Chapitre 6

Chapitre Sixième

Max aimait bien travailler de nuit. C'était plutôt agréable. L'ambiance y était bien différente. Si certains pouvaient la trouver assez angoissante, Max lui trouvait la vie nocturne de façon générale très rassurante. Mais ce qu'il préférait par-dessus tout quand il travaillait de nuit, c'était quand Capucine venait prendre son dîner avec lui. Elle apportait de quoi manger et parfois il arrivait à prendre des viennoiseries dans les cuisines pour le dessert. Il y passait avant de prendre son service. Capucine et lui mangeaient leur repas dans le Jardin des Tuileries en face l'hôtel. En général, ils étaient obligés de quitter le jardin avant d'en être arrivé aux desserts et ils terminaient de manger assis sur le petit muret qui soutenait la haute grille du jardin. La fin du dîner s'était passé en silence, Capucine était absorbée par son téléphone.

« Tu stalkes qui comme ça ?

— Personne, assura Capucine sans lever les yeux de son téléphone.

— Capu... Habituellement t'as toujours une tonne de trucs à me raconter et là... Rien. Y'a des clients qui me racontent plus leurs vies que toi actuellement.

— J'ai rencontré un mec.

— Ha ! Et tu l'as rencontré comment ?

— Amis d'amis d'amis. ... Une soirée, simplifia Capucine.

— Et il est si nul que ça au lit pour que ça te mette dans cet état ?

— Carrément pas.

— T'as souri !

— Non, assura Capucine en cachant sa bouche avec sa main.

— Et du coup..., continua Max en finissant son croissant dans une dernière bouchée. Juste pour savoir : qu'est-ce qui te met dans cet état ?

— Il m'a proposé de faire un truc avec ses amis.

— Et ?

— Bah je sais pas... Je fais pas trop ce genre de chose moi...

— Tu sais que tu pourras pas toujours avoir honte d'où tu viens ou de ce que tu as vécu. En particulier parce que tu n'as pas à avoir honte.

— Tu verrais son appart. Il est plutôt le genre de personne à venir dormir dans ce genre d'hôtel qu'à y travailler, expliqua-t-elle en désignant les arcades face à eux. ... Je voudrais pas qu'il s'attache de trop, il sera déçu.

— Tu veux pas qu'il s'attache ou tu veux pas t'attacher ?

— T'as fini les croissants ?

— Très beau changement de sujet. Mais juste pour te rappeler Capu... Tu dis jamais que t'as rencontré quelqu'un. T'utilise jamais ce verbe pour un mec. »

X+X+X+X+X

Léandre Valencourt avait planifié ses vacances en Europe pendant des mois. Presqu'une année à vrai dire.

Tout avait commencé quand Léandre avait réalisé qu'il allait avoir dix-huit ans à la fin de l'année. Et que si ce n'était pas l'âge pour aller acheter des bières ou n'importe quelle autre bouteille d'alcool en bas de chez lui, à New york, ça l'était tout à fait dans son autre pays : la France. Du coup, c'était décidé, il allait s'organiser un super voyage. Il avait posé des tonnes de questions à approximativement tous les membres de sa famille et avait fini sur un itinéraire qui l'emmenait de Londres à Athènes pendant un mois jusqu'à terminer ses vacances avec presque deux mois dans la maison de ses grands-parents en Bretagne. Même de loin, ces vacances avaient l'air génialissime.

L'été de Léandre avait donc commencé la dernière semaine du mois de mai - juste après la remise des diplômes. En temps normal, il aurait dû être à l'école pour sa dernière semaine au lycée avant l'entrée à l'université mais il avait réussi à vendre son voyage comme un gain culturel sans précédent à son proviseur et il avait été dispensé d'école. Quand il avait su ça, son oncle Charlie avait dit qu'il aurait dû choisir commerce et pas médecine : c'était la plus grosse arnaque de l'année selon lui. Son père, Primaël, lui avait répondu qu'il était juste jaloux de ne jamais avoir eu l'idée quand il était encore au lycée.

C'est donc l'avant-dernier vendredi de mai que Primaël avait déposé Léandre à l'aéroport de New York : vol direct pour Londres. Il y avait passé un long weekend avant de prendre le train pour Paris où sa grande sœur adorée l'attendait avec une petite pancarte « Léandre Valencourt - Sorry, j'ai pas trouvé de beurre de cacahouète convenable. PS : j'ai du caramel au beurre salé par contre. ». Ça l'avait fait marrer et en allant prendre Silena dans ses bras, il lui avait assuré qu'il était à ça de partir dès maintenant pour Amsterdam, son prochain arrêt. Magdalena ne lui ferait jamais une traîtrise pareille, c'était certain.

Silena avait pris sa soirée. Du coup, elle lui avait voulu lui faire voir sa vie parisienne. C'était la première fois qu'ils étaient à Paris sans leurs parents et très longtemps qu'ils ne s'étaient simplement pas retrouvé justes tous les deux. Silena les avait fait passer par les chemins de traverse qu'elle préférait. Elle lui avait payé un dîner dans une petite brasserie avec des chaises en rotin qui font si parisien. Ensuite Léandre avait voulu aller voir la Tour Eiffel comme tout bon touriste qui se respecte. C'est en rentrant du champs de Mars à l'appartement de Silena que Léandre avait questionné sa sœur sur le programme des prochains jours.

