CHAPITRE 9 - EVAN

24.09.17,
Appartement n°14, Immeuble 050, Quartier d'East Village | MANHATTAN  – 10:15 AM.

Comme tous les dimanches, ce matin c'est petit-déjeuner en famille. Mon père s'est levé le premier pour nous préparer de délicieux pancakes : quand j'arrive dans la cuisine, vêtu d'un simple pantalon de jogging, je le découvre devant le gaz. Ma mère, elle, prépare un jus de fruits avec son robot de cuisine. Sur la table sont éparpillés pots de confiture, pâte à tartiner, miel et bouteille de sirop d'érable. Un immense pot en carton de fromage blanc trône entre nos trois assiettes. Je distingue également une bouteille de coulis de fruits rouges. L'odeur des derniers pancakes en train de cuire me met l'eau à la bouche. Je m'installe à table.

- Coucou mon chéri, sourit ma mère.

- Salut mon grand ! , s'exclame mon père.

Je leur répond un petit « salut » enroué, la voix pas encore réveillée. C'est à ce moment là que mon père pose sur la table une pile de pancakes et que ma mère vient s'installer avec une bouteille de jus multi-fruits maison à la main. Gourmand, comme toujours, papa se sert ses pancakes en premier. Ma mère, elle, commence le petit-déjeuner avec son fromage blanc aux fruits rouges.

- Bien dormi ? , demande ma mère.

- Oui, super. Et vous ?

Tous deux hochent la tête. Dans le poste, posé sur le bar, j'entends Radio New-York qui diffuse les informations du jour et de la veille au soir : rien de bien spécial. En soit, une journée banale s'annonce encore aujourd'hui.

- Nous avons rendez-vous avec le docteur Clemmings cet après-midi, tu veux venir ?

Je lance un regard à maman, hésitant. Je n'ai jamais assisté aux rendez-vous avec le docteur d'Abby, bien qu'elle m'ait plusieurs fois proposé de venir. Si je refuse à chaque fois, c'est pour cette raison là : je ne comprends rien à son jargon médical et cela ne fait que m'angoisser. J'ai toujours l'impression que ce qu'il nous dit est pire que ce qu'il en est en réalité.

- Non allez-y tous les deux, j'irai voir Abby pendant ce temps là.

- D'accord mon chéri.

Je souris à maman qui pose sur moi un regard bienveillant. Affamé, je me sers trois pancakes que je monte en pile dans mon assiette, avant de les noyer sous une bonne dose de sirop d'érable. J'enfourne dans ma bouche une immense bouchée avant de soupirer d'aise.

- Papa c'est délicieux, dis-je la bouche pleine.

- Merci fiston.

Dans le calme, nous déjeunons alors. J'ai hâte de voir Abby.

X X X

NewYork-Presbyterian Hospital | MANHATTAN – 3:40 PM.

La marque des lèvres de Diego Flores sur les miennes semble être indélébile. C'est comme si je sentais toujours cette douceur et cette chaleur contre ma bouche qui s'en souvient encore. Là, enfermé dans l'ascenseur qui me mène au cinquième étage, je ne peux m'empêcher de penser à lui. Mon téléphone entre mes mains, je relis encore et encore le seul message qu'il m'a envoyé : à peine avais-je envoyé ma réponse qu'il m'avait ensuite bloqué. Je n'ai aucun moyen de le contacter, désormais.

J'aimerais lui parler même si, en réalité, je ne suis pas sûr de ce que j'aurais envie de lui dire. Je pense seulement que j'ai besoin d'explications, qu'il me dise que c'était sur un coup de tête et que cela ne signifiait rien : je m'en doute, bien sûr, mais l'entendre me le dire mettrait d'autant plus les choses à plat. Tout ceci est trop bizarre.

