CHAPITRE 18 - DIEGO

30.10.17,
Hayden Planetarium | MANHATTAN – 5:28 PM.

J'ai eu l'impression que la journée n'allait jamais se terminer. Impatient comme un gamin le matin de Noël, j'ai senti mon cœur battre de façon irrégulière tout aujourd'hui, surtout depuis mon embrassade avec Evan dans les toilettes. En y repensant, je souris  : je suis satisfait d'avoir réussi à lui faire dire ce que je voulais entendre. Il n'arrive pas à me résister, et j'adore ça même si c'est dangereux.

Assis sur ma moto, garée devant le planétarium, je tapote sur l'écran de mon téléphone pour répondre un petit OK à son «  je suis là dans cinq minutes  ». Je trépigne d'impatience, excité comme une puce. Je regarde autour de moi, cet endroit que j'aime tant, et j'espère de tout de cœur que cela lui plaira.

- Hey.

Je sursaute quand je sens sa main, discrètement posée sur mon genou. Dans un réflexe stupide, je me penche pour l'embrasser avant de me raviser. Je lui souris pour m'excuser, et il me fait comprendre en un regard que cela ne lui pose pas de problème. Ses joues sont rougies, signe qu'il a couru. La pluie a cessé mais il fait désormais très frais en cette fin d'après-midi. Le bout de son nez est un peu rosé aussi.

- Hey , je réponds. T'as failli être en retard , je taquine.

- Comme tu le dis si bien... j'ai failli. Je ne le suis pas.

Un sourire étire mes lèvres en voyant son air satisfait. OK. Evan 1 – Diego 0. J'ai voulu faire le malin, j'ai perdu. Je roule des yeux et descends de ma moto.

- Qu'est-ce-qu'on fait ici  ? , demande-t-il surpris.

- Tu m'as demandé un jour quel endroit j'adorais en ville... c'est ici.

Je me souviens que sa réponse à cette question, envoyée par SMS, était «  partout sauf le lycée  ». J'avais rit comme un idiot sur mon lit, amusé. Moi, en revanche, je n'avais pas su quoi répondre, partagé entre ce Planétarium et Central Park.

- Oh. D'accord.

Il se mordille la lèvre tandis que je l'entraîne dans mon sillage. J'ai envie de le tenir contre moi alors que nous marchons, mais je n'y arrive pas  : je pense à tout ce qui pourrait nous arriver si quelqu'un savait pour nous, et ça me calme immédiatement. Je me décale pour laisser une petite distance raisonnable entre nous.

- Comment va ta sœur  ? , je demande.

- Pas trop mal.

Nous arrivons dans le hall d'entrée. Je fouille dans la poche intérieure de ma veste pour en sortir mon portefeuille. J'en sors deux billets de 20 dollars, que je tends à la caissière. Evan me rattrape par le bras.

- Non, hé, tu vas pas payer pour moi.

- Si. Tu m'as payé à manger la première fois, on est quittes.

- C'était un hot-dog, ça coûtait cinq dollars  !

Bordel. Quand il me regarde comme ça, je comprends pourquoi j'ai craqué pour lui. Il y a des moments comme ça, lorsque je suis avec lui, où j'ai l'impression d'être frappé par la foudre, comme si c'était une évidence.

- Evan , je reprends calmement. Ça me fait plaisir, vraiment.

- Mais...

- C'est la seule chose que je peux t'offrir alors s'il-te-plaît... arrête.

Je vois qu'il ouvre la bouche pour parler, mais il se ravise et c'est tant mieux. Je sens ma gorge se nouer étrangement, comme ça arrive souvent juste avant de pleurer. Je le regarde dans les yeux, alors qu'il lâche mon bras pour me laisser payer. Je le pense réellement  : je n'ai rien à lui offrir, moi. Il mérite un gars beaucoup mieux que moi.

- Regarde-moi... , me dit-il.

