Chapitre 6 : Discussion

Après avoir donné le plat de fruits à Kevin et l'avoir forcé à prendre la direction de la salle d'entraînement, Eirin se perdit dans ses pensées, le regard fixé sur la porte de l'entrée du réfectoire.

Elle n'osait pas bouger.

Souhaitant éviter d'avantage de discussions qu'elle ne pouvait le supporter aujourd'hui, elle avait tenté d'éviter le maximum de personnes en arpentant uniquement l'aile des apprentis. Elle s'était pourtant laissé avoir par... son empathie et avait tenté d'apporter son aide à Shauna. Eirin grogna doucement :

— Voila où ça amène "l'empathie".

— Hum hum, fit une voix masculine dans son dos.

Eirin ferma les yeux. Entrer dans la salle où elle n'aura jamais dû se trouver pour éviter toutes situations délicates n'était décidément pas la meilleure décision qu'elle ait prise.

— Eirin...

Une main fit soudainement des allés et venus devant son visage.

— Quoi ? se plaignit-elle en se retournant pour faire face à Ethan finissant tranquillement une pomme.

— Ah dieu merci ! Ton âme n'a finalement pas quittée ton corps ! rigola-t-il doucement tentant sûrement d'alléger l'atmosphère. Apparemment tu n'es pas pas sourde...

— Non ! c'est juste qu'elle ne veut pas t'écouter, rajouta d'un ton ironique Kristoff qui venait de sortir du réfectoire et qui saisit Ethan pour lui frotter violemment le haut du crâne avec son coude.

Lyze se jeta sur Kristoff tentant vainement avec le peu de force qu'elle disposait de lui faire lâcher prise tout en regardant désespérée Eirin.

— Je... je suis désolée ! On va partir immédiatement ! Oui, c'est ça ? On va partir avec Kristoff et vous laisser tranquille !

Kristoff lâcha Ethan et se laissa entraîner par Lyze regardant Ethan et levant fièrement un pouce en l'air.

— Bon je vous laisse hein ! Malheureusement, je ne peux lutter contre la puissance dévastatrice de ma kidnappeuse.

— Rhaa Kristoff ferme-la un peu, souligna Maï qui s'était levée de table et rejoignait à présent le groupe suivie d'Isaak. On va pas critiquer Lyze quand même ?

Elle décala une mèche de sa longue chevelure blanche et dévoila un sourire que beaucoup auraient décris comme démoniaque.

— Son âme est tellement gentille et pure. Je pourrais faire tellement de rituels avec cette âme...

— Non, mais ça va pas ? cria Isaak. Tu m'étonnes que tu passes pour une mage de sang dans cette Académie !

— Mage de sang ? Redis ça pour voir ?

— Mage de sang ! Vas-y je t'attends !

Une aura lourde sembla émaner de Maï et quelques mèches de sa chevelure commencèrent à s'élever comme libérées de toute gravité.

— C'est bon ! J'abandonne ! T'as gagné ! supplia Isaak n'ayant visiblement pas mesuré l'étendue de sa provocation.

— Superbe ! Allons-y alors ! chantonna Maï changeant totalement et brutalement d'humeur.

Elle se tourna vers Isaak et lui chuchota doucement :

— La prochaine fois que tu dis une telle chose, Isaak, ce seront tes dernières paroles.

Isaak regarda Maï s'éloigner accompagnée de Kristoff et de Lize. Il se retourna vers Ethan et Eirin qui s'étaient contentés d'observer silencieusement la scène.

— Si on me retrouve mort, c'était un assassina. Eh ! Mais attendez-moi !

Le tumulte de leur voix s'éteignit peu à peu dans le réfectoire à mesure qu'ils s'en éloignaient, laissant seuls et face-à-face Ethan et Eirin.

— Bon... commença ce dernier, si t'es ni sourde ni muette, tu veux bien me parler ? Je te cache pas que c'est légèrement gênant comme situation.

Eirin, qui fixait littéralement ses pieds, leva doucement ses yeux en direction de ceux d'Ethan.

