CHAPITRE 37 - EVAN

01.01.18,
Appartement n°14, Immeuble 050, Quartier d'East Village | MANHATTAN – 03:46 AM.

- Regarde-moi.

Je prends délicatement son visage entre mes mains, afin qu'il me regarde. Son visage niché au creux de mon cou, je sens son souffle brûlant et saccadé sur ma peau. Son corps, au dessus du mien, tremble si fort que ça commence à m'inquiéter. Malgré tout, je ne me suis jamais senti aussi détendu.

- Non.

- Regarde-moi.

Je le tiens entre mes jambes, mes chevilles nouées sur ses reins. Nos peaux sont brûlantes et moites, ruisselantes de sueur sous la couette, et le plaisir qu'il me donne me fait perdre la tête.

Finalement il capitule, après avoir donné un long et profond coup de rein en moi. Je sens sa verge frôler ma prostate, me faisant échapper un soupir d'aise et faisant naître dans mon bas-ventre une délicieuse douleur. Je ne m'en lasserai jamais.

- Evan, je...

- Calme-toi. Tout va bien.

Je ne comprends pas tellement pourquoi il est dans un état pareil. C'est nouveau pour moi de le voir comme ça, presque en transe. Ses bras sur lesquels il est appuyé tremblent, si bien que je me dis que son corps va s'effondrer sur le mien à tout moment. Ses jambes aussi tremblent, loin sous la couette, et sa peau est recouverte de chair de poule. Quand je le regarde, grâce à la lumière douce de ma lampe de chevet, je vois les gouttes de sueur sur son visage, qui collent ses cheveux noirs comme l'ébène à son front et ses tempes. Il est magnifique. Je passe mes doigts dans ses cheveux pour les repousser sur son crâne.

- Je... dios mio.

Il soupire d'aise et baisse la tête. Moi, je me contente de le regarder un moment avant de déposer un baiser sur son front. Tout doucement, je donne un coup de rein vers lui pour l'inciter à bouger. Il s'exécute, si lentement que j'en deviens dingue. J'aime la façon dont il me fait l'amour  : c'est lent, tendre et puissant. Je n'aurais jamais imaginé que cela puisse être aussi intense et doux. J'ai le cœur en miettes.

- Calme-toi.

Je caresse ses joues, son nez et ses yeux avec mes pouces. Ses paupières sont fermées sous mes caresses et j'adore le voir ainsi, à moi, la bouche entrouverte et soupirant d'aise. Je suis allongé sur le dos, sur le lit, et son corps musclé au dessus du mien me fait me sentir en sécurité, protégé, à ma place. Je ne me suis jamais senti aussi bien  : c'est encore mieux que notre première fois, quelques heures plus tôt à peine. Tout a doublé d'intensité, là, et j'ai l'impression de devenir dingue.

- J'y arrive pas. Je sais pas... j'comprends pas.

Je comprends ce qu'il veut me dire  : il ne comprend pas pourquoi son corps réagit de cette façon. Moi, au fond, je le sais  : c'est parce qu'il m'aime et qu'il prend beaucoup de plaisir. Le voir ainsi, si faible et esclave de tout ça, me retourne le cœur. Je tombe encore plus amoureux de lui, là.

Je viens lui voler un baiser après avoir plaqué mon front contre le sien. Son haleine a le goût lointain de chocolat et ses lèvres pulpeuses sont tendres et brûlantes. Je pourrais passer ma vie à l'embrasser. Nos lèvres claquent subtilement quand il se recule pour reprendre son souffle, yeux fermés et son front contre le mien, et je profite de cet instant qui semble suspendu dans le temps pour le toucher.

Ses coups de reins sont lents et doux, et j'adore ça. Je le laisse mener la danse – peu importe la façon dont il le fait, ça reste agréable – tandis que mes mains, elles, quittent son visage pour se balader sur son corps. Je les passe lentement sur son torse, ses pectoraux et ses côtes. Je griffe un peu ces dernières lorsqu'il donne un coup de rein un peu plus brusque, sous l'effet du plaisir, avant de revenir le caresser. Je touche ses hanches, puis ses épaules, son dos, ses reins.

- Evan...

