Chapitre 10

Chapitre Dixième

Quand on est externe, on passe forcément une partie de son été à l'hôpital. Et un poste d'externe n'est pas exactement l'image idéale du job d'été étudiant. Quand certains de leurs amis s'étaient trouvés un poste de surveillant de plage près de Saint-Tropez, Raphaël, Eugénie et Florentin avaient arpenté les allées de l'hôpital, avec leur blouse blanche préférée, dans des services où la clim usée par le temps avait été remplacé par des ventilateurs habillés de serviettes humides pour tenter de lutter contre les quarante degrés de la capitale.

Cet après-midi là, l'hôpital était assez calme. Raphaël, Eugénie et Florentin, qui travaillaient dans la même aile de l'hôpital s'était arrangé pour faire leur pause au même moment. Ils s'étaient retrouvé vers seize-heure trente autour d'un café sans goût dans un petit gobelet en carton.

« Et toi Raph', t'as des nouvelles de Capucine ? demanda Florentin l'air de rien.

— Pas vraiment. Enfin... Silena m'a rien dit de particulier.

— Tu l'as toujours pas appelée ? s'étonna Eugénie.

— Elle m'a pas appelée non plus.

— Et ?

— Et c'est elle qui m'a dit qu'elle m'appellerait.

— Après deux heures de silence en voiture, fit remarquer la jeune étudiante. Peu de chance qu'elle le face réellement. C'était probablement une façon déguisée de te dire de l'appeler.

— Pourquoi faut toujours que ce soit compliquée avec vous les filles ? soupira Flo.

— T'es sérieux ? C'est pas compliqué. Clairement, tu la connais pas si bien que ça ta Capu et d'après ce que tu nous as raconté elle est pas super fière de son passé voir même de son présent. Donc c'est pas un truc féminin de savoir qu'elle ne va pas t'appeler. C'est humain.

— C'est compliqué.

— Si c'était simple, ça serait pas dix ans pour la psychiatrie, fit remarquer Raphaël qui voulait quand même dire quelque chose.

— Merci Raph'. En tout cas, on va pas te le redire tout les jours mais... Je vais quand même te le redire aujourd'hui : rappelle-la.

— Elle va pas répondre.

— Qu'est-ce que t'en sais ? ... Hein ? ... ... Bah oui. Rien. Donc tu l'appelles, conclut Eugénie alors que Florentin regardait son téléphone.

— C'est mon interne, faut que je remonte. On se voit demain ?

— Tu viens pas à l'afterwork ce soir ?

— La flemme. A demain. »

Eugénie et Raphaël regarder leur ami repartir vers les ascenseurs avec un peu de dépit.

« Excuse Eugénie mais depuis quand tu veux qu'ils soient ensemble ?

— Je suis pas contre l'amour non plus, répondit-elle en levant les yeux au ciel.

— Non mais tu faisais la tête quand ils se voyaient.

— Mais il a fallut qu'il trouve une meuf juste pendant les révisions !

— Ouais, ouais. Si tu veux.

— Et puis avoue, il fait mal au cœur. Jamais Flo ne rate une soirée de la corpo'. Jamais. »

X+X+X+X+X

Raphaël et Silena s'étaient prévus une soirée tranquille. Silena l'avait retrouvé au bar près de la fac de médecine où un afterwork avait été organisé par certains élèves. Ils avaient bu quelques bières puis ils étaient allés manger des hot-dogs près de l'Hôtel de Ville. Silena les adorait dans ce restaurant parce qu'il lui rappelait ceux du diner à quelques rues de chez ses parents. Il faisait encore jour et surtout encore très chaud, alors ils avaient été les manger près des bords de Seine.

« J'ai vu Capu ce midi. »

Raphaël pensait qu'il s'agissait d'un sujet tabou entre eux, aussi fut-il assez surpris d'entre le surnom de Capucine passer les lèvres de Silena. Depuis que leurs amis étaient rentrés de Normandie, ils n'en avaient pas parlé. Raphaël avaient pensé que c'était un moyen de ne pas se mêler de leurs histoires, ce qui lui allait bien. Visiblement ça n'allait pas être le cas encore très longtemps.

« Oui ?

— Elle est toujours avec Flo ?

— C'est à moi que tu demandes ? C'est à elle qu'il fallait demander, sourit Raphaël.

— Je sais pas, c'était pas clair de son côté. Je me suis dit que Flo avait peut-être été un peu plus clair...

— Nope. Il a rien dit.

— C'est du gachis.

— C'est pas nos affaires. Il s'est peut-être passé un truc pendant le mariage.

— Bien sûr qu'il s'est passé quelque chose Raph' ! Voyons. Faut juste que je découvre quoi.

— Nope. Faut juste que tu laisses faire les choses. Tu vas aggraver le problème.

— Pas du tout. Je suis super douée pour réparer les cœurs cassés.

— Brisés. Les cœurs brisés, corrigea gentiment Raphaël.

