Chapitre 1 - Planète Terre, Paris
C'est le début d'après-midi, le soleil darde ses rayons sur les flancs des hauts immeubles de la ville. Nappée sous une épaisse couche de pollution, une tour élégante se dresse au milieu de ces gratte-ciel dernière génération.
Malgré le fait qu'elle n'atteignait pas la moitié de la taille de la plupart des bâtiments, elle gardait une fière allure. Une grande dame de fer, dont la silhouette était déformée par les innombrables échafaudages des travaux entrepris sur sa structure.
Pour un jour férié, Paris était étrangement calme, ses larges avenues désertées et ses sites touristiques fermés. Les trottoirs, et même les routes, étaient pris d'assaut par des milliers de véhicules garés à la hâte.
La cause de cet effet provenait d'un hangar aux proportions démesurées, devant lequel s'étirait une interminable file d'attente. Elle s'étendait jusque dans les rues, ressemblant à une véritable inondation humaine, aux couleurs innombrables.
Il était impossible d'évaluer le nombre de personnes présentes, mais il dépassait les plusieurs millions.
La quasi-totalité des personnes présentes portait un masque. La plupart étaient des civils, sobrement vêtus, du plus jeune nourrisson au doyen de la ville. Malgré la taille titanesque de la file d'attente, chacun attendait dans le calme.
Pour encadrer la foule qui ne cessait de grossir, un important dispositif avait été mis en place; des fourgons blindés et autres véhicules militaires stationnaient dans les rues avoisinantes.
De nombreux hommes avaient étés dispersés sur de petites estrades au milieu de la foule. Ils étaient vêtus d'étranges combinaisons bleu sombre, recouverte d'une surface brillante, et portaient un brassard blanc sur lequel était distinctement marqué « Armée ».
Dans leur main reposait une arme au canon effilé, orné d'un dessin ressemblant vaguement à un éclair.
Au-dessus de la file d'attente voletait de petits drones munis de hauts-parleurs, répétant toutes les cinq minutes:
« La société JabbeR souhaite la bienvenue au nouveaux arrivants. Nous vous prions de garder votre calme et nous nous excusons pour l'attente occasionnée. Des militaires sont là pour votre sécurité, et sont également à votre disposition. Nous vous souhaitons une bonne journée, et à bientôt de l'autre côté. Avec JabbeR, l'avenir nous tend les bras! »
Au milieu de cette foule, deux adultes tentaient désespérément de rassurer leur fille. Dissimulés derrière ses longs cheveux bruns, les petits yeux noisettes de la fillette papillonnaient de-ci, de-là, une lueur inquiète dans le regard.
Son père posa sa large main sur l'épaule de l'enfant, et déclara d'une voix rassurante, altérée par le masque qu'il portait:
«Rain, tu n'as pas à t'inquiéter. Une fois que l'on sera là-bas, on pourra faire tout ce qu'on voudra, comme dans un jeu-vidéo! Tu auras la plus belle chambre du monde! »
La petite fille, du haut de ses six ans, n'était pas plus convaincue que ça. Qu'est-ce qu'on allait bien lui faire? Ses parents lui avaient expliqué ce qu'il allait se passer, mais elle n'avait pas tout compris.
De plus, elle était farouche de nature, et n'aimait pas voir ses habitudes être bousculées.
La file avançait relativement vite si l'on prenait en compte le nombre de personnes qui attendaient. Au loin, Rain pouvait entendre un bourdonnement sourd qui semblait provenir du hangar.
Finalement, une poignée d'heures plus tard, ils arrivèrent au niveau d'un guichet, encadré par deux militaires. Des petites bouteilles d'eau étaient mises à disposition.
La fillette se dévissa le cou, et aperçu des centaines d'autres guichets dans le même genre sur les côtés.
Mais, songea-t-elle en écarquillant les yeux, comment ils font pour que tout le monde rentre dans le hangar?
Une femme au visage peu avenant interrompit le fil de ses pensées quand elle lui demanda d'une voix morne de montrer son bras. Habituée à ce genre de question, la petite fille tendit la main, le poignet dégagé.
On scanna la puce sous sa peau, qui contenait toutes les données sur son identité.
La femme regarda un instant l'écran de son appareil, avant de demander brusquement:
« Vous êtes bien Vincent et Anna Thomas? Et votre fille se nomme Rain Thomas?
- Tout juste, répondit la mère. »
Les adultes commencèrent à parler de choses que Rain ne comprenait pas, à propos d'argent.
Elle jeta un timide coup d'œil au militaire le plus proche. Ses cheveux courts et bruns lui rappelaient ceux de son père. Une lueur inquiète luisait dans ses yeux, mais son visage était empreint d'un calme olympien.
