« C'est grâce à son troisième roman, sans nul doute le plus controversé, que Bret Eatson Ellis se fait connaître dans le monde entier... »

Ainsi positionné en face de mes élèves, sur une estrade qui amplifie ma supériorité, il m'est aisé de distinguer les étudiants attentifs de ceux qui ne le sont pas.

Et de distinguer les étudiants attentifs des étudiantes attentionnées.

Cela arrive rarement, mais une ou deux fois l'an, une étudiante plus téméraire que les autres brave la frontière du professionnel et du personnel.

Ce doit être le fantasme de la relation prof/élève et l'excitation de l'interdit qui les poussent à venir toquer à mon bureau en dehors des heures de cours, car je n'ai aucun charisme. Par ailleurs, mon alliance en argent indique que je suis marié. Une relation stable dans laquelle je me complais.

Je les préviens toujours que le bon temps passé en leur compagnie ne me fera pas quitter ma femme ni mon foyer, et elles prétendent toujours se ficher de ce détail. Cela participe de leur émoustillement ; « j'ai réussi à séduire mon professeur, engagé qui plus est avec une autre. »

À croire que cette bague attire les jeunes filles comme le seraient des rongeurs par un morceau de fromage sur une souricière.

Je remarque les regards appuyés, voire inquisiteurs de cette étudiante au troisième rang. Ses globes oculaires s'arrêtent un moment sur chaque partie qui compose mon visage – mes yeux, mon nez, ma bouche, mon menton – puis migrent en direction du Sud.

Mes épaules, mon buste, ma ceinture, font l'objet d'un examen méthodique par ces rayons luminescents auxquels rien ne peut apparemment échapper.

J'entretiens l'espoir d'un rapprochement en posant mes pupilles sur mon étudiante plus régulièrement que ne le voudrait la bienséance. Le tressaillement de ses paupières me fait savoir que ce fardeau la rend à la fois troublée et mal à l'aise.

Mais j'ai l'intime conviction que c'était la chose à faire pour m'assurer un futur tête à tête avec elle, maintenant que je l'ai engaillardi.

J'aperçois son pouls battre à la base de son cou, faisant pulser son sang jusqu'à ses pommettes. Sa peau a l'air tendre, et aussi facilement écorchable que de la soie. Émane d'elle une aura puissante de jeunesse, qu'il me semblerait pouvoir subtiliser rien qu'en tendant le bras.

J'imagine déjà mes doigts parcourir ses membres, glisser sur son ventre comme pour tracer un premier passage, jusqu'à s'enrouler autour de sa gorge.

J'écouterai avec lubricité sa respiration se faire plus sifflante, sporadique. Admirerai ses yeux exorbités, littéralement prêts à jaillir de leurs orbites, par l'effet d'une peur soudaine de la réalisation concrète de ce qu'elle n'a toujours imaginé qu'en rêve.

Elles ne se rendent jamais compte de ce qui les attend réellement.

Le visage rouge et suant, un gémissement s'échappera de ses lèvres bleuies, me laissant moi-même tremblant de plaisir, au bord tranchant de la jouissance.

Un écho de rire général de la classe me parvient aux oreilles, suite à une plaisanterie subtilement intercalée dans mon cours. Une nouvelle fois, mes prunelles se dirigent vers mon étudiante, tandis que l'ombre d'un sourire éclaire mon visage.

Elle me sourit en retour, complice.

Il me tarde de découvrir la texture sirupeuse de ses intestins en plongeant mes mains dans l'incision sanguinolente – reliant son nombril à son sternum – réalisée par ma lame de rasoir.