Nous sommes désormais dans un couloir plus ou mois désert. Je baisse ma garde, un peu, et le laisse s'approcher de moi. Sa main sur ma joue m'envoie de l'électricité dans tout le corps. Je regarde sa bouche avec envie, et je porte ma main à son visage pour caresser ses lèvres.

- ... je me fiche de tout ça, d'accord  ? La seule chose que je veux que tu m'offres, c'est toi. Je me fous des extras.

Je devrais rire, parce que les mots qu'il emploie ne sont pas adaptés. Sauf que je ne ris pas du tout, et que j'ai mal au cœur  : il me veut moi. Qu'est-ce-que j'ai fait pour mériter un garçon aussi génial  ?

- OK , je dis.

- Embrasse-moi , supplie-t-il.

- Ne me tentes pas.

- Pourquoi pas  ?

- C'est pas l'endroit pour faire l'amour, Evan.

Je le fais exprès, pour le déstabiliser. Ça fonctionne, parce qu'il rougit comme une tomate. D'un côté, je le pense  : chaque baiser est une lutte pour moi, parce que je me fais violence pour ne pas que ça dérape. J'en meurs d'envie, pourtant, à chaque instant. Samedi, j'étais tout près de le déshabiller sur le capot de sa voiture.

- Arrête de dire des choses comme ça.

Je souris devant son air ahuri. Je dépose un baiser sur son front, très rapidement, avant de reprendre la route. Le temps de traverser ce long couloir qui mène à la première salle de cinéma haute-définition, je viens glisser ma main dans la sienne. Je ne la lâche pas tandis que nous nous asseyons au fond de la salle, côte à côte. Un décompte à l'écran nous indique que la prochaine session débutera dans trois minutes.

- Tu viens souvent ici  ? , me demande Evan tout bas.

- Oui. Enfin... pas trop parce que l'entrée est payante mais... dès que j'ai un peu de sous, oui.

Il me sourit un peu tristement. Je caresse le dos de sa main avec mon pouce. Assis là près de moi, je sens son odeur de parfum pour homme que j'adore. Ses lèvres pulpeuses m'appellent. Je n'ai jamais désiré un garçon autant que lui, pas même ces types hyper sexy au Monster. Evan... il fout tout en l'air.

- Elle te vient d'où cette passion pour l'astronomie  ? , me demande-t-il.

- D'Armageddon.

- Pardon  ?!

Il me regarde d'une façon étrange, choqué, et moi je ris. Je ris à en avoir mal au ventre, parce que sa réaction et sa grimace sont à mourir de rire. Je redeviens sérieux pour lui expliquer  :

- Oui. Quand j'étais gosse j'adorais ce film. Je trouvais énorme la façon dont ils arrivaient à faire exploser un astéroïde. J'ai commencé à m'y intéresser parce que ma mère m'a amené ici un jour.

- C'est n'importe quoi  !

Il rit, encore bloqué sur le mot «  Armageddon  ». Quel putain de bon film  ! Je ne m'en lasserai jamais. Je décide de reprendre  :

- Ton film préféré de l'univers entier c'est Retour Vers Le Futur, et bien moi c'est Armageddon. Chacun son truc  !

- C'est pas pour autant que j'ai une passion pour les DeLorean  !

- Tu sais quoi  ? Vas te faire foutre  !

Je cogne dans son épaule avec mon poing – peut-être un peu trop fort – juste avant que le dôme dans lequel nous nous trouvons, le Star Theater, s'éteigne. Aussitôt, un immense écran qui fait penser au ciel s'éclaire. La qualité de ces vidéos m'étonnera toujours. Discrètement, tandis que des vidéos d'étoiles et de nébuleuses défilent au dessus de nos têtes, je regarde Evan  : il fixe l'écran d'un air émerveillé et je vois les étoiles se refléter dans ses yeux. Mon cœur s'emballe  : j'ai de la chance de l'avoir. Les vidéos s'enchaînent.

