CHAPITRE 8 - DIEGO
23.09.17,
Pont de Brooklyn | BROOKLYN – 04:06 AM.
C'est là, lancé à pleine vitesse sur le pont de Brooklyn, que je réalise la connerie monumentale que je viens de faire. J'ai l'esprit embrumé, encore perdu dans la sensation étrange que j'ai ressentie lors du baiser avec Evan. Evan, c'est un joli prénom. J'ai aimé l'entendre me le dire, d'une petite voix, parce qu'il était gêné. Je continue de penser que je n'aurais jamais dû le ramener chez lui, et encore moins l'embrasser.
Je ne sais pas trop ce qui s'est passé ce soir, en réalité. J'avoue avoir un peu bu, et c'est certainement pour cette raison que j'ai abaissé quelques unes de mes barrières. Ce n'était pas volontaire, pas vraiment, et je regrette déjà de l'avoir fait.
Quand j'ai vu Evan – son prénom tourne en boucle dans ma tête – sortir dans cette ruelle, j'ai d'abord cru à une blague. Par quel hasard pouvait-il se retrouver ici, dans cette rue déserte, en même temps que moi ? J'ai d'abord pensé à lui hurler de dégager, comme à mon habitude, avant de comprendre ce qui l'avait attiré dehors en voyant le visage de ce sale type. J'ai alors senti la rage monter en moi, parce qu'il s'agissait de ce même gars qui m'avait taillé une pipe quelques jours plus tôt, et parce que j'ai vu dans ses yeux qu'il voulait Evan sans se soucier de ce qu'il voulait lui.
Mes poings m'ont fait mal pendant quelques minutes alors que je conduisais vers East Village, les bras d'Evan autour de ma taille. Je suis parfaitement conscient d'avoir bousillé le visage de ce sale type, mais je ne peux m'empêcher d'éprouver un sentiment de fierté. Je sais avoir fait une bonne action. Si je n'avais pas été là, je n'ose même pas imaginer ce qu'aurait eu à subir Evan : ce type allait clairement abuser de lui sans scrupules.
Un frisson me remonte l'échine au souvenir du baiser : j'ai aimé. Dire le contraire serait un mensonge. Evan embrasse très bien. D'autant plus que, contrairement à ce que je pensais, il ne m'a pas repoussé. Bien au contraire, il s'est carrément jeté dans mes bras. J'ai l'impression qu'il n'a pas peur de moi, contrairement à beaucoup d'autres personnes au lycée. J'ai aimé ce regard qu'il posait sur moi, tandis qu'il me soignait : je me suis senti normal, un court instant, en oubliant même ma vie de merde et les AlasNegras.
Evan est un garçon très séduisant. Depuis ce jour où il a tenté de discuter avec moi à la table de la cafétéria, je n'ai pu m'empêcher de l'observer aux heures de déjeuner et de pause du matin. Il me plaît beaucoup, sur le plan physique j'entends. Par rapport à Dylan Campbell, il est beaucoup moins superficiel. Ce soir, j'ai pu remarquer quelques imperfections sur son visage et ses cheveux n'étaient pas parfaitement coiffés. J'apprécie, c'est un garçon simple. Un garçon innocent, en fait, et je sais avoir fait une bêtise ce soir : je l'ai remarqué au lycée, à me regarder souvent. Je crois que je lui plais et je ne veux pas qu'il espère quoi que ce soit de moi.
J'aurais dû garder mes lèvres pour moi. Je regrette.
X X X
Appartement n°4, HLM E, Quartier de Brownsville | BROOKLYN – 11:45 AM.
Quand je suis rentré à la maison au beau milieu de la nuit, je lui ai envoyé un message. J'ai mené mon enquête sur facebook : fouillant dans la liste d'amis de Lily Adams, cette cheerleader qui traîne souvent avec lui, j'ai trouvé Evan. Pour être honnête, je ne m'étais plus connecté sur ce réseau depuis des mois, mais je dois avouer que c'est parfois utile. Je lui ai envoyé un message. Un simple « ne dis rien à personne », simple et efficace.
Je dois avouer que j'ai peur des conséquences : je ne me vois pas débarquer au lycée lundi et me faire chambrer parce que j'ai embrassé Evan Wright. Je n'ai pas envie que cela se sache. Il semble être du même avis que moi, car sa réponse a été la suivante : « je n'ai pas envie d'en parler à qui que ce soit ». Cela me rassure quelque peu.
