CHAPITRE 47 - EVAN
10.01.18,
Rooftop de Cody, Quartier de West Village | MANHATTAN – 12:01 AM.
Mon cœur palpite dans ma poitrine quand je remonte les escaliers pour rejoindre le toit. Lily m'a fait un clin d'oeil en me voyant passer dans le salon. J'ai aussi senti quelques regards sur moi, mais je me fiche de ce qu'ils peuvent penser. Je suis dans le jacuzzi avec mon petit-ami, et alors ? Ce n'est pas parce que nous sommes seuls dans un bain bouillonnant que nous faisons forcément des choses intimes ! Dans tous les cas, moi, je ne me sens pas coupable : nous n'avons rien fait, mis à part nous bécoter.
Je trottine, impatient de le retrouver, enroulé dans ma serviette de bain. J'ai l'impression de ressembler à une crêpe ambulante, et je ris tout seul de ma bêtise. Mon sourire s'efface vite cependant quand je le vois, debout, en train de se rhabiller. Je fronce les sourcils quand je vois qu'il enfile son jean par dessus son boxer mouillé, comme si cela était tout à fait normal. Inquiet, je m'approche.
- Qu'est-ce-que tu fais ?
Surpris par mon arrivée discrète, il sursaute. Il me lance un regard avant de dérouler les manches de son pull pour le remettre à l'endroit. Ses gestes sont brusques, comme s'il était en colère ou stressé. Quand je le regarde je sais que, si j'étais arrivé deux minutes plus tard, je me serais retrouvé seul ici : il fuit.
- Je peux savoir où tu vas ?
Ma voix est désagréable, désormais. Il est là, à se rhabiller, sans même me regarder. Agacé, je prends son pull de ses mains pour l'obliger à me regarder. Mon cœur s'emballe : ses yeux sont magnifiques mais brillent d'une lueur que je ne connais pas. J'ai l'impression qu'il est en colère, là, et qu'il a peur. Je ne comprends pas pourquoi.
- Tu peux me répondre ? S'il-te-plaît ? , je râle.
- J'dois y aller. Je suis désolé.
Il récupère son pull et le passe en un mouvement habile. Moi, comme un idiot, je ne peux m'empêcher de loucher sur ses abdominaux dessinés : il est beau. Il enfile sa veste à la va-vite, et je trouve adorable la façon dont ses cheveux humides se sont coiffés sur sa tête : j'ai envie d'y passer les doigts. Mais je suis en colère contre lui, là, alors je me l'interdis.
- Encore un truc de gang ? , je marmonne.
- Oui. Enfin... en quelque sorte.
Je baisse les yeux sur mes pieds nus. La fausse pelouse se glisse entre mes orteils et c'est doux. Je ne sais pas quoi dire. Enroulé dans ma serviette, à moitié nu, je me sens ridicule. Mon petit-ami me laisse en plan, et je me sens seul. J'aurais aimé qu'il reste, mais je commence à avoir l'habitude : son putain de gang gâche toujours nos moments de bonheur. J'ai la haine.
- Evan...
Je frissonne quand il pose sa grande main chaude sur ma nuque. Il caresse ma peau du bout des doigts tandis que je lève les yeux pour le regarder. Il me sourit un peu, en coin, et me dit tout bas :
- ... j'suis désolé.
Il se penche. Je ferme les yeux quand il m'embrasse tendrement sur le front. Ses lèvres sont chaudes et tendres, et malgré tout ça c'est rassurant.
- Je t'aime.
Il me claque un petit baiser sur la joue avant de s'en aller. Je le regarde s'éloigner, les fesses trempées sous son jean à cause de son boxer mouillé. Quand il descend les escaliers, mon estomac se serre : pourquoi est-ce-que j'ai l'impression que c'est moi qu'il fuit... ?
X X X
Appartement n°14, Immeuble 050, Quartier d'East Village | MANHATTAN – 12:19 AM.