Je me souviens ne pas avoir dormi ce soir là. Allongé dans mon lit, yeux rivés au plafond, je ressassais encore et encore le baiser, le revivant en mémoire des centaines de fois encore : ses lèvres pulpeuses, ses mains, son corps tendu contre le mien et sa douceur. Je suis conscient que j'étais un peu saoul, mais il n'empêche que c'est arrivé. Je n'arrive toujours pas à réaliser que Diego Flores m'a embrassé. En fait, je n'arrive pas à réaliser tout ce qui s'est passé ce soir là.

- Oh, excusez-moi.

Quand quelqu'un me bouscule, une jeune médecin, je sors de mes pensées et quitte l'ascenseur. Dans les couloirs tout est relativement calme : je ne croise que peu de personnes et une douce odeur de savon me chatouille le nez. Les murs colorés et recouverts de dessins en tous genre rendent l'endroit un peu plus accueillant que les autres ailes de l'hôpital.

- Salut ma beauté.

Quand j'entre dans la chambre d'Abby, je remarque tout de suite son sourire. Ce n'est qu'ensuite que mes yeux se posent sur un petit garçon brun aux joues naturellement rosées et aux yeux brillants de malice. J'embrasse Abby sur le front, par dessus son bandana mauve, alors qu'elle enroule ses bras autour de mon cou.

- Evan !

Je souris, touché par son bonheur : elle est toujours folle de joie lorsque je viens la voir.

- Evan, c'est Eddy ! , me dit-elle un grand sourire sur les lèvres.

- Oui, je m'en serais douté , je ricane. Salut bonhomme !

Je lui tends la main en riant et il la saisit, avant de la secouer en une poignée étonnamment énergique et ferme. Ce gamin a l'air d'être une vraie boule d'énergie, et je pense que c'est bien pour Abby. De toute évidence, il ne faut pas être Devin pour voir qu'ils s'entendent bien tous les deux.

- Vous faisiez quoi tous les deux ?

J'ôte ma veste et m'installe au bout du lit, près des pieds de Abby.

- On vient de rentrer de la salle de jeux. J'étais un peu fatiguée, alors Eddy m'a raccompagnée , m'explique Abby.

- Oh, et vous faisiez quoi à la salle de jeu ? , je m'intéresse.

- Chris nous a mit un film sur l'écran plat, lance Eddy, c'était Harry Potter !

- Super !

Je suis ravi : je sais à quel point Abby adore Harry Potter. Même si elle est née alors que les premiers volets étaient déjà sortis au cinéma, elle les a tous vus et en est totalement fan.

- Eddy déteste Drago ! , s'indigne-t-elle.

- Ah oui ? , je demande surpris.

- Bah, il est idiot et méchant ! Je ne comprends pas pourquoi tu l'aimes autant ! , soupire Eddy.

- Tu n'as pas vu les derniers films, imbécile. Tu changeras d'avis, crois-moi , s'agace-t-elle.

- J'en doute.

Je les regarde se chamailler gentiment, tandis qu'Abby se lance dans une plaidoirie digne des plus grands avocats, visant à défendre coûte que coûte le personnage de Drago Malefoy. Je n'ai jamais osé lui avouer – pour ne pas la vexer bien évidemment - que je n'ai jamais été de son avis : forcé ou pas à faire ce qu'il a fait, Drago est et restera un sale gosse pourri gâté à mes yeux.

- Bon les enfants, ce n'est pas que mais... je vous ai ramené un petit quelque chose.

Tous deux me fixent, soudain silencieux. Je sors de mon sac une boite en plastique et l'ouvre entre nous sur le lit.

- Des pancakes ! Trop cool !

Abby se jette presque dessus : elle adore les pancakes de papa. Elle croque dans l'un d'eux tandis que, gêné, Eddy nous observe. Je lui tends la boite avec un sourire attendri :

- Sers-toi bonhomme, ne te gêne pas.

Un sourire illumine son visage et, ne se faisant pas prier plus longtemps, il se sert à son tour avant de croquer un morceau.

Je profite de ce moment de calme pour les regarder : ils sont adorables tous les deux.