Je décroise les jambes de ses reins et pose mes pieds sur le lit, mes genoux pliés qui le tiennent tendrement entre mes cuisses. Mes mains partent se balader sur ses fesses, dont je caresse la peau douce avec légèreté et timidité. J'y laisse mes mains, tandis qu'il commence à accélérer peu à peu ses mouvements. Je meurs de chaud.

- Evan...

Perdu dans mon plaisir, yeux dans les yeux avec lui, j'ai l'impression qu'il veut me dire quelque chose. Le souffle court, je me contente d'attendre qu'il parle. Mais il finit par fermer les yeux et soupirer d'aise, en transe, avant de laisser à nouveau son visage retrouver mon cou. Ses bras musclés et tatoués ruisselants de sueur tremblent à nouveau et je viens poser mes mains sur son torse. Je caresse ses pectoraux avec mes paumes, avant de faire glisser mes doigts sur ses abdominaux dessinés. Ses avants bras allongés sur le matelas, il glisse ses mains dans mes cheveux et attire mon visage au creux de ses coudes. Je suis pris au piège.

- Evan...

- Quoi ...  ?

On murmure tout bas. En fait, ce sont même des soupirs. Le moment est intense, puissant, amoureux. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine et j'ai les yeux qui brûlent  : le voir dans cet état me fait délicieusement mal. J'en suis raide dingue, et c'est la première fois que ça m'arrive.

- T'es la plus belle chose qui me soit arrivée, Evan.

Je ferme les yeux. C'est encore mieux que le reste. C'est encore mieux que ses gestes, ses caresses, ses regards, lui en moi. C'est encore mieux que son «  te amo  » quelques heures plus tôt. À cet instant là, encore une fois, je comprends à quel point je suis important pour lui même s'il ne l'exprime pas toujours. Je réalise à quel point j'ai amené du bon dans sa vie, à quel point je l'ai changée aussi. Comme il me l'a un jour écrit, je suis son paradis au milieu de l'enfer qu'est son existence, et ça me retourne le cœur. Je n'ai pas honte d'admettre qu'il est la plus belle partie de ma vie aussi.

- Regarde-moi.

Il s'exécute sans se faire prier, et plante ses beaux yeux gris-noisette dans les miens. Je pose mes doigts sur ses lèvres, tandis que ma main gauche glisse à nouveau sur ses fesses pour y rester.

- Je t'aime, Diego.

Il ferme les yeux et inspire profondément, comme si mes mots lui faisaient du bien mais le blessaient à la fois. Il se mordille l'intérieur de la joue – je le vois – avant de fondre sur ma bouche pour me donner un baiser fiévreux et amoureux.

Si on m'avait dit ce soir, quand je suis arrivé chez Cody, que je finirais la nuit dans les bras de Diego Flores, je ne l'aurais jamais cru. Je passais une soirée bien pénible, mais il est arrivé et a tout chamboulé. Là, au lit avec lui, je n'aimerais être nulle part ailleurs. Notre première fois était délicieuse et puissante, mais ce que nous faisons là est encore plus intense. Je pourrais passer ma vie à faire ça, à le sentir se mouvoir en moi avec cette tendresse dont il fait preuve, là. Je pourrais passer ma vie à toucher ses bras tatoués, son corps musclé et sa peau moite. Je n'ai jamais rien vécu d'aussi intense, et j'aimerais que jamais cela ne s'arrête.

- Je vais... , avertit-il.

- O-oui.

Moi aussi je vais jouir. Je sens cette étrange vague nerveuse dans mon bas-ventre et mes reins. Je sens aussi cette chaleur puissante dans mon ventre et dans mes veines. Mes jambes commencent à trembler, mes genoux à faiblir, et mon corps arc-bouté contre le sien commence à trembler. J'explose finalement entre nos ventres lorsqu'il passe un bras sous mes reins pour me tenir contre lui, mon visage niché contre son cou et mes doigts agrippés à ses épaules. Un gémissement – un couinement, en fait – se bloque dans ma gorge et je relâche tout, tandis qu'il me pilonne encore un peu pour s'achever lui. J'entends vaguement les grincements du lit sous nos corps enlacés, tellement enivré par son odeur et sa chaleur. Quand je l'entends grogner contre mon oreille, que je sens ses muscles se tendre contre moi, je ferme les yeux. Mes doigts dans ses cheveux, je le caresse avec tendresse tandis qu'il retire le préservatif pour se libérer entre mes fesses.

