Chapitre 3

Chapitre Troisième

Quand Capucine avait débarqué de Lyon, cinq années plus tôt, elle n'avait rien sauf peut-être ses rêves, ses espoirs et la vieille voiture de sa mère. Elle s'était donné une année pour s'installer dans la capitale avant d'aller s'inscrire à la fac la rentrée suivante. Mais rien ne s'était vraiment passé comme prévu. Si elle avait bien trouvé un boulot de serveuse assez rapidement, son dossier ne convenait à aucun propriétaire et Capucine avait dû se résoudre à habiter plusieurs mois dans sa voiture. Après le premier hiver à dormir dans son coffre, elle s'était décidée à prendre un deuxième travail de nuit dans un grand hôtel de la capitale. C'est par Max, un de ses collègues à l'hôtel, qu'elle avait entendu parler de la petite annonce d'une chambre de bonne dans le Seizième Arrondissement. Elle y habitait toujours et ne s'était jamais inscrite à la fac. Il s'agissait d'une petite chambre de neuf mètres carrés avec cuisine, salle de bain, et chambre au même endroit. Un unique Velux pour la lumière naturelle. Les toilettes étaient sur le palier. Quand elle avait visité, le propriétaire avec seulement insister sur l'ascenseur et le standing de l'immeuble qui contrastait sacrément avec l'état de la chambre. Mais Capucine avait dit oui, parce qu'il lui fallait un toit. Un vrai. Elle avait continué à jongler entre ses deux travails avant de les laisser tomber pour un boulot un petit peu mieux payé dans un nouveau petit restaurant. C'est là qu'elle avait rencontré Silena.

Silena avait une vie tellement différente de la sienne que Capucine ne lui avait jamais vraiment raconté son histoire ; et ce malgré leur amitié qui s'était construite au fil des services. Surement parce qu'elle avait honte. Honte d'avoir quitté sa ville natale sans réfléchir, sur un coup de tête ; honte d'avoir habité dans sa voiture ; honte d'habiter dans ce grenier d'un bel immeuble parisien quand Silena habitait un vrai appartement d'un bel immeuble parisien. Alors Capucine ne racontait rien, ou mentait. Un peu. Des mensonges de finesse comme disait sa grand-mère ; juste histoire d'un peu embellir la réalité. Sa réalité.

En quittant la rue Saint-Antoine, Capucine avait d'abord pensé à passer voir Silena mais elle s'était dit qu'elle était peut-être avec le Raphaël d'hier soir ; puis finalement, elle se rendit compte qu'elle n'en avait pas tant envie que cela. Elle préférait rentrer chez elle. Elle avait d'abord pris une douche, avait enfilé de quoi chiller pour le reste de la journée, elle ne travaillait que demain pour le brunch du dimanche. Elle avait mis un reportage sans réelle importance sur une catastrophe quelconque et avait finit par s'endormir devant.

C'est son téléphone qui l'avait réveillée deux heures plus tard.

« Capu ? fit la voix de Silena de l'autre côté du fil.

— Mmmh ?

— Je te réveille ?

— Non, non.

— Je voulais juste savoir si tout allait bien. Comme tu m'as juste dit que tu quittais la fête... Je...

— C'est mignon, Sissi. Merci. Mais oui. Tout va bien. Toi aussi ?

— Oui. Raph' m'a raccompagnée chez moi après le bateau.

— Raph'.

— Raphaël.

— J'avais compris, sourit Capucine toujours les yeux fermés.

— Et toi ? T'es rentrée avec qui ?

— Un gars.

— Il s'appelle comment ? »

Capucine ne répondit pas. Qu'est-ce qu'elle allait penser d'elle ? Silena n'était pas vraiment du genre à coucher avec un mec sans connaître son prénom.

« Capu ?

— Mmmh.

— Il s'appelle comment ?

— Euh... Je...

— Tu le connais pas ? demanda Silena avec une voix toute douce.

— C'est nul hein ?

— Non. C'est pas nul. C'est comme ça. ... C'était bien. »

Là aussi Capucine ne répondit pas. Elle sourit un peu bêtement.