Je me laisse tomber sur mon lit, totalement naze et lassé. J'ai un goût amer dans la bouche, parce que je suis contrarié. J'ai cogité tout le temps du trajet retour jusqu'à l'appartement, et je n'ai pas arrêté de me dire que Diego me fuyait. J'ai vu dans ses yeux qu'il me regardait d'une façon étrange, méfiante, et je ne comprends toujours pas pourquoi.
Tout en roulant, je me suis demandé si j'avais fait ou dit quelque chose de mal, au cours de la soirée, qui aurait pu le contrarier : non. Je n'ai rien dit ni rien fait de différent de d'habitude. Nous nous sommes pas réellement parlés, excepté ce moment où nous avons fumé une clope affalés sur des poufs multicolores. Le reste de la soirée s'est simplement déroulé dans le silence, la tendresse et les papouilles. Nos regards parlent pour nous, je le sais, et nous ne parlons pas beaucoup.
Quand je sors de mes pensées, allongé sur ma couette, je déverrouille mon téléphone. Je constate, horrifié, que papa m'a appelé quatre fois et laissé deux messages. Je panique : maman n'est pas encore rentrée de Boston et, même si elle m'avait prévenu qu'elle risquait de rentrer très tard, je me fais tout un tas de films : et s'il lui était arrivé quelque chose ? Le cœur battant à tout rompre et nauséeux, je rappelle papa. Il décroche à la troisième sonnerie :
- Enfin, tu me réponds !
- Désolé, papa, je dormais.
Je me vois mal lui dire que j'étais dans le jacuzzi avec mon petit-ami gangster, un soir de semaine. Je préfère mentir, c'est plus simple.
- Pourquoi tu m'as appelé ? , je demande avec inquiétude.
- Je me demandais pourquoi j'ai reçu deux mails d'absence de ton lycée, aujourd'hui !
Je lève un sourcil : est-il seulement sérieux ? Il m'a harcelé toute la soirée pour ça ? Je soupire.
- J'étais malade, papa. Maman est au courant. J'ai pas séché pour aller voir mon copain, si c'est ce que tu penses.
- Oh, d'accord. Je vois.
Il semble réfléchir au bout du fil, et à cet instant là je réalise à quel point il me manque. Il est très absent ces derniers temps et j'ai hâte que toute cette histoire à Butler soit bouclée. Je veux qu'il revienne à la maison, comme avant. Je veux cuisiner avec lui le soir dans la cuisine lorsqu'il n'est pas de garde au poste de police ou en patrouille. Je veux le serrer dans mes bras, aussi.
- Quand est-ce-que tu reviens ? , je demande.
- Le week-end prochain, comme prévu.
- Non. Je veux dire... quand est-ce-que tu reviens, genre... définitivement.
- Oh.
Je me sens nostalgique des moments passés ensemble, comme si cela faisait déjà des années qu'il nous avait quittés. Cela ne fait que quelques mois, mais c'est déjà trop, même s'il revient quelques week-ends. De plus, ne pas savoir comment se porte l'enquête m'angoisse : j'ai peur qu'il lui arrive quelque chose, qu'il soit sur un cas inquiétant et qu'il risque sa vie tous les jours.
- C'est pas bientôt fini, cette enquête ? , je questionne.
- Malheureusement, non. Un ado a disparu et nous pensons que c'est lié.
Je me passe la main sur le visage, après m'être retourné sur le ventre et appuyé sur les coudes. Je soupire : j'en ai marre.
- Rappelle-moi pourquoi c'est tombé sur toi ? , je râle. Je veux dire, il y a des milliers de flics aux États-Unis.
- Parce que Glenn a pris sa retraite et que j'ai travaillé là-bas pendant des années. Les autres sont jeunes et n'ont aucune idée de comment gérer ce genre de situation. Il leur fallait quelqu'un de compétent et en qui ils pouvaient avoir confiance.
Je souris en coin : je suis fier de lui. Même si je passe mes journées à angoisser à cause de son travail, je suis fier de lui. C'est un super flic, très doué et passionné. Il donnerait sa vie pour son travail, un peu comme un pompier, et c'est beau. Je suis fier d'être son fils.
- Tu me manques, papa.
- Toi aussi tu me manques, Evan. Vous me manquez, tous.