Pour la deuxième fois, nous venons de faire l'amour. Je ne pourrai plus jamais me passer de lui.

X   X   X

Je crois que nous sommes trop chamboulés pour dormir. Même si nous sommes simplement dans les bras l'un de l'autre depuis près de deux heures – il est 5:26 AM – aucun de nous deux n'a réussi à vraiment s'endormir. Je me suis assoupi quelques minutes, mais je sentais ses papouilles sur mes épaules et les battements de son cœur sous mon oreille, alors j'en déduis que je n'ai pas réellement dormi. Lui, il n'a pas cessé de me papouiller un seul instant  : tantôt l'épaule, tantôt les cheveux, tantôt les reins. Nous sommes au chaud sous la couette, et je me sens comme sur un petit nuage.

Ses lèvres claquent sur mon front quand il y dépose un petit baiser. Je le sens gesticuler sous moi, changeant légèrement de position, mais ma tête reste bien blottie contre son torse. Sa peau est chaude et j'adore sa couleur caramel. De plus, l'odeur de son parfum, lointaine, se mêle très bien avec l'odeur de sueur de sa peau  : l'envie de prendre une douche avec lui me démange, mais je me l'interdis. Je ne veux pas aller trop vite non plus.

- Diego  ?

- Mh  ?

- Je peux te poser une question...?

Je parle tout bas, comme si quelqu'un risquait de nous entendre bien que nous soyons seuls au monde ici. Dans ses bras, dans un moment comme celui-ci, je n'ai plus peur de poser des questions auxquelles je sais que, en temps normal, il éviterait certainement de répondre. Je le sens parfaitement détendu, là contre moi, et je me dis que c'est peut-être le moment.

- Oui, vas-y , répond-il en caressant mon dos.

- Je... je vais pas te demander de le faire, mais c'est juste que je me demandais...

- Oui  ?

Je le sens se tendre légèrement contre moi, sans pour autant se braquer. Mes doigts sur son ventre dessinent des petits ronds sur ses abdominaux. La lumière éteinte, je le distingue à peine dans l'obscurité de la chambre. Je ne l'aperçois qu'à la faible lueur des lampadaires dans la rue et celle de la lune. J'inspire un bon coup avant de demander  :

- Si tu le voulais... ce serait possible pour toi de quitter le gang ?

Silence. Je ferme les yeux quand je sens son souffle se couper, un court instant. J'entends les battements de son cœur, discrets, s'emballer dans sa poitrine. Ses doigts ne caressent plus la peau de mon dos et je commence à regretter. Gêné, voire carrément mal à l'aise, je dépose un petit baiser sur son torse pour m'excuser silencieusement. Il vient poser sa main sur ma nuque, et garde ma tête près de son cœur.

- Oui, c'est possible. Enfin, en théorie.

Je suis surpris de l'entendre me répondre comme ça, tout bas, d'une voix calme et posée. Il n'a pas l'air agacé, ni même en colère. Je crois que faire l'amour tous les deux ce soir a abaissé quelques barrières et qu'il s'autorise enfin à me parler  : il n'a jamais vraiment abordé le sujet du gang avec moi. Je suis excité mais aussi effrayé à l'idée de ce que je pourrais découvrir.

- Pourquoi «  en théorie  »  ? , je demande.

- Quand tu entres dans un gang, il y a un rite de passage. Et, si tu veux en sortir, il y en a un aussi.

- Oh. Et... c'est dangereux  ? , je demande tout bas.

- Y a peu de chances de s'en sortir vivant.

Je ferme les yeux, le ventre tiraillé par l'angoisse et la douleur  : je préfère le savoir embrigadé dans un gang à vie plutôt que risquer de le perdre. Je déglutis, nerveux. Je meurs d'envie d'en savoir plus, de poser des questions, mais je ne sais pas si j'ai le droit. Je ne sais pas, surtout, s'il oserait répondre à toutes mes questions. Malgré tout, je tente  :

- Et... en quoi ça consiste  ?

- C'est... plein de choses.

- Comme quoi  ?

- Torture. Passage à tabac. Ce genre de chose.

- Oh.

- Ceux qui survivent à ça sortent souvent amochés à vie. Et ils ne sont pas vraiment beaucoup a avoir tenté le coup, ou à y avoir survécu.