« Arrête de sourire bêtement.

— Comment tu sais ?!

— Parce que je te connais par cœur. Raconte.

— Rien de spécial. On a un peu discuté. On a bu. On a dansé. Il m'a demandé si je voulais rentrer chez lui. J'ai dit oui. On a couché ensemble. Je me suis réveillée. Je suis partie.

— C'est le résumé de soirée le plus pété de l'histoire des résumés de soirée.

— Mais quoi ?!

— Mais quoi ?! Bah raconte ! À quoi il ressemble ? Qu'est-ce qu'il fait dans la vie ? Est-ce qu'il danse bien ?

— Il est roux. Avec des lunettes.

— Un mix entre Ron et Harry ?

— Rien à voir. ... Il est étudiant en médecine. Et il danse pas trop mal. Du moins, comme on peut le faire avec l'alcool qu'on avait dans le temps.

— Raph' aussi est étudiant en médecine.

— Je sais. ... Rapport à la nuit à l'hôpital, rappela Capucine.

— Ah oui ! C'est vrai... ... Je crois que je vois de qui tu parles.

— Parce que t'as vu d'autres personnes que ton Raph' ?

— Vite fait, rit Silena. Tu vas le rappeler ?

— J'ai pas son numéro.

— Pourquoi tu l'as pas pris ?!

— Parce que je le prends jamais, rappela Capucine.

— Oh... Capu... Si ça se trouve c'est le bon !

— Tu dis ça à chaque fois.

— Parce qu'un jour ou l'autre j'aurai raison, fit remarquer Silena ce qui fit bien rire Capucine. Au pire tu sais où il habite.

— Au pire.

— Merde. Y a mon frère qui m'appelle. Attends... Je te rappelle tout de suite pour te raconter ma soirée.

— Ça marche. À tout de suite Sissi. »

X+X+X+X+X

Capucine avait repris sa vie. À savoir métro, boulot, dodo. Cette devise parisienne collait parfaitement à son quotidien. Elle se levait vers neuf heures, se préparait pour aller travailler au restaurant, balade dans Paris entre ses deux services ou aide à Félix en cuisine pour le service du soir, service du soir, rangement de la salle et retour à l'appartement. Silena avait repris ses horaires habituels au restaurant. Elle parlait toujours autant de Raphaël, mais ne l'avait pas revu depuis leur soirée quelques jours plus tôt. Ses examens étaient dans deux semaines et une de ses amies était très à cheval sur le respect des programmes de révisions. Capucine avait rapidement fait le rapprochement avec la fille qui avait débarqué chez le garçon roux. C'était ainsi que Silena avait décidé de l'appeler - au début elle voulait l'appeler Ron mais Capucine avait été intraitable : c'était non.

Une semaine après la soirée, Capucine avait décidé de ressortir. Elle avait proposé à Silena de l'accompagner mais son amie avait gentiment refusé. Au final, elle aussi avait quelques exams ce mois-ci. Alors Capucine était sorti avec son ami Max, celui qu'elle avait rencontré lors de ses premiers mois à Paris. Ils avaient été en boîte parce que Capucine s'y sentait bien. Là-bas, pas besoin de mentir. Peu importait qui elle était, seul comptait ce qu'elle était et ça lui allait très bien ainsi. Ce soir-là, elle était rentrée seule. Quand ils étaient partis avec Max, il lui avait fait la remarque que ce n'était pas son habitude. Il avait dit ça en riant en passant son bras autour de ses épaules. Elle avait souri en lui faisant remarquer qu'elle rentrait avec lui. Elle avait réitéré l'expérience le jeudi suivant. Elle était aussi rentrée seule et sans Max. Du coup en sortant de boîte, elle avait été sonné chez Silena parce qu'elle n'avait vraiment pas envie d'être toute seule. Elle avait appuyé plusieurs fois sur la sonnette avant que la jeune femme, ses cheveux blonds bien en désordre, ne lui ouvre.

« Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je peux dormir chez toi ?

— Ouais. Mais... Tout va bien ?

— Oui.

— Genre vraiment ?

— Oui vraiment. Je te jure. Je veux juste pas être toute seule. C'est tout.

