Chapitre 9 : Début des festivités
Le voyage entre Eblington et l'Académie pouvait facilement être réalisé à cheval. À pied, c'était une toute autre histoire, il y en avait bien pour au moins un jour.
Contrairement aux nouveaux Paladins, Shauna n'avait pas encore reçu son destrier. Un choix s'offrait donc à elle : aller à pied et arriver trop tard ou voler la monture de quelqu'un d'autre. C'était bien entendu un faux choix et elle n'hésita pas à « emprunter » la monture de Kevin. Le cheval avait été habitué à sa présence lors de la mission à Aldane et elle était persuadée que Kevin aurait accepté de lui rendre ce service. De toute manière, il ne remarquerait sûrement même pas son absence.
Sa tête cachée par la capuche de sa cape, elle installa une selle sur le dos du cheval et grimpa dessus pour quitter rapidement les écuries en direction de la grande Voie.
Suite à la construction du Conseil, de grandes infrastructures furent construites dans le but de sécuriser les échanges et ce même au sein des pays neutres s'ils acceptaient l'offre. Cet amas de chemins sécurisés qui reliaient l'Académie à Frey en passant par Ethias, le grand port d'Hatraria et bien entendu Eblington fut ainsi nommait la grande Voie. Dans la situation de Shauna, cette infrastructure était un avantage certain puisqu'il allait lui permettre de rapidement rallier Eblington et surtout de ne pas se perdre.
Sans réfléchir davantage elle lança sa monture à vive allure et s'élança sur les prémices du chemin. Elle dut galoper quelques heures, bien qu'elle eut l'impression que le voyage se fit en seulement quelques secondes.
Au détour d'une plaine légèrement ascendante, la jeune fille finit par apercevoir les toits des foyers d'Eblington. Elle avait beau ne pas être revenue dans cette ville depuis longtemps, elle reconnue sans peine la grande allée qui semblait littéralement séparer la ville en deux avec à son bout une immense construction, sûrement destinée à accueillir le tournoi.
Cela devait faire depuis le début de l'examen qu'elle n'avait pas mis les pieds dans cette ville. Il n'y avait qu'à l'Académie qu'on pensait qu'elle ne prévoyait pas régulièrement des escapades dans ces lieux.
Shauna soupira à cette pensée. Elle n'aimait pas cet endroit et ne trouvait aucun plaisir à y retourner. Et pourtant, il était inimaginable de pouvoir faire autrement. Elle ne pouvait tout simplement pas oublier la ville où elle aurait dû vivre les derniers instants de sa courte vie et mourir dans l'indifférence la plus totale. Pourtant, cela n'avait pas été le cas et le seul tribut qu'elle avait eu à payer fut la mémoire de cette souffrance passée, de ce passé à voler pour espérer manger ou se réchauffer. Le prix n'avait pas été élevé, mais pourtant, peu d'orphelins avaient eu l'occasion de le payer.
Elle ne comprenait pas pourquoi Garth ne continuait pas de recueillir des orphelins, il l'avait fait pour elle, et même pour Isaak. Peut-être était-ce parce qu'il avait était déçu ? Après tout, elle et Isaak n'étaient pas connus pour leur travail acharné durant la formation de Paladin.
Shauna continuait de penser que ce n'était pas une raison valable pour laisser de jeunes enfants innocents mourir de froid ou de faim.
La ville était bien évidemment animée, bruyante et regorgeait de monde. Cette affluence étant bien évidemment due à la présence du tournoi du cycle. Pourtant, cet événement n'avait rien effacé des défauts de la capitale. L'odeur était toujours aussi nauséabonde, les mendiants toujours aussi présents, et le tournoi ne semblait même pas leur permettre de gagner plus de sous que d'habitude.
Son regard, divaguant parmi la foule, analysant les nombreux visages des visiteurs ou des habitants d'Oscia, la jeune fille finit par remarquer quelques ombres cachées dans de profondes ruelles de la capitale. Elle comprit rapidement la situation.
Ils étaient en chasse.
Au fur et à mesure de ses visites à Oscia, les bras chargés de victuailles volées au réfectoire de l'Académie, elle avait pu observer le mode de vie et de fonctionnement des orphelins d'Oscia. Cachés dans l'ombre, ils se déplaçaient en groupe, profitant des mouvements de foule ou escaladaient des balcons afin de prendre de la hauteur et guetter sans être vu des commerçants.
— Des pisteurs ! Des pisteurs !
Une voix venait de crier ces mots et à leur entente les divers commerçants furent prit d'un élan d'hystérie. Les pisteurs étaient des négociants d'Hatraria spécialisé dans la recherche de denrées rares et de qualités. Ils parcouraient la totalité du Continent voir même voyageaient au-delà des Étendue salées dans le but de tomber sur la perle rare qu'ils vendraient à prix d'or. Leur venue représentait ainsi une occasion en or pour les pauvres commerçants d'Eblington.