Je souris. Il est minuit passées et même s'il est tard, j'aimerais rester au téléphone pendant des heures encore.
- Tu as cours, demain ? , demande-t-il.
- Ouais, à huit heures.
- Je vais te laisser dormir, alors.
- D'accord.
- Bonne nuit, Evan.
- Bonne nuit papa.
Il raccroche après m'avoir dit qu'il m'aime et qu'il revient bientôt. Je me sens triste, désormais. Je me sens vide. Mon papa est l'homme de ma vie, clairement. Je ne serais pas aussi fort ni celui que je suis aujourd'hui s'il n'avait pas été là. L'absence de ma mère – tout en étant présente malgré tout – nous a beaucoup rapprochés lui et moi : il m'a tout appris. C'est lui qui m'a appris à faire du vélo, à nager. Je me souviens de mon premier jour d'école : c'est lui qui m'avait laissé sur le pas de la salle de classe, à la maternelle, alors que la plupart des autres gamins étaient avec leur maman. Mon père, c'est mon héros. Son absence me pèse.
Mort de fatigue, pas même blotti sous la couette, mes yeux se ferment tout seuls et je finis par m'endormir.
X X X
Je suis perturbé dans mon sommeil par un mouvement doux près de moi. Je n'ai pas le courage d'ouvrir les yeux, trop endormi, mais je sens qu'on tire la couette sur moi pour me couvrir. Un petit couinement de bien-être se bloque dans ma gorge, et j'ai le cerveau presque éteint. Je suis conscient d'être allongé sur le dos, tordu dans tous les sens, mais mon crâne est blotti entre mes deux oreillers et c'est le pied total. Quand je sens la couette contre mon cou, plongé dans une chaleur rassurante et agréable, je peine à murmurer :
- Merci maman.
Je recommence à sombrer, enlisé dans un sommeil dont je n'ai pas envie de sortir. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, mais je m'en fiche. Néanmoins, je fronce les sourcils quand je sens un poids contre moi, près de ma taille. Mon cœur s'emballe douloureusement quand je sens quelque chose se poser sur mes lèvres : sa bouche. Son odeur me vient alors aux narines.
Aussitôt, j'extirpe ma main de dessous la couette. Entre mes doigts, ses cheveux sont doux et je sais qu'il les as lavés et séchés au sèche-cheveux. Je caresse son crâne, tendrement, tandis qu'il m'embrasse lentement. C'est doux, ça m'hypnotise, et je perds la tête. Quand il se recule je me sens vide, et je trouve enfin le courage d'ouvrir les yeux.
La première chose que je vois, dans la presque obscurité, ce sont ses yeux. Gris, ils semblent briller comme deux lunes à la faible lumière qui perce à travers mon rideau. Puis, ensuite, je vois sa bouche et son nez fin. Puis, la ligne sexy de sa mâchoire. Et, pour finir, ses épaules nues. Penché vers moi, je profite du baiser qu'il dépose sur mon front pour glisser mes doigts sur son torse : ils finissent leur course sur la boucle de sa ceinture.
- Qu'est-ce-que tu fais ici... ? , je demande tout bas.
- Tu me manquais. J'avais envie de te voir.
Je pouffe de rire, tout bas, pour qu'il l'entende à peine. Je lui manquais ? Nous avons passé la soirée ensemble ! Rancunier, un peu, je lâche :
- T'avais qu'à pas t'enfuir, on aurait passé plus de temps ensemble.
- Je suis désolé, Evan.
- Tout va bien ?
- Non.
Je suis déstabilisé par la sincérité de sa réponse : non, tout ne va pas bien. Du moins, pour lui. J'ai l'horrible impression que c'est de ma faute, en plus, et ça n'arrange en rien mon sentiment de mal-être. Sérieux, je me redresse pour m'asseoir face à lui. Je pose ma main sur son cou, mon pouce sur son menton : j'effleure la ligne de sa lèvre inférieure avec le bout de mon ongle.
- Qu'est-ce-qu'il se passe... ?
