XXXIX ~ Reniement ~
Mère, chignon cendré toujours dressé sur le crâne, m'attrapa violemment par le bras : je ne voyais que rage et indignation dans ses yeux.
— Comment as-tu pu ? Avec cet ignoble valet ? hurla-t-elle en me traînant en dehors de la chambre. C'est notre sang que tu as sali !
Je voyais les domestiques observer ce remue-ménage avec effarement, tandis que les nobles attroupés dans le couloir, le regard hautain, me pointaient du doigt en se moquant ouvertement de moi :
— Regardez donc cette fille de joie ! sourit une femme en observant mon corps.
— Vraiment, cette insolente ne peut prendre la suite de la royauté !
— Je le disais bien, qu'elle finirait ainsi !
— Quelle honte de l'avoir fait naître !
Gémissant, je pleurais en sentant les ongles pointus de Mère m'écorcher à chaque violent mouvement de bras. Les nobles adossés aux murs s'amusaient à me pincer sur mon passage, et j'entendais déjà une troupe de soldats marcher vers mes appartements pour attraper Jellal.
Il y avait quelques instants seulement, tout semblait beau, l'avenir me tendait les bras, radieux, et en une seconde, tout s'effondrait.
— Allons voir le Roi ! J'ai tellement hâte du regard déçu dont tu seras l'heureuse destinataire ! ricana Mère qui n'hésitait pas à me donner des coups pendant qu'elle me traînait.
Père avait confiance en moi, il m'avait toujours crue, et voilà que notre lien familial serait brisé. Je n'avais strictement aucune envie d'arriver à cette terrible confrontation et de décevoir Père. Les gardes ouvrirent brusquement les portes de l'entrée de la salle de trône. Mère, en voyant que je tentais de m'écarter, agrippa ses doigts minces à ma chevelure pour me tirer, quitte à abîmer ses beaux tapis luxueux auxquels je tentais vainement de m'accrocher. Père se leva, les yeux sombres en direction de la Reine :
— Que faites-vous encore à notre pauvre fille ? Relâchez-la ! Et quel est cet attroupement ? ajouta-t-il en observant les différents nobles s'introduire dans la salle pour observer mon jugement.
Entourée de toutes parts, je ne pus que m'agenouiller devant le trône et baisser la tête, étouffant mes sanglots.
— Ma Reine, expliquez-moi ce cirque ? Je ne supporte pas de voir mon enfant traitée ainsi, et moquée de la sorte ! rajouta-t-il en jetant ses regards noirs à ceux qui pouffaient.
Père, mon pauvre père, croyait encore que j'étais innocente, et me défendait une fois de plus. J'avais tellement de peine pour lui... je me sentais si honteuse d'avoir trahi toute sa confiance.
— Mais cette sotte va vous expliquer... n'est-ce pas, Erza ?
Je restais immobile : qu'une personne lui raconte les faits serait tortueux, mais que les mots soient prononcés par mes lèvres m'était inconcevable.
— Erza, ma petite...
Le Roi s'agenouilla devant moi ; le symbole le plus fort du royaume venait de s'abaisser au sol, devant une femme qui avait péché.
— Raconte-moi, ce ne doit pas être si terrible que cela...
En pleurant, je secouai la tête, attrapant ses mains chaudes, fermes et ridées une dernière fois :
— Pardonnez-moi, Père, pardonnez-moi... Sachez que je vous aime, Père, pardonnez-moi...
— Parle ! hurla Mère en tirant ma chevelure une fois de plus.
— Père, soupirai-je, j'ai péché, Père... avec mon valet... Pardonnez-...
La gifle me fit tourner la tête. Je relevai à peine mon regard brouillé pour n'observer qu'une expression désespérée et déçue :
— Et dire que j'avais placé ma confiance en toi et ce valet... C'est tout un royaume que tu viens de salir... Ne m'appelle plus "Père".
Je l'observai attentivement se relever et partir reprendre sa place de souverain, sous mes sanglots violents : la seule figure familiale me soutenant venait tout simplement de me renier. On me tira violemment par le bras pour que je me lève, et j'entendis la voix auparavant si réconfortante de Père m'offrir une sentence :
— Tu seras enfermée dans ta chambre, et tu te marieras avec cet Auguste ; cette histoire sera étouffée. Je veillerai néanmoins à ce qu'il te traite comme tu le mérites. Quant à ton piètre valet, je vais songer à son sort, mais il restera pour le moment aux cachots, et sera également châtié comme mérité. Partez.
Les rires résonnaient désormais dans le palais, et l'on se moquait de moi à mon passage ; on me poussa ensuite dans mes appartements qui avaient été saccagés. Je poussai un long soupir et me laissai tomber sur le sol, en larmes : la situation était pire qu'avant notre relation. Jellal, mon pauvre valet, que lui feraient-ils ?
Ventre noué, toute recroquevillée, je restais sur le sol, sans doute à la place que je méritais. Les coups m'avaient blessée, les rires m'avaient fait serrer les dents, mais rien n'avait été pire que le regard de Père sur ma personne. Je m'étais sentie comme moins que rien sous sa puissance et son ancien amour. J'avais vu toute la pitié disparaître en un instant pour ne laisser place qu'à la honte et le dégoût par cet homme qui était mon père. Son regard chaleureux s'était glacé et noirci à ma simple vue, et j'aimerais oublier cette terrible image que j'avais de lui : cette main qui m'avait toujours caressée et aimée m'avait pour la première fois blessée avec toute sa force. Je n'étais plus son enfant, son adorable fille, mais un moucheron à écraser, écœurant.
Je me retournais sur le tapis déchiré, la tête embrumée et douloureuse : qu'avait entendu le Roi par « châtié comme mérité » ? Le tortureraient-ils encore ? Pire : le tueraient-ils, cette fois ? Tremblante, je ne pus imaginer la désormais unique personne qui m'aimait mourir, qui plus est, par ma faute. Après tout, qui, depuis le début, ne cessait d'essayer de séduire cet homme pour avoir une relation avec ? C'était bien moi.
Auguste abuserait de moi, me frapperait, voire me tuerait, mais ce serait mérité.
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Hello, nouveau chapitre !
Contents ? :)
J'espère continuer sur cette lancée !
Sinon, que pensez-vous de ce chapitre ? Triste, n'est-ce pas ? J'ai vraiment eu de la peine avec son père en l'écrivant...
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