⁖ 1 · Lénaëlle
Jeudi 18 octobre 2540
Quartier Lumia – Levaria
KarMane
Le vent s'engouffre dans la ruelle et nous hâtons le pas, emmitouflés dans nos manteaux. Sa petite main se crispe autour de mes doigts et je l'enserre avec douceur pour la réchauffer. Ce matin, le ciel est radieux, mais une vague de froid un peu inhabituelle en ce début d'automne s'est abattue sur la ville, nous prenant tous un peu par surprise. Au calme de ce passage piétonnisé où la végétation s'enroule autour des arches élégamment sculptées se succède le brouhaha entêtant du grand boulevard aux bâtiments vertigineux. Les flotteurs se suivent en une file continue, les navelottantes déversent leur flot de voyageurs pour se remplir aussitôt, les deux terroues en tout genre slaloment entre les obstacles, faisant fi des règles de circulation et provoquant le mécontentement des conducteurs et piétons. Ces derniers bravent les bourrasques glaciales comme ils peuvent ; remontant le col de leur pull léger ou levant leur sac contre leur poitrine tel un bouclier anti-froid.
J'ai la drôle impression de traverser une tempête tout en étant enfermée dans une bulle de silence. Toute cette effervescence glisse sur moi, sur nous, jusqu'à ce que nous arrivions devant les grilles de l'école en fer forgé d'un noir luisant qui sont déjà ouvertes. Lorsqu'elles sont fermées, les pointes argentées tranchantes qui se dressent vers le ciel forment un rempart qui a pour objectif de dissuader quiconque de passer par-dessus.
Quelques enfants pleurnichent en s'accrochant à leurs parents, certains filent en hurlant à travers la cour, d'autres se chamaillent gentiment sous le regard absent du directeur qui semble perdu dans ses pensées. Avec un léger pincement au cœur, je ne peux m'empêcher de comparer les vêtements des autres élèves à ceux de Morgan. Les autres n'ont pas un pli, pas un trou, pas une tâche, pas même une couture usée. J'aimerais tellement pouvoir lui offrir mieux. Même si je sais qu'il n'est pas attaché aux choses matérielles et que ce n'est pas la clé du bonheur, je suis persuadée qu'il aimerait être comme tous ses camarades : pouvoir choisir sa paire de chaussures, son blouson, ses jouets, ailleurs que dans les magasins de seconde main. Je me rassure en me disant qu'au moins, nous œuvrons pour la planète en luttant contre le gaspillage.
La main de Morgan tremble légèrement dans la mienne et je reviens au présent pour m'accroupir à ses côtés et le presser contre moi.
— Quand tu sens que ça commence, tu sais ce que tu dois faire, n'est-ce pas ? lui murmuré-je gentiment.
— Oui.
Je m'écarte de lui et l'observe attentivement, attendant qu'il me le dise de vive voix.
— Je ferme les yeux, je respire calmement et si ça ne passe pas, je prends une dose.
Mes doigts remettent en place ses boucles brunes qui lui balayent le front et je l'embrasse sur la tempe.
— Je suis sûre qu'aujourd'hui tout ira bien. Passe une bonne journée, mon cœur.
Morgan me colle un bisou bruyant sur la joue et court rejoindre ses copains de l'autre côté de la grille. Il me lance un dernier regard et si je peux y discerner de l'inquiétude au fond de ses yeux, je sais qu'il fait tout pour le masquer. Je lui adresse un sourire encourageant et un dernier signe de main avant qu'il ne se détourne pour se diriger vers la cour intérieure du bâtiment.
Ma gorge se serre douloureusement. J'ai beau essayer de me raisonner, je ne sais pas pourquoi ce sentiment désagréable me colle au cœur dès que je le laisse tout seul quelque part. Enfin tout seul... il est bien entouré en Genèse Premier Degré, que ce soit par le corps enseignant ou ses camarades, alors je m'accroche à cette idée pour ne pas trop angoisser jusqu'au soir.
Tandis que je m'apprête à tourner les talons, une image du passé remonte à la surface. Ou plus précisément, un visage. Celui de Kimi. Celui de ses yeux en amandes. Celui de son sourire solaire et de son rire contagieux. Puis les souvenirs affluent sans que je puisse l'en empêcher. Toujours fourrées ensemble depuis nos 7 ans, nous avons fait les quatre-cents coups ensemble, à en donner des cheveux blancs à ma grand-mère bien avant l'âge. Nous avons grandi ensemble, partagé nos doutes et nos peurs, nos premiers coups de cœur, nos premières réflexions philosophiques et idéologiques, nos premiers achats d'album musicaux, nos premiers concerts. Tout ce qui avait de l'importance à mes yeux. Jusqu'à ce que nous passions en Genèse Troisième Degré.
