3-Evelyn

" The tears are filling up their glasses, no expression, no expression.

Hide my head I wanna drown my sorrow, no tomorrow, no tomorrow

I find it kind of funny, I find it kind of sad

The dreams in which I'm dying are the best I've ever had"

Mad World- Jasmine Thompson

A ces mots je sens un frisson me parcourir. J'ai peur, peur de cet endroit, de ces mercenaires, ces assassins, de cette Guilde qui manifestement n'est pas très secrète puisque nous nous tenons devant un énorme château. Il doit y avoir la place pour loger confortablement plus de 500 personnes ici, et ça ne me rassure pas, je n'ai pas abandonné l'idée de m'enfuir et plus ils sont, plus ce sera compliqué.

Quand Paul me pousse pour que j'avance je me rend compte que j'observe bouche ouverte mon nouveau domicile et me remet en marche.

- Tu vas bouder longtemps ?

Il ne me répond pas.

- Moi, au moins je t'ai pas assommé donc je vois pas en quoi c'est toi qui devrais me faire la tête.

Toujours rien.

- Tu sais que j'ai super mal à la cheville depuis que tu m'as plaquée ? Je crois que tu m'as cassé un os.

Il ne dit pas un mot mais prend un morceau de tissu dans son sac et me l'enfonce dans la bouche, comme j'ai toujours les mains attachées, je ne peux rien faire. J'essaie de lui dire qu'il n'est pas drôle mais avec le bâillon c'est incompréhensible.

Quand nous pénétrons dans le bâtiment, je m'arrête de nouveau, impressionnée par la beauté du lieu. La pièce est grande, assez grande pour y mettre au moins 20 fois la charrette, avec les chevaux ! Je regarde le plafond et me rends compte que si la pièce est aussi bien éclairée c'est grâce aux centaines de bougies sur les chandeliers qui sont accrochés. Les murs sont habillés de tapisseries qui présentent des scènes diverses, mais avec en majorité des batailles. C'est magnifique et on peut voir que le propriétaire est à l'aise financièrement, j'imagine qu'être tueur à gage paie bien.

Paul me tire encore une fois.

- C'est pas ici qu'on a rendez-vous, avance.

Je veux répliquer mais le bâillon change ma réplique bien trouvée en brouhaha. L'autre se moque de moi et j'essaie de lui mettre un coup de coude, sauf qu'il l'intercepte et me tord le poignet tout en me murmurant dans l'oreille.

- Attaquer un assassin super entraîné, mauvaise idée petite.

Il me fait ensuite avancer jusqu'à ce qu'on arrive dans une autre pièce, dans celle-ci, il y a un trône au bout, sinon elle ressemble beaucoup à l'autre, même si elle est un peu plus petite. Sur le trône que j'ai mentionné plus tôt, il y a un homme, qui a l'air d'avoir trente cinq, quarante ans, j'ai l'impression qu'il s'ennuie ferme pendant qu'une femme lui parle depuis la petite estrade devant lui, mais, quand il me voit, il se redresse d'un coup, se lève, et vient me voir à grandes enjambées. Je suis morte de peur mais j'essaie de ne rien laisser paraître, s'il sait que j'ai peur il l'utilisera contre moi, alors je tente d'imiter du mieux que je peux l'expression de tous les gens dans la salle, un garçon, qui a l'air un peu plus vieux que moi, mais définitivement plus jeune que les autres me regarde avec des yeux intrigués, comme s'il essayait de me lire. Il est plutôt beau, avec des petites boucles noires qui lui retombe sur le front, après je suis un peu loin, mon impression pourrait être erronée, mais je m'égare, revenons sur le monsieur très effrayant qui se rapproche de moi à une vitesse folle. Je réprime un mouvement de recul et me tiens droite, menton levé, le regardant dans les yeux, même s'il doit faire vingt centimètres de plus que moi et qu'il pourrait me casser en deux en claquant des doigts, mais je vais éviter de penser à ça ou ça va se voir que je suis terrifiée.

- Evelyn je présume.

Je ne réponds rien, pas par manque d'envie mais parce que Paul n'a toujours pas enlevé le bâillon qu'il m'a mis dans la bouche. L'homme le regarde et il se reprend, me libérant du bout de tissu.

- Merci, vous devriez lui apprendre la politesse.

- Elle a essayé de s'enfuir Commandant, c'est pour ça que j'ai dû l'attacher.

Quand il le dit, sa voix est froide, vide d'émotions, comme si on n'avait jamais passé plusieurs heures à rire ensemble.

- Oui et bien, Commandant, c'est lui qui a commencé quand il m'a assommé.