— Je... commença-t-elle en bredouillant. Je... ne suis pas habituée à me... trouver dans ce genre de situation.

Ethan fonça légèrement les sourcils.

— Cette situation ?

Il fit mine de réfléchir un court instant. 

— Ah, tu veux parler de cette fois où tu m'as parlé avec sincérité ? C'est sûr que tu ne dois pas faire ça souvent, je comprends que ça t'ai secouée.

Eirin rougit violemment et ne tarda pas à répliquer en criant :

— Espèce d'idiot !

— Non mais attends, tu... t'es vraiment gênée ? ria Ethan de bon cœur. C'est pour ça que tu joues à cache cache depuis tout à l'heure ?

Il soupira semblant soulagé de la tournure que prenait la situation.

— Moi qui croyais que t'étais juste revenue sur tes paroles illuminée par la "sagesse" de la noblesse !

— Eh bien peut-être que c'est ce qui s'est passé en effet !

— Je te crois pas. Tu joues très mal la comédie, Eirin.

— N'importe quoi, j'aurais fait une incroyable comédienne.

— Comédienne sur la grande scène d'Hatraria, tu peux oublier. C'est pour toi que je dis ça.

Eirin tapa du pied au sol.

— Rhaa, tu m'énerves !

— Toi aussi tu m'énerves, répondit le jeune homme. Tu sais ce qui est bien avec toi, c'est que tu es bien trop fière pour jouer avec les autres et tu ne sais pas manipuler. Bon ! On peut reprendre comme avant sans les étranglements et les menaces de mort ? Je dois retrouver les autres, on voudrait s'entraîner pour la prochaine mission ! Tu veux venir ?

Eirin allait répondre quand une voix grave s'éleva dans le réfectoire.

— Mademoiselle Freymir !

Maître Panel s'avançait à grandes enjambées vers elle l'air toujours aussi grave. Sans doute, n'avait-il jamais été capable d'éprouver la moindre joie.

— Oui, Maître ?

— Le directeur souhaite vous voir dans son bureau, veuillez me suivre.

Eirin lança un regard à Ethan et ce dernier lui répondit d'un sourire :

— Bon ce sera la prochaine fois !

À ces mots, il quitta le réfectoire, laissant Eirin seul avec son ancien professeur.

— Bien allons-y, finit-elle par lui annoncer.

— Dépechons-nous, j'ai un cours de soutien à reprendre, soupira Maître Panel d'un ton las.

Acquiesçant à cette remarque, elle le suivit d'un pas mécanique avec pour seule compagnie le bruit de leurs lourds pas sur les grandes dalles qui ornaient le corridor. Alors qu'ils approchaient de la grande porte donnant sur le bureau de Maître Garth des éclats de voix se firent entendre.

— Gazacus a été attaquée ! On ne parle plus d'une simple forêt isolée ou d'un continent inhabitable, mais de la capitale de Tredan ! C'est de centaines de morts dont il est question !

— C'est la première fois que les Gaadrimas envahissent les villes ! Avant, les attaques se déroulaient seulement dans les campagnes.

— L'armée du Conseil était déjà présente quand nous sommes arrivés, elle avait des difficultés à les repousser.

La conversation qui semblait terriblement animée s'interrompue dès que le poing de Maître Panel s'abattit à trois reprises sur l'un des tenants de la porte. Une voix ferme et forte finit par se faire entendre :

— Entrez.

À l'intérieur, Eirin découvrit la présence de plusieurs Paladins. Garth, assit sur son bureau mains serrées, les écoutait attentivement. En voyant, Maître Panel et la jeune paladin entrer, il fit cesser la conversation.

— Paladins, consignez tout ce que vous avez vu dans vos rapports, j'étudierai tout ça avec précaution. Dites à l'autre équipe de rester encore sur place. Reposez-vous avant de repartir pour demain. Tredan risque prochainement d'être de nouveau attaqué.