— Okay... céda Silena en s'écartant pour laisser entrer son amie.

— Je vais me mettre sur le canapé, assura Capucine en filant dans le salon. Je vais pas te déranger. Retourne te coucher.

— Attends. Capu ? »

Capucine s'était mise à pleurer sur place. Là debout. Au milieu du salon.

« Okay. Viens-là. »

Silena avait pris son amie dans ses bras pour la laisser pleurer un moment. Quand Capucine avait chuchoté qu'elle voulait aller se coucher, Silena l'avait emmené dans sa chambre pour lui donner de quoi se changer et enlever l'odeur d'alcool qui lui collait à la peau puis l'avait aidé à se mettre sous sa couette. Elle s'était couché de l'autre côté et avait caressé ses cheveux jusqu'à ce qu'elle s'endorme.

X+X+X+X+X

Quand Capucine s'était levée, Silena avait déjà servi un petit-déjeuner. Il y avait même une tasse de café remplie qui lui était destinée.

« Merci.

— Bien dormi ?

— Oui.

— Qu'est-ce qui s'est passé hier ?

— Rien.

— Tu peux me le dire si quelqu'un... Tu sais... Si quelqu'un t'as fait du mal.

— T'y es pas du tout, Sissi. Je t'assure.

— Ok, souffla Silena. C'est quoi alors ?

— Je sais même pas. C'est super bête. Je pense que c'est l'alcool.

— Oui. Bien sûr. Il a bon dos cet alcool dit donc... »

Capucine attrapa sa tasse de café pour la mettre sous son nez, elle adorait cette odeur. Derrière sa tasse, elle fronça des sourcils.

« C'est pas la peine de me faire cette tête-là. Raconte.

— C'est le garçon roux.

— Ron ?!

— Arrête de l'appeler comme ça ! T'avais promis !

— Pardon. Le garçon roux alors. Tu l'as revu ?

— Non ! Non. Mais j'ai pensé à lui.

— Et quand tu penses à lui tu pleures. Finalement, ne suis pas mon conseil. Fuis-le !

— T'es énervante quand tu fais exprès de pas comprendre.

— Je veux que tu le dises !

— Que ?

— Que tu veux le revoir.

— Pas du tout.

— Capucine.

— Peut-être un peu. ... Mais alors un tout petit peu, dit-elle en mimant l'espace entre deux doigts.

— C'est pas grave, tu sais. D'avoir envie de le revoir. C'est même plutôt cool.

— Moi, je trouve ça étrange.

— Pourquoi ?!

— Parce que je le connais pas et... J'en sais rien ! C'est juste bizarre. Avec lui j'ai pas envie de tricher.

— Avec les autres oui ?

— Je triche tout le temps, Sissi.

— N'importe quoi. »

Capucine ne releva pas la remarque de son amie. Elle ne pouvait pas tout comprendre mais elle ne lui en voulais pas. Difficile de comprendre une histoire quand on a lu que les pages impaires de la deuxième moitié du roman. Alors elle avait esquissé un tout petit sourire.

« Tu sais pourquoi tu trouves ça cool que j'ai envie de le revoir ?

— Et pas étrange ?

— Ouais.

— Dis-moi.

— C'est parce que t'es persuadée de vivre dans la ville de l'amour. Mais spoiler alerte, on est pas obligé de vivre une grande histoire d'amour à Paris. J'ai aussi le droit d'enchainer les plans d'un soir. Même à Paris.

— J'ai jamais dit le contraire, fit Silena avec un joli et grand sourire. Mais tu peux aussi avouer que tu vis à Paris et que tu as le droit de vivre une belle histoire d'amour avec un beau médecin.

— Étudiant en médecine.

— T'es reloue, capitula Silena en lançant des miettes de pain sur son amie. Allez je vais me préparer, j'ai mon oral à quatorze heures trente.

— Je vais te laisser alors.

— Tu peux rester ici, t'inquiète. On pourra aller au boulot ensemble ce soir si tu veux. Je repasserais par ici.

— Vraiment ?

— Ouiii. Vraiment !

— Merci Sissi ! »

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