Nous avions pris des options différentes, ce qui avait eu pour conséquence de nous éloigner physiquement, nos deux établissements n'étant pas dans le même quartier de Levaria. Celui de Kimi se trouvait au nord. Le mien au sud-est de la capitale. Au départ, nous avions réussi à nous adapter à ce changement radical dans nos vies, trouvant toujours un moment pour nous voir ou nous appeler. Puis, progressivement, à la distance physique s'est ajoutée la distance affective. Même si j'avais très bien accepté que son cercle d'amis se soit agrandi, j'avais eu plus de mal en voyant qu'elle m'écartait peu à peu de sa vie. Je finissais par avoir essentiellement de ses nouvelles à travers des connaissances interposées.
La rupture a réellement eu lieu lorsque j'ai appris par hasard le décès de sa mère par une connaissance commune. Encore aujourd'hui, cette blessure reste douloureuse. Pendant dix ans, je l'avais côtoyée presque tous les jours. Secrètement, je la considérais comme la mère que je n'avais jamais connue : douce et aimante, elle m'accueillait chez eux comme une seconde fille.
Alors, lorsque Kimi m'a simplement lâché un : « Ah oui, désolée, j'ai oublié de t'inviter aux obsèques. », quand je l'ai appelée pour lui présenter mes condoléances et lui demander pourquoi elle ne m'avait rien dit, ce jour-là, j'ai compris. J'ai compris qu'il était temps de réellement disparaître. Qu'il était inutile de continuer à m'accrocher comme je le faisais. Je n'avais plus ma place dans sa vie.
Ce jour-là, un vide glacial s'est formé dans ma poitrine. J'aurais voulu pleurer, pourtant je ne m'en sentais pas légitime. Ce n'était pas ma mère. Kimi me l'avait bien fait comprendre. Et elle n'avait visiblement plus l'intention d'être une amie pour moi. Pas même une connaissance puisqu'elle avait décliné toutes mes dernières propositions pour la voir, sans même une explication. Les ponts étaient coupés. Définitivement.
J'aurais voulu pleurer, au moins pour cette dernière raison, car je venais de réaliser que j'avais perdu la seule personne qui comptait le plus pour moi en dehors de ma grand-mère, pourtant je n'y arrivais pas. C'était comme si le trou béant dans ma poitrine avait happé toute la douleur que j'aurais pu ressentir. J'étais anesthésiée.
Et puis, je n'aurais rien pu faire pour changer les choses, alors à quoi bon pleurer ? C'était fini. Kimi m'avait froidement fait entendre que je ne comptais pas. Que je n'étais rien. Être en colère. Être triste. Ça n'aurait rien changé. C'était comme ça. Il ne me restait plus qu'à apprendre à vivre avec.
Hugo est alors entré dans ma vie quelques mois plus tard et à l'obscurité s'est succédé une lumière retrouvée. La deuxième grande désillusion de ma vie a été encore plus difficile à vivre que la première.
Je me suis pris la vérité en pleine face, sans rien pour l'amortir. Celle de la véritable solitude.
Lorsque je me rends compte que cela fait déjà un moment que les grilles se sont fermées et que la cour s'est vidée des enfants et des enseignants, je reprends mes esprits. Je chasse Kimi et Hugo de mes pensées en soufflant rapidement sur mes doigts avant de fourrer les mains dans mes poches. Puis, cette fois, je tourne réellement les talons et allonge le pas pour rejoindre la bouche de monorail la plus proche.
Sur le quai bondé, je glisse les écouteurs au fond de mes oreilles et une tige souple de quelques centimètres de large se déplie doucement en partant du gauche pour rejoindre le droit de l'autre côté. Le casque s'adapte pour prendre la forme de mon crâne sans le comprimer et ma liste de chansons reprend là où je l'avais arrêtée hier soir. Même si sans musique il m'est aisé de faire abstraction de tout ce qui m'entoure, cette dernière décuple ce phénomène. Alors, je ne prête plus attention aux deux bonnes femmes qui m'écrasent de tout leur poids contre la porte vitrée du monorail, je n'écoute plus le groupe d'adolescents qui gloussent comme des pintades, j'ignore l'haleine fétide du vieux qui envahit mes narines, je fais peu de cas du type qui a les mains un peu trop baladeuses sur mon postérieur. La musique me permet de supporter ces situations désagréables. La musique, c'est mon oxygène, mon monde parallèle. Un monde où tout est possible.
