Chapitre 17 : Sur le départ
Leurs affaires récupérées et réunies dans de solides sacs, les Paladins se dirigèrent rapidement vers les écuries dans lesquelles ils trouvèrent leur cheval.
Eirin se dirigea vers le fond de l'écurie et se saisit d'une lourde selle afin de sceller sa monture. Une fois l'arceau serré, elle caressa doucement l'encolure de son destrier. Assurée du calme de la bête, elle mit son pied dans l'étrier, prit son élan et s'installa.
— Prêtes à partir ? annonça rapidement Ethan, flattant le flanc de son cheval.
— Oui, tout le monde est en selle, on peut partir, répondit Eirin. Attendez, elle est où Maï ?
— Ici ! cria l'intéressée juchée sur sa monture à quelques mètres qui broutait tranquillement et ne semblait nullement se préoccuper de sa cavalière.
— Mais Maï, pourquoi tu ne tires pas sur les rênes ? demanda Lyze.
— Mais regardez-le ! Je ne peux pas faire ça, il est tranquille et use de son droit de se nourrir !
Eirin se rapprocha au trot de Maï.
— Tires sur les rênes, tu as entendu le directeur, on ne doit pas arriver tard à Tredan.
Maï grommela et obéit finalement, obligeant ainsi sa monture à suivre le groupe.
— C'est tout bonnement de la maltraitance animale.
— Je ne peux que de soutenir Maï, mais on doit vraiment y aller, souffla Lyze.
— Si c'est toi qui le demande, chef.
— Vous n'avez pas besoin de m'appeler comme ça !
— Bien chef, dirent en cœur Maï et Ethan, causant un sourire difficilement retenu par Eirin.
Le groupe se dirigea rapidement vers la forêt. Le cheval d'Ethan ouvrait le convoi suivi de celui de Lyze qui traînait derrière lui la petite caravane remplie d'herbes et d'ingrédients puis de Maï et enfin d'Eirin qui fermait le groupe.
Une fois arrivés devant la forêt, ils s'immobilisèrent. L'entrée du lieu sylvestre qu'ils avaient emprunté le jour même de leur deuxième épreuve n'était plus là. Une rangée d'arbres serrés et entourés de profondes racines bloquait le chemin et empêchait toutes intrusions et encore plus le passage d'un convoi.
Lyze mit un pied-à-terre et s'approcha d'un des arbres.
— Maître Garth m'a dit que le passage s'ouvrirait à cet endroit.
Elle posa une main sur l'un des troncs et soudainement, la terre se mit à trembler. Les chevaux commencèrent à paniquer et les Paladins tentèrent de les maintenir calmes. Eirin se rapprocha de la monture de Lyze et se saisit de ses rênes pour l'empêcher de s'enfuir au galop.
Les arbres commencèrent à se décaler et à se courber laissant progressivement apparaître un passage d'une taille presque pensée pour le convoi.
Lyze remonta sur sa monture et se tourna vers le reste du groupe :
— Bien ! Ne perdons pas plus de temps et allons-y avant qu'elle ne change d'avis.
Le convoi s'ébranla et le groupe s'avança dans les profondeurs de la forêt.
Seul le bruit des sabots des chevaux animait la progression du groupe qui restait sur ses gardes. Malgré l'autorisation de la maîtresse des lieux et son allégeance à l'Académie, les Paladins se souvenaient de leur épreuve et ne pouvaient s'empêcher de rester tendus.
Des bruits de feuillage et des pas pressées parvenaient ponctuellement aux oreilles d'Eirin qui regarda autour d'elle aux aguets.
— Nous sommes surveillés, observa-t-elle en tentant d'apercevoir des silhouettes sans grand succès.
— Ce n'est pas très étonnant, lui répondit Mai qui apparemment n'avait pas compris la manière de monter son cheval et était assise en tailleur et en équilibre sur sa monture. Après tout, on est chez eux. Si quelqu'un entrait dans mes appartements, je réagirais de la même manière.
— Oui, sûrement, souffla Eirin. Mais je n'aime pas être épiée de cette manière...
Lyze resta silencieuse tout du long de la traversée. Ces regards invisibles la pesaient terriblement. Bien qu'elle n'ait pas vécu la plus terrible des épreuves en ces bois, elle restait effrayée par ces lieux. Après un moment de silence, elle osa finalement prendre la parole.
— Eirin... Cette créature que vous avez rencontrée, le Gaadrima... à quoi ressemblait-il ?
