5-Evelyn
" Maybe there's a god above, but all I've ever learned from love
Was how to shoot somebody who outdrew you
But it's not a cry that you hear a night, it's not somebody who's seen the light
It's a cold and a broken hallelujah"
Hallelujah, Bastian Baker
Quand Paul part, je prend le temps de regarder ma chambre, elle est beaucoup plus grande que ce j'ai pu avoir, même avant d'être bannie. Un lit double est poussé contre le mur, rien que de le voir me donner envie de me jeter dessus et de ne jamais me relever. En face du lit il y a une bibliothèque, je ne sais pas bien pourquoi, je ne sais pas lire, je ne vois pas l'intérêt d'avoir des livres dans ma chambre. Sur un des murs ils y a de grandes fenêtres, par lesquelles je peux voir l'extérieur, un infini de verdure, aucune civilisation, personne pour venir me sauver. En face des fenêtres, il y a une cheminée allumée, qui doit être la raison pour laquelle il ne gèle pas. Je m'assois sur le lit et regarde le mur en face de moi, analysant les formes des livres pour échapper à l'ennui.
Quelqu'un toque à ma porte, c'est probablement Paul, je n'ai pas envie de lui parler
– Dégage Paul !
– Cette phrase s'adresse aussi à ceux qui ne s'appellent pas Paul ?
Je ne reconnais pas la voix, mais il a l'air sympa.
– Ça dépend, pourquoi je devrais te laisser rentrer ?
– Parce que j'ai ton déjeuner ?
– Ok, rentre
La porte s'ouvre et James, d'après ce que Paul m'a dit, rentre en tenant un plateau
– Salut
Je ne sais pas pourquoi mais je baisse la tête et je rougis, ça fait 7 ans que je n'ai pas interagit avec un garçon de mon âge, je ne sais pas quoi faire, quoi dire...
– Tu parlais plus quand j'étais dehors, tu veux que je sorte ?
Sa phrase me sort de ma rêverie et je lève la tête
– Non, non, c'est juste que je n'ai plus l'habitude, tu sais de... parler avec les gens.
– Ça devait être dur toute seule dehors...
– On s'y habitue avec le temps, si tu comptes rester tu peux t'asseoir, dis-je en désignant le lit
Il s'assoit à côté de moi et me pose le plateau sur les genoux.
– C'est pas le grand luxe, mais c'est probablement mieux que ce que tu avais avant.
Je vois le plat dans mon assiette, je regarde James, puis la chambre, et je comprends. Ils cherchent à m'amadouer, à me faire oublier qu'ils m'ont enlevé, qu'ils veulent que je tue des gens, je ne les laisserai pas faire.
Je repousse le plateau
– Je n'ai pas faim
– Je viens d'entendre ton estomac gronder, si c'est ce qui t'inquiète, la nourriture n'est pas empoisonnée.
Je n'y avais pas pensé mais c'est une possibilité.
– Et je suis juste censée te croire ?
– Je dis la vérité et je ne vois pas pourquoi tu refuserais un plat chaud alors que ça fait deux jours que tu n'as pas mangé.
– Parce que si j'accepte votre nourriture, votre luxe, tout ça, dis-je en montrant la chambre, alors je dois accepter ce que vous faîtes, le mal que vous créez, et je ne ferai pas ça. Donc tu peux prendre ton plateau et le rapporter à ton Commandant, parce que je ne mangerai pas.
– C'est stupide comme raisonnement, si tu veux t'enfuir, prends ce qu'on te donne, arrache ce qu'on te refuse, tu ne peux pas espérer t'échapper de cet endroit si jamais tu ne manges pas. Et avant que tu nies vouloir t'enfuir, ça ne sert à rien, ça se voit de l'éclat dans tes yeux à la posture de ton corps que si tu le pouvais tu te jetterais par la fenêtre juste pour t'en aller. Je comprends cette envie de liberté, mais la liberté est une illusion, personne n'est libre, ni toi, ni moi, ni même le Commandant. Nous sommes tous l'esclave de quelqu'un ou quelque chose.
– Tu as quel âge pour dire des trucs déprimants et philosophiques comme ça ?
– J'ai 19 ans, mais comme tu le sais, le monde n'attend pas ta majorité pour te planter un couteau dans le dos.