Quand les lumières se rallument, environ dix minutes plus tard, je me décide à lâcher sa main. Suivant un groupe de 10 personnes, nous traversons en silence un autre couloir décoré d'immense posters d'astronomie, représentant planètes, étoiles et astéroïdes. Nous ne parlons pas, mais ce silence n'est pas gênant. Au contraire, il est terriblement apaisant et nécessaire. J'apprécie ma visite des lieux tout comme il apprécie la sienne, à sa façon, en regardant un peu partout autour de lui. Il a l'air intéressé, et ça me fait plaisir.

Nous nous installons sur deux fauteuils rouges et confortables de cinéma dans un nouveau dôme appelé le Big Bang Theater. Ce dernier diffuse en boucle une vidéo haute-résolution qui nous explique la création de l'univers. Evan regarde l'écran la bouche entrouverte, concentré. Je profite de cet instant pour glisser ma main dans son dos  : par dessus son pull, je le caresse. Il tourne la tête pour me regarder un court moment, un sourire gêné sur les lèvres, avant de reporter son attention sur l'image.

- Je ne savais pas que ça t'intéressait l'astronomie , dis-je tandis que nous rejoignons une autre salle.

- Tu veux la vérité  ? , me demande-t-il.

- Ouais.

Il a l'air gêné et mon visage se décompose. Il s'ennuie. J'en suis sûr. Il n'en a rien à faire de l'astronomie.

- De base, ça ne m'intéressait pas trop. Mais quand tu m'en as parlé à Central Park, j'ai adoré même si ça me passait un peu au dessus. Mais là, c'est super intéressant. J'adore. Je ne savais pas qu'on avait un planétarium ici.

Je souffle, soulagé. Il est sincère, je le vois dans ses yeux. Mon cœur s'emballe et je lui souris, tandis que nous entrons dans une salle appelée la Sphère Hayden.

- Wow  ! , s'exclame-t-il. C'est quoi ici  ?

Nous nous accoudons à une rambarde et je lui jette un coup d'oeil  : il lève la tête pour regarder les planètes qui pendent du plafond, et je me surprends à fantasmer sur sa gorge. Je secoue la tête pour chasser ces pensées de mon esprit. Je me rapproche de lui, épaule contre épaule, et je lui explique  :

- Tu vois la grosse boule blanche là-bas  ? C'est la sphère Hayden. En fait, pour faire simple, c'est le soleil. Toutes les planètes que tu vois autour sont celles de notre système solaire. En fait c'est une maquette.

- OK. Mais... c'est pas un peu... disproportionné  ?

Je comprends pourquoi il me demande ça. La sphère Hayden – le soleil donc – est énorme en comparaison de la maquette de Saturne, par exemple. Je souris.

- Absolument pas. C'est une représentation miniature de l'échelle de l'Univers. En réalité c'est bien comme ça, mais en beaucoup plus gros.

- Wahou, c'est carrément dingue.

Je ricane. Il a l'air complètement sous le choc. J'en profite pour le taquiner :

- J'ai l'impression que je viens de t'annoncer que Marty McFly n'a fait que rêver et n'a jamais voyagé dans le temps. Tu verrais ta tête  !

Je me reçois un coup de coude dans le ventre. Je suis surpris de voir que, malgré ses bras finement musclés, il a quand même beaucoup de force. Je ricane, tandis qu'il peste  :

- Arrête de te foutre de ma gueule avec ça  !

Il me laisse planté là et fait quelques pas le long de la rampe, jusqu'à s'arrêter devant une pancarte explicative du soleil. Je roule des yeux et viens le rejoindre, le pas tranquille.

- De quoi est fait le soleil  ?