Dans le mouvement de foule une dizaine de forme plus petites et rachitiques se jeta sur les roulottes des marchands laissées sans surveillance, et entreprit de voler le plus de denrées possibles. Un jeune garçon encore plus petit et rachitique que les autres tentaient vainement de s'emparer de quelques pommes qui se contentèrent de tomber et de rouler au sol. L'une d'elles, prit d'un élan inhabituel, alla jusqu'à rouler au pied d'un marchant qui se retourna par curiosité et remarqua les voleurs.
Démasqués, ces derniers prirent la fuite. Le jeune garçon qui avait fait échouer l'entreprise tenta de les suivre, mais se prit les pieds dans une des roues de la charrette et tomba au sol. Le marchand en profita pour s'emparer férocement du bras de l'enfant, et le secoua violemment. Le jeune garçon était sale, et ses vêtements n'étaient que des haillons.
— Je ne le referais plus ! Je vous le promets ! suppliait l'orphelin dans l'espoir que l'homme le lâche.
Pourtant, à l'entente de cette demande, la poigne du marchand ne fit que se resserrer.
— Sale petit parasite ! Je vais t'apprendre à voler !
— Lâchez-le !
Shauna n'avait pu s'empêcher d'intervenir. Il le fallait et elle ne pouvait faire autrement. Bien que les souvenirs lui manquent, le reflet de son visage plus jeune prit la place du pauvre garçon dans son esprit et le sauver était dorénavant une façon de se sauver elle.
— Qu'est-ce que tu veux, toi ? De quoi je me mêle, rugit alors le marchand, n'appréciant guère son intervention.
— Vous n'avez pas à le traiter comme ça !
— Ce sale vaurien a voulu me voler une pomme !
— Il vous a rien volé du tout ! Ce fruit, je le lui paye !
Elle accompagna ses paroles d'un rapide geste afin de se saisir de sa bourse d'où elle sortit quelques pièces d'argent.
D'abord surpris de l'attitude de la jeune fille, le marchand toujours agrippé au bras du pauvre garçon ne prit pas beaucoup de temps à se ressaisir et à s'emparer rapidement des pièces que lui proposait le paladin de peur sûrement qu'elles disparaissent.
Le regard appuyé de Shauna l'obligea a finalement lâcha sa prise ce qu'il fit en maugréant bruyamment.
— C'est la dernière fois que je te prends à me voler ! Je ne veux plus te voir ou sinon je te casse le bras !
Sans plus attendre, le marchand repartit vers son établi. Shauna se tourna finalement vers l'orphelin. Ce dernier lui fit un signe de la tête comme pour la remercier, puis s'en alla en courant avec la pomme. La jeune fille le regarda partir, et le vit rejoindre son groupe caché dans la ruelle et visiblement heureux de le retrouver.
La jeune fille ne put s'empêcher d'être triste en observant cette scène. Cet enfant n'aurait probablement pas la chance qu'elle avait eue durant l'hiver de ses sept ans. Non, personne n'irait la sauver et à sortir de l'extrême pauvreté. Non, personne n'irait le sauver. Oui, il finirait sûrement par mourir de froid ou de faim. Après toutes ces années, personne ne faisait rien pour ces gamins qui finiraient par mourir au fond d'un caniveau. Personne n'agissait pour ses femmes, qui devaient jusqu'à vendre leur corps afin de pouvoir nourrir leurs nourrissons. Personne n'aidait ces hommes et ces vieillards qui mendiaient toute la journée, et devenaient en fin de soirée la cible favorite des soldats ivres sortant des tavernes. Sans avoir commis le moindre crime, ces gens étaient pourtant condamnés, ignorés ou méprisés de tous. Ceci ne semblait déranger personnes, pas même les dieux.
Elle se saisit des rênes de sa monture et reprit lentement la route dépitée par ses pensées peu réjouissantes et ce sentiment plus fort que jamais de ne pas avoir mérité son sort de rescapée.
Rapidement, elle arriva à une écurie. Le prix était tout bonnement exorbitant et avec la pomme qu'elle venait d'acheter sûrement au prix d'une charrette de ce fruit, elle n'avait plus suffisamment d'argent. Rebroussant chemin, elle se hâta d'attacher sa monture à une barrière qui bordait la capitale en espérant ne pas se faire voler. Ceci fait, Shauna pu retourner à l'entrée et payer simplement son entrée au tournoi.