Je viens entrelacer mes doigts avec ceux qui, quelques secondes plus tôt, caressaient ma nuque. Je noue nos mains sur son torse, près de mon visage, avant d'embrasser ses doigts. Je sais qu'ils sont tatoués sous mes lèvres, et ça me plaît. J'adore ses mains, fortes et rassurantes.

- Pourquoi tu me demandes ça...  ? , s'inquiète-t-il.

- Pour rien. Je me posais juste la question.

- Tu aimerais que je quitte le gang, n'est-ce-pas  ?

Je déglutis, et mon ventre se fait à nouveau douloureux. Je cherche mes mots quelques secondes avant de répondre  :

- Je m'inquiète pour toi, alors bien sûr que oui j'aimerais. Mais j'ai confiance en toi. Si tu me dis que tu risquerais d'y perdre la vie, je ne te demanderai jamais de le faire.

Quand je suis avec lui dans un moment pareil, dans la douceur et la tendresse, j'ai du mal à vraiment me faire à l'idée que c'est un garçon des quartiers et qu'il traîne dans des affaires louches. J'ai du mal à croire qu'il fait partie d'un des gangs les plus dangereux de New-York. Je n'arrive pas à l'associer à tous ces malfaiteurs vulgaires et violents dont on entend parler dans la presse. Il est si... doux. Il est si gentil avec moi. C'est comme si je vivais dans une réalité parallèle, là, même si nous parlons ouvertement des AlasNegras nus sous la couette.

- Tu te souviens du tatouage sur mes doigts  ...  ? , demande-t-il.

- Lequel  ? , je murmure.

Je sens son corps se tendre sous moi, comme s'il s'étirait. La lumière de la lampe de chevet m'aveugle quelques secondes plus tard et il faut un bon moment à mes yeux pour qu'ils s'habituent à la luminosité orangée. Diego me tend sa main, la gauche, et je m'en saisis. Je regarde attentivement les lettres qui y sont tatouées, une sur chaque doigt. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas vraiment de qu'elles signifient.

- C'est quoi  ? , je demande.

- C'est un prénom.

Ma joue sur son cœur, je penche sa main légèrement. Puis, là, alors que je la regarde pratiquement à l'envers, je remarque qu'il a raison. Mon cœur se serre.

- Jose  ?

- Mh.

Je ne sais pas trop ce que je dois en penser. Une petite pointe de jalousie pique mon estomac. Moi aussi j'aimerais qu'il se tatoue mon prénom sur les doigts – sa main droite est libre. Je n'ose pas demander de qui il s'agit. Finalement, il reprend la parole  :

- C'était mon meilleur-ami. Enfin... au final, c'était plus mon grand frère qu'autre chose.

Je ferme les yeux. Le sentant bouger, je constate qu'il éteint à nouveau la lumière. Il vient m'envelopper entre ses bras, fort, et je me sens bien. Je lâche un petit «  mhmh  » pour lui faire savoir que je l'écoute, et j'attends patiemment la suite de l'histoire.

- Aussi loin que je m'en souvienne, je l'ai toujours connu. On jouait au foot dans la rue à Brownsville, et dans l'aire de jeux quand on était plus petits. Il habitait dans l'immeuble d'en face, et sa mère était amie avec la mienne.

Yeux fermés, je me mets à imaginer ce à quoi pouvait bien ressembler sa vie quand il était petit  : l'innocence, le bonheur, la quiétude. À entendre la nostalgie dans sa voix, j'aimerais qu'il puisse retrouver ce sentiment là. Un nouveau «  mhmh  » de ma part, et il reprend  :

- Il avait trois ans de plus que moi, mais ça nous a jamais empêchés d'être amis. Au fil des années, on est devenus inséparables. J'sais pas vraiment pourquoi, mais lui et moi c'était sang pour sang, tu vois  ?

- Oui.

- On faisait des tas de conneries ensemble, on riait beaucoup. Quand l'un de nous deux était mal, l'autre était là pour le réconforter. Il était plus vieux que moi, c'était un peu un Don Juan, alors je lui posais beaucoup de questions par rapport aux filles, et tout ça.

Je souris, un peu. J'imagine le Diego paumé en matière de sexualité, plus jeune, poser des questions à son meilleur-ami aîné. Je trouve ça adorable, même si je ne sais pas vraiment pourquoi.