Il pose la question les yeux rivés sur la pancarte, visiblement en pleine lecture. Moi, les yeux se baladant un peu partout sur les planètes pendues dans les airs, je réponds  :

- 73.46% d'hydrogène et 24.85% d'hélium. En quantités plus basses, on trouve aussi de l'oxygène, du carbone, du fer, du soufre, du magnésium, de l'azote, du néon et du silicium.

- Sa température  ? , demande-t-il alors.

- À la surface, 5750 Kelvin, soit 5477°Celsius ou 9890°Fahrenheit, si tu préfères. , je me tais un instant. Au centre, 15.1 Mégakelvin. Ce qui signifie que...

- Ses caractéristiques  ?

Evan me regarde dans les yeux un moment, une lueur de défi et de curiosité dans ses beaux iris noisette. Il me teste, et je n'apprécie pas beaucoup l'idée. Je tique. Je le vois jeter un coup d'oeil à la pancarte. Je demande  :

- Lesquelles  ?

- Vitesse. Diamètre. Distance du centre de la Galaxie  ?

- Vitesse  : 217 kilomètres par seconde. Diamètre  : en moyenne 1 392 684 km. Distance  : 8.700 Parsec, qui correspond à exactement 28375.6 années lumières.

Je ne me rends même pas compte que c'est flippant, en fait. Moi-même je ne sais pas comment j'ai pu un jour enregistrer tout ça dans mon cerveau. Evan me regarde, un sourire magnifique placardé sur le visage et une lueur de fierté dans les yeux. Je déteste ça.

- Wahou.

- Désolé.

- Pourquoi tu t'excuses  ? , demande-t-il.

- J'sais pas.

Je hausse les épaules. Je ne sais même pas pourquoi je m'excuse  : certainement parce que je me sens ridicule à déblatérer sur le soleil alors que je l'ai amené ici simplement pour partager un bon moment. Je sais parfaitement qu'il n'en a rien à faire de la composition du soleil.

- Viens.

Nous nous plantons devant une nouvelle pancarte. Celle de la Lune. Je le laisse lire en silence tandis que je fixe mes pieds.

- Elle est composée de quoi, la Lune  ?

- Un peu comme le soleil, je dis tout bas. Du silicium, du fer, du magnésium... tout ça.

- Et... ses effets sur la Terre  ?

- Le climat et les marées océaniques, qui sont étroitement liés. Elle agit aussi sur l'activité sismique, bien que son influence n'est pas assez forte pour que ça puisse déclencher une catastrophe.

Il me prend la main. J'essaie de me libérer, gêné de cette démonstration affective en public, mais il m'en empêche. Il se tient devant moi, tout près, et je le regarde dans les yeux.

- Tu es incroyable.

Je baisse la tête. Je me sens comme une merde. Il me regarde dans les yeux et me balance ça, de façon directe, et je ne sais plus où me mettre. Je suis loin d'être incroyable  : je fais partie d'un gang.

- C'est faux.

- Absolument pas , nie-t-il.

- T'as oublié ce que j'ai dans le dos, ou quoi  ?

Il lâche ma main, agacé. Je le regarde s'éloigner. Il a l'air en colère et je le suis aussi. La visite est gâchée et je le sais. Après avoir traversé un autre couloir, je le retrouve dans le Cosmic Pathway  : c'est un long couloir en spirale, semblable à un escalier, blanc, dont les parois sont recouvertes d'informations lumineuses. On y trouve aussi tout un tas de photographies et de maquettes qui nous expliquent l'évolution de l'Univers, du commencement jusqu'à aujourd'hui. Il n'y prête pas attention et trace sa route dans ce couloir bien trop blanc, jusqu'à se retrouver au sous-sol où il ignore totalement le Hall Of Planet Earth, qui nous informe grâce à des maquettes de tout un tas de choses sur notre chère planète  : l'écosystème, la météo, la tectonique et le climat. Je regarde les maquettes autour de moi tout en trottinant pour le rattraper.

- Evan, attends...

