Chapitre 7

Chapitre Septième

Dire que ce dimanche-là, il y avait eu un peu de monde au restaurant était un euphémisme. Silena et Capucine n'avaient pas arrêté et n'avait même pas pu échanger quelques mots de tout le service. Alors quand la dernière table s'était enfin libéré et qu'Anne avait tourné la petite pancarte sur la porte vitrée et fais un petit tour de clef dans la serrure les filles avaient soufflé. Ce n'était pas encore tout à fait fini, il restait à ranger et laver la salle mais leur lit n'avait jamais été aussi proche. Capucine s'était occupée de laver le sol pendant que sa collègue rangeait les derniers restes de vaisselle sur le bar et se préparait pour la plonge. Elle passait la serpillière par automatisme devant la porte quand quelqu'un avait frappé sur la vitre. Elle avait reconnu les cheveux roux de Florentin avant de le reconnaître lui. Elle avait posé son balai avant d'entrouvrir la porte.

« Qu'est-ce que tu fais là ?

— J'étais en garde et... Je vais pas réussir à dormir là. Du coup je suis passée voir si t'étais encore là.

— Comment t'as su que j'étais ici ?

— Euh... Tu travailles avec Silena. Non ? »

Florentin n'était même pas sûr que ce soit une bonne réponse. Il s'était vraiment attendu à un autre type d'accueil. Heureusement pour lui Silena l'aperçu de l'autre côté de la vitre et s'approcha :

« Flo ! Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je rentre de l'hôpital. J'étais de garde.

— T'as faim ?

— Ouais ! J'ai rien mangé depuis dix-huit heures !

— Je vais demander à Félix s'il y a des restes pour toi. Rentre ! »

Florentin échangea un petit regard à Capucine qui, presqu'à contre cœur, lui ouvrit la porte un petit peu plus grand.

« Ça va ? demanda-t-il alors qu'elle refaisait tourner la clef dans la serrure.

— Oui.

— Sûre ?

— Ouais, c'est juste que... J'aime pas les surprises.

— Même quand c'est moi la surprise ? s'offensa faussement Florentin.

— Peut-être pas, concéda-t-elle dans un sourire. »

Ils avaient rapidement entendu Silena crier depuis la porte battante de la cuisine :

« Il restait des tartines poire-roquefort ! T'aime le fromage ? Je peux les mettre au four ?

— Ouais ! Parfait ! Merci beaucoup !

— Pourquoi t'es passé ? En vrai.

— Je vais pas réussir à dormir tout de suite du coup je voulais te voir.

— Pourquoi t'arrivera pas à dormir ?

— C'est un commissariat ici ? s'exclama Florentin alors que Silena revenait déjà de la cuisine avec une assiette pleine. Trop cool merci.

— Ça m'intéresse c'est tout.

— J'ai aidé à mettre au monde une petite fille cette nuit, annonça fièrement Florentin en mordant dans une tartine.

— C'est vrai ?

— Bien sûr que c'est vrai ! C'était un peu fou. En fait j'étais un peu abandonné dans le service et du coup, j'ai demandé aux sages-femmes si je pouvais les suivre. Elles ont dit oui, et puis un truc en entrainant un autre, je me suis retrouvée à l'accouchement d'une dame. J'ai même pu toucher le fœtus avant qu'il sorte totalement. Et...

— T'as mis ta main dans le vagin d'une dame ? résuma Silena.

— Alors personne ne l'a vu de cette façon, parce qu'on est pas tous avec un esprit aussi mal tourné que le tien, rétorqua Florentin. Et ce n'était pas toute la main évidemment. Y avait quand même un truc de deux kilos qui était en train d'être expulsé, donc... C'était un peu occupé.

— Pas faux.

— Bref. Avant que tu casses tout, je vous racontais ce moment magique donc, où j'ai assisté à la naissance d'un être humain, conclut le jeune homme en mordant enfin dans sa tartine. Et vous ? Votre soirée ?