Les Paladins acquiescèrent et tous sortirent du bureau après avoir salué le directeur. Maître Panel s'adressa à celui-ci une fois qu'ils furent tous sortis.

— Heureusement que le sage Theron a accepté l'aide du Conseil, bien que leurs... coutumes soient loin de faire l'unanimité. Grâce à cela, l'armée a pu repousser les Gaadrimas jusqu'à l'arrivée de nos renforts.

— Je vous remercie d'avoir accompagné Mademoiselle Freymir jusque ici, Maître Panel, lui dit alors Maître Garth, semblant ignorer ce que venait de dire le professeur juste avant. Vous pouvez disposer...

— Bien monsieur le directeur, annonça bassement Panel en sortant de la salle et en refermant la lourde porte du bureau du directeur de l'Académie

— C'est encore les Gaadrimas ? Comme la créature qui nous a attaqué dans la forêt ? D'où viennent ces créatures, Monsieur ? J'ai beau avoir parcouru de nombreux bestiaires dans ma jeunesse et durant ma formation au sein même de votre établissement, je n'ai jamais entendu parlé de telles créatures.

Garth souffla de lassitude.

— Je vous pris de poser moins de questions, Mademoiselle Freymïr.

— Avec tout mon respect, coupa Eirin. Cette menace à l'air bien plus importante que ce que vous nous avez laisser croire à la fin de l'examen en parlant de "menace contrôlée".

Garth se leva de son siège, surplombant de sa grande taille Eirin qui ne baissa pourtant pas le regard, bien déterminée à obtenir des réponses.

— Eirin... les Gaadrimas sont apparus depuis maintenant quelques cycles. Nous ne savons pas pourquoi, peut être un mage particulièrement puissant et malveillant les a crée... Tout ce que nous savons, c'est qu'ils attaquaient les différentes forêts et campagnes sur tout le continent, et même au-delà des mers. Mais à présent, ces créatures semblent également attaquer les villes.

Eirin s'assit sur l'un des sièges posés devant le bureau réfléchissant du mieux que son esprit fatigué pouvait lui permettre. Un mal de tête commençait sérieusement à prendre de l'ampleur lui provoquant une longue et latente douleur. Les Gaadrimas... Elle se souvenait de la difficulté voir de l'impossibilité de combattre cette créature. Ils y étaient parvenus uniquement grâce à l'intervention rarissime des Dryades et... grâce à la mystérieuse protection de Shauna.

— Maître, et s'il était possible de développer les mêmes capacités que Shauna quant à l'effet de leurs brûlures ? Le combat deviendrait plus équitable !

— Non. C'est impossible.

— Mais monsieur le directeur ! Il s'agit d'une compétence magique à n'en point douter ! Or toutes compétences si elle ne sont pas héréditaires ou élémentaires peuvent se transmettre ! Je sais que vous souhaitez cacher cette compétence aux yeux des autres, mais il s'agit là peut être de notre salut face à cette menace !

— Je t'ai dis que c'était impossible ! haussa soudainement le ton Garth. Cette discussion est close et n'aurait même jamais dû être abordée.

Eirin se tue, surprise par la réaction excessive de son directeur. Cependant, si sa voix s'était éteinte, son esprit, lui, réfléchissait à présent à toute vitesse. La réaction du maître cachait quelque chose pour qu'il se prive d'un atout aussi important face à des créatures apparemment de plus en plus puissantes. Que pouvait empêcher l'utilisation d'un pouvoir si utile en ces temps de calamité. La seule raison qui pouvait pousser Maître Garth à refuser sa proposition était de cacher le pouvoir de Shauna. Cacher parce que ce pouvoir était mal vu ? Trop puissant ? 

Toujours muette, la jeune fille pensait à toute vitesse : une capacité à supporter les brûlures, des traces noires jonchant les murs au château d'Aldane suite à son combat contre Doeron. Sa victoire contre le bras droit du roi alors que tout indiquait son échec sur le plan physique comme stratégique. Oui, un pouvoir étrange sommeillait en sa camarade. 

