XXI ~ Perte ~
Un point froid atterrit sur mon nez, me faisant frémir. D'autres vinrent à différents endroits de mon corps, plus ou moins ressentis, et une énième sur l'œil fit s'ouvrir celui-ci sous la surprise. L'autre suivit lentement, observant le paysage sombre qui se dressait autour de moi. Je clignais des yeux à plusieurs reprises, m'habituant peu à peu à l'obscurité, jusqu'à ce que je puisse distinguer la forme de nombreux et hauts arbres noirs. J'inspirai longuement des odeurs végétales, et en avalant, je ressentis un goût ferreux : saignerais-je ?
Enfin, je me rendis compte que j'étais allongée sur le ventre, à terre : je sentais les herbes chatouiller mon visage à chaque coup de vent frais. Je finis par plaquer mon bras droit au sol pour commencer à me redresser, puis posai ma paume gauche sur la terre avant de grogner : l'appui m'avait blessée au niveau du poignet. Cette douleur me rappelait celle que j'avais ressenti quand j'étais enfant en tombant à cheval : on m'avait dit que je me l'étais tordu.
Ne m'aidant que de mon bras droit, je réussis à m'asseoir, quittant l'herbe qui s'humidifiait de plus en plus : la pluie s'intensifiait. Je regardai en l'air, la tête cotonneuse et lourde, et à travers les épais feuillages des arbres, je ne vis que de sombres nuages obscurcir le faible clair de lune de ce soir. J'avais ainsi passé l'après-midi évanouie... le choc avait dû être violent. Il était vrai que je me sentais encore étrange au niveau du crâne.
Je vis un tronc à proximité, et je m'en aidai pour me mettre debout, lorsque je me rendis compte que l'un de mes talons était cassé :
— Bon débarras, grommelai-je, je ne les aimais pas.
Je les laissai tomber, puis plissai les yeux en sentant de dures pierres sous les plantes de mes pieds nus : la marche ne se présentait pas agréablement. Où aller, désormais ? Je n'avais aucun repère... je devrais peut-être chercher le sentier par lequel j'étais passée ? Je retrouverais sans doute le chemin jusqu'au château.
Un bruit sourd me fit sursauter : le tonnerre avait débuté sa chanson. La pluie s'intensifia soudainement, se joignant au monstre qui me surprenait désormais souvent. Observant autour de moi, je ne vis rien de différent, tout semblait identique.
Perdue, je décidai d'aller dans une direction au hasard. Je marchais lentement, tentant de ne pas blesser mes pieds plus qu'ils ne l'étaient déjà, et me soutenant auprès des arbres car mes jambes semblaient peiner à avancer : ne pas avoir mangé m'avait fatiguée.
Plusieurs fois, je trébuchais et me rattrapais de justesse, et dans le pire des cas, je m'effondrais à genoux sur des pierres acérées, déchirant ma robe et ma peau qui brûlait continuellement à de nombreux endroits : mes chutes m'avaient sans doute assez égratignée. Trempée, je sentais l'eau glisser sur mes blessures, me picotant de plus en plus, sans compter les frissons qui parcouraient mon corps sans cesse.
Un éclair bien plus violent que les précédents me fit bondir : une branche était tombée à seulement un mètre de moi... J'avais déjà entendu l'histoire d'un homme foudroyé en forêt... il fallait que j'en sorte rapidement... mais par où passer ? Vers où me diriger ?
Jupes que je soulevais, je trottinais malgré la douleur qui s'intensifiait au niveau de mes pieds, cherchant à regagner au plus vite un endroit dégagé : je serais d'autant plus visible, mon absence n'étant sans doute pas passée inaperçue. Je baissai brusquement la tête suite à une branche tombée au-dessus moi que je réussis à éviter de justesse.
Effrayée, je courus un peu plus vite, quand mon pied percuta un gros rocher. Sous la douleur, je clos les yeux et m'effondrai une nouvelle fois par terre, épuisée et souffrante. Un gémissement me quitta lorsque je bougeai la jambe : j'avais écrasé ma main gauche. Je me redressai bien plus difficilement, et sans prise, j'eus du mal à me lever avec le peu de force qu'il me restait.
J'entendis alors de longs hurlements : je n'étais pas seule dans la forêt. Le cœur battant bien plus vite, je frémissais : où se trouvait cette meute de loups, et m'avait-elle repérée ? Je décidai de m'enfuir une nouvelle fois, voyant des ombres se mouvoir autour de moi : la peur et la fatigue m'envahissaient, mes yeux me jouaient des tours, sans cesse.
Un cri strident me quitta en ressentant mon corps s'étaler une fois de plus sur le sol recouvert de pierres acérées, mais particulièrement à cause du rocher qui était si violemment entré en contact avec ma mâchoire. Bredouillant, je plissais les yeux d'où coulaient des larmes mêlées aux gouttes de pluie qui m'avaient submergée. Je me redressai une dernière fois dans un soupir, mais je n'eus la force de me relever.
