CHAPITRE 11 - EVAN

26.09.17,
East Side Coffee Shop | MANHATTAN – 4:36 PM.

Je n'ose pas lever les yeux, parce que je sens son regard sur moi. À la place, je me contente de fixer ma tasse de café, que je tiens fermement entre mes mains. Ma boisson me semble désormais bien plus intéressante que les beaux yeux de Dylan Campbell. Je suis gêné.

- Je suis content que tu aies accepté de rester.

Je lui souris, un peu, en guise de réponse. Intérieurement, j'ai juste envie de m'enfuir. Je ne sais pas vraiment ce que je fais ici, avec lui. En réalité, il m'a collé toute la journée, un magnifique sourire placardé sur les lèvres. Je n'ai pas pu refuser son invitation à boire un café après les cours. Mon latté au caramel est en train de refroidir, mais je m'en fiche.

- Pourquoi tu m'as évité depuis ce soir là  ?

Je lève les yeux vers lui. Mon regard trouve le sien, si bleu et si intense, et je louche un instant sur sa bouche, si pulpeuse qu'elle semble irréelle. Je ne remarque aucune imperfection sur la peau de son visage  : elle a l'air douce et lisse, parfaite. Il est trop beau pour moi et, surtout, bien trop superficiel.

- Je... tu m'aimes bien, pas vrai  ?

Ma voix tremble un peu, parce que je suis mort de honte. Il me sourit, un peu, sans rougir pour autant. Sa réponse me fait frissonner  :

- Oui. Tu me plais, Evan.

Plus par réflexe que par réelle envie, je bois une gorgée de ma boisson. J'ai l'impression que cela me donne un peu de courage. J'hésite avant de répondre, parce que je réfléchis.

Dylan est un beau garçon, c'est indéniable. Il est... parfait, mais ça ne m'attire pas. Il est beaucoup trop superficiel et je n'arrive pas à m'imaginer passer du temps avec lui. Je sais que j'ai merdé ce soir là au Monster, que je n'aurais pas dû me laisser aller dans ses bras. Cela m'aurait évité toute cette merde dans laquelle je suis, désormais. De plus, j'ai honte d'avouer que la seule personne qui me retourne le cerveau, c'est Diego.

- Je... j'ai pas envie de plus Dylan , je marque une pause. Je suis désolé si... si tu as pensé que j'en avais envie, après ce qui s'est passé au Monster mais... non.

Je suis conscient que je bégaie, comme un imbécile, et que mes joues rougissent de honte. Je n'ose pas le regarder, de peur de voir de la déception dans ses yeux. Suis-je vraiment en train de mettre un vent à Dylan Campbell  ? Oui, de toute évidence.

- Oh , il soupire. Je ne t'en veux pas, tu sais. Tu n'as pas à t'excuser.

Quand j'ose enfin lui lancer un coup d'oeil, je vois qu'il me sourit  : il est déçu, mais loin d'être triste. Je lui rends son sourire, gêné. Je me crispe quand il vient poser sa main sur la mienne avant de reprendre  :

- C'était sympa, quand même, hein  ? , je ricane. J'aurais aimé passer du temps avec toi, tu sais.

- Hem... on peut.... essayer d'être amis  ?

Il rit, tout doucement. J'aime bien l'entendre rire  : il est très beau. Une lueur espiègle dans ses yeux me met mal a l'aise quand il retire sa main.

- Non, je ne crois pas, dit-il.

- Pourquoi pas  ?

Je hausse les épaules, l'air de rien. C'est vrai après tout  : pourquoi ne pourrions nous pas être amis  ? C'est un garçon sympa et, après avoir discuté un peu pendant la pause de ce midi, nous avons quelques points communs. Je pense que ce serait cool.

- Je ne peux pas être que ton ami, Evan.

Je le vois un peu loucher sur ma bouche. Ses mots me retournent le cœur et me font mal au ventre.

- Oh.