J'entends un bruit de vaisselle dans la pièce à vivre, et la musique étouffée d'Andrea dans sa chambre. Les rayons du soleil percent à travers mon volet à moitié cassé, et je fixe le plafond d'un air absent. Doucement, je viens glisser ma main dans mon boxer : j'ai rêvé d'Evan. Dans ce rêve, nous étions dans sa voiture de riche que je déteste tant. On se touchait : à califourchon sur mes cuisses, il m'embrassait tandis que j'effleurais chaque centimètre de son corps. Je me suis réveillé au moment où il me demandait de le baiser. Désormais, je bande comme pas possible et je me sens ridicule : c'est la première fois que je fantasme ainsi sur quelqu'un. Même Dylan Campbell n'a jamais eu l'honneur de hanter mes rêves.
Quand je ferme les yeux, je revois Evan Wright : hier matin, au plus grand bonheur de mes yeux, son cours de sport a eu lieu en même temps que le mien. J'ai pu m'adonner au loisir de le regarder courir, vêtu d'un simple short et d'un débardeur trop large qui laissait entrevoir ses côtes : sexy. Son corps est magnifique, et ça détonne avec son visage enfantin. Là, alors que je me touche en pensant à lui, je revois tout : ses jambes légèrement poilues et musclées, ses fesses bombées et la chute de ses reins, ses tétons maladroitement dissimulés sous le tissus, la sueur sur son cou et ses clavicules. Je me souviens aussi de ses lèvres tendres et de ses mains brûlantes sur mon cou.
Bien trop rapidement à mon goût, je jouis en un gémissement rauque.
X X X
Hangar des AlasNegras, Quartier de Brownsville | BROOKLYN – 2:30 PM.
C'est relativement calme au « QG » cet après-midi. Je sens dans l'air les restes d'odeur de la grillade de midi, saucisses et côtes de porc, tandis que la chaleur tape sur le portail en taule. Assis sur un vieux canapé défoncé, face à une table basse recouverte de bouteilles de bière, je fume un joint. Je regarde la fumée s'envoler vers le plafond, légèrement stone, tandis que Dgina se fait les ongles à côté de moi.
Fernando et Miguel sont partis récupérer des armes dans l'une de leurs planques et je sais que d'autres gars ont été envoyés à Brighton Beach pour négocier je ne sais quoi avec des mafieux. Skull n'est pas loin, enfermé dans son bureau à la porte blindée, et je fixe en silence la tache de sang au beau milieu du hangar.
Alex Fornas s'est fait démolir. Au lendemain de mon petit règlement de compte, il s'est pointé comme prévu : la came était là, le blé aussi. Skull a récupéré son du. Malheureusement, la trahison d'Alex est restée en travers de la gorge de tout les gars, ici. Voler le boss, la mettre à l'envers à tout le monde, cela n'entre pas dans le code de notre gang. Aussi, ils l'ont banni. Je préférerais oublier ce qui s'est passé ce soir là : le passage à tabac, l'humiliation, le fer rouge sur son visage. Tout est gravé dans ma mémoire, clair et distinct, si bien que j'ai encore l'impression d'entendre son hurlement lorsque la brûlure a entamé les chairs de sa joue. Il est défiguré à vie, je suppose. Durant tout le temps qu'a duré son bannissement, Skull nous a forcés à regarder. Je ne m'en remettrai jamais.
- Diego.
Je roule des yeux lorsque j'entends Dgina chantonner près de moi, ses ongles fraîchement manucurés. Je capitule lorsqu'elle vient s'installer à califourchon sur mes genoux, ses mains fines posées sur mes pectoraux. Elle me regarde, elle me chauffe, et je ne sais vraiment plus quoi dire.
- Dgina.
Je lui lance un regard noir, mais elle ne semble pas s'en soucier. Ses mains vernies de rouge viennent glisser sur mon torse avant qu'elle ne les glisse sous mon t-shirt noir, griffant légèrement mes abdominaux dessinés. Dans mon dos, la douleur de la brûlure m'envoie une petite décharge électrique sur la nuque lorsque je m'appuie au dossier du canapé.
- J'ai envie de toi.
J'ouvre la bouche pour parler mais je suis incapable de répondre, surpris par ses paroles. C'est direct. S'il s'agissait de quelqu'un d'autre, un garçon ou même Elena Hill, j'aurais certainement foncé tête baissée. Mais il s'agit de Dgina, la fille de Skull, et je ne veux pas avoir d'emmerdes. De plus, elle ne m'attire en aucun cas.