X X X

Appartement n°14, Immeuble 050, Quartier d'East Village | MANHATTAN  – 6:50 PM.

- Evan, raconte. Tout de suite.

Lily est installée sur mon lit, le dos contre le mur. Elle mâchouille la paille que j'ai fourrée dans sa canette de soda quelques minutes plus tôt, dès l'instant où elle à débarqué à l'appartement. Assis sur ma chaise de bureau, je tourne comme un gamin sur un manège. Je pose finalement pied à terre pour m'arrêter, mon regard plongé dans le sien.

- Raconter quoi ?

- Tu n'as pas répondu à mes appels vendredi soir, j'étais inquiète !

- Lily, j'étais en boîte ! Si je t'avais répondu, tu ne m'aurais même pas entendu parler !

Elle soupire, ses épaules d'habte toujours raides s'affaissant un peu. Elle est habillée comme si elle sortait du lit, un jogging et un t-shirt bien trop grand pour elle. Je remarque qu'elle ne s'est même pas maquillée : son look d'aujourd'hui détonne avec la tenue pimpante qu'elle porte habituellement au lycée.

- M'ouais. Et Flores, tu l'as croisé ?

- Non. Il y avait trop de monde.

Je sais que je ne suis pas un mauvais menteur, mais je me méfie des réactions de mon corps : j'ai tendance à frissonner et à rougir lorsque je pense à Diego.

- Mhmh. Tu sais que je ne valide pas du tout ce que tu as fait, n'est-ce-pas ?

- Oui, je le sais , je soupire. Après... il m'intrigue, j'aimerais en savoir plus.

Je continue de penser que je n'aurais pas dû lui dire que je me rendais au Monster dans l'espoir de le croiser. En fait, je n'aurais même pas dû lui dire que je sortais ce soir là : cela m'aurait épargné ce regard coquin qu'elle me lance, là.

- Tu rougis comme une pas possible. Tu me mens, Evan. Je te connais par cœur.

Je ne peux rien lui cacher, je le sais, mais je ne peux définitivement pas lui dire ce qui s'est passé entre Flores et moi. Finalement, je baisse un peu ma garde :

- J'ai embrassé Dylan Campbell. C'était sympa.

- Haaaahiiii !

Elle tape dans ses mains, toute excitée, en souriant comme une imbécile. Sa réaction ne m'étonne pas, mais je la trouve gênante. Elle s'empresse de répondre :

- Raconte, raconte, raconte !

- Raconter quoi ? J'étais dans un club gay, il était seul, on s'est croisés, c'est arrivé. Tout simplement. C'était bien, il embrasse bien et il est mignon , je me tais un instant. Que veux-tu que je te dise de plus ?

- Tu comptes le revoir ? , questionne-t-elle.

- Je n'en sais rien. Plus tard dans la soirée je l'ai perdu de vue. Je verrai bien demain, si on se croise, comment il se comporte avec moi.

Je suis conscient que Lily me détaille de la tête aux pieds, mais ça ne me gêne pas. Je ne veux par parler de Diego, mais je peux parler de Dylan. D'ailleurs, j'avais presque oublié ce détail de ma soirée et, soudain, mon ventre se tord : va-t-il m'ignorer, demain, au lycée ? Je ne sais pas. Dylan Campbell est le genre de garçon qui pourrait avoir tous les garçons gays – même des filles – à ses pieds en un claquement de doigts s'il le voulait. J'étais certainement un coup d'un soir, un gars passé par là, seul, avec qui il voulait s'amuser. Enfin... je l'espère, du moins.

Une porte qui claque me fait sursauter et m'extirpe de mes pensées. Quelques secondes plus tard, j'entends la voix de maman :

- Nous sommes rentrés !

Lily et moi quittons la chambre en trottinant. Elle vient saluer mes parents tandis que, stressé, je les regarde : je les connais par cœur et je vois que quelque chose ne va pas.

- Alors... ? , je demande. Ce rendez-vous avec Clemmings ?