Je ne sais pas quoi dire d'autre. Je me sens tout bizarre désormais  : me sentir clairement désiré par quelqu'un me perturbe énormément. Personne avant lui n'a jamais réellement voulu de moi. Je comprends, là à son regard, que je lui plais vraiment. Il espérait plus entre nous, mais je suis incapable de lui donner ce plus là. Je ne suis pas le genre de garçon qui sort avec quelqu'un pour le fun, sans sentiments.

- Pourquoi moi  ? , je demande subitement.

- Pourquoi toi  ? , répète-t-il. Parce que ça...

Il porte doucement sa main à mon visage, ses doigts en fait. Il caresse ma joue un instant, avant de passer à mon nez, à mes paupières que je ferme rapidement, et à ma bouche. La caresse de son pouce sur mes lèvres est déjà agréable, mais elle le devient encore plus lorsque j'imagine qu'il du pouce de Diego Flores. Diego. Je me revois l'embrasser, blotti contre son corps musclé.

- ... tu es parfait, Evan. Je crois que tu es le seul à ne pas le remarquer.

Un court instant je vois des yeux gris et noisette dans mon esprit, comme une vision, avant que je ne me recule. Je me lève en sursaut de ma chaise, manquant au passage de renverser mon latté. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine et je me sens ridicule, les yeux de Dylan Campbell braqués sur moi. Une douce chaleur que je ne connais que trop bien est en train de se réveiller dans mon boxer. J'ai honte.

- Evan, ça va  ?

- Je... je dois y aller, désolé.

Sans un mot de plus, je prends la fuite. Je récupère en deux temps trois mouvements mon sac, posé au pied de la table, et je m'enfuis. Quand je m'engouffre enfin dans ma voiture, garée non loin de là sur le parking du lycée, je ne prends même pas la peine de faire chauffer le moteur.

J'ai honte de fantasmer ainsi sur Diego Flores alors que j'étais en compagnie du magnifique Dylan Campbell.

X   X   X

NewYork-Presbyterian Hospital | MANHATTAN – 5:06 PM.

Quand j'entre dans la chambre d'Abby, la lumière est éteinte et les volets sont à moitié fermés – ou à moitié ouverts, tout est question de point de vue. Un sourire étire mes lèvres quand je la vois assise sur son lit, en compagnie d'Eddy, tandis qu'un ordinateur portable est posé sur un oreiller entre eux deux. Il ne me faut que quelques secondes pour comprendre qu'ils sont en train de regarder Harry Potter et la Coupe de Feu.

- Qu'elle est nulle  !

Je m'approche doucement du lit, bien conscient qu'aucun d'eux n'a remarqué ma présence encore. Leurs yeux brillants sont rivés sur l'écran, passionnés. Je ricane quand j'entends Eddy se moquer de Fleur Delacour.

- Tu dis ça parce que c'est une fille  ! , s'indigne Abby.

Je dépose mon sac sur la petite table d'hôpital près de son lit avant de venir lui caresser les cheveux. Contrairement à d'habitude, Abby ne saute pas de joie  : elle tend simplement ses bras pour m'enlacer rapidement et m'embrasser sur la joue, avant de reporter son attention sur le film. Sa passion pour Harry Potter est incroyable  : rien ne peut la perturber lorsqu'elle regarde l'un des films.

- Ça va mon cœur  ? , je demande. Comment tu te sens  ?

- Ça va.

Je sais, à cet instant là, que je tombe mal. On ne peut rien tirer d'elle lorsqu'elle regarde ses films préférés. Changeant de sujet, je tends la main vers Eddy qui vient taper dedans avec la sienne. Il me sourit  :

- Salut, Evan  !

- Chuuuut.

Abby lui tape le dessus de la main pour le faire taire, les yeux rivés sur l'écran de l'ordinateur. Je fais le tour du lit pour venir m'installer sur la chaise, près d'Eddy. Contre l'oreille, je lui glisse  :

- Il est à qui, cet ordinateur  ?

- À mon papa, il me l'a prêté le temps de son rendez-vous avec le docteur Clemmings.