Je le rattrape par le bras au beau milieu du Hall Of The Universe, l'un de mes endroits préférés ici  : les planètes, les étoiles et les galaxies, ce sont les plus belles choses qui existent à mes yeux. Il y a notamment une météorite ainsi qu'une écosphère au beau milieu de la pièce.

- ... s'teuplait, pars pas. Pourquoi tu réagis comme ça  ?

Je sais que c'est en partie de ma faute, car je n'ai pas pu m'empêcher de me taire. Malgré tout, je ne m'attendais pas à une telle réaction. Il a l'air en colère, triste et... révolté  ? On dirait. Je ne comprends pas trop.

- Tu... , il s'agace. Je me fiches de ce que tu peux avoir dans le dos, Diego. Moi ce que je vois, c'est surtout ce que tu as dans la tête  !

J'ai l'impression d'être au pied du mur, pour une raison étrange. Mon cerveau se met à analyser et traduire ses mots dans un langage bien plus clair pour moi, et ça donne ça «  tu fais partie d'un gang, mais t'es hyper intelligent et tu gâches ce don pour de la merde  ». Je me sens comme lors de mon entrevue avec le professeur Powell.

- Evan  !

Je trottine jusqu'à la sortie où il m'attend sur les marches, le visage entre ses mains. Quand je m'installe près de lui, je remarque qu'il est en train de pleurer. Ses mains tremblent, aussi. Quand il me regarde, je réalise alors qu'il ne pleure pas de tristesse. Il pleure de colère.

- Hé... , je caresse sa joue avec mon pouce. Qu'est-ce-qu'il y a  ?

Je lui parle d'une voix douce. Je l'attire aussi contre moi en passant mon bras autour de ses épaules. Il pose son front contre mon épaule et je l'entends inspirer profondément, avant de répondre  :

- Ça me fout la rage.

- Quoi donc  ?

- Tout ça... , il hausse les épaules. C'est injuste.

- Qu'est-ce-qui est injuste, Evan  ? J'comprends rien de c'que tu racontes.

- Mais ça  ! , il hausse le ton et lève les mains. Tu... t'as une vie de merde alors que tu pourrais avoir tellement plus. C'est dégueulasse que tu puisses pas...

Je l'embrasse. Je n'ai pas le courage d'en entendre plus, alors c'est la seule solution pour le faire taire à cet instant précis. Je prie simplement pour que personne du lycée ou de Brownsville ne soit en train de passer par là. Son visage en coupe entre mes mains, j'essuie ses larmes avec mes pouces sur ses joues alors qu'il pose ses doigts fins sur mes poignets. Tout doucement, je met fin au baiser et me recule.

- Ne dis rien, s'il-te-plaît Evan. Arrête.

Il hoche la tête  : c'est une excuse silencieuse. Je l'embrasse sur le front et l'entraîne vers ma place de stationnement. Je le fais grimper sur ma moto et démarre le moteur, puis je roule une centaine de mètres pour le déposer à sa voiture. Quand il vient se planter devant ma moto, contre sa portière, il s'excuse  :

- J'suis désolé j'ai tout gâché.

- Tu n'as rien gâché du tout.

Je caresse sa joue du bout des doigts avant de me reculer. Je le regarde grimper dans sa voiture, l'air totalement blasé. Il me fait sourire  : il est génial.

- On se voit demain  ? , demande-t-il.

- Mhmh. Dans les toilettes comme ce matin  ? , je ris.

- OK.

Il me sourit et ses joues s'empourprent. Toujours à cheval sur ma moto, je m'approche de sa portière et me penche pour lui voler un petit baiser. Il sourit contre ma bouche avant de démarrer le moteur de son Audi.

- Bye , dis-je.

- Bye.

Quand je traverse le Pont de Brooklyn pour revenir à la triste réalité qu'est ma vie, je réalise  : pour la première fois de ma vie, je suis en train de tomber amoureux. 

.   .   . #eastriverFIC 

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