- Hors de question. Arrête d'insister.
C'est quand elle prend mes mains pour les poser sur ses hanches que je profite du moment pour la détailler. Elle porte un short en jean si court qu'il est presque inutile. Ses pieds sont fourrés dans une paire d'escarpins brillants et sa poitrine, moulée dans un croc-top, semble sur le point d'exploser. Un long collier repose entre ses seins. Son visage est bien trop maquillé : elle serait jolie, sans toute cette peinture sur la peau. Je ne peux m'empêcher de penser qu'elle ressemble à une pute.
- Juste un baiser, alors ?
Je hausse un sourcil. Sérieusement ? Elle me regarde en se mordillant la lèvre, dans l'attente, et pendant un instant je me demande même si elle n'est pas amoureuse de moi. Je veux dire, il y a beaucoup de garçons de notre âge chez les AlasNegras et elle ne se comporte ainsi qu'avec moi. La plupart du temps elle ignore les autres, même s'ils bavent littéralement sur son fessier lorsqu'elle leur passe à côté. Je me demande ce qu'elle me trouve.
- OK.
Elle me sourit, ravie. Elle se penche sur moi pour venir poser sa bouche sur la mienne, avec délicatesse. Yeux fermés, je me force à penser à autre chose. Avant, le beau visage de Dylan Campbell me serait apparu. Aujourd'hui, c'est celui d'Evan Wright. En cet instant, je ne suis plus au hangar, ni même à Brooklyn. Là, c'est comme si j'étais à nouveau dans ce quartier de Manhattan, sur ma moto, contre lui et entre ses mains.
Finalement, ce baiser est agréable.
X X X
Appartement n°4, HLM E, Quartier de Brownsville | BROOKLYN – 6:41 PM.
Andrea et moi aidons maman en cuisine. Ayant reçu un peu d'argent de la part d'Abraham qui coule des jours heureux en Floride, elle a décidé de nous faire plaisir en achetant de quoi préparer des enchiladas. Andrea s'occupe de la sauce tomate tandis que, moi, je coupe les morceaux de poulet. Dans la vieille télé qui trône au milieu du salon, nous regardons une émission de télé-réalité totalement stupide. Maman, elle, se repose un peu dans le canapé.
- Mamà, je met tout le sachet d'épices ? , demande Andrea.
- Sì.
Dans une poêle posée sur le feu à côté de celle d'Andrea, remplie de sauce tomate désormais épicée, je jette à grosses poignées les morceaux de viande. Aussitôt, le tout crépite sur le feu et une odeur bien trop appétissante vient titiller mes narines. Je profite du temps de cuisson pour faire la vaisselle, tandis qu'Andrea clique sur l'écran de son téléphone pour répondre à un message.
- Diego, que es esto ?
La voix de maman, inquiète, me donne la nausée. Quand je me tourne pour la regarder, je vois qu'elle pointe mon dos du doigt. Je suis conscient que le pansement réalisé hier matin au lycée est visible, sous ce débardeur bien trop ample. Andrea pose son téléphone avant de se précipiter sur moi. Je la repousse d'un coup de coude dans les côtes. Je ne veux pas qu'on me touche.
- Rien, maman. Un nouveau tatouage, c'est tout.
Même si papa et Luis Jr étaient membres des AlasNegras bien avant moi, je sais qu'ils ont toujours tenu à préserver maman : elle ignore tout de leurs pratiques. Je n'ose pas imaginer sa réaction si je lui avouais avoir été marqué au fer rouge contre mon gré. Elle semble croire à mon mensonge.
- Oh, d'accord.
- Tu connais Liam Whitaker ?
Je me tourne brusquement pour fixer Andrea, colère. Elle me fixe dans l'attente d'une réponse, et je m'efforce de garder mon calme.
- Oui, je lui ai cassé les dents. Pourquoi ?
- Il est mignon.
- Dios, Andrea, pas lui ! Por favor !
Je me souviens du jour de la rentrée. Il était arrivé au beau milieu du parking, riant comme un imbécile. Il n'avait rien trouvé de mieux à faire que traiter ma soeur de pute. Je me demande d'ailleurs d'où ils se connaissent : la question me brûle les lèvres, mais je n'ose pas la poser devant mamà.
Alors qu'Andrea vient contre moi pour remuer sa sauce tomate sur le feu, je lui glisse à l'oreille :
- Il faut qu'on parle.
