés que quelqu'un puisse reprendre le trône et les protéger ! Tu es vaillant, et un fin stratège. Tu sais... Même ton ami le Prince de Sablé est enchanté pour toi.

- Il est au courant ?

- Oui. Bien sûr que oui. Nous le lui avons annoncé. Il est fiancé, alors il est contant de savoir que son plus fidèle camarade aussi.

- Avec la Princess Tiramisu. Nia, nia, nia... »

La mère ferma vigoureusement les poings :

« Donc tu devras t'y soustraire. C'est tout ! »

Il avait perdu une bataille. Toutefois, il avait toujours sa dernière carte à jouer :

« Mère ! Attendez ! »

Elle se stoppa, pensant que son fils avait tout de même quelque chose de constructif à ajouter :

« Et si je choisissais moi-même la personne qui devra m'épouser ?

- C'est déjà le cas si j'ose dire.

- Non, pas cela... Laissez-moi reprendre. Et si je lui envoyais moi-même des lettres pour convaincre LA personne que j'ai moi-même élu ? Si je dois épouser quelqu'un, ce qui est le cas, je préfère encore me marier avec celle-ci.

- Qui est-ce ?

- Donnez-moi juste un mois !

- Tu n'as pas répondu à ma question.

- Vous le saurez en temps voulu. S'il vous plaît !

- D'accord... Un mois, accorda-t-elle à contrecœur. »

Il s'était déjà mis à l'œuvre. Son encrier et sa plume à pleine main, il s'apprêtait dès lors à rédiger sa première lettre d'amour. Seulement... Il n'avait jamais écrit de lettre d'amour. De lettre non plus par ailleurs ! C'était toujours quelqu'un d'autre qui correspondait à sa place ; Il ne faisait que dicter les principaux thèmes qu'il aimerait retrouver. Là, on lui posait une sacrée colle.

« Salutation... Non. Mes condoléances... Ah non ! Aucun rapport. Mais qu'est-ce que je fais ?! Grogna-t-il en se grattant le crâne de désespoir. »

Finalement, il réussit à dégoter un calligraphe pour rédiger à sa place. Et ils passèrent une nuit éclairée à la bougie à seulement créer un bout de papier cent pour cent Custard dédiée à une personne bien particulière. D'ailleurs, le calligraphe fut le seul à partir de ce soir, à savoir quel était l'élu du cœur du Prince, et il promit de n'en piper un mot. Le matin même, la lettre était partie.

Ce fut seulement le soir suivant que le facteur arriva au palais Éclair pour y déposer le parchemin ahané. Ce soir-là, le prince Sablé était parti chez ses parents pour gouter de leur compagnie, tandis que la Princess était restée dans sa morne demeure à attendre qu'il revienne. Alors elle fut bien contente quand ce papier aiguaya sa soirée.

D'abord, elle crut à une blague de la part du meilleur ami de Sablé, puis, en écorchant chaque phrase, elle se rendit compte de la sincérité des sentiments du dénommé Richard. On aurait dit qu'il l'avait toujours connu. Elle n'en revenait pas. Elle sentit comme un attrait tout d'un coup. La princesse ne connaissait pas ce côté poète et intentionné, alors cela la rendait heureuse. Soit, elle était déjà fiancée, mais Sablé, lui, n'avait jamais vraiment prononcé clairement ce qu'il ressentait, il ne s'était jamais mis à nu... Alors voir une telle franchise, cela ne la laissait pas de marbre. Que faire ? Elle ne pouvait pas montrer cette lettre à son promis sous peine qu'il se rejette sur Richard en l'accusant de traitrise. Oui. C'est sûr. Mais elle pouvait toujours y répondre. C'est décidé. Elle lui renverrait une lettre. Par simple teste, rien d'autre, rien d'implicite.

Alors elle se mit tout de suite à l'œuvre. Et en écrivant sa propre histoire, elle se rendit compte que le petit galopin n'avait jamais précisé le sexe de la personne à qui il s'adressait, comme s'il avait peur de récidives. Peut-être un peu normal lorsqu'on s'adresse à une personne déjà promise. Mais bon, pour le style, Tiramisu en fit de même. Et le soir encore, la lettre fut postée.

Richard sauta presque au plafond lorsqu'il reçut la réponse à son appel. C'était tellement inespéré. Ses mères le dévisagèrent avant de le voir s'enfuir dans ses appartements. Il semblait heureux, du haut de ses dix-sept piges.

Le prince s'assit brutalement en arrachant le sceaux des terres de Mille-feuille, et dévora les lignes. La personne restait aussi mystérieuse que lui, elle devait avoir peur des représailles si on venait à les démasquer. Alors avec allégresse, il y répondit, en faisant bien sûr venir son calligraphe commis d'office.

Et ce fut ainsi pendant plus de deux semaines. Chaque jours les deux tourtereaux s'envoyaient des lettres respectueuses de plus en plus explicites. Et ils tombaient éperdument amoureux au fil des mots. Tiramisu n'éprouvait plus aucun intérêt pour son promis, le Prince Sablé, tandis que Richard souhaitait de plus en plus rencontrer en personne cette unité avec qui il correspondait. Et c'est ce qu'ils firent. Ils se donnèrent un rendez-vous en extrême fin de soirée.
Pour Tiramisu, son fiancé n'était pas là, tandis que Richard exécutait à la lettre ce lui demandaient ses mères pour plus vite s'en débarrasser.

Ils étaient en plein diné :

« Mère. Grand-mère. Ce soir je vais enfin pouvoir rencontrer cette personne avec qui je corresponds depuis presque plus de trois semaines.

- Vas-tu enfin nous annoncer de qui il s'agit ?

- Non, je n'y tiens pas... Et puis je ne reviendrai pas sur ma décision. Vous attendrez. »

Il prit son temps en mastiquant :

« De toute façon si je vous le disais, vous me vendriez au diable. »

C'était le grand soir. Richard allait enfin à nouveau pouvoir rencontrer cette personne en tête à tête. Il en avait le cœur qui palpitait. Ses pieds trépignaient. Il en avait presque les membres qui tremblaient.

Il fallait qu'il se calme. Sinon cela n'allait pas passer. Il risquait la honte...

C'est bon. Il se sentait mieux. Il pouvait continuer.

Il faisait sombre, à vingt-deux heures. En effet, on peinait à voir le bout de son nez. Alors le Prince avait apporté une petite torche afin d'éclairer ses pas dans la pénombre ; mais elle était assez faible pour ne pas lui permettre d'être repéré. Sinon il était cuit.

Il vit des pieds en ballerine posés au milieu de l'herbe, au seuil d'un banc. Ils étaient fins. Cela lui posa un doute mais il continua tout de même sa route. Impossible de voir la figure de qui était ici. Alors Richard s'assit sur le banc. Et prononça distinctement son nom :

« Richard de Custard. »

La personne ne répondit pas et se contenta d'enlacer le bras du Prince. Il rougit. C'était le grand moment. Oui c'était ça ! Ouille. Il fallait se calmer.

« Ha, Hum... Je― Par où commencer ? »

Il avait laissé son flambeau de côté.

« J'ai été tellement touchée par tes lettre Richard ! Elles me rendent heureuse !

- "Heureuse" ?

- Bah oui. Où est le problème ? »

Non, ce n'était pas possible ! Y avait-il eut une erreur ? Où le plan avait-il foiré ?! Alors dans le doute, Richard s'arma de sa torche et la fit briller sur la face de l'individu logé dans sa cape. Alors, tout s'éclaircit :

« Attend. Tu n'es pas le Prince Sablé ?! »

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