La freyenne releva la tête et croisa furtivement le regard du directeur, une lueur d'illumination traversant ses deux iris. 

Une pyromancienne. 

Une pyromancienne était capable de tels exploits. Si cela se savait La Grande Université demanderait immédiatement son exécution. Maître Garth était donc prêt à sacrifier toute une population uniquement pour sauver une vie. Uniquement pour sauver Shauna. 

Inconcevable. 

Aucune vie, aucun être aussi gentil et innocent ne méritait qu'on sacrifie un pays entier pour lui. Shauna elle-même ne voudrait pas cela. 

Garth retourna son regard  et s'éloigna du bureau en quête d'un objet dans l'une de ses armoires coupant ainsi leur échange silencieux. 

Elle ne dirait rien, pensa sa jeune élève. Elle ne devait rien dire. N'avant même aucune preuve, elle garderait le silence pour l'instant. Car il ne s'agissait plus uniquement de sa vie, mais de la survis de tous.

— Veuillez m'excuser, Maître. Je... je suis inquiète quant à cette nouvelle menace..., décida-t-elle finalement de répondre.

— Ce n'est pas encore ton rôle. Tu es encore trop jeune en tant que Paladin pour faire face à ce problème. Continue de grandir et de t'améliorer et alors tu pourras combattre et te préoccuper de ces problèmes sans que ton jugement subjectif n'obscurcisse ton esprit.

À ces mots, le directeur s'empara d'une longue lance et la tendit vers Eirin.

— Tiens, elle est à toi.

La jeune fille regarda la lance. Cette dernière était longue et fine. Faite majoritairement d'acier, elle semblait extrêmement solide. Une fine ligne d'or la traversait de toute part pour former sur la pointe composée d'argent une sorte de forme triangulaire. Sa solidité n'avait d'égal de sa beauté et Eirin ne pouvait à présent que l'admirer.

— À moi ? mais...

— Dhanu, à appris que ta lance avait été cassée lors d'un affrontement à Aldane et a tenu à te faire ce cadeau qu'il a récupéré lors d'un voyage. Cette lance est souple et légère et saura remplacer ton ancienne arme.

— Je ne peux pas accepter.

— Un cadeau ne s'accepte pas, il est reçu avec respect et reconnaissance, annonça Garth d'une voix basse.

— Bien Maître, je vous en suis infiniment reconnaissante.

— Essaye-la.

Eirin s'empara de la lance, recula de quelques pas et fit plusieurs cercles avec son arme nouvellement acquise. Elle était tout bonnement incroyable et tellement légère ! Elle avait presque l'impression que la lance ne faisait plus qu'un avec elle telle l'extension de son propre corps. Elle se demanda où Ser Dhanu avait bien pu se procurer un tel chef-d'oeuvre d'artisanat.

Eirin se figea la lance dans ses deux mains et lança un regard emplie de reconnaissance à son directeur.

— Elle est incroyable, souffla-t-elle, merci Maître.

— Tu pourras remercier Dhanu plus tard quand il reviendra... le plus tard possible, j'espère, finit-il presque en chuchotant.

Il se redirigea vers son bureau et s'assit dans son large fauteuil.

— Tu peux disposer.

— Merci encore, Monsieur, dit Eirin en ouvrant la porte pour sortir du bureau, heureuse d'avoir récupéré une arme et pas n'importe laquelle. Emplie de joie et d'excitation quant au cadeau qu'elle venait de recevoir, elle oublia un court instant toutes les histoires dans lesquelles elle était empêtrée et pris la direction de la salle d'entraînement pour tester sa nouvelle arme, son mal de tête ayant totalement disparu.


***

Bonjour à tous, petit problème pour uploader le gif cette fois-ci. Wattpad fait encore des siennes. Je le mettrais donc plus tard.

Un autre chapitre comme promis ! J'espère que l'histoire continue de vous plaire. Bientôt nos paladins vont sortir de l'Académie. Profitez du calme tant que vous le pouvez encore.

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