Je parle tout bas, tout en jetant un regard à la porte de ma chambre : elle est fermée, et j'en déduis qu'il l'a verrouillée en arrivant.
- C'est juste que... je flippe, tu sais.
- Pourquoi ? De quoi tu as peur ?
Je déteste le voir comme ça : il se tient comme si on l'avait battu, comme s'il était malheureux, et ça me fait mal. Lui qui est si fort, si fier et si musclé. Je sais qu'il n'est pas heureux, là, et ça me fait mal : je l'aime, et je ne veux pas qu'il soit triste.
- J'peux pas te le dire... vraiment, j'peux pas.
- C'est à propos de cette chose dont Skull ne veut pas que tu parles ?
Je me mords l'intérieur de la joue quand il vient pencher la tête, afin de blottir sa joue contre ma paume. Ses doigts froids s'enroulent tendrement autour de mon poignet et il caresse ensuite mon bras, légèrement, avec tendresse. Il hoche la tête.
- C'est dangereux ?
- Ça dépend.
- T'es directement impliqué ? Quoi que ce soit... ?
- Oui.
Je ferme les yeux. J'ai envie de savoir mais, au fond de moi, je sais qu'il vaut mieux pour moi que je ne sois pas au courant : ça fera moins mal, j'aurai moins peur si j'ignore de quoi il s'agit vraiment. Je sais à quel point ils peuvent être fous-furieux dans les gangs et je préfère ignorer dans quoi il trempe. Drogue ? Arme ? Proxénétisme, même ? Meurtres ? Il vaut mieux pour moi – et pour lui – que je ne sache rien.
- Tu risques gros ? , je demande tandis qu'un frisson remonte dans mon dos.
- Oui.
- Tu risques quoi ?
Je l'oblige à me regarder, en relevant son visage vers le mien. Mon pouce et mon index tiennent son menton, et je caresse sa gorge avec mes doigts libres. Ses yeux crient à l'aide, mais je ne sais pas quoi faire, ni quoi dire. Je suis impuissant face à ça, je ne peux rien faire pour le sortir de la situation dans laquelle il s'est mise, parce que ce ne sont pas mes affaires.
- Ma vie.
J'ai le souffle coupé. C'est comme si on me plantait un couteau dans le dos : la douleur est insoutenable et emporte mon souffle. Je ne sais pas quoi dire. Les larmes poussent derrière mes yeux et je n'arrive pas à savoir si ce sont des larmes de peur ou de colère. Certainement un peu des deux.
- Q-quoi... ?
- Je... je suis désolé de te faire vivre ça, je voulais pas...
Je ne comprends pas ce qu'il se passe, quand il vient m'enlacer si fort qu'il me coupe le souffle à nouveau. Ses bras se referment sur moi mais, penché contre moi, sa tête repose contre mon ventre. Je me sens stupide, là, à ne pas savoir quoi dire ni quoi faire. Il pleure, désormais.
- Je veux pas te perdre, Evan. Je veux...
Il se tait, mais ça me fruste : que veut-il ? J'ai besoin d'en savoir plus. J'ai besoin qu'il me parle, maintenant qu'il m'a clairement dit qu'il risque sa vie pour ce putain de gang. J'ai peur. Je l'imagine, mort, une balle dans la poitrine ou dans le dos à l'angle d'une rue déserte et pourrie, et ça me fout la nausée.
- Tu veux quoi, Diego ?
Une larme perle au coin de mon œil et roule sur ma joue. Je frissonne quand il se glisse sous la couette, entre mes cuisses. Il allonge ses bras sur mon oreiller, et mon visage se retrouve au creux de ses coudes. Ses mains, elles, sont plongées dans mes cheveux. Il presse son corps contre le mien, et j'en ai le souffle coupé à nouveau. Contre ma bouche, il dit d'une voix brisée :
- Je veux étudier. Je veux aller à Harvard, ou au MIT. Je veux... je veux être avec toi. Je veux vivre avec toi, avoir un avenir avec toi. Je veux être normal, Evan. Je veux pouvoir fonder une famille avec toi. J'aimerais... j'aimerais t'épouser, t'avoir pour moi pour toujours. Et je... je pourrai jamais avoir tout ça, et t'imagines pas comment ça me rend dingue.