Je hoche la tête sans prendre la peine de répondre de vive voix. Lily décide de faire irruption dans la pièce lorsque, à l'écran, Harry et Cedric Diggory sont emportés loin du labyrinthe par le Trophée des Trois Sorciers.

- Bonjouuuur  !

- CHUUUT  !

Lily, Eddy et moi lui répondons de concert. Ma tornade de cousine, encore vêtue de sa tenue de cheerleader, vient embrasser Abby sur le front avant de faire la bise à Eddy. Ses longs cheveux coiffés en une queue de cheval volumineuse fouettent un instant mon visage alors qu'elle vient s'asseoir sur mes genoux.

- Oh, Harry Potter  ! Cool, j'adore  ! , s'exclame-t-elle.

- Tais-toi Lily  ! , grogne Abby.

Je ricane, amusé, tout en fixant Abby. Mon cœur se serre un peu  : à la lueur de l'écran d'ordinateur, sa peau semble encore plus pâle que d'ordinaire. Ses yeux – ses paupières en fait – sont rougis et un peu gonflés. Il me semble remarquer qu'elle a perdu du poids, mais je n'en suis pas sûr. Cette histoire de radiothérapie et de chimiothérapie inefficace me trotte dans la tête depuis quelques jours déjà.

- On va boire un café le temps que le film se termine  ? , chuchote Lily.

- Je te suis.

Nous nous levons de la chaise sur laquelle nous étions assis et je récupère mon porte-feuilles dans mon sac de cours.

- On revient, pas de bêtises , je préviens en riant.

- Mhmh , me répondent Abby et Eddy dans un même râle.

Après avoir traversé le dédale de couloirs de l'hôpital, Lily et moi nous retrouvons à notre table habituelle, près de la grande baie vitrée, un cappuccino vanille entre les mains. Je souffle un peu sur ma boisson pour la refroidir, tandis que Lily croque dans une viennoiserie datant certainement du matin.

- Alors  ? , me demande-t-elle.

- Alors quoi  ?

Je hausse un sourcil tout en tâtant du bout des lèvres le bord de ma tasse en carton. Je me brûle le bout de la langue à cause du liquide brûlant et décide d'attendre quelques secondes de plus avant d'essayer de boire. J'attends que Lily reprenne  :

- Toi et Dylan  ? Je vous ai vus à midi, son bras autour de tes épaules.

Je roule des yeux  : j'avais oublié à quel point Lily est une vraie commère lorsqu'il s'agit de relations amoureuses. Vous pouvez être sûr qu'elle est au courant de tous les potins et rumeurs qui tournent au lycée. Honteux, j'avoue  :

- On est allés boire un café, après les cours. Il m'a fait comprendre qu'il voulait être avec moi mais... je lui ai dit non.

- Quoi  ?!

Quelques employés et proches de patients se tournent pour nous regarder. Je fais les gros yeux à Lily qui s'empresse de reprendre tout bas  :

- T'as mis un râteau à Dylan Campbell  ?! T'es malade, Evan, il est canon  !

- Ouais... certainement. J'sais pas.

Je hausse les épaules. Je bois finalement une gorgée de ma boisson même si, à nouveau, je viens me brûler la langue.

- Evan... , elle soupire déçue.

- Il est agréable à regarder, c'est vrai. Mais il ne me plaît pas plus que ça. J'sais pas Lily, c'est comme ça... j'me vois pas sortir avec un gars comme lui, c'est tout.

Je lui dérobe un morceau de son croissant que je viens fourrer dans ma bouche. Je tape nerveusement du pied sur la table  : je dis vrai, mais j'ai de plus en plus de mal à lui cacher ce qui s'est passé avec Diego. J'aimerais lui en parler, bien sûr, mais je sais qu'elle ne comprendrait pas. De plus, j'aime l'idée de garder ça secret. C'est entre lui et moi, personne d'autre, et ça me va.

- Mhmh, réfléchit-elle. Et Diego Flores  ? , demande-t-elle.

- Quoi Diego Flores  ? , je panique légèrement.

- Tu te vois sortir avec un gars comme lui  ?