Eirin souffla à l'entente de cette question. Elle n'aimait pas se remémorer cette créature qui l'obligeait à se souvenir d'une bataille qu'elle n'avait pas gagnée et de la fois où elle s'était retrouvée plus que jamais vulnérable. Cependant, les regards discrets et hésitants jetés par ses camarades la poussèrent à répondre :
— Eh bien... pour être franche c'est difficile à expliquer. C'est une sorte de bête immense avec des longs bras armée de grosses pinces. Son corps est solide, mais ne résiste pas au fer, c'est déjà ça. Mais le plus étrange et dangereux reste sa peau qui semble secréter une substance qui entraîne de profondes brûlures qui s'étendent si aucun soin n'est apporté. Et je peux vous affirmer que l'eau ne fait rien. Shauna a essayé.
— Et c'est pour ça que je suis là, se félicita Maï.
— Oui, mais espérons ne pas en croiser... avoua d'un ton inquiet Lyze. Après tout, seule Shauna a réussi à en vaincre un et elle n'est pas là.
— Oui, chuchota Eirin à l'arrière du groupe. Seule Shauna a réussi...
Lyze hésita quelques secondes avant de reprendre la parole.
— Mais... Si vous avez vu cette chose dans Versyl, cela signifie que ça pourrait très bien attaquer l'Académie ! Beaucoup de Paladins sont absents. Qu'est-ce qui se passerait si on était attaqué comme Tredan. Les maîtres ne pourraient rien faire.
— Hé Lyze ! l'interpella Ethan. Respire et détends-toi ! J'imagine que Maître Garth y a pensé et à certainement déjà prévu un plan de secours.
Eirin n'était pas si sûre de la réponse du jeune homme. Elle savait que l'Académie était englobée par une barrière magique. Cependant, selon les ouvrages qu'elle avait étudiés, elle était consciente que cette dernière était également censée protéger la forêt. Non, les Gaadrimas pouvaient attaquer l'Académie, car même si le Grand Maître avait remis en place une barrière, qu'est-ce qui prouvait qu'elle allait mieux tenir que la précédente ?
La question était plutôt de savoir pourquoi les Gaadrimas entreprenaient des attaques aussi désordonnées. S'il s'agissait de simples bêtes alors cela expliquerait ce fait, mais pas leur capacité à voyager entre le continent de l'Est et celui sur lequel ils se trouvaient. Tellement de questions et si peu de réponses. Peut-être que l'attaque de Tredan, aussi horrible soit-elle, permettrait de comprendre un peu plus ses mystérieuses créatures.
— Je vois le bout ! Enfin ! annonça Ethan.
La lumière témoignait en effet de l'arrivée du groupe de l'autre côté de la forêt. Le voyage n'avait étrangement pas paru très long. Apparemment, en plus d'éloigner et d'isoler les visiteurs, la forêt avait la possibilité de modifier sa taille afin d'agrémenter le voyage de ses visiteurs. Plus elle en apprenait sur Versyl, plus Eirin prenait conscience du coup de maître de Garth en la mettant de son côté.
En sortant de l'ombre des derniers arbres, les Paladins se rendirent compte de la force des éclats du soleil qui était auparavant caché derrière l'épais feuillage de la forêt. La vue était splendide. Ils se trouvaient à présent sur une petite colline qui offrait un excellent spot d'observation sur Tredan. L'herbe était d'un vert profond et habillée de nombreuses fleurs d'un rouge éclatant. De nombreux champs étaient visibles et dispersés sur le large territoire et semblaient offrir de nombreuses vignes et cultures de fruits. Ce n'était pas pour rien que Tredan était considéré comme le grenier du Continent.
Le pays était, en effet, non seulement capable de subvenir très largement aux besoins de sa population, mais était également capable d'exporter, lui permettant ainsi de s'équiper en certaines denrées impossibles à produire en son sein. Il faut dire que le pays bénéficiait d'un emplacement idéal sur le continent. À la fois en bordure de mer, mais également suffisamment au centre pour profiter d'un climat ensoleillé et de périodes de pluie fine. Un contexte parfait pour l'agriculture.
La majorité de la population travaillait la terre, mais certain rares élus avait la possibilité d'être désignés comme Sage et ainsi d'entrer au Conseil des sages ou dans un temple en tant que prêtre. Le Conseil des sages était un organe politique réunissant les Sages de chaque tribu tredanienne et prenait au sein de la Capitale, les décisions pour l'ensemble de la population de Tredan. Quant aux temples, ils étaient disposés aux quatre coins de cette même capitale et au cycle de Sythis, chaque adolescent à l'occasion de la sélection avait la possibilité d'être choisis pour devenir prêtre d'une divinité de l'existence et servir dans son temple. Bien entendu, le temple de Shozos était le plus privilégié, étant le dieu primaire de cette religion. Seuls les meilleurs candidats étaient autorisés à le servir.