Je reprends l'assiette et mange, ce qu'il a dit est vrai, autant profiter de tout ce que je peux avoir si je veux m'échapper.
– Tu ne vas pas dire au Commandant que je veux m'échapper ?
– Non
– Pourquoi ?
– Parce qu'il le sait déjà, il sait tout de toute façon.
Il y a un silence pendant lequel je mange les légumes dans mon assiette. Je me demande pourquoi c'est lui qui m'apporte mon repas, peut-être que lui aussi voulait passer du temps avec quelqu'un de son âge.
– Pourquoi c'est toi qui m'apporte mon déjeuner ?
– Parce que je voulais le faire
– Pourquoi tu voulais le faire ?
– Parce que tu m'as intrigué dans la salle principale, tu avais l'air si forte, si sûre de toi, et puis le Commandant a dit un truc et tu t'es effondrée, j'ai eu peur que tu t'écrases par terre.
– Je me serais écrasée par terre si Paul ne m'avait pas retenue.
– D'ailleurs c'est quoi le truc entre toi et Paul ?
– Il n'y a pas de truc, il est super vieux ! C'est un genre d'ami j'imagine, mais on ne se fait pas confiance donc pas totalement un ami, tu comprends ?
– Je pense que oui, pourquoi tu lui as dit de dégager quand je suis arrivé ?
– Parce qu'il m'a dit de pas te fréquenter parce que t'es le larbin du Commandant
– Il n'a pas tort
Après ça je ne dis rien, il a raison, tout ce que je lui raconte, il pourrait le rapporter au Commandant, je ne peux pas lui faire confiance, ni à lui, ni à Paul, ni à personne. Je suis toujours aussi seule que quand j'étais dans la forêt, peut-être même encore plus, au moins dans la forêt je n'avais pas l'illusion d'être entourée.
– C'est fatigant d'être sur mes gardes tout le temps, parfois j'aimerai juste pouvoir faire confiance à quelqu'un, lui avouer mes secrets sans crainte qu'il me trahisse.
– J'aimerai bien qu'on puisse me faire confiance comme ça... Tu ne sais pas à quel point c'est insupportable de savoir qu'on ne peut pas laisser les gens s'approcher parce que un jour ou l'autre on n'aura pas d'autre choix que de les perdre.
– Alors pourquoi tu le laisses te contrôler comme ça ?
Il ne répond pas et je comprend qu'il ne veut plus en parler, je sens que si je ne change pas de sujet il va partir, et pour être honnête, je ne veux pas qu'il parte, je ne veux pas être seule à nouveau, et même si ce n'est qu'une illusion, si je ne peux pas être sincère avec lui, un beau mensonge est plus agréable qu'une vérité sans goût.
– T'as d'autres choses à faire cette après-midi ?
– Non, rien d'urgent, pourquoi ?
– Parce que j'ai fini de manger et tu es toujours là, tu ne dois pas partir ?
– Est-ce que tu veux que je parte ?
– Non !... Ça fait du bien de parler à quelqu'un... Tu veux bien m'apprendre à lire ?
– Tu ne sais pas lire ?
– Non, enfin j'ai su mais j'ai tout oublié, les animaux ne sont pas de grands écrivains.
Il sourit, j'aime bien son sourire, c'est dommage qu'il ne sourit pas plus
– Eh bien pourquoi pas, de toute façon il faudra que tu saches lire pour rejoindre la Guilde.
– Qui te dit que je vais la rejoindre, peut-être que j'arriverai à m'enfuir.
– Peut-être, dit-il en souriant de nouveau, mais cette fois le sourire est triste, un peu perdu, moins beau.
Je lui souris en retour puis regarde les livres, j'attend qu'il dise quelque chose mais il reste silencieux. Après un moment je le regarde et je vois ses yeux sur moi, pensifs. Comme réalisant sa situation, il secoue la tête et se lève d'un coup, marche jusqu'à la porte et l'ouvre.
– Je viens de me rappeler que j'ai un truc à faire, je viendrai demain à la même heure et on pourra commencer les cours.
– A demain James
– Comment tu connais mon nom ?
Il n'a pas l'air agressif, juste surpris
– Paul me l'a dit
– Ah... A demain Evelyn, puis il ferme la porte derrière lui, me laissant seule avec mes pensées
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