Je déglutis et me force à rouler des yeux, espérant qu'elle ne remarquera pas ma gorge serrée par l'angoisse mais plutôt mon regard désespéré. J'essaie de garder mon calme lorsque je réponds  :

- Pourquoi tu ramènes toujours tout à Flores  ? C'est dingue.

- Hem, j'sais pas... , elle fait mine de réfléchir. Peut-être parce que tu passes tes journées à le bouffer des yeux.

Je me mords l'intérieur de la joue. OK. Lily 1 – Evan 0. Elle a raison. Le pire dans tout ça, c'est que je suis incapable de ne pas le regarder. La pause déjeuner est le meilleur moment de ma journée, au lycée  : toujours assis à la même table, je pourrais passer des heures à le regarder manger ou pianoter sur l'écran de son téléphone.

- Je ne... je ne bouffe pas des yeux Diego Flores. C'est faux.

- Menteur. Il te plaît, je le sais. Je suis peut-être stupide, parfois, mais pas aveugle Evan.

Je soupire. Que pourrais-je dire d'autre que la vérité  ? Rien. Effectivement, elle n'est pas stupide et encore moins aveugle. Je capitule  :

- OK. Oui, il me plaît. Mais ça s'arrête là, c'est tout.

- Mhmh.

- Et, pour répondre à ta question, non je ne me vois pas sortir avec un gars comme lui. Il fait flipper, même s'il est sexy à mort.

Mensonge, à nouveau. En réalité, je m'imagine très bien passer du temps dans ses bras et l'embrasser sur sa moto, comme ce soir là à notre retour du Monster. Il ne me fait en aucun cas flipper... sauf peut-être ce midi, lorsqu'il a fracassé la gueule de Liam Whitaker sous les gradins du terrain de foot.

- T'es carrément niais, Evan.

- Je sais.

Je porte ma tasse à mes lèvres pour aspirer un peu de ma boisson. Le goût doux et agréable de mon cappuccino vanille me fait du bien aux papilles. Soudain, une idée me passe par la tête. Je demande à Lily  :

- Tu penses vraiment qu'il fait partie d'un gang  ?

- C'est ce qu'on dit , elle hausse les épaules.

- Oui, je sais. Mais... j'sais pas, c'est bizarre.

- T'as qu'à lui demander, tu seras fixé.

- T'es folle  ? Il me casserait les dents  !

Il ne ferait jamais ça. Je le sais. Pour une raison que j'ignore, j'en suis convaincu. Hier, je lui ai clairement dit d'aller se faire foutre. Il n'a même pas essayé de me retenir. Je l'ai provoqué, il n'a jamais riposté. Je crois que ma façon de lui tenir tête lui plaît et le déstabilise  : il n'est certainement pas habitué à ce qu'on ne baisse pas les yeux devant lui.

Parfois je me dis que je suis fou. Je connais sa réputation, mon père m'a confirmé que son père et son frère sont en prison. Comme la plupart des élèves au lycée, je devrais avoir peur de lui. Vraiment. Je devrais m'éloigner, détourner les yeux sur son passage et changer de trottoir lorsque je le croise. Sauf que non, j'en suis incapable. Qu'est-ce-qui ne va pas chez moi  ?

- Ouais, pas faux.

Nous pouffons de rire tous les deux, mais je ris jaune. Toutes ces questions concernant le gang me trottent dans la tête  : je n'y crois pas un seul instant.

X  X  X

Appartement n°14, Immeuble 050, Quartier d'East Village | MANHATTAN – 8:30 PM.

Papa et moi sommes à table. Ma mère, elle, assiste ce soir à l'un de ces salons du livre qu'elle aime tant. J'ai lu tous ses bouquins, pour la plupart des romans policiers, et je dois avouer qu'elle a du talent. De plus, les explications et les tuyaux que lui fournit mon père, inspecteur à la NYPD, rendent le récit d'autant plus réaliste. Je me suis surpris à passer des nuits blanches pour finir chaque nouveau bouquin qu'elle écrivait. Le prochain devrait sortir d'ici quelques mois et ses fidèles lecteur sont impatients  : je les vois réagir sur les réseaux sociaux.