« Demain, tu viens avec moi et mes potes.

— Vraiment ?

— Ouais. Ça va te plaire.

— En général, quand tu dis ça, tu essaies de te convaincre toi... Moi je suis déjà pas convaincu tant quand tu me dis pas où on va.

— Ça va gâcher la surprise.

— C'est nul les surprises. Dis.

— Non.

— Dis.

— Non.

— Dis !

— Non. Toujours pas.

— Sissi... »

Il avait fait des yeux de chien battu en marchant à reculons devant sa sœur. C'est après avoir failli rentrer dans un piéton pour la quatrième fois que Silena avait consenti à lui gâcher la surprise. Demain, il venait avec eux au Grand Chelem parisien.

X+X+X+X+X

Capucine n'avait jamais pensé qu'elle finirait un jour dans les tribunes de Rolland Garros. Jamais. Genre pas même un effleurement d'esprit. Que dalle. Déjà parce que Capucine n'aime pas le tennis. Le tennis, c'est un truc de riche. C'est ce que tous les films montrent, c'est qu'il doit bien avoir un fond de vérité là-dedans. Donc pour elle, Rolland Garros c'est le truc de mai/juin à la télé. Le truc qu'elle zappe constamment en se demandant sincèrement qui regarde ce genre de truc. Et bien maintenant, elle avait la réponse.

Assise dans les tribunes à côté de Florentin, elle avait la sensation d'être Chris Wilton dans Match Point. Sauf que Chris Wilton est beaucoup à l'aise avec le mensonge qu'elle ; même si elle pratique la discipline depuis quelques années, et que Chris Wilton s'y connaît vraiment en tennis. Capucine, elle, n'avait aucune idée de ce qui était en train de se passer devant elle. Elle ne connaissait même pas les noms des joueurs sur le court. À l'heure actuelle, elle était beaucoup plus occupée à regarder les deux pigeons qui s'étaient posés sur un siège vide de la tribune d'en face.

« Qu'est-ce que tu regardes ? chuchota soudainement Florentin dans son oreille.

— Je regarde si le pigeon va réussir à pécho l'autre pigeon qu'il a repéré.

— Comment tu sais qu'il veut pécho ?

— Parce qu'il est super relou depuis qu'ils se sont posés, expliqua Capucine comme si ça tombait sous le sens. »

Florentin avait voulu rire mais comme on était sur un court de tennis et qu'il fallait rester silencieux, il s'était contenté de sourire.

« Pourquoi il faut rester si silencieux ?

— Parce qu'il leur faut de la concentration.

— Tu rigoles ?

— Non. Ils se concentrent, ils écoutent la balle, et puis... Et puis c'est la règle.

— C'est nul comme règle.

— Pourquoi t'as dit oui pour venir si t'aimes pas le tennis ? »

Capucine se tourna lentement vers Florentin. Elle n'allait quand même pas lui répondre qu'elle avait dit oui juste parce que c'était lui qui lui avait demandé ? Hors de question. Du coup, elle avait souri et, pour la première fois depuis qu'elle était assise dans les tribunes, elle avait regardé le match.

« Faut pas faire de bruit, t'as dit.

— Tu vois, elle est quand même bien arrangeante cette règle de temps en temps. »

X+X+X+X+X

Aussi étrange que cela puisse paraître pour un mois de mai à Paris, il s'était mis à pleuvoir. Pas une très grosse pluie qui vous empêche de voir deux mètres devant ; non, une toute petite pluie. « Un crachin breton » comme aimait l'appeler Silena. Tous les spectateurs avaient commencé à rabattre les capuches sur leurs têtes ou à ouvrir les parapluies. Sauf que Capucine n'avait pas prévu de vêtement de pluie, ni de parapluie d'ailleurs parce que Capucine n'avait pas regardé la météo ce matin avant de partir de chez elle. Du coup, elle n'avait pu que regarder le nuage au-dessus du court avec les yeux les plus noirs qu'elle pouvait avoir. Elle l'avait fixé jusqu'à ce que Florentin lui attrape la main pour qu'ils se lèvent.

« Viens. On va chercher de quoi se protéger. »

N'ayant pas de meilleure idée, elle l'avait suivi. Ils avaient dérangé trois personnes pour sortir du court et Capucine avait au moins écrasé un pied. Florentin les avait guidés vers la boutique officielle de l'évènement. Il y avait déjà une longue file d'attente puisqu'ils étaient loin d'être les seuls à avoir eu cette idée. Sans aucune civilité, Florentin était passé sur le côté pour arriver plus rapidement sous la partie couverte.

« Tiens regarde. Les parapluies, c'est là-bas.

— Non mais Flo ! Attends !

— Quoi ?