Les minutes semblent alors défilées plus vite et une fois libérée de cette boîte à sardines puantes, je regagne la surface pour inspirer une bouffée d'air frais, mais chargé de particules. Ce quartier d'affaires, répondant au doux nom de Lumia se trouvant en plein épicentre de la capitale. C'est l'un des quartiers les plus riches de Levaria, réputé pour ses illuminations la nuit et ses bâtiments impressionnants, mêlant harmonieusement modernisme et fantaisie. Entouré d'autres quartiers luxueux où l'on trouve à la fois des résidences cossues, mais aussi des enseignes de luxe et toutes sortes d'activités prisées telles que des restaurants, des galeries d'art, des musées, des salles d'arcades... le quartier Lumia est en constante effervescence.
De jour comme de nuit, le matin comme l'après-midi, les gens vont et viennent. Toujours occupés. Toujours bruyants. Le jour, le temps c'est de l'argent, alors flâner le nez en l'air, ne serait-ce qu'une minute, n'est réservée dans l'agenda de personne. Pourtant Levaria n'est pas démunie de charme, au contraire, elle est même considérée comme l'une des plus belles capitales de la coalition Mane. La nuit en revanche, le quartier se pare de mille feux et une tout autre ambiance qui se succède à la frénésie des travailleurs.
J'expire et calque mon rythme sur celui des autres, mes pas me menant deux rues plus loin, au pied d'une immense tour dont la devanture mélange des arabesques voluptueuses à une structure en métal poli brillant aux formes à la fois géométrique et éthérée. Les deux premiers étages sont réservés à l'une des plus prestigieuses enseignes de mode, le troisième à un étalage de panneaux publicitaires holographiques criards, les cinquante suivants aux entreprises les plus florissantes de notre pays. Celle où j'ai été embauchée il y a de ça maintenant quatre ans en fait désormais partie depuis deux ans. Pour le plus grand bonheur de mes patrons et mes collègues. Pour ma part, je me fiche bien qu'OniriQom ait atteint une renommée mondiale. Ce qui m'importe, c'est que les artistes avec lesquels nous collaborons soient satisfaits, que mon travail soit irréprochable et qu'il me permette de payer les factures qui sont de plus en plus importantes à la fin du mois. Le reste... c'est du bonus.
En passant les portes automatiques, un courant d'air chaud me frappe de plein fouet. Je cligne des yeux et me dirige vers les portiques situés à gauche qui mènent vers les ascenseurs réservés aux salariés travaillant dans le bâtiment. Je présente ma main au-dessus de l'écran de contrôle, et un flash vert valide mon empreinte, amorçant l'ouverture du panneau vitré. Une vingtaine de personnes attendent en silence l'arrivée des ascenseurs pour rejoindre leurs étages respectifs. En arrivant à leur hauteur, je baisse le volume dans mes écouteurs et les salue poliment comme le veulent les règles de bienséance de la société, mais personne ne me répond. Je remonte alors le son et ferme les yeux, prenant mon mal en patience.
Un changement d'air ambiant me fait les rouvrir et je m'engouffre dans l'un des trois ascenseurs qui vient d'arriver. Mon index passe devant le numéro 4 du clavier holographique. Si OniriQom fait partie des entreprises les plus florissantes de KarMane, elle a encore du chemin à parcourir avant d'atteindre le sommet et d'y rester.
J'abandonne donc rapidement mes compagnons d'ascension et parcours les derniers mètres qui me séparent de l'entrée des bureaux. Ma main se lève devant le boîtier d'authentification et un autre flash lumineux vert m'autorise à pousser la lourde porte en acier sur laquelle sont gravées les lettres O et Q se chevauchant. Une fine pellicule argentée les recouvre, comme pour le logo de la seconde société présente à cet étage. N'étant pas autorisée à accéder aux étages supérieurs, je me suis toujours demandé si les portes étaient ornées en fonction de leur prestige ou toutes identiques.
Jilal, qui tient l'accueil de l'agence, ne prend même pas la peine de me saluer ni même de lever les yeux vers moi. Dans ce milieu, j'ai vite compris qu'il était difficile de lier des amitiés avec ses collègues, surtout quand on grimpe rapidement les échelons, alors j'ai abandonné cette idée pour me concentrer uniquement sur mes objectifs. Je bifurque à droite et longe les bulles transparentes et insonorisées qui nous servent de salle de réunion. Quelques collaborateurs matinaux y partagent déjà un café ou un thé autour d'une table tactile sur laquelle s'affichent leurs documents de travail. Au bout du couloir, je tourne à gauche et pousse enfin la porte de ma destination finale, une pièce de vingt mètres carrés que nous nous partageons à quatre depuis que nous avons emménagé ici, deux ans plus tôt.