- Comment va Abby  ? , me demande papa.

- Bien. Enfin... comme d'habitude. Elle regardait un film avec son ami Eddy quand je suis arrivé, alors je les ai laissés tranquille.

- Quel film  ? , s'intéresse-t-il.

- Tu demandes  ? Harry Potter.

Les lèvres de mon père s'étirent en un sourire amusé tandis qu'il se sert une nouvelle portion de tagliatelles à la carbonara, préparées avec amour par... moi. Je suis ravi de le voir s'empiffrer  : de toute évidence, j'ai réussi le repas.

- C'est tout  ? , demande-t-il.

- Quand je suis remonté en chambre, on a un peu discuté. Tu sais... c'est toujours pareil là-bas. On parle plus de mes journées que des siennes. Elle a l'air en forme. Du moins... pas pire que d'habitude.

Je vois la moue sur son visage, inquiet, tandis qu'il baisse les yeux sur son assiette. Je me tais, croquant de façon dégoûtante les pâtes dont la sauce me coule sur le menton. Tout bas, je reprend  :

- Elle t'a réclamé, tu sais.

Je souris tristement en voyant son visage se décomposer. Je ne lui en veux pas, et Abby non plus d'ailleurs. Il travaille beaucoup et, en ce moment, ses horaires ne sont pas compatibles avec ceux des visites à l'hôpital. Du haut de ses huit ans, Abby le comprend et l'accepte. Malgré tout, son papa lui manque.

- J'essaierai de passer demain pendant ma pause déjeuner.

Je hoche simplement la tête avant de me remettre à manger. Les yeux braqués sur la télé, nous regardons une stupide émission de télé-réalité. Si ma mère nous voyait faire, attablés comme des ogres et l'écran plat allumé sur cette émission, je crois bien qu'elle nous ferait la peau. J'ai honte d'avouer que c'est notre petit moment privilégié avec papa  : plaisir coupable. Imaginer maman nous engueuler me fait sourire.

- Vous en êtes où de l'enquête sur le trafic d'armes  ?

- Toujours au point mort. On rame.

Il soupire, l'air désespéré, avant de boire une gorgée de son verre de vin rouge. Il passe ses mains fortes dans ses cheveux courts de couleur gris cendré, avant de reprendre  :

- On a mené l'enquête sur Brighton Island, mais ces types sont super bien organisés. C'est la mafia. Si on ne les prend pas la main dans le sac, on n'a rien pour les faire coffrer.

Je fais la grimace. La mafia. Le boulot de mon père m'a toujours fait peur mais, depuis quelques temps, l'idée qu'il enquête sur des types comme ça me terrifie d'autant plus. Je sais que cela peut être dangereux. Bien sûr, il n'y a pas de risque zéro lorsqu'on travaille dans la police. Néanmoins, je continue de penser que certaines affaires sont moins dangereuses que d'autres à gérer.

- Je peux te poser une question  ? , je demande.

- Oui, bien sûr.

- Tu... , j'hésite. Tu sais quoi sur la famille Flores  ? Je veux dire... ces gars qui sont en taule.

Je le vois hausser un sourcil. Il est en colère et je comprends pourquoi  : le fait que je m'intéresse, de près ou de loin, à eux ne lui plaît pas. D'autant plus qu'il sait que Diego Flores est dans mon école.

- Ils sont tous surveillés dans ce gang, tu sais. Chaque poste de police a un fichier. Le père est en taule, pour meurtre. Son fils est en taule aussi, pour trafic et délit de fuite.

Je hoche la tête, pour lui montrer que je l'ai écouté et que je comprends. Je ne sais pas quoi répondre d'autre, d'autant plus que la chair de poule naît sur mes bras. Toute cette histoire fait froid dans le dos, surtout concernant le père de Diego  : en prison pour meurtre. Il a tué quelqu'un. Je déglutis.

- Tu as des ennuis avec ce Diego  ? , se méfie mon père.