- Il était du genre à sauter toutes les meufs qui passaient sous ses yeux. J'aurais jamais crû qu'il puisse tomber amoureux un jour. Mais c'est arrivé.

J'entends à sa voix que quelque chose change  : il n'est plus nostalgique, mais nerveux. C'est comme s'il appréhendait soudain ce qu'il s'apprête à me raconter.

- Elle s'appelait Aubrey. Ils étaient dans le même lycée à Brooklyn bien qu'elle ne soit pas une fille des quartiers non plus. Il avait 18 ans quand il l'a rencontrée. Ils sont restés ensemble un moment. Je l'avais jamais vu aussi heureux.

- Qu'est-ce-qu'il s'est passé...  ? , je tente.

- Je suppose qu'il a voulu quelque chose de mieux pour eux. Elle le tannait depuis des mois pour qu'il quitte le gang. D'une certaine façon, elle lui a posé un ultimatum  : elle, ou le gang. Il était amoureux, il l'a choisie elle.

Je me crispe. J'ai peur d'entendre la suite. À en juger par la voix peu assurée qui parvient à mes oreilles à chaque nouvelle parole, je me dis que la suite de l'histoire ne doit pas être rose.

- J'avais 17 ans quand il est mort. Lui 19.

Je fais rapidement le calcul  : il y a trois ans. Il n'était encore qu'un gamin, au fond, même s'il l'est toujours un peu. Je n'ose pas imaginer ce que je ressentirais si je perdais mon meilleur-ami – même si je n'en ai pas vraiment. Cela doit être éprouvant. Il a dû être anéanti.

- Il a voulu quitter le gang, mais il en a subi les conséquences.

La question «  qu'est-ce-qu'ils lui ont fait  ?  » me brûle les lèvres, mais je n'arrive pas à parler. Il resserre son étreinte autour de mes bras et j'ai le sentiment qu'il s'accroche à moi comme un enfant serrerait son doudou contre lui après un cauchemar. J'ai le cœur qui explose.

- Ils l'ont torturé, à coups de fer rouge. Ils lui ont brûlé le dos et la joue. Ils l'ont drogué, aussi.

- Mon dieu.

- Et après ils l'ont tabassé. À mort, bien sûr. Certains tiennent le coup, d'autres non.

Je ferme les yeux, et glisse ma main dans ses cheveux. Je dépose un baiser sur son front pour le rassurer mais, en fait, c'est pour me rassurer moi  : je n'arrive pas à me sortir de la tête l'image d'un Diego torturé et tabassé pour moi. Je ne supporterais pas qu'il tente de traverser tout ça pour être en paix avec moi.

- Il y a plus d'une trentaine de gars dans le gang. Tous y sont passés, l'un après l'autre. Et tu sais ce que c'est le pire dans tout ça  ?

Sa voix est étranglée de sanglots  : des sanglots de tristesse et de colère, je l'entends. Même si je ne vois pas ses yeux, je viens caresser son visage et son front avec tendresse pour le rassurer. Puis, il dit tout bas  :

- Il y a un connard qui est arrivé pour s'occuper de son cas. Il l'a tabassé, clairement dans le but de l'achever , il renifle. Ce mec supportais pas qu'on puisse trahir les AlasNegras. Alors, tu sais ce qu'il lui a fait  ?

- Non  ? , je questionne même si au fond je ne veux pas savoir.

- Il l'a pris par les cheveux et lui a explosé le crâne par terre. Plusieurs fois, pour être bien sûr qu'il y reste.

J'ai la nausée. Je colle mon front contre le sien et lui vole un baiser, tout en grimpant à califourchon sur lui. Son visage en coupe entre mes mains, j'aperçois ses yeux larmoyants dans l'obscurité. Puis, haineux, il crache  :

- C'était mon père, Evan.

Je ferme les yeux, et mon corps se recouvre de chair de poule. J'en ai le souffle coupé. C'est l'aveu dans le noir, le secret le plus lourd qu'il porte en lui depuis trois ans. Je ne sais pas quoi lui dire, parce qu'aucun mot ne suffirait à atténuer sa peine et sa colère. Je n'arrive même pas à imaginer, ne serait-ce qu'un peu, ce qu'il a pu ressentir en l'apprenant. Même si Diego est plus qu'un ami à mes yeux, j'imagine ma réaction si mon père lui tombait dessus et me l'arrachait pour toujours.

