1. Prologue
Avant. Avant, Gladys avait tout. Des parents merveilleux, une belle maison, des amis fidèles... Mais ensuite tout avait basculé. Après la mort de son père, sa mère s'en alla à son tour, la laissant aux bons soins d'un horrible orphelinat dirigé par un homme plus que désagréable et fréquenté par des gamins violents et insupportables. Lorsqu'elle atteignit ses neuf ans, on l'adopta. C'était un homme imposant, aux cheveux noirs hirsutes et aux yeux menaçants, accompagné d'une petite femme rondelette au sourire trop large pour être vrai. Dès la première fois où elle les vit, Gladys eut peur d'eux. Ils l'emmenèrent dans une belle maison. Ses tueurs s'occupaient bien d'elle, elle n'aurait jamais dit le contraire, mais ils étaient incapables d'être doux, ou de se comporter comme de vrais parents. C'étaient des blocs de glace vivants. Et Gladys, elle, s'enflammait pour un rien. Le feu et la glace sous un même toit, ça ne donne jamais rien de bon. Gladys avait radicalement changé. Elle était devenue agressive, renfermée et solitaire. Celui qui avait le malheur de la chercher se retrouvait confronté à un véritable ouragan enflammé qui dévastait tout sur son passage. Lorsqu'elle marchait dans les couloirs de son école, les gens chuchotaient à son passage. On lui donnait des surnoms, on la regardait de travers, on la bousculait. Cela dura ainsi pendant cinq ans, jusqu'à ce que ses tuteurs en ai assez de se faire convoquer chez le directeur pour parler de ses trop nombreuses bagarres. Ils décidèrent donc de déménager, pour repartir sur de bonnes bases. Ils choisirent de retourner dans la petite ville où Gladys était née et avait grandi. Mieux que ça, ils rachetaient son ancienne maison ! Lorsqu'ils lui annoncèrent la nouvelle, la jeune fille haussa les épaules et alla s'enfermer dans sa chambre. Elle se fichait bien de déménager dans son ancienne ville ou à l'autre bout du monde ! Il y aurait toujours des gens avec qui se battre.
La semaine suivante ils rangèrent leurs affaires ( peu nombreuses ) dans des cartons et partirent en direction de leur nouveau chez-eux. Durant le trajet, l'ours ( c'était ainsi que Gladys surnommait son tueur, Henri Helford ) fit pour la première fois preuve de douceur.
" Je suis sûr qu'on sera bien, là-bas. Tu feras des efforts pour te faire des amis ? "
Il réussirait presque à lui faire de la peine. Enfin, non. Gladys ne pouvait plus ressentir d'autres émotions que la colère. Juste pour qu'il lui fiche la paix, elle répliqua :
" J'essaierai, mais je ne promets rien. Je parie qu'il n'y a que des imbéciles dans ce collège. C'est quoi son nom, d'ailleurs ?
- Anatole France, il me semble.
- Un grand écrivain, acquiesça-t-elle avant de reporter son attention sur le paysage qui défilait derrière la fenêtre. Peu à peu, l'environnement urbain dans lequel elle avait passé cinq ans laissa la place à une campagne extrêmement familière. Et plus ils approchaient de l'Indre-et-Loire, plus la boule à l'estomac de Gladys grossissait. Lorsqu'ils passèrent le pont qui enjambait la Loire, elle faillait rendre son dernier repas, tandis que les souvenirs qu'elle avait refoulé jusque-là déferlaient sur elle. Ce ne fut rien par rapport à ce qu'elle ressentit devant sa petite maison. Avec ses murs de parpaings et son toit d'ardoises, elle ne payait pas de mine, mais elle était plus précieuse que tous les palais du monde aux yeux de Gladys. Elle passa la porte en serrant les dents pour s'empêcher de vomir et entra dans son ancienne chambre. Elle observa les murs rose bonbon avec une grimace dégoûtée.
" Il va falloir que je repeigne ces murs de toute urgence ", pensa-t-elle.
Les semaines se succédèrent jusqu'à la rentrée des classes. Gladys entrait en troisième, et honnêtement elle aurait bien voulu remonter le temps. A la rentrée, elle verrait enfin à quoi ressemblait le collège Anatole France. Elle ne se faisait pas d'illusions concernant les élèves qui devaient y être scolarisés. Des jeunes pourris gâtés en pleine crise d'adolescence, autrement dit, insupportables. De toute façon, si quelqu'un la cherchait, elle réglerait le tout avec une de ses colères légendaires et quelques bagarres pour enfoncer le clou. Ils verraient qu'on ne provoque pas impunément Gladys Dupuy.
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