J'ai la chance d'être située du côté des fenêtres et de pouvoir jouir d'une vue imprenable sur l'immense place, à l'heure actuelle bouchonnée, que l'immeuble surplombe. La journée, à travers le ballet incessant des flotteurs et passants, je peux contempler l'architecture mêlant avant-gardisme et tradition des autres immeubles. Et le soir, la fontaine centrale se pare d'un éclairage fastueux, mettant en valeur les statues androgynes qui déversent leur jet dans le bassin. Les lampadaires flottants s'illuminent de mille feux, tout comme les guirlandes qui dessinent les façades des bâtiments alentour. Cet endroit ne s'appelle pas la Place des Lumières pour rien. Le boulevard qui la traverse et les rues qui partent en étoiles ressemblent à des rayons lumineux ce qui donne un charme particulier aux lieux.
La voix de Lou Hungo s'éteint en même temps que les dernières notes de musique et, comme toutes les fois où j'écoute « Réminiscences pourpres », un frisson me parcourt le corps sans que je puisse le contrôler. Bien que cette chanson soit vieille de dix ans, elle résonne toujours avec une force particulière.
Malgré moi, un soupir s'échappe de ma gorge et je range mes écouteurs dans mon sac à main que j'accroche à la patère située près de mon bureau. Ma veste trouve le dossier de ma chaise en un vol aléatoirement calculé, puis sans perdre davantage de temps, j'allume mon poste pour dépiler ma liste de mails. Rien d'inhabituel : la newsletter du groupe, un condensé des informations importantes sur le marché de la musique et du divertissement, un rappel des événements importants à venir, les messages de bienvenue des nouveaux collaborateurs, les messages de départ, puis toutes les informations importantes des projets en cours.
J'étudiais l'un d'eux avec attention, lorsque la porte s'ouvre sans délicatesse, me faisant sursauter. Naémie, Célestin et Farel débarquent comme à leur habitude en groupe, sans me saluer non plus. Si les choses s'étaient déroulées autrement deux ans plus tôt, sans doute ferais-je également partie de la bande, malheureusement il a fallu que le Directeur général, Lastan Folkuri, nous mette en concurrence tous les quatre sur l'un des deux projets qui nous ont permis de commencer à jouer dans la cour des grands. Il s'agissait de concevoir la promotion d'une association d'aides aux orphelins de guerre dont Chaos, le groupe de musique montant du label Fanast, avait accepté de devenir ambassadeur.
J'aurais préféré qu'il nous fasse collaborer tous les quatre ensembles, nous aurions sans doute eu de meilleurs résultats encore, mais à mon plus grand regret, Lastan a toujours privilégié la compétition plutôt que la collaboration. Je suppose que mon affinité pour ce groupe a dû m'aider pour réfléchir à un concept qui liait intelligemment les messages de leurs chansons à celui de l'association. « Mille lieux sur cœur », qui n'était pourtant pas leur titre phare de leur album du moment « Entre terre et ciel », a été le point central du concept. Concept qui a été retenu.
Remporter cet appel d'offres a été à double tranchant. D'un côté, mon contrat précaire se muait enfin en un vrai contrat, car seul un salarié confirmé pouvait prétendre gérer l'organisation d'un événement d'une telle envergure, de l'autre je me suis attirée la jalousie de mes proches collègues qui pensaient l'emporter. N'étant déjà pas très intégrée à leur cercle, celui-ci s'est définitivement fermé, me laissant en dehors dans une solitude déjà difficile à vivre pour d'autres raisons.
Je m'étais consolée en me disant que j'avais déjà une chance incroyable de participer à cette campagne promotionnelle du seul groupe de musique dont les paroles et la musique trouvent un écho vraiment particulier chez moi et qu'espérer plus que ça serait prétentieux de ma part. De plus, même si je n'ai pas eu l'occasion de les croiser en chair et en os, j'ai apprécié travailler avec leurs équipes, que je trouvais bien plus humaines que celles d'OniriQom.
Perdue dans mes souvenirs, je sursaute une seconde fois lorsque la porte s'ouvre avec fracas pour laisser place à Lastan.
— Kalla, nous avons décroché le gros lot !
Tous les regards se braquent sur moi, alors je retiens au dernier moment une grimace, car je n'ai jamais aimé être appelée par mon nom de famille de cette manière.
— Tu peux développer ? lui demandé-je gentiment.
— Ton projet a remporté l'appel d'offre du label Fanast pour la participation de Chaos au Fest'Pop Art.
— Pardon ?