- Je suis désolé.

- Et au gang, tout le monde me compare à lui parce que j'suis une machine de guerre mais...

- Non, hé. Arrête.

Je secoue un peu son visage entre mes mains, et je sens ses larmes couler sur mes doigts. Je lui vole un petit baiser, très chaste, avant de lui dire  :

- Je ne connais pas ton père, mais tu n'es pas lui. J'en suis certain. Je t'interdis de le penser, même si tout le monde te le dis. Ne les écoutes pas eux, mais écoute-moi moi, d'accord  ? Tu n'es pas ton père.

Je refuse de croire une chose pareille. Je ne veux pas réellement savoir ce qu'il fait au sein du gang, même si je suppose qu'il a du briser quelques mâchoires et quelques côtes aussi. Mais je suis certain au fond de moi qu'il est loin d'être comme son paternel. Ce dernier ne semble avoir aucun cœur ni aucune conscience, sans scrupules, et c'est loin d'être le cas de Diego.

- T'es sûr...  ? , demande-t-il brisé.

- Oui. Tu n'es pas lui, d'accord  ? Moi je t'aime, et je le sais.

À nouveau, il m'emporte dans ses bras pour me serrer contre lui. Je me retrouve allongé sous son corps massif, mes mains sur ses reins nus. Je sens sa verge qui repose contre la mienne, ses mains sur mon corps, la chaleur de son souffle erratique sur mon cou. J'enlace ses jambes avec les miennes, et caresse son dos avec mes paumes pour le rassurer. Il tremble sur moi, à nouveau en transe.

- J'ai besoin de toi, Evan. Maintenant.

Et, là, je sais ce que cela veut dire  : c'est parti pour le troisième round.

X   X   X

Un coup d'oeil à l'horloge numérique au mur et je constate qu'il est 10:29 AM. Quelques rayons de soleil éclairent la pièce mais, majoritairement, le ciel est assez nuageux. L'orage qui a éclaté hier soir a duré jusqu'à tard dans la nuit – ou tôt en début de matinée, question de point de vue – et l'air frais qui arrive à travers la fenêtre de la cuisine me revigore un peu.

Devant le gaz, je termine de cuire cette fichue pâte à crêpes qui m'a attendue toute la nuit, dans un saladier sur la plan de travail. Quand je suis arrivé dans la cuisine, premier levé, j'ai constaté avec amusement qu'une crêpe à moitié cuite attendait patiemment dans la poêle et que ma chemise déchirée jonchait le sol de la cuisine.

Je rougis comme un imbécile, tout en déposant une louche de pâte au centre de la poêle. Je n'arrête pas de penser à ce qui s'est passé cette nuit  : nos trois ébats, sa révélation quant à Jose et son père. Au souvenir de ce moment si douloureux, mon cœur se serre  : je n'arrive pas imaginer que de telles choses soient tolérées sur Terre. Je sais que le père de Diego est en prison – et c'est tant mieux – mais je sais aussi qu'il n'y est pas pour ce qu'il a fait a Jose  : il s'est juste fait coffrer pour meurtre après avoir buté un type – un flic, je crois – à l'angle d'une rue. Il n'a jamais réellement payé pour ce qu'il a fait à Jose, et je trouve ça lamentable.

- Coucou.

Je souris comme un débile, les joues subitement brûlantes, quand je sens ses deux grandes mains posées sur mes épaules. Il est là, dans mon dos, son corps massif contre le mien. Je sens l'odeur bien trop agréable de mon gel douche dans mes narines, ainsi que celle de mon shampooing quand il pose son menton sur mon épaule. Il me claque un petit baiser sur la joue.

- Ça sent bon, constate-t-il en parlant des crêpes.

- Tu en veux une  ? , je demande.

- Oui. Tu as du sirop d'érable  ?

Je lui montre le placard au dessus de l'évier. Il tend le bras et s'en saisis, sans même avoir besoin de se hisser sur la pointe des pieds – contrairement à moi qui suis malheureusement bien obligé de m'étirer un peu lorsque je veux prendre quelque chose dans ce foutu placard.

- Les petites assiettes  ? , demande-t-il.

- Là, sous l'îlot.