Je ferme les yeux, je suffoque. C'est trop à encaisser : il veut un avenir avec moi, une famille, m'épouser. Il a déjà réfléchi à tout ça, s'est posé la question, et je panique : moi, à part en fantasmer, je ne suis sûr de rien. Je l'aime, bien sûr, mais pour combien de temps ? C'est mon premier amour et je sais que je l'aimerai toujours, mais j'ai toujours été pessimiste et je n'ai pas arrêté de me dire que notre amour finirait par s'éteindre, tôt ou tard, parce que je ne suis qu'un ado. Mais lui... lui il est convaincu, il me veut, et ça me fait flipper. J'ai peur mais j'ai envie. Terriblement envie.
- Je te veux, Evan. Et j'suis désolé de ne pas pouvoir.
- Pourquoi tu pourrais pas... ?
- Parce que j'peux pas. Pas avec ma vie, pas comme ça.
- Alors quitte le gang.
Je n'arrive pas à croire que nous sommes en train d'avoir cette conversation là, comme ça, à voix basse et à moitié nus tous les deux dans un lit. Ma mère est dans la chambre voisine – je l'entends ronfler légèrement – et ça craint. Les muscles de Diego se tendent et je sens la tension, entre nous.
- J'peux pas.
- Pourquoi ? , je demande même si je connais la réponse.
- Parce que... ils ont encore réussi à achever un gamin. Il avait 17 ans, Evan. Il s'appelait Gim. Il voulait juste...
- Tu es peut-être plus fort que lui.
- Skull me hait, Evan, mais je lui suis utile. Si je fais ça... il hésiterait pas à me crever.
Je serre les poings. J'ai la haine. J'ai tellement la haine que je pourrais achever Skull moi-même, lui tirer une balle entre les deux yeux. Je le déteste pour tout ce qu'il lui fait subir. Je le déteste de tirer les ficelles de tout ça.
- Et si... et si on s'enfuit, toi et moi ?
Il relève brusquement sa tête, qui était blottie au creux de mon cou. Il me regarde dans les yeux, et je frissonne : il me regarde avec amour et désir, et je me sens tout petit. Je glisse ma main sur sa nuque et caresse sa peau du bout des doigts : il est magnifique. Il est si beau et je l'aime tellement qu'il pourrait me faire faire n'importe quoi. Y compris ça.
- Arrête...
- Je suis sérieux.
Je louche sur sa bouche, tout en repensant à ce que je viens de dire : je l'aime, que pourrais-je faire d'autre ? Je ne suis qu'un ado, et tout le monde sait que les ados sont fougueux et ne prennent pas toujours les bonnes décisions. On dit que l'amour rend aveugle, mais on ne dit pas assez que l'amour rend stupide.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles... , renifle-t-il. Pense à ton père, à Abby, à ta mère. Tu peux pas.
- Tu tiens un an et demi, le temps que j'aie mon diplôme. Et on se casse, toi et moi, très loin. T'en dis quoi ?
Je me surprends moi-même de la vitesse à laquelle je planifie tout ça. Je m'y vois déjà : obtenir mon diplôme – lui aura le sien, c'est sûr – et me barrer loin avec lui. Je m'imagine à l'autre bout des États-Unis, rien que lui et moi.
- Tu perdrais ta famille, ils ne te pardonneraient pas.
- S'ils m'aiment vraiment, ils devront me pardonner. Et s'ils ne le font pas, alors c'est qu'ils m'aiment pas.
- C'est pas toi qu'ils aiment pas, mais moi, dit-il tristement.
- Tu ne les connais pas. Peut-être qu'ils t'adoreraient. T'es pas qu'un gangster, Diego.
Il me sourit, un peu, ému. Il me bouffe des yeux, là, ses doigts caressant légèrement mon front et ma joue. Quand il pose ses doigts sur mes lèvres, je les embrasse tendrement. Il renifle.
- Tu... t'es complètement dingue.
- T'as même pas idée.