Continuant d'arpenter la rue principale, Shauna arriva finalement à l'arène, entourée par l'impressionnante foule. Désormais, l'orpheline devait localiser ce fameux Edrick. Étant donné, qu'il était l'un des combattants, il devait certainement se trouver là où les participants du tournoi se préparaient. Elle se rendit dans un camp construit juste à côté de l'arène qui était réservé aux participants. En s'approchant, elle crut y apercevoir une silhouette familière, un jeune homme dont les cheveux étaient attachés en queue-de-cheval. Oui, il s'agissait bien d'Isaak.
Se cachant derrière une pancarte croisée en chemin, elle jura pour elle-même. Mais qu'est-ce qu'ils faisaient ici ? pensa-t-elle. Pourquoi tout devait être aussi compliqué à chaque fois ? De plus, Isaak n'avait pas la carrure d'un combattant et c'était un poltron de première. Que pouvait avoir un tournoi d'attrayant pour lui ?
Alors qu'elle tenta de se subtiliser à la vue de son camarade adoptant un dos voûté et des pas légers, elle s'éloigna doucement et tenta de contourner l'entrée. Cependant, son attitude similaire à celui d'un voleur, au lieu de la rendre invisible, attira l'attention d'un vendeur.
— Va voler ailleurs !
— Quoi ? Non, je veux simplement..., protesta Shauna avant d'être coupée.
— Je t'ai dit de dégager, gamin !
— Elle est avec moi.
Un homme venait d'intervenir. Shauna reconnu immédiatement le jeune visage de Dhanu qui lui posa une main chaleureuse sur l'épaule. Le garde s'inclina alors immédiatement pour s'excuser.
— Pardonnez-moi, Seigneur Rey, j'ignorai que ce garçon était avec vous.
— Ce... quoi ?! Je suis une fille ! protesta Shauna, vexée, bien qu'en effet, elle devait l'admettre, sa cape et ses vêtements trop grand pouvait provoquer cette confusion.
— On m'a dit de vous voir pour que vous m'indiquiez ma place, continua Dhanu, sans faire attention à l'erreur du commerçant.
— Bien sûr, mon Seigneur, une tribune vous a été spécialement réservée. Si vous voulez bien me suivre.
S'inclinant de nouveau, l'homme ouvrit la marche et commença à conduire Dhanu à la place qui lui était réservée. Ce dernier fit un signe à Shauna, lui indiquant de le suivre, ce qu'elle fit après avoir jeté un œil en direction d'Isaak qui semblait être parti.
Ils traversèrent de nombreuses estrades, tandis qu'un homme dans l'arène scandait les noms des prochains combattants. Dhanu s'arrêtait à chaque parieur qu'il croisait, et offrait des sommes astronomiques toujours sur ce fameux Edrick, dont la foule criait à présent le nom. Enfin, la garde s'arrêta sous une tribune en dehors de la foule, et disposa des fauteuils luxueux par rapport au reste des spectateurs qui ne disposaient que de bancs. De plus, elle semblait bénéficier d'une vue parfaite pour observer les combats. Il y avait même une petite table contenant des vivres et de quoi boire. Le marchand s'inclina une dernière fois devant Dhanu, qui le remercia puis se tourna vers la jeune fille.
— Assieds-toi, nous avons la meilleure vue ! lui dit-il innocemment avec son éternel sourire.
Shauna retira alors sa capuche, ne comprenant pas du tout ce qu'ils faisaient là.
— Que... pourquoi il vous a appelé autrement ? Pourquoi il nous a emmenés ici ?
—J'ai emprunté le nom d'un ami, répondit Dhanu comme si la réponse était évidente.
— Il a de sacrés privilèges votre ami ! Et... il est d'accord ?
— Il ne m'a pas dit non, maintenant assieds-toi et profite.
Shauna s'exécuta, quelque peu gênée de ce luxe dont elle disposait. Elle ignorait qui était ce « Rey » dont Dhanu avait emprunté l'identité, mais il devait être une personnalité importante. Dhanu lui tendit alors le bol de raisins pour que Shauna se serve puis lui désigna du doigt l'homme à la chevelure blonde foncée qui se pavanait devant la foule.
— C'est lui Edrick. Je lui ai parlé et il est d'accord pour t'entraîner.
— Lui ? grimaça l'orpheline. Il a l'air vachement arrogant votre Edrick quand même.
— Il est peut-être un peu trop fière, c'est vrai, ria Dhanu. Mais c'est un bon garçon, tu verras.
Shauna regarda intriguée Dhanu quelques instant puis ramena son regard auprès de l'homme qui occupait à présent toutes ses pensées. Un bon garçon, hein ? se dit-elle intérieurement. Elle espérait surtout qu'il sera un mentor à la hauteur.
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