Tout en retournant la crêpe dans la poêle, je lui montre l'endroit avec mon pied. Il en sort deux petites assiettes rondes et les pose sur l'îlot, avant de fouiller dans les tiroirs à la recherche de couverts. Il vient ensuite se coller contre moi, à nouveau, et je souris encore une fois.

- Viens déjeuner, tu finiras tout à l'heure.

Je capitule, emportant l'assiette de crêpes chaudes sur l'îlot. Nous nous installons face à face, assis sur les tabourets confortables de la cuisine, et nous commençons à déjeuner. Tandis qu'il fait couler le sirop sur sa crêpe, je le regarde  : il est beau. Il vient de prendre une douche. Ses cheveux noirs comme le charbon sont trempés et en pétard sur sa tête. Ils commencent à boucler un peu tandis que quelques mèches se collent sur son front. Sa peau couleur caramel brille, à cause de quelques gouttes d'eau qui tombent de ses cheveux sur son torse. Ses bras tatoués semblent aussi doux que du coton  : je ne sais pas pourquoi, mais une envie folle de croquer son biceps musclé me tord l'estomac.

- Tu aimes ce que tu vois  ?

Je rougis et baisse les yeux, gêné par le regard complice et le petit sourire en coin sur ses lèvres. Je hoche la tête en silence – cela ne sert à rien de nier – et croque dans ma crêpe saupoudrée de sucre en poudre.

- Tu es très beau aussi.

Mon cœur loupe un battement et, trop curieux, je reviens le regarder  : il me sourit tendrement et je fonds. Il est adorable. Le pire dans tout ça, c'est qu'il est adorable et tendre, mais qu'il est aussi terriblement sexy et sauvage. Je n'arrive pas à croire qu'un apollon pareil ait passé la nuit dans mon lit, dans mes bras, entre mes cuisses. J'ai de la chance de l'avoir. Je suis fier de l'avoir.

- Merci.

Je ne sais pas trop comment je fais pour garder mon calme et ne pas bégayer. Il me met mal à l'aise, surtout lorsqu'il me fait un clin d'oeil, mais je me sens en même temps à ma place. J'aime la façon dont il me regarde  : je me sens important.

- Tu as bien dormi  ? , me demande-t-il.

- Trop. Et toi  ?

- Oui.

Je souris. Après le troisième round, nous nous sommes endormis aux alentours de sept heures du matin. Même si nous avons dormi que très peu de temps, le sommeil a été pour moi très réparateur  : être à ses côtés m'a fait tomber dans un sommeil profond et calme. Sans compter que, après avoir fait l'amour trois fois d'une façon aussi intense, j'étais totalement à bout de forces.

- Je... je peux te demander un truc  ? , demande-t-il.

- Oui  ?

- C'était qui ce gars  ?

Je fronce les sourcils. Je ne comprends pas sa question et, voyant mon malaise, il explique  :

- Celui qui... ta première fois.

- Oh.

Je me lève pour récupérer la bouteille de jus d'orange dans le réfrigérateur  : c'est ma façon à moi de prendre la fuite ou, du moins, de cacher ma gêne. Je suis gêné, au souvenir de cette première fois que j'ai si longtemps regrettée. Quand je reviens m'asseoir face à lui, les yeux rivés sur mon assiette, je dis  :

- C'était un ami de mon cousin. Un abruti. J'me suis fait avoir.

C'est la vérité, en fait. J'étais en vacances chez mon cousin Nathan, en Floride. Mes parents étaient là aussi, disons que c'étaient des vacances en famille.

- Pourquoi tu dis ça  ? , il fronce les sourcils visiblement agacé.

- Parce que c'est la vérité. J'avais 14 ans, il en avait 18. Je me cherchais à cette époque là, j'étais perdu. Je commençais à comprendre que j'étais pas intéressé par les filles et, je sais pas comment, mais ce mec l'a compris.

- Attends, quoi  ?

Je vois sa mâchoire se serrer, signe qu'il est en colère, et je comprends pourquoi. Je m'empresse de reprendre  :

- Rassure-toi, il m'a pas brisé le cœur. J'étais pas amoureux. C'est juste qu'il m'a dit des mots doux, qu'il a été gentil, et que j'suis tombé dans le panneau parce qu'il avait de jolis yeux verts. C'est tout.

- Tu l'aimais même pas  ?