Il doit s'ennuyer à rester debout comme ça...
Le militaire, qui l'avait remarquée, lui lança un petit sourire, et la fillette s'empressa de détourner son regard, contemplant timidement ses chaussures.
« Bien, fit la femme au guichet, rendez-vous à la porte 49B, réservée aux personnes à moyens financiers modiques. »
Moyens financiers Modikes? C'est une marque?
Sans plus de cérémonie, la femme jeta froidement un « suivant! », le nez plongé sur son écran holographique.
Ils passèrent un portique de sécurité et autres contrôles en tout genre. Une fois à l'intérieur, ils durent se déshabiller dans des cabines aménagées à la va-vite pour enfiler une tenue très simple: une longue tunique blanche, au tissu léger. Rain appréciait le doux contact du tissu sur sa peau.
La fillette et ses parents arrivèrent dans un grand hall rempli d'échos, et bondé de monde. Tous semblaient un peu gênés de se retrouver dans une telle tenue. Néanmoins, l'attente ne fut pas longue, et on les redirigea vers de larges couloirs où une armée de personnes en blouses blanches les attendaient.
Maman m'a emmené voir quelqu'un habillé pareil quand j'étais malade! Ce sont tous des médecins?
Rain n'eut pas le loisir de se poser plus de questions: ils durent passer une batterie de tests médicaux.
Puis, on les guida dans des salles entièrement blanches, dont les murs étaient couverts de toutes sortes d'écrans, holographiques ou non.
Impressionnée par tout cet équipement digne d'un vaisseau spatial, la fillette ne remarqua pas qu'on l'éloigna discrètement de ses parents.
Menée devant un long cylindre horizontal, Rain toussota lorsqu'un nuage de vapeur lui chatouilla les narines. Cette émanation provenait du liquide bleuté que contenait les cylindres.
Rain se sentit soudain mal à l'aise, chahutée par les médecins qui couraient de-ci de-là, au milieu d'une pièce trop blanche, envahie par le parfum piquant des médicaments. Elle se rappela subitement pourquoi elle se trouvait là.
Paniquée, Rain se dégagea de la main qui reposait sur son épaule, et se précipita vers sa mère, devant un autre cylindre au fond de la pièce. Cachée derrière son ample tunique blanche, la petite fille sentit les larmes perler sur ses joues.
Vincent, son père, s'approcha d'elle pour essuyer ses larmes d'un revers de la main. D'un sourire mi-amusé mi-compatissant, il la rassura:
« Rain, voyons, tu n'as pas à t'inquiéter. Dans moins de cinq minutes on se retrouvera de l'autre côté, comme par magie! Écoute bien ce que vont te dire les infirmières et tout se passera bien. »
La fillette hocha la tête à contre- cœur, et retourna auprès de son cylindre. Une jeune femme en blouse blanche s'accroupit pour se mettre à sa hauteur, et déclara d'un ton léger:
« C'est une cellule de cryothérapie. Elle conservera ton corps. L'eau est froide mais c'est normal. Ne t'inquiètes pas, tu ne sentiras rien.
- Comment c'est possible? s'étonna Rain.
- On va te mettre une perfusion, s'amusa l'infirmière, c'est un petit patch qui amènera dans ton corps un produit qui t'empêchera d'avoir froid. La perfusion ne fait pas mal, c'est une toute nouvelle qui se pose juste sur la peau comme ça. »
La petite fille aurait voulu en savoir plus, mais on lui ordonna de tendre les bras pour lui poser les électrodes et la perfusion sur le dos de la main.
Puis, elle du enjamber péniblement le cylindre et s'immerger entièrement une fois le masque sur son visage. Elle appréhenda un instant de passer sa tête sous la surface, mais les encouragements de l'infirmière l'aidèrent.
Les yeux fermés, elle s'efforçait de ne pas bouger pour se laisser flotter. Déjà elle sentait son corps se réchauffer, au fur et à mesure que le produit se répandait dans ses veines.
« Maintenant ne bouge pas, ne t'inquiètes pas tu vas vite t'endormir. »
Rain ignorait d'où venait cette voix, mais elle résonnait de façon étrangement claire dans le liquide.
Elle entendit alors un déclic, et un bourdonnement bref secoua sa cellule. Elle se retrouva subitement dans le noir, et comprit que son cylindre s'était intégré dans le mur.
Les battements affolés de son cœur couvraient le silence oppressant.
Immobile, elle se forçait à ne pas ouvrir les yeux.
Qu'est-ce qu'il se passe? Ça ne fonctionne pas! Je vais rester coincée ici!
Alors qu'elle allait céder à la panique, une douce lumière vint danser devant ses yeux. Elle sombra dans l'inconscience, apaisée.
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"Mystic Water" - heavenriver
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