Assise sur le sol, les mains égratignées, grasses et pleines de terre agrippées à mon visage, je commençais à sangloter : j'étais terrorisée. Genoux pliés vers ma poitrine, moi-même lovée, je me laissais dans les pleurs, les nerfs cédant. La mort rôdait autour de moi, et apeurée, je me demandais de quelle manière elle se présenterait... Mourrais-je de froid ? Je commençais à ne plus sentir le bout de mes doigts qui me brûlaient plus qu'autre chose... Ou bien, serais-je foudroyée ? Le centre de la clairière que j'avais trouvé n'était que très fin, j'étais encore entourée par les arbres... serais-je d'ailleurs assommée par l'une de leurs branches ? Ou bien dévorée par les loups ?
J'eus un frisson en les imaginant me déchiqueter à l'aide de leurs dents tranchantes et de leurs griffes acérées... mourir de froid me semblait un peu moins éprouvant... Je me raidis soudainement : j'avais entendu des mouvements dans les buissons, à ma gauche. Tremblante, j'observais dans cette direction, mais ne vis rien de particulier. Lentement, je me relevais, et commençais à marcher dans la direction opposée, apeurée : qu'était-ce ?
Un grognement sourd et une masse sombre surgirent de l'obscurité : c'était un ours noir ! Qu'étais-je censée faire ? Le gigantesque animal se trouvait seulement à dix mètres de moi... je le voyais renifler, peut-être me chercher ? Je décidais de baisser les yeux, de retenir ma respiration et d'attendre autant de temps qu'il le faudrait. L'ours restait immobile, je n'entendais aucun déplacement...
Il bougea enfin au bout de plusieurs longues minutes, et en osant relever les yeux, je le vis repartir dans les ténèbres, me soulageant profondément. En tournant la tête dans la direction opposée, je sus ce qui avait sans doute intimidé l'ours : une lanterne à huile ! Yeux brillants, je courus presque vers cette lueur d'espoir, ignorant les blessures qui me tiraillaient.
Arrivée vers la lumière, je me rendis compte qu'elle était en hauteur : le cavalier dont je ne voyais pas le visage était à cheval.
— Erza ? C'est bien vous ? s'exclama la voix.
— Oui ! C'est moi ! Vous m'avez sauvée ! criai-je, reconnaissante.
Le jeune homme descendit souplement du côté de l'autre flanc de l'animal, de sorte que je ne puisse le voir, déposa sa lanterne, contourna le cheval, et vint enfin à ma rencontre. Mes yeux fatigués s'écarquillèrent soudainement en le reconnaissant, et je ne pus que me jeter dans ses bras :
— Jellal... bredouillai-je en cramponnant mes doigts à son dos, j'ai eu si peur... J'ai eu tellement peur... c'était horrible...
— Je vous croyais perdue... m'avoua-t-il en resserrant ses bras autour de mon corps, je suis tellement soulagé...
Il glissa son front contre le mien, je sentais ses douces mèches bleues et humides chatouiller mon visage. Être près de lui était le meilleur remède après cette épouvantable aventure... Il était le seul pouvant autant me calmer...
— Je pensais que j'allais mourir... lui pleurai-je, et cet ours... si tu n'avais pas été présent...
— Mais j'étais présent... Je dois vous ramener au château, nous allons vous apporter les soins dont vous avez besoin, tout le monde est fou d'inquiétude, m'expliqua-t-il en frottant ses paumes chaudes sur mon dos tremblant. Prenez, par ailleurs.
Il ne me laissa pas répliquer, je portais déjà sa veste, et cela me réchauffait hautement.
— Où sont vos chaussures ?
— L'une était cassée, je les ai laissées, lui expliquai-je.
— Avez-vous des blessures majeures ? m'interrogea-t-il en me fixant de ses yeux d'émeraude inquiets.
— Je crois avoir un poignet tordu...
— Dépêchons-nous, dans ce cas, me coupa-t-il.
Il me porta délicatement et me déposa sur la selle, attrapa la lanterne, et grimpa à son tour. Les pieds dans les étriers, il dirigea l'étalon d'une main, s'orientant à l'aide de sa lanterne de l'autre.
— Où m'as-tu trouvée ? l'interrogeai-je en l'enlaçant tendrement, laissant ma joue s'accoler à ses omoplates.
— Cinquante mètres après la branche que vous avez brisée, et à cause de laquelle vous êtes tombée, je présume ?
— Oui... confirmai-je, nous sommes donc sur le sentier du bal ?
— Oui... Fraise est rentrée il y a seulement quelques heures, sans vous... On a lancé des troupes à vos recherches, sans que l'on vous trouve... J'ai supplié Sa Majesté de la laisser vous chercher, et elle a fini par accepter... J'étais certain que vous seriez passée par là, mais je vous pensais dans la clairière... m'expliqua-t-il enfin.
— Je vois... Mère et Père...
— Ils sont terrorisés.
— Rentrons vi-...
Je toussai légèrement, et cela l'inquiéta un peu plus :
— Oui, dépêchons-nous.
L'étalon se mit à galoper en direction du palais. Baladant mes yeux sur sa chemise blanche, je les arrêtais soudainement sur des tâches rougeâtres :
— Jellal... qu'as-tu dans le dos ? bredouillai-je.
Il se tut, avant d'inspirer profondément :
— Erza... Il s'est passé des choses, en votre absence... que je dois vous raconter.
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Tadameuuuuh ! Qu'en pensez-vous ? :)
Des idées sur ce qui a pu arriver à Jellal ? ^,^
Autre chose ?
J'espère que ça vous a plût ! :)
Merci encore de me lire ^w^!
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