Il a l'air déçu, pas de moi mais pour moi. Là est la différence. Je quitte mon tabouret pour me planter devant le sien, que je fais tourner vers moi. Je me glisse entre ses cuisses et pose mes mains dessus. Sous le tissus de son jean, elles sont musclées et bombées. J'apprécie.

- Je te l'ai dit, Diego. J'aurais aimé que ce soit toi, le premier. Pas lui.

Je le pense réellement. J'étais stupide à cette époque là et donner mon corps pour la première fois à, au final, un parfait inconnu a été la plus grosse connerie de toute ma vie. C'était loin d'être une catastrophe, car ce mec était canon et attentionné, mais il n'y avait aucun sentiment là dessous  : il bandait juste comme pas possible à l'idée de se taper un jeune puceau et, moi, j'étais en transe parce que c'était la première fois que je bandais pour un gars et qu'il était très beau.

- Il ne t'a pas fait de mal, au moins  ? , demande-t-il.

- Non.

Diego se laisse glisser au sol. Quand ses orteils nus frôlent les miens, une décharge d'électricité me parcourt le corps jusqu'à la racine des cheveux. Je souris, amusé, contre sa bouche lorsqu'il vient me provoquer  : son nez caresse le mien, ses lèvres effleurent les miennes, mais il ne m'embrasse pas. Je lève un peu les yeux pour croiser son beau regard brillant d'amour et de malice. J'aime quand il est comme ça, qu'il me taquine et qu'il m'aguiche.

- Arrête de faire ça , je râle.

- Quoi donc  ? , demande-t-il innocemment.

- Ça... me chauffer.

Il rit – c'est un son magnifique à mes oreilles – et vient passer ses mains fortes derrière mes cuisses. Je le laisse me hisser sur l'îlot central, et peloter mes fesses. Je me cambre vers lui en riant  :

- Encore  ? T'en as pas marre  ?

- J'en aurai jamais marre, querido.

Je pouffe de rire. Même si c'est tentant, je n'ai aucune envie de faire l'amour là, comme ça, ce matin. J'ai le sentiment que nous avons un peu trop abusé, hier soir, et j'aimerais qu'on se calme tous les deux. Je sais que nos corps réagissent ainsi à cause de la situation  : nous avons fait l'amour pour la première fois, nous sommes seuls chez moi, nous sommes heureux de nous retrouver. C'est l'amour, la passion et la fougue du début de relation.

Ses lèvres se posent tendrement sur mon cou. Il plante délicatement ses dents dans la peau tendre au niveau de mon épaule, avant de faire glisser sa bouche vers ma pomme d'Adam. Je penche la tête en arrière pour lui faciliter l'accès, et glisse mes mains dans ses cheveux car je suis incapable de lui résister.

Yeux fermés, je me contente d'apprécier les assauts de sa bouche sur mon cou et mes épaules. Mes mains fourragent dans ses cheveux, ses mèches humides glissant entre mes doigts. Je me cambre contre lui quand il pose ses mains sur ma taille  : il me presse entre ses doigts, plein de désir, et je soupire d'aise.

- Diego...

Je frissonne sans pouvoir me retenir lorsqu'il mordille mon cou, avant de souffler dessus. Je balance la tête en arrière tandis qu'il se glisse plus lourdement entre mes cuisses, avide de sentir mon bassin contre le sien. Ses mains sont partout sur moi et les miennes s'égarent à leur tour sur son corps.

Je viens peloter ses fesses sans la moindre gêne, je les presse entre mes doigts, les claque légèrement, tandis qu'il embrasse mon cou encore et encore. Ma tête bascule en avant lorsqu'il plante ses dents dans la peau tendue de ma nuque. Je soupire bruyamment, le plaisir affluant dans mes veines à toute vitesse.

- Me vuelves loco...

Je me mords la lèvre violemment  : lui aussi me rend fou. Je pose mes paumes sur son dos et le caresse lentement de haut en bas, mes mains désireuses de le toucher encore et encore. Mes doigts finissent leur route sur ses fesses que j'agrippe avec désir. C'est dément.

- Embrasse-moi... , je supplie.

Quand j'ouvre les yeux sous l'effet de surprise, quand il vient mordiller le lobe de mon oreille, mes yeux se posent sur la porte d'entrée.

Je constate avec effroi que nous ne sommes plus seuls. 

.   .   . #eastriverFIC 

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