Il se penche et me vole un baiser. Je le laisse faire, avide, sans bouger. Ses mains quittent mon visage pour trouver mes hanches, et il abaisse mon boxer jusqu'à mes chevilles avant de me le retirer. J'écarte les cuisses pour lui, pour qu'il vienne s'y loger, et il le fait. Je frissonne quand j'entends tinter la boucle de sa ceinture et le zip de sa braguette. Ces seuls sons suffisent à m'exciter. Je ferme les yeux tandis que, comme par magie, il déchire entre ses dents l'emballage d'un préservatif. Je me sens stupide de ne pas avoir remarqué qu'il bandait.
- Il va falloir qu'on fasse quelque chose, Evan..., soupire-t-il de frustration en le déroulant sur lui.
- Quoi ?
Je le regarde, perdu, sans comprendre de quoi il veut parler. Cette putain de conversation est partie dans tous les sens et, même moi, je ne sais plus où j'en suis. Je pense au gang, aux risques qu'il prend, à sa jolie déclaration d'amour, à ses larmes, à ma proposition de m'enfuir. Je pense à tout, en même temps, et c'est le gros bordel dans ma tête. Mais mon cerveau se déconnecte quand il me pénètre : c'est bon.
- Je supporte plus ces putains de capotes.
Il gémit contre ma bouche avant de m'embrasser. Mon ventre se tord délicieusement : moi non plus. J'aimerais le sentir, pour de vrai, et pas à travers un morceau de latex. Et puis, ça serait une belle étape pour nous, pour notre relation. Je suppose que je n'ai pas d'IST, étant donné que je n'avais pas couché depuis ma première fois et que, ce jour là, nous avions utilisé une capote. Mais je n'en sais rien et, malheureusement, je sais que lui a eu beaucoup de relations.
- Je t'en supplie... , je soupire d'aise. Baise-moi.
J'aime quand il me baise, et encore plus lorsqu'il y a cette tension là entre nous. C'est l'amour, la passion et la colère. C'est tout à la fois, et c'est génial lorsque nous faisons l'amour. Mais, lorsqu'il me baise, je sais qu'il est vraiment lui : même si faire l'amour avec lui est incroyable, je sais qu'il préfère la baise. Et je pense que la baise amoureuse est la meilleure.
- T'es tellement étroit mon amour.
Mon amour. Bordel, j'en crève. Il donne un nouveau coup de rein, et je m'agrippe avec force à ses biceps. Mes ongles se plantent dans sa peau, mais je suis incapable de lutter contre ça : il me fait trop de bien. Quand sa bouche trouve la mienne, qu'il m'embrasse à m'en couper le souffle, je perds la tête.
- Si tu veux m'épouser... commence déjà par me demander en fiançailles.
Je m'agrippe à lui, de toutes mes forces. Je ne regrette en aucun cas mes paroles : je le veux vraiment. Peu importe si mon père risquerait de faire une attaque et de m'enfermer à vie. Peu importe si ça déplaît : j'aime Diego Flores. Je l'aime de tout mon cœur, de tout mon être. Je ne peux pas lutter contre ça, alors autant succomber.
- Tu te fous de moi ? , couine-t-il contre mes lèvres.
- Absolument pas.
Il gémit, se crispe et commence à trembler. J'ai l'impression que, là, c'est moi qui suis en train de l'achever. Et de la plus belle des façons.
- Pose-moi la question, tu verras bien.
- Arrête.
- Si tu en as envie... vas-y, demande-le moi.
Et pendant tout ce temps là, il me pilonne. Ma voix tressaute sous les assauts de ses reins, et je crois que je n'ai jamais rien vécu d'aussi intense. Il est beau, magnifique, sauvage. Il m'aime. Et je l'aime. Ses yeux rivés sur moi, gris-noisette, sont magnifiques.
- Tu veux être mon fiancé ... ? , demande-t-il tout bas.
- Oui, Diego Flores. Je le veux.
Je me sens idiot quand, là alors qu'il est en moi, il fond en larmes avant de s'écrouler sur moi.
. . . #eastriverFIC
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top