X X X
Maman est allée se coucher il y a près d'une heure déjà. La cuisine sent encore cette odeur si caractéristique des enchiladas – mon plat préféré – et l'air frais de septembre me fait du bien. Installés sur le balcon de notre petit appartement, Andrea et moi nous faisons passer une cigarette. Je finis par aborder le sujet :
- Tu le connais d'où, Liam ?
- On discute sur facebook. C'est tout. C'est lui qui m'a ajoutée.
Je pince les lèvres, agacé. Loin à l'horizon, je regarde les buildings éclairés de Manhattan. L'envie de prendre ma moto et de traverser le pont de Brooklyn me démange, rêvassant d'East Village. Mais je ne le fais pas : ma vie est ici, à Brooklyn.
- Pourquoi tu lui as cassé les dents ? , me demande-t-elle inquiète.
- Il t'a traitée de pute devant moi , j'avoue sans le moindre remord. J'aimerais savoir pourquoi, d'ailleurs.
Elle ne semble pas surprise, et cela ne semble pas la blesser non plus. Je tique et, colère, serre les poings. Je m'apprête à hurler, mais elle me coupe la parole :
- On s'est vus, une fois , commence-t-elle. On parlait depuis quelques jours déjà. Je sais que j'ai flirté avec lui, quelques fois, par messages. Mais quand on s'est donné rendez-vous il a voulu.... enfin... moi je ne voulais pas, je l'ai laissé planté là.
Je serre les dents. L'idée que ce petit connard ait osé poser ses mains sur ma sœur me rend fou de rage. Elle mérite beaucoup mieux qu'un idiot comme lui mais, malheureusement, je ne suis pas sûr qu'elle en soit consciente.
- Oh , fais-je. Vous parlez encore à l'heure actuelle ?
- Oui, quelques fois. Je l'apprécie beaucoup, tu sais.
- Andrea... il t'a traitée de pute devant tout notre lycée !
Je n'ai pas envie de la ménager. Je suis son grand frère et je me dois de la protéger, même si la vérité est parfois blessante. Je préfère lui briser le cœur, moi, avant que ce soit ce connard de Liam Whitaker qui le fasse.
À mon grand désespoir, têtue comme à son habitude, la seule réponse que j'obtiens est un haussement d'épaules. Agacé, je quitte l'appartement en espérant qu'elle prendra le temps de réfléchir.
Une cigarette entre les lèvres, j'erre dans les rues de mon quartier de délinquants sans le moindre but.
X X X
Espace vert, Quartier de Brownsville | BROOKLYN – 10:47 PM.
Je dois avouer que passer une soirée sans que mon téléphone ne sonne me réjouit. Ainsi allongé sur un banc public, sous un immense arbre dont j'ignore le nom, je respire l'air légèrement frais de ce samedi soir. Le temps de quelques minutes – ou quelques heures si possible – j'espère pouvoir mettre de côté mes inquiétudes concernant le gang : pas d'appel de leur part me permet de souffler un peu.
Cette histoire entre Andrea et Liam Whitaker n'arrête pas de me faire frissonner de colère. Liam est un connard – je suis conscient de l'avoir dit une centaine de fois déjà – mais encore le mot est faible : il fait partie de l'équipe de football mais, malgré sa beauté physique évidente, je suis certain que son QI est bien inférieur à la normale. Il se comporte comme un gamin, fait des crasses plus terribles les unes que les autres aux plus jeunes et se pavane à longueur de journée dans les couloirs du lycée. Andrea est une jolie fille, en plus d'être intelligente : elle a tout pour réussir dans la vie, clairement. L'idée qu'un petit fouteur de merde comme lui puisse lui briser le cœur me rend fou de rage. J'ai la haine.
Je connais ma sœur, par cœur, et j'ai vu dans ces yeux cette lueur stupide que l'on a lorsqu'on tombe amoureux. J'ai compris qu'elle l'apprécie et, malgré mes conseils, je sais donc qu'elle ne lâchera pas l'affaire avec lui. Elle est bornée, têtue comme une mule et elle le sera toujours, quoi qu'on puisse lui dire. Lorsqu'elle a une idée derrière la tête, elle ne l'a pas ailleurs.
Je ne devrais pas m'en mêler. En théorie, ce sont les affaires d'Andrea et de Liam et cela ne me concerne pas. Sauf que c'est ma sœur. S'il y a bien une valeur qui me tient à cœur chez les Flores c'est celle-ci : la famille. Loin de moi l'idée de ne pas intervenir et de la laisser aller droit dans le mur. Sur un coup de tête, convaincu, je prends une décision.