Je cligne des yeux, pas certaine d'avoir bien compris. Un sourire fend le visage de Lastan d'une oreille à l'autre et il pointe son index vers moi.
— Je compte sur toi. Pour la campagne « Cœurs infinis », leur équipe interne de communication ne m'avait fait que des éloges sur toi à l'époque, alors quand ils ont vu ton nom sur le dossier, ils n'ont pas hésité une seconde et ont explicitement demandé à ce que ce soit toi qui pilotes les opérations.
Je reste muette, comme si on avait court-circuité mon cerveau. Quelle était la probabilité que je repense à ma première collaboration avec Fanast et qu'on m'annonce dans la minute qui suit que je vais pour rempiler avec eux ? Aucune. Sans parler de la déclaration de Lastan concernant l'appréciation de mon travail par Fanast. Alors une fois remise de ma première surprise ; c'est la confusion qui m'empêche de répondre, je suis touchée et gênée à la fois.
— Je nous ai réservé un vol demain pour Sevian, ils veulent faire le tour des lieux une première fois avec nous.
— De... demain ? Mais... Morgan, je ne peux...
— Tu te démerdes, me coupe Lastan sans se départir de son sourire, comme s'il était sur un petit nuage. C'est le contrat à ne pas louper. Si ce projet se passe bien, nous pourrons sans doute envisager une plus étroite collaboration avec Fanast. Les retombées sur la société seraient non négligeables et pourraient nous catapulter directement dans le top 5 des sociétés de communication les plus en vogue. Bien évidemment, tu seras augmentée et promue, alors ce n'est pas le moment de compter tes heures. Donc je te veux demain à 5 heures, à l'embarcadère d'Ourvent, direction Sevian. On y restera trois jours.
Sans attendre de réponse de ma part après son monologue, il pivote sur ses talons et sort de la pièce comme il est entré. Avec fracas.
Dans ma tête, c'est le chaos — sans mauvais jeu de mots —, si bien que je ne fais pas attention aux regards cupides qui sont toujours braqués sur moi.
Fanast s'est souvenu de mon travail.
Fanast a apprécié mon travail.
Je pars demain.
Pour trois jours
Ils veulent que je pilote le projet.
Donc, ça veut dire qu'il y aura sans doute plusieurs rencontres.
Je pars demain.
Pour trois jours.
Je vais avoir une promotion.
Je vais pouvoir payer des vêtements neufs à Morgan.
Je pars demain.
Pour trois jours.
Je dois mettre en ordre mes autres projets.
Aujourd'hui, c'est le seul jour où Morgan n'est pas inscrit à une activité après les cours, pour que je puisse passer un peu de temps avec lui.
Je pars demain.
Pour trois jours.
Je vais organiser un événement pour Chaos au Fest'Pop Art.
Je dois appeler mamie pour savoir si elle peut garder Morgan et l'emmener à la Genèse les trois prochains jours.
Je pars de...
Wouah, stop ! Je crois que je vais prendre un thé pour digérer la nouvelle et remettre de l'ordre dans mon esprit.
J'ignore mes collègues qui me suivent du regard et m'éclipse du bureau pour gagner la salle de repos. Devant la machine à boisson, j'ai un temps d'hésitation. Sur quel bouton dois-je appuyer ?
— T'as entendu la nouvelle ? s'exclame quelqu'un depuis le couloir. On a remporté l'appel d'offres de Fanast et apparemment ils ont demandé explicitement que ce soit Lénaëlle Kalla qui soit en charge de ce contrat.
— Vraiment ? Farel aurait pourtant été plus qualifié qu'elle. Lastan doit l'avoir à la bonne pour lui accorder une deuxième fois le meilleur contrat.
— Même pas. Apparemment, c'est la fille la plus frigide de la boîte. Ben et Wamid ont tenté de l'approcher lors d'une soirée de réseautage et ils se sont fait méchamment refouler.
J'essaye de me souvenir de cet épisode. Sans succès. Décidément, diffuser des ragots inventés de toutes pièces restera toujours l'activité préférée de l'être humain, peu importe les Âges.
Lorsque les deux hommes pénètrent dans la salle de repos et que leurs regards se posent sur moi, ils s'immobilisent immédiatement, avant de s'incliner, puis de faire demi-tour, comme si de rien n'était.
Maintenant, je me rappelle pourquoi, après deux ans, jene sais toujours pas sur quel bouton appuyer pour faire un thé.
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Alors qu'avez-vous pensé de ce premier chapitre ? Pour l'instant on démarre gentiment, on pose le cadre et les premiers enjeux.
J'ai hâte que vous découvriez davantage l'univers et les autres personnages !
♪ Des bisous ♪
Lysiah
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