Quand je vois la lueur d'inquiétude passer dans les yeux de ma mère, je sens que mon visage se décompose. Lily s'approche de moi, sa main dans mon dos pour me rassurer, tandis que mon père nous fait signe de nous installer à table. J'ai compris.

Réunion de crise.

X X X

Je regarde pour la énième fois mon téléphone : 02:41 PM. Ma fenêtre entrouverte, j'écoute le tonnerre gronder dehors tandis que d'énormes éclairs illuminent le ciel. La pluie tombe droit en de grosses gouttes énormes qui font un vacarme pas possible sur le toit. L'air frais qui perce à travers les rideaux me fait du bien au visage, alors que le reste de mon corps est blotti sous ma couette. Je bouge frénétiquement mon pied.

Je suis incapable de dormir. Je suis inquiet, tellement que j'en ai mal au ventre au point d'avoir été incapable de dîner. Quand mes parents m'ont annoncé pour Abby, je suis parti m'enfermer dans ma chambre sans même me préoccuper de Lily, que j'ai salement abandonnée dans le salon. Je n'ai pas quitté mon lit, depuis.

J'avais raison de penser que « l'état stable » d'Abby n'était pas forcément une bonne chose. Le docteur Clemmings a expliqué à mes parents : son état devrait s'améliorer à cette période de la chimiothérapie, or, ce n'est pas le cas. Grâce à la batterie d'examens qu'ils lui ont fait, ils ont découvert que le traînement chimiothérapique ne fonctionnait pas comme prévu. De plus, Clemmings a annoncé à mes parents que la maladie s'étendait désormais aux os d'Abby. Ils pensent à commencer la radiothérapie dans quelques jours.

Je suis angoissé. Abby est ma petite sœur, mon bébé, et je suis mort de peur à l'idée qu'elle ne puisse peut-être jamais entrer en rémission. Elle n'a que huit ans et souffre déjà beaucoup trop pour son âge. Je sais qu'elle n'est pas la seule, et que d'autres enfants sont beaucoup plus mal lotis qu'elle. Mais c'est ma Abby. Parfois, ce sentiment d'impuissance me laisse sans voix et me troue le cœur.

Je sursaute lorsque mon portable vibre sur mon ventre. Je m'en saisis et, après que mes yeux se soient habitués à la luminosité de l'écran, je regarde le message que je viens de recevoir sur messenger. Mon ventre se tord.

DE : DIEGO FLORES
02:48 AM - Si tu parles de CA à qui que ce soit, je te tue. Entiendes ?

Je ne peux m'empêcher de ricaner. Si j'avais reçu ce message le jour de la rentrée, j'aurais probablement flippé : Lily m'avait dressé un portrait terrifiant de Diego. Pour une raison qui m'échappe, là, je suis convaincu que ce Diego violent et méchant n'est qu'une façade. Sa douceur lors du baiser ne pouvait pas être forcée, fausse.

Alors que je m'apprête à répondre, une fenêtre s'ouvre sur mon écran. Je serre les dents : encore une fois, il m'a bloqué. Je resserre ma poigne autour de mon téléphone avant de le jeter sans délicatesse sur ma couette. Je viens croiser mes bras sous ma tête.

Mort de fatigue, malgré l'inquiétude liée à Abby et à mes pensées chaotiques liées à Diego Flores, je finis par m'endormir.

X X X

25.09.17,
East Side Community High School | MANHATTAN – 10:05 AM.

- Il te bouffe des yeux, Evan.

J'ai l'impression que mon ventre va exploser. J'ai la nausée, et le cerveau en compote. J'ai chaud, aussi, tellement que ma nuque me pique sous le col de ma chemise. Je n'arrive pas à détourner les yeux de lui : ses yeux gris comme la lune croisent parfois les miens et je fantasme sans la moindre honte sur ses bras musclés et tatoués. Sa bouche, que je sais délicate, s'étire en un sourire lorsqu'Elena Hill vient s'asseoir à ses côtés avant de lui rouler une pelle dégoûtante. Je détourne les yeux.