Pourtant, cette vision d'un pays simple, vivant de la terre et de débat sur le bon vivre était aujourd'hui voilé d'un événement tragique. En descendant de la colline et en s'avançant entre les champs, les paladins virent rapidement des tentes montées à la va-vite et des sortes de camps de réfugiés construits. La capitale avait subi une attaque bien trop terrible et la plupart des survivants avaient été envoyés dans diverses tribus afin d'être pris en charge.
Tandis que le groupe de jeunes Paladins s'avançait vers ce qu'il s'avérait être l'une de ces tribus, des cavaliers accoururent vers eux. Les habitants de Tredan avaient une façon bien à eux de chevaucher. Ils n'utilisaient pas de selle, à la rigueur un léger tapis. Selon eux, chevaucher a cru permettait de tisser des liens très forts avec le cheval. Une relation non plus de maître à monture, mais bien de confiance voir d'amitié. Les cavaliers qui galopaient vers eux étaient au nombre de quatre, vêtu de vêtements simples, d'une cape et de cuirasses en guise de protection. Une fois suffisamment proche, les soldats leur fit signe de s'arrêter.
— Par le Conseil des sages, qui êtes-vous et que faites-vous sur les Terres de Tredan ?
Les Paladins regardèrent tous alors Lyze. Étant donné qu'elle était la capitaine de la mission, c'était à elle de parler. Cette dernière sursauta quand elle comprit qu'elle devait prendre la parole.
— Nous... nous sommes les Paladins, commença-t-elle d'un ton hésitant, nous venons vous... vous aider.
Le guerrier qui semblait être le chef de la troupe, regarda Lyze d'un sourcil froncé, puis dirigea son regard vers Ethan, le seul homme du groupe.
— Nous avons été envoyé par le Maître Garth, continua alors le jeune homme, comprenant le problème. L'insigne que nous portons le prouve.
— J'ignorai qu'il y avait des femmes dans vos rangs Paladins. Maître Garth, nous envoie-t-il de l'aide comme demandé ? demanda alors le guerrier, l'air sévère.
— Nous emmenons avec nous un remède qui permettra à vos citoyens de guérir de leurs brûlures, continua Ethan avant d'être interrompu par le chef de la troupe.
- Bien, suivez nous immédiatement alors. Nous avons énormément de blessé et de nouveaux morts chaque heures qui passent.
Le groupe repartit au grand galop et prit de l'avance sur les paladins qui se contentèrent de se jeter des coups d'œil circonspect.
— Mais quel bande d'abrutis ! souffla Maï s'étalant à présent sur le flanc de sa monture la tête proche du sol.
— En même temps il faut les comprendre, répondit Ethan d'un ton se voulant conciliant. Chez eux, les femmes sont des mères, des agricultrices, des prêtresses ou dans de très rares cas des chasseresses. C'est la douceur qui est associée aux femmes et non le rôle de guerrier comme c'est le cas à la guilde.
— J'ai jamais entendu un argument aussi ridicule. Sérieusement Ethan, tu trouves que j'ai une tête de mère aimante ? Avoir un enfant et être condamnée à s'en occuper pendant que son mari joue au soldat... beurk !
— Mais Maï...
— Bon ça suffit !
Lyze venait de hausser soudainement la voix et le silence prit rapidement possession de l'ensemble du groupe.
— Nous sommes ici pour représenter l'Académie et non pour assister à vos chamailleries ! Maï, nous sommes les invités de Tredan donc tu t'empêches de mener une révolte avec tes idéaux, c'est clair ?
Les trois autres membres de l'équipe restèrent figés en silence, ne s'attendant absolument pas à une telle réaction de la part de Lyze connue comme étant la plus gentille et la plus timide de toute l'Académie.
— Oui, tu as raison Lyze. Il faut qu'on se reprenne, finit par admettre Eirin en prenant de la vitesse et en se mettant à son niveau.
Ethan, alors en retrait à côté de Maï, se pencha vers sa sœur d'arme afin de lui chuchoter quelques mots.
— C'est étrange... Tu crois que c'est vraiment Lyze ?
— Elle est peut-être possédée, renchérit Maï.
Alors que les deux amis continuaient de se moquer doucement de la jeune Lyze, semblant avoir très rapidement oublié la cause de leur mésentente, le groupe finit par reprendre son sérieux, quand il fut pris par une violente odeur de chair brûlée. Ils étaient finalement arrivés et un lourd travail les attendait.
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