- Non, papa, je te l'ai déjà dit. C'est juste que... ça m'intrigue, c'est tout.

Il hausse à nouveau un sourcil perplexe. Je lui souris, forçant un regard malicieux, avant de hausser les épaules l'air de rien. Je feins l'ignorance, mais en réalité toute cette histoire me met le cerveau sans dessus-dessous.

- Evan, toutes ces questions..., je déglutis. Ne me dis pas que tu veux écrire un roman, comme ta mère  ?

J'explose de rire. Un court instant, j'ai flippé. J'ai cru qu'il s'imaginait que je m'intéressais à Diego. Heureusement non. Je me sens soulagé. Terminant mon assiette, je ris  :

- Moi, écrire un livre  ? Quand les poules auront des dents  !

X  X  X

27.09.17
East Side Community High School | MANHATTAN – 9:58 AM.

- C'est vrai que quelqu'un a forcé ton casier  ?

Je me sens mal à l'aise, assis à table avec Léa et Dylan. Cette dernière s'empiffre encore de sucreries hyper grasses et malsaines, tandis que Dylan croque et savoure ses éternels suprêmes d'orange.

Nous n'avons pas reparlé de notre discussion au coffee shop de la veille. Il sait à quel point je tiens à être discret. Malheureusement, cela n'empêche pas les autres élèves de nous regarder en coin. Je sais pertinemment que les rumeurs nous concernant ne vont pas tarder à fuser, et ça m'ennuie. Je n'ose pas lui dire de retirer son bras et sa main de mon épaule, tout comme je n'ose clairement pas lui demander de s'en aller  : je suis bien trop poli et, surtout, bien trop tétanisé.

- Oui, je réponds. Mais c'était rien. Je pense que la personne qui a fait ça s'est tout simplement trompée de casier à fracturer. On ne m'a rien volé.

Quand je suis arrivé au lycée ce matin, sur les coups des huit heures passées – oui, j'étais en retard – j'ai découvert mon casier entrouvert. J'ai tout de suite vu que la serrure avait été trafiquée, je ne sais comment d'ailleurs. Comme quoi, j'avais mes raisons de penser que la double sécurité d'un cadenas à code ne servait pas à grand chose.

- Tout va bien, alors.

Je dois avouer que, malgré son bras autour de mes épaules, Dylan garde quand même une certaine distance entre nous. J'apprécie. Je pense qu'il a compris le message, mais qu'il ne peut s'empêcher d'être tactile  : il a l'air de l'être avec tout le monde. Cela ne me concerne pas directement, et c'est tant mieux.

Alors que Léa dessine à la perfection un phénix dans son carnet à dessins et que Dylan décroche son téléphone, je me perds dans ma contemplation. Je regarde Diego  : ses bras tatoués, son t-shirt noir qui moule parfaitement son torse fort et musclé. Il est assis seul à sa table habituelle, à l'ombre. Un sourire stupide menace d'étirer mes lèvres.

Je me fige. Il lève la tête de son sandwich et, comme un automatisme, ses yeux se posent sur moi. J'en ai le souffle coupé. Même s'il se trouve à une vingtaine de mètres de moi, je suis certain de pouvoir distinguer les éclats bruns de ses iris. On se toise un instant, comme ce moment où, hier, je l'ai surpris après qu'il ait cassé le nez de Liam Whitaker. Je le vois baisser les yeux, légèrement, certainement pour regarder mon épaule sur laquelle est posée la main de Dylan.

Je me sens vide quand il détourne le regard. Pour autant, je ne cesse pas de le regarder une seule seconde. Il pose son sandwich sur la table, calmement, avant de prendre son téléphone entre ses mains. Je le regarde tapoter sur l'écran quelques secondes comme s'il écrivait, avant qu'il ne le pose et qu'il ne vienne me fixer à nouveau.

Quand mon portable se met à vibrer dans ma poche, j'ai comme un mauvais pressentiment. Je m'en saisis, les mains tremblantes.

Débute alors un échange de SMS avec Diego Flores. Je frissonne. 

.   .   . #eastriverFIC 

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