- Hein ? , je demande. Qui ça ?

- Dylan ! Regarde, la-bas !

Je tourne la tête dans la direction que pointe le doigt de Lily, assise à ma table pour le petit déjeuner. Perdue sans son roman et les écouteurs vissés dans ses oreilles, Léa ne semble pas se préoccuper de nous. Tant mieux.

Mes joues s'empourprent quand je croise le magnifique regard de Dylan Campbell. Je remarque que Lily a raison : il me fixe, sans broncher, et c'est déstabilisant. Quand mes yeux trouvent les siens, il me sourit. Il a l'air satisfait et, moi, je ne sais pas quoi en penser. J'ai passé un très bon moment avec lui mais... rien de plus. Je ne sais pas comment réagir.

- Il est vraiment trop sex, Evan. Fonce !

Lily me tape dans le dos pour me pousser à le rejoindre. Assis seul à sa table, il déguste des suprêmes d'orange tout en tenant un bouquin dans sa main libre. Dois-je vraiment aller lui parler ? Tout le monde s'empresserait de balancer des rumeurs sur nous, et je n'ai vraiment pas besoin de ça. Finalement, alors que je m'apprêtais à me lever, je me ravise.

- Evan ! T'as peur de quoi ? , soupire Lily.

- Tu te souviens de ce que j'ai vécu à Butler ? Je n'ai en aucun cas envie que ça arrive à nouveau. Non merci.

Elle fait la moue : un point pour moi. Elle sait que j'ai raison. Dans mon ancien lycée à Butler, quand tout le monde a su que j'étais gay, tout a commencé à ressembler à l'enfer. La plupart des matins, je trouvais des photos ignobles ou des insultes écrites au feutre sur mon casier. J'entendais aussi les gens rire sur mon passage et la plupart des sportifs me bousculaient dans les couloirs. Pour moi, entrer dans les vestiaires à la fin du cours de sport hebdomadaire me semblait insurmontable : je rentrais toujours chez moi prendre ma douche ou me changer, quitte à perdre une heure de cours, ou bien je ne me douchais carrément pas. La plupart du temps, je me changeais dans les toilettes à l'interclasse. Je n'ai aucune envie de revivre ça ici.

- Si c'était Diego, tu foncerais ?

Je lui lance un regard noir, les yeux écarquillés. Je m'attendais à voir un sourire stupide sur ses lèvres, un genre de taquinerie, mais il n'en est rien. Elle est sérieuse. Je m'empresse de répondre :

- Bien sûr que non. Je te l'ai dit, Lily. Ce n'est que... qu'un fantasme, tout ça.

Je dois avouer qu'après le baiser que nous avons échangé, tout est flou dans ma tête. Heureusement, avant que Lily ne puisse me répondre, Léa nous coupe la parole :

- De quoi vous parlez ?

Alors qu'elle range ses écouteurs et son livre dans son sac, la sonnerie retentit. Nous nous dispersons, Lily partant d'un côté tandis que Léa et moi nous dirigeons vers le bâtiment B.

Au loin, traversant la cour, je repère Diego : il entraîne Elena Hill vers le bâtiment A, une main sur ses fesses.

X X X

En cette fin de journée orageuse, le parking du lycée ne tarde pas à se vider. La plupart des élèves se sont engouffrés immédiatement dans leur bus, à cause de la pluie, contrairement à d'habitude où ils attendent avec leurs amis sur le trottoir jusqu'au dernier moment. Les footeux sont tous partis à la vitesse de l'éclair, bousculant les autres élèves dans le couloir, impatients de débuter leur entraînement du lundi.

Assis au volant de ma voiture, essuie-glaces en marche mais toujours stationné à ma place, j'observe Diego : garé à une vingtaine de mètres de moi, je le regarde rouler une pelle à Elena Hill juste avant qu'elle ne monte dans sa Mini Cooper rouge. Puis, finalement, je quitte mon véhicule. Je me fiche de la pluie : j'ai réfléchi toute la journée et je ne peux pas attendre un instant de plus.