— Mais regarde les gens, on peut pas juste arriver et...

— Ah. Ouais... C'est vrai que c'est pas cool. Tant pis.

— Mais c'est pas ton boulot d'être gentil et altruiste ?

— Si, avait concédé Florentin en souriant. Mais aujourd'hui, je suis en congé. »

Il avait attrapé deux des parapluies repliés qui se trouvaient sur l'étagère et en avait tendu un à Capucine.

« Excuse mais moi, je vais pas prendre ça.

— Pourquoi ? »

Peut-être parce que quarante-cinq euros pour un parapluie qui ne servira qu'une fois c'était impossible. Ceci dit même pour un parapluie qui allait servir plus d'une fois c'était impossible. Mais comme dans son « pourquoi », Florentin avait vraiment l'air sincère et que Capucine ne voulait pas avouer cette véritable raison, elle avait tenté une liste d'excuses la plus longue possible - il serait forcément d'accord avec au moins une phrase :

« Je les casse tout le temps les parapluies. Et puis je trouve qu'on passe plus de temps à essayer de pas le casser qu'à se protéger de la pluie. Et puis avec la foule, c'est un coup à blesser quelqu'un !

— Tu proposes quoi alors ? Les ponchos orange dégueulasses ?

— Tout à fait.

— Je te préviens, je me balade pas avec une carotte.

— Et bien abandonne-moi alors, répondit Capucine avec beaucoup de théâtralité.

— Sinon je prends la responsabilité du parapluie et on se cale à deux dessous.

— C'est tout ce que t'as trouvé comme excuse pour que je reste près de toi ?

— Je pense pas avoir besoin d'excuse pour que tu restes, assura Florentin avec un petit air suffisant. Allez. On prend ce truc et on est parti. »

À la caisse, c'était une jeune femme au sourire ultra-bright et aux cheveux bruns sur-lissés qui les avait servis. Capucine lui aurait bien dit bonjour, mais elle n'était pas certaine qu'elle l'ait vue. Elle ne voyait que Florentin en lui adressant des petits sourires et des petits rires ridicules alors qu'il n'était même pas drôle. Capucine était d'ailleurs à moitié sûre qu'elle lui avait glissé son numéro de téléphone en même temps que son ticket de carte bleue.

« Tu vas la rappeler ? avait-elle fini par lui demander alors qu'ils retournaient vers le court où ils avaient laissé leurs amis.

— Qui ?

— La meuf là. Elle t'a filé son numéro, tu vas la rappeler ?

— T'es jalouse ?

— Non ! C'est juste pour savoir. ... ... Pour pas que je débarque chez toi alors que t'es déjà occupé.

— Je pourrais débarquer chez t...

— Non. »

C'était un ton sec et ferme qu'elle n'avait même pas cherché à utiliser mais il était impensable pour Capucine que Florentin - ou qui que ce soit d'ailleurs - débarque dans sa minuscule chambre de bonne. Hors de question.

« Okay... Donc non, je ne vais pas la rappeler. Je te rassure. De toute façon, avec mon stage à l'hôpital, j'ai pas le temps de gérer deux filles en même temps.

— De un, je suis pas inquiète. De deux, t'as carrément le temps. ... Quoi ? C'est pas vrai peut-être ? s'était-elle enquise en l'entendant soupirer à côté.

— Rien. »

X+X+X+X+X

À la fin de la journée, Capucine était rentrée avec Florentin. Ils étaient allé directement chez lui et, il fallait bien l'avouer, n'avaient pas beaucoup parlé sur le trajet. De toute façon, depuis que Léandre était venu discuter avec eux en leur demandant depuis quand ils étaient en couple et que tous les deux s'étaient regardé en chien de faïence comme si la réponse allait déclencher une bombe, ils ne s'étaient pas adressé la parole.

Enfin ce n'était pas tout à fait exact : Florentin avait sorti quelque chose comme « je vais prendre une douche. » une fois que leurs affaires avaient été lâchement abandonnées sur le sol de l'entrée. Capucine avait juste hoché la tête alors qu'il partait déjà dans le couloir qui menait à la salle de bain. En se retrouvant seule dans l'entrée, elle s'était décidé à enlever ses vêtements trempés par la pluie qui ne s'était pas arrêtée pour les mettre à sécher sur l'étendoir près de la fenêtre. Puis elle avait entrepris de vider les sacs à dos qu'ils avaient pris pour la journée. C'est en vidant celui de Florentin que Capucine était tombée sur son ciré rouge ; ça l'avait fait sourire. 



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🐣❤️

Je suis désolée du retard !! Sombre histoire d'un blind test qui n'en finissait pas ... Mais pas d'inquiétude, mon équipe a gagné !



En tout cas j'espère que vous avez aimé ce chapitre et que vous aimez découvrir ces personnages !

Il n'y aura pas de chapitre la semaines prochaine ! Je suis en plein déménagement et je n'aurais pas le temps d'y penser. J'en publierai deux d'un coup dans deux semaines à la place.


Des bisous,


Uthopie 🐥❤️

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