— Quand c'est brisé, c'est cassé, soupira Silena en levant les yeux au ciel. »

X+X+X+X+X

Capucine ne passait que très rarement par la rue Saint-Antoine. Avant. Parce que maintenant, elle y passait tout de même assez régulièrement de façon plus ou moins volontaire. Un peu comme si elle voulait provoquer une rencontre qu'elle ne voulait pas vraiment faire. Mais à se balader sous ses fenêtres, il était tout de même plus que probable qu'un moment ou un autre elle tombe sur Florentin. Ça avait tout de même pris presque trois semaines. Ils s'étaient croisés à la caisse automatique de la petite supérette en bas de chez Florentin. Il lui avait demandé ce qu'elle faisait là avant même de lui dire bonjour. Ce n'était même pas agressif, ce qui aurait surement été plus simple pour Capucine qui aurait eut une bonne excuse pour partir ; mais non. C'était une vraie interrogation de sa part. Et avec son paquet de papier toilette simple épaisseur sous le bras, Capucine n'avait pas vraiment sût quoi lui répondre du coup elle avait dit :

« Hey. ... Je... Bah... Euh... J'avais plus de papier toilette.

— Je vois ça. ... Tu... Euh... Tu m'as pas rappelé.

— Euh... Ouais. »

Capucine avait dit ça mais en même temps, ce n'était pas une question que lui avait posé Florentin. C'était plutôt factuel. Elle ne l'avait pas rappelé alors qu'elle avait dit qu'elle le ferait. Elle ne l'avait pas fait parce qu'elle n'avait pas eut de courage. Le courage d'affronter sa réalité. Parce que dans la maison des parents de Florentin, Capucine s'était rendue à l'évidence. Il lui était apparu très clairement qu'elle n'allait pas pourvoir continuer à embellir leur monde avec ses mensonges. Ça n'allait pas tenir très longtemps. Ce n'était pas la première fois que ça lui arrivait et jusqu'ici elle avait toujours utilisé la même technique : la fuite. Du coup, elle avait fuit.

« Tu... Tu veux prendre un café à l'appart ? Fumer une cigarette ?

— Le proprio aime pas trop ça.

— Si tu dis rien à personne, il te laissera faire, répondit Florentin avec un petit sourire qui en arracha un à Capucine. ... Et puis... Je pense que c'est pas mal qu'on discute. »

Capucine acquiesça et suivit sans rien dire Florentin jusqu'à la lourde porte de son immeuble.

L'appartement n'avait pas bougé au cours de ces quelques semaines, mis à part peut-être le bureau qui s'était vidé des cours de l'année écoulée. Florentin avait fait coulé deux cafés sans qu'aucun des deux ne disent quoi que ce soit. A se demander si c'était une bonne idée de la ramener ici.

« Capucine ?

— Mmmh ?

— Tu peux m'expliquer s'il te plait ? »

Florentin était assis sur le banc qui était dans la cuisine, sa tasse de café fumant devant lui. Capucine jouait nerveusement avec son paquet de cigarette.

« T'expliquer quoi ?

— Vraiment ?

— Qu'est-ce que tu veux savoir ? demanda Capucine en espérant ainsi en dire le moins possible.

— Capucine, t'as pété un câble pour une tâche sur une chemise. Tu m'as envoyé balader parce que je t'ai proposé de l'aide. Tu...

— J'ai pas besoin de ton aide, d'accord ?! Je me débrouille seule !

— Ah bon.

— Bah ouais. Et tu sais quoi ?! J'ai jamais eut besoin de l'aide de personne pour survivre ! Donc je vais pas commencer avec toi ! Je suis pas une pauvre fille que tu vas sauver et sortir de la misère, ok ?!

— J'ai jamais pensé ça. Arrête. Et comment je pourrais savoir si t'es dans la misère ou pas puisque tu ne dis jamais rien de toi ?! Tu ne montres jamais rien !

— Qu'est-ce que tu veux voir Flo ?! Tu veux voir avec qui je partage mes chiottes qui sont sur le pallier ?! Tu veux voir comment j'égouttes mes pâtes dans la douche parce que j'ai pas de cuisine ou alors parce que ma cuisine c'est aussi ma salle de bain ?! Tu veux voir comment je fais rentrer ma vie dans neuf mètres carrés ?! C'est ça que tu veux voir ?! T'es bien sûr de vouloir être avec ce genre de personne ?

— De vouloir être a... , répéta Florentin un peu abasourdit. Okay... Tu m'a pris pour qui en fait ?

— Pour quelqu'un qui a un cinquante cinq mètres carré en plein Paris et qui est encore étudiant, rétorqua Capucine en désignant tout ce qui les entourait. Regarde où tu vis !

— Okay... C'est comme ça que tu me vois ?

— Flo... C'est ce que tu es.

— Ah. D'accord... Y a encore combien d'autres choses que je devrais savoir ? Sur ce que tu penses de moi par exemple ?

— Flo...

— Non mais c'est bien en fait. ... C'est beaucoup mieux que je sache réellement ce que tu penses de moi. Comme ça on va s'arrêter avant d'encore plus s'abîmer.

— Tu vois, c'est exactement pour ça que je ne voulais p...

— Que tu ne voulais pas quoi ?

— Que tu m'aimes.

— Donc maintenant c'est de ma faute ?

— Non. C'est pas ce que je voulais di...

— Sauf que tu vois Capucine... C'est pas trop le genre de choses qu'on décide. On décide déjà pas de qui on va aimer. Alors qui va nous aimer... Impossible. Et puis tu peux pas reprocher à quelqu'un de t'aimer. T'as pas le droit de faire ça.

— C'est pas une question de reproche... C'est juste que...

— Que ?

— Non rien. T'as raison. Je... Je vais y aller. C'est mieux.

— Effectivement. Je pense que c'est mieux. »

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