- Ce que j'ai fait parce qu'elle refusait de venir.

- Oui parce que ta proposition avait l'air nulle, et maintenant que je suis là, je peux dire que ce n'était pas qu'une impression.

- Elle parle toujours autant ?

- A votre avis, pourquoi je l'ai bâillonnée ?

Ils sont en train de se parler comme si je n'étais pas là, le Commandant demande comment était le voyage et Paul lui raconte tout, comme s'il ne m'avait pas enlevé et qu'on était juste parti faire une balade ensemble. Je me racle la gorge parce que j'aime bien faire partie des conversations qui me concernent.

- Ah oui c'est vrai, Evelyn, notre petite rebelle. Pourquoi ne veux-tu pas accepter notre proposition ?

Il a l'air honnêtement troublé que je refuse.

- Je ne sais pas si vous le savez, mais j'ai un mauvais passif avec les humains, raison pour laquelle je vis toute seule. Je sais parler, vous ne pensez pas que si j'avais voulu vivre en communauté je serais aller emménager dans le village à côté de la forêt ?

- Mais nous ne sommes pas comme les autres, nous sommes des exclus comme toi, tous ici nous avons fait quelque chose qui nous a valu d'être exilé, condamné à mort, battu et jeté dans un fossé. Tu n'es pas différente. Tu es comme nous, le plus vite tu l'accepteras, le plus vite tu pourras commencer à t'épanouir ici.

- Et donc vous enlevez toutes vos recrues ?

- Non, à vrai dire tu es la première, d'habitude les gens acceptent. Ils savent que nous sommes leur seule chance d'avoir une vie à peu près normale. Les autres ne pardonnent pas si facilement le meurtre.

- Je n'ai jamais tué personne !

- Va dire ça devant la tombe de ton beau-père.

Quand il prononce ces mots, je sens quelque chose en moi se briser. Cela fait 10 ans que j'essaie d'oublier cette journée et il vient de me replonger dedans. Je me noie dans mes souvenirs.

- Non, non, non...

- Ton père est mort alors que tu n'étais encore qu'un bébé, ta mère s'est remarié avec un homme alors que tu avais huit ans, mais le jour de tes dix ans...

- TAISEZ-VOUS ! Vous ne savez pas, vous ne savez rien...

- Tu l'as tué Evelyn ! Et ton village t'as exilé en conséquence.

- Il a essayé de me violer ! Je lui ai dit d'arrêter, de me lâcher, que je ne voulais pas, mais il n'écoutait pas, il ne voulait pas m'écouter, personne ne voulait m'écouter.

Je suis en larmes, toutes traces de ma façade effacées. Je tente de reprendre mon calme sans succès. Je sens la main de Paul derrière moi qui m'empêche de m'écrouler. Comme s'il me disait d'être forte. Son geste me réconforte un peu mais ça ne suffit pas.

- Commandant

- Tais-toi Paul, ou sors.

Il se tait, pourquoi se taisent-ils toujours. Pourquoi personne ne me défend jamais ?

- Et qu'as tu fait Evelyn ? Dis-le !

- Il y avait un couteau sur la table, je l'ai pris et je l'ai planté, je n'ai même pas vu où, je ne voulais pas le tuer, juste qu'il me lâche !

- Et tu l'as tué.

- C'était un monstre.

- Mais personne ne t'a cru, ton beau-père était apprécié, ils t'ont traité de menteuse, d'aguicheuse.

- C'est faux ! C'est faux ! Je ne voulais pas, je ne voulais pas.

Je m'affaisse mais la main de Paul me soutient toujours. Ma vue est brouillée par les larmes.

- Je te crois Evelyn, tout le monde te croit. Parce que nous avons tous vécu quelque chose de similaire. Le monde est rempli d'hypocrites pourris jusqu'à la moelle, pourquoi devrions-nous supporter leur colère sans rien faire alors qu'eux vivent heureux sans rien subir ?

- Je veux juste rentrer chez moi.

- Ce n'est pas en fuyant tes problèmes que tu seras heureuse.

- Ah oui parce que ça rend heureux d'être mercenaire ?

- Nan, mais ça nous donne une famille, des gens sur qui compter.

- Je ne veux pas faire de mal aux gens.

- Même si eux t'en font.

- Oui, parce que si je rends leurs coups, alors je deviens comme eux, et je ne veux pas devenir comme eux.

- Tu verras, tu changeras d'avis avec le temps. Pour l'instant, tu vas juste devoir faire avec. Paul ?

- Oui Commandant

- Amène la à une chambre et poste un garde devant.

- Ça marche.

Et sur ces mots Paul m'emporte dans un couloir aussi sombre que mon avenir. 

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