- Il faut qu'on parle.

Je ne prends pas de pincettes pour l'aborder étant donné que, la plupart du temps, lui n'en prend pas. Assis sur la selle de sa moto, il retire son casque pour pouvoir me regarder. Son côté nonchalant me tape sur le système.

- J'vois pas de quoi tu veux qu'on parle.

Je hais ce petit sourire en coin, arrogant. Là, son comportement n'a rien à voir avec celui du Diego adorable et doux de vendredi soir. Là, il est répugnant. Si je faisais quelques kilos de plus – et si je savais me battre – je lui aurais certainement envoyé mon poing dans la figure. À cet instant précis, je peux clairement admettre que je le hais.

- Ne joues pas au con, Flores. Tu sais très bien de quoi je veux parler.

Je le vois serrer les poings et les dents. Ses iris gris parsemés d'éclats bruns me transpercent. Il est en colère : je ne suis pas docile, je lui parle mal, et il n'aime pas ça.

- Je n'ai rien à te dire. Vete !

Il tend la main pour tourner la clé et démarrer. Alors qu'il s'apprête à mettre son casque, je m'en saisis avant de le jeter au sol. Il se lève en un sursaut et se dresse devant moi. Il vient saisir le col de ma veste au creux de son poing droit. Il serre les dents.

- Ne viens pas me faire chier, Evan. Casse-toi, je ne le répéterai pas.

Je lève les yeux vers lui. J'ai honte de sentir mon cœur faire un bon dans ma poitrine. Je sens son ventre contre le mien, la tension de ses muscles et la chaleur de son corps. Son odeur titille mes narines et, un court instant, je perds mes moyens. Je me ressaisis très vite néanmoins.

- Je n'ai pas peur de toi, Flores. Tu peux me secouer et me menacer autant que tu veux, ça ne marchera pas. Tu n'es pas ce gars que tout le monde croit, et je le sais.

Il semble surpris par ce que je lui dis. Son visage se radoucit quelques secondes et sa poigne sur ma veste se détend. J'attends.

- Je...

- Pourquoi tu m'as embrassé ?

Je le dis tout bas, de façon à ce que personne ne risque de nous entendre. Il cherche ses mots, je le vois.

- Je veux juste... comprendre, Diego. C'est tout.

- Il n'y a rien à comprendre, Evan , il redevient à nouveau le garçon froid et inaccessible. Ce n'était rien. C'était juste comme ça, tu étais là, c'est tout.

Je ricane. Je sais que cela ne représentait rien, en soit. Mais je ne veux pas qu'il nie le fait que je lui plais : il passe sa pause du matin à me regarder, depuis quelques jours. Je ne suis pas un imbécile.

- Ça ne représentait rien pour moi aussi, tu sais. Mais avoue que je te plais, Diego.

- Tu ne me plais pas, pendejo.

- Le pendejo t'emmerde, Flores !

Je me libère sa poigne en un mouvement brusque. Surpris, il se recule pour me laisser passer. Je hais ce sourire sur son visage et cette façon qu'il a de serrer les poings, comme s'il était prêt à frapper : je sais déjà qu'il ne me frappera pas, quoi que je puisse lui dire.

- Tu sais quoi ? , je râle. Tu n'es qu'un pauvre con. Vas te faire foutre !

Je m'enfuis. Je suis agacé par son comportement, qui me fait réaliser un peu plus à quel point nous ne serons jamais sur la même longueur d'ondes, lui et moi. Je ne supporte pas son arrogance et ce côté bad-boy qu'il essaie de se donner. Il a beau dire tout ce qu'il veut, je l'ai cerné : je l'ai vu sincère vendredi soir, lorsqu'il était avec moi.

Et je suis sûr d'une chose : ce que tout le monde voit, ici au lycée, ce n'est qu'une façade.

. . . #eastriverFIC

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