— Moins extraordinaire, on va pas te mentir, concéda Silena.

— D'ailleurs, nous on a surtout pas fini de travailler donc faut qu'on finisse, rappela Capucine en retournant vers sa serpillère laisser à l'entrée. »

X+X+X+X+X

Le lendemain matin, pour une fois, Capucine s'était levée après Florentin. Elle l'avait retrouvé dans la cuisine, déjà installé sur le banc, la tête penchée sur son téléphone, un air sérieux qui déformait un peu ses traits.

« Salut, dit-elle en s'asseyant devant la tasse de café déjà remplie pour elle.

— Salut. »

Il n'avait pas relevé la tête et n'avait même pas proposé de mettre sa tasse dans le micro-onde. Il le faisait tous les matins d'habitude. Du coup elle s'était levée pour le faire elle-même.

« Pourquoi tu fais la tête depuis qu'on est rentré ?

— Je fais pas la tête.

— Si.

— Non. Je fais pas la tête. ... Le stage me prend la tête, c'est tout.

— Je croyais que c'était génial d'être à l'hôpital ?

— C'est génial. Mais c'est fatiguant aussi.

— Ok. »

Il y avait quelque chose d'autre, ça crevait les yeux. D'ailleurs ça crevait les yeux depuis qu'ils avaient quitté ensemble le restaurant. Le truc, c'est que Capucine n'arrivait pas à savoir si elle devait insister ou pas. Elle avait rapidement compris que Florentin était quelqu'un d'assez susceptible mais elle n'arrivait pas encore à bien cerner s'il valait mieux le bousculer un peu ou juste attendre que ça lui passe. Susceptible mais pas rancunier. Le micro-onde avait sonné la fin du tour de manège pour sa tasse de café. Elle avait commencé son petit-déjeuner dans un silence un peu plombant ; puis n'y pouvant plus, elle avait posé la question qui trottait dans sa tête depuis la veille au soir.

« J'ai fais quelque chose qui n'allait pas ? »

La question eut au moins le mérite de faire décrocher Florentin de son téléphone. Il l'avait même regardée droit dans les yeux. C'était chouette de les voir sans lunette, ses yeux.

« Tu m'en veux ? »

Elle en faisait trop ? Non. Si ? Peut-être ? Non. Il n'avait pas le droit de la faire tourner en bourrique comme ça.

« Tu viendrais avec moi au mariage de mon cousin la semaine prochaine ? »

C'est pas ce qu'on dit à quelqu'un quand on est fâché contre lui n'est-ce pas ? Probablement pas.

« Ça veut dire quoi ?

— Ça veut dire est-ce que tu viendrais avec moi au mariage de mon cousin la semaine prochaine ?

— Mais t'es fâché ou pas ?

— Réponds steuplaît.

— Est-ce que ma réponse va conditionner ton humeur pour la suite du weekend ?

— Non.

— Pourquoi t'es ronchon alors ?

— Je suis fatigué je t'ai dit. Et puis... Et puis rien. Laisse.

— Non. Dit. »

C'était fou sa capacité à absolument vouloir savoir ce qui se passait dans sa petite tête rousse alors qu'elle s'efforçait elle-même de laisser paraître le moins possible de toutes ses pensées. Elle se fermait à double tour et lui demandait de tout lui ouvrir. Parfois, Capu s'en voulait.

« Flo ?

— Hier. Au resto. J'ai eu la sensation que je te gênais. J'étais à ça de trouver que Silena était plus contente de me voir que toi. »

Touché.

« C'est pas exactement ce à quoi je m'attendais. »

Coulé.