Lundi, j'irai causer à Liam Whitaker.
X X X
24.09.17,
Hôtel Hilton Garden | MANHATTAN – 01:42 AM.
Je ne supporte pas ce regard qu'elle me lance : elle est satisfaite. Moi, je serre les dents. Colère, je resserre ma poigne sur ses fesses. Une envie indescriptible d'exploser de rage monte de plus en plus en moi, mais je me l'interdis. Même si cette fille me dégoûte, je sais que c'est de ma faute si je suis ici ce soir : c'est moi qui l'aie appelée.
Elena Hill me chevauche comme une déesse et je suis sur le point de jouir. Rien n'a vraiment changé depuis la dernière fois, sauf un détail : ce n'est plus à Dylan Campbell que je pense, mais à Evan Wright. Evan. Que j'aimerais le voir là, à califourchon sur mon bas ventre, à se faire du bien lui-même sur ma queue. Dios, les poils se dressent sur mes bras à cette simple idée.
Ne supportant plus le regard coquin et satisfait d'Elena, je ferme les yeux encore une fois : c'est un peu plus agréable ainsi, le souvenir du corps d'Evan pendant son cours de sport me revenant en mémoire. Je rêverais de pouvoir glisser mes mains sur ses jambes si fines et sur ses fesses bombées. J'ai remarqué qu'il portait souvent des chemises : je rêve aussi de les lui arracher.
- Diego... je vais...
« Gracias » : je le revois me dire ça, un léger sourire aux lèvres, dans l'obscurité de son quartier d'East Village. Je ne peux pas expliquer ce haut le cœur trop agréable qui m'a pris à cet instant là, en l'entendant rouler le R à la perfection. Le fait qu'il utilise quelques mots en espagnol me fait plaisir : je crois qu'il m'aime bien, même si j'ignore pourquoi. Je me souviens aussi, soudain, de ses mains agrippées à ma nuque alors que je l'embrassais, et de son corps contre le mien tandis qu'on roulait vers sa maison.
- Merde!
Je lâche un juron très brièvement. Le petit cri étouffé d'Elena lorsqu'elle jouit me semble lointain, comme si elle était à des lieues de là. Moi, je suis conscient d'être en train de jouir à mon tour, tandis qu'elle vient m'embrasser à en perdre haleine. Un gémissement se bloque dans ma gorge alors que j'inverse nos positions : je donne quelques derniers coups de reins vigoureux en elle, clairement pour la faire hurler.
- Bordel, Diego.
Quelques secondes après seulement, nous retombons tous les deux le dos contre le lit. Côte à côte, nos épaules se frôlent tandis que nous restons simplement silencieux. Du coin de l'oeil, je vois sa poitrine volumineuse se soulever rapidement au rythme de sa respiration effrénée, tout comme son ventre. Ses mains fines et manucurées sont posées sur ses quelques abdominaux finement dessinés sous sa peau veloutée, et je remarque qu'elle fixe le plafond. Je l'entends ricaner un court instant. Ricanant aussi, conscient de l'orgasme monumental qu'on vient d'atteindre, je demande :
- À quoi tu penses ?
Elle ricane et tourne la tête vers moi : n'importe qui pourrait voir à son visage qu'elle vient de se faire baiser. Je ne saurais pas l'expliquer, mais ça se voit.
- Je me disais que les gens sont cons de croire que t'es gay. Tu es un putain de bon coup, Diego.
Je ris jaune, mais elle ne semble pas le remarquer. Tout comme elle, je reporte mon attention sur le plafond. J'attends que ma respiration retrouve alors un rythme régulier. Un frisson d'angoisse me parcourt l'échine au souvenir de la rumeur.
Dylan Campbell m'a juré qu'il n'avait parlé à personne de ce qu'il avait vu me concernant, ce soir là au Monster. Et, pour un raison qui m'échappe, je suis convaincu qu'Evan n'était pas en boîte ce fameux jour et qu'il n'a pas lancé cette rumeur. Malgré tout, quelqu'un a vu juste et a pris un malin plaisir à le balancer à tout le monde.
J'ai honte d'avouer que si je suis ici avec Elena, à cet instant précis, c'est uniquement pour faire taire cette vérité que je n'accepte toujours pas.
. . . #eastriverFIC
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