Qu'est-ce qu'elle était censée lui répondre au juste ? Qu'elle supportait pas l'idée qu'il la voit là-bas ? Parce que c'était un risque qu'il comprenne, qu'il ouvre les yeux. Qu'il se rende compte qu'ils n'avaient rien à faire ensemble pour des dizaines de raisons. Que le fait qu'il s'attache à elle ça lui faisait peur ? Et genre pas la peur film d'horreur, plutôt le genre peur paralysante ; la peur pour laquelle tu préfères fuir avec le mensonge que de te retrouver face au grand méchant de l'histoire. Non. Elle pouvait décidément pas dire ça. Il fallait qu'elle garde la face. Elle garde toujours la face. Improvise maintenant.

« Non Flo ! Pas du tout ! J'ai été surprise c'est tout. C'était la fin de la journée, j'étais crevée. J'avais pas super envie que tu me vois dans cet état. »

Le secret d'un bon mensonge, c'est de toujours y glisser une pointe de vérité.

« C'est juste ça. Je te jure. Bien sûr que j'étais contente de te voir. J'ai toujours envie de te voir.

— Vraiment ?

— Oui. Vraiment. »

Franchement, elle s'en était très bien sortie.

« Tu viens avec moi le weekend prochain ? »

Il ne perdait pas le nord le bougre...

« Ouais. Bien sûr.

— Y'aura toute ma famille. »

Ah.

« Aucun problème. J'ai hâte de voir tes sœurs autrement qu'en photo.

— Je pense qu'elles seront contentes de te rencontrer aussi.

— Tu leur as parlé de moi ? »

Capucine avait posé cette question sans aucune idée de ce qu'elle attendait comme réponse.

« Vite fait, avait éludé Florentin en allait mettre sa tasse dans l'évier. J'ai juste évoqué l'idée que je viendrais peut-être avec quelqu'un. C'est tout.

— Okay.

— Faut s'habiller comment ?

— Oh ! Simple. »

C'est fou mais juste en l'entendant prononcer ce mot, Capu avait rapidement compris qu'ils n'allaient pas partager la même définition du mot simple... Elle n'avait plus qu'à espérer trouver quelque chose de pas trop moche et pas trop cher dans une friperie qui allait faire l'affaire.

X+X+X+X+X

Mariage la semaine prochaine signifie nécessairement une recherche de tenue correcte en urgence. Pour l'accompagner dans cette lourde quête inévitable au vu des quelques jeans qui traînaient dans sa commode, Capucine avait fait appel à Silena. Elle était vraiment parfaite pour cela. Sa première qualité étant son incapacité à se fatiguer. Comme si à chaque nouveaux magasin, elle se régénérait. Un peu magique cette histoire. Sa toute petite faille était sa capacité à se rendre compte d'un budget raisonnable pour ce genre d'achat. Oui, six cents quatre-vingt euros la combinaison blanche en velours c'est trop cher. Elles avaient fait des tours entiers dans des dizaines de boutiques, des essayages au moins trois fois plus nombreux mais rien n'allait pour Capucine. Mise à part le fait de se voir dans tes tenues qu'elle ne porterait jamais. C'est devant un café que les filles s'étaient octroyées que Silena avait peut-être eut l'idée qui allait la sauver.

« Tu sais ce qu'on va faire ?

— Non...

— Je vais te passez mon tailleur bleu que j'avais acheté pour l'anniversaire de mariage de mon oncle et ma tante.

— Tu pense qu'il va m'aller ?

— Oui ! Il faudrait juste trouver un haut blanc pour aller avec. J'avais taché le mien. Enfin mon petit-cousin Erasme m'avait vomi dessus pour être précise. ... Il avait un an.

— On peut pas en vouloir aux bébés.

— Je pense que de façon générale, on peut pas en vouloir à Erasme, avait sourit Silena en approchant sa tasse de café de sa bouche. Donc encore moins quand il était bébé. T'as raison.

— Je suis un peu gênée que tu me le prêtes quand même...

— Mais non Capu ! Je préfère que tu le portes plutôt qu'il reste bêtement dans ma penderie. Je te jure que ça me fait super plaisir. Mon seul défaut c'est de n'y penser que maintenant. On aurait des ampoules en moins... »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top