XLI ~ Fugue ~
Vivement redressée, je ne compris pas tout de suite et restais immobile, sous l'ébahissement. Pourtant, je ne rêvais pas. C'était bien lui et ses cheveux bleus, Jellal, qui s'introduisait silencieusement dans ma chambre, marchant en ma direction. Je me relevai avec précipitation pour prendre ses mains tièdes, les serrer avec force, et observer ses émeraude brillantes.
— Tu es là, chuchotai-je en glissant mes doigts sur son torse, puis ses joues chaudes.
— Je suis là, répondit-il avec le plus tendre des sourires.
— Mais... comment...
— Je vous raconterai cela après notre fugue ; vous ne l'aviez pas oubliée, j'espère ?
Des larmes perlèrent les coins de mes yeux, et je ne pus que l'enlacer avec force. Peu après, les sacs en main, ma robe changée pour une des deux plus pauvres, nous approchâmes de la fenêtre : il avait grimpé avec des lierres.
— Comment allons-nous descendre ?
L'étage était haut et j'étais faible : cette composition ne donnait rien de bon. Jellal se pencha en avant :
— Accrochez-vous bien, et tout ira bien.
— Mais...
— Vous êtes légère, ne craignez rien, me rassura mon valet en saisissant ma main.
Angoissée, je grimpai sur son dos en prenant garde à ne pas le blesser : je n'avais pas oublié qu'il avait été torturé, ayant par ailleurs vu quelques unes de leurs traces sur ses bras et visage, bandés à certains endroits. Bras enroulés autour de son cou, jambe suivant la forme de sa taille, je me cramponnais à lui, ma vie en dépendant. Jellal descendit avec prudence, se rapprochant peu à peu de la terre où nous attendaient trois sacs.
Arrivés sans encombres, je poussai un soupir et pris nos biens et sa main : nous marchâmes en silence jusqu'aux écuries où nous attendaient deux chevaux attelés, prêts à être montés, mais également Lydia et la Comtesse de Grisemot.
Yeux grand ouverts, stupéfaite, j'enlaçai chacune d'elles, les remerciant : je me doutais qu'elles y étaient pour quelque chose. Peu après, la mère serra Jellal avec force :
— Sois prudent, mon garçon, sois prudent... s'il survient quelque affaire, envoie-moi un message, signe-le par "Dauphin" ! lui manda-t-elle, je ferai mon possible pour t'aider !
Jellal hocha la tête et lui offrit un long baiser sur le front :
— Tout ira bien, maman...
— Surtout, garde bien précieusement ton collier ! C'est ton père qui te l'a offert !
— Promis, maman.
Elle attrapa le fil doré et observa le pendentif en forme de dauphin avec un doux sourire, puis l'embrassa une dernière fois avant de nous regarder monter, quelques larmes aux yeux. Nous les saluâmes en partant au trot, nous dirigeant vers le mur que nous franchissions si souvent. Une fois de plus, je fermais les yeux tandis que l'étalon sautait avec fermeté ; Jellal m'applaudit une fois arrivée de l'autre côté :
— Continuons !
Nous prîmes ainsi le sentier principal, au galop, bien que je ne me penche en avant pour éviter les branches, ressentant mieux le vent et l'air gelé contre ma peau. Je me rendis rapidement compte que ma robe n'était pas tant épaisse que cela, et je gelais tout en avançant. Nous ne parlions pas, sans doute trop absorbés sur le chemin, à guetter le moindre bruit suspect : personne n'avait remarqué ma fuite, tout était étonnamment trop simple. Peu après, nous arrivâmes au croisement avec l'arbre brûlé, et nous prîmes la droite. Nous finîmes par nous arrêter devant un gros arbre d'où pendait une échelle de corde usée, effilochée par endroits.
Jellal monta le premier, en silence, sans doute pour vérifier si quelqu'un se trouvait en haut. Il disparut de mon champ de vision, les feuilles épaisses m'ôtant toute visibilité, puis j'entendis un soupir :
— Personne, ma princesse ; je redescends pour vous aider.
Il monta un à un les différents sacs, puis trouva un petit enclos abandonné un peu plus loin : ce n'était pas parfait, mais suffirait pour cette nuit pour la sécurité de nos étalons. Enfin, il m'aida à monter jusqu'en haut, et ce fut avec des mains douloureuses que j'atteignis les planches de bois. Une petite cabane se trouvait devant moi, porte entrouverte : elle n'avait pas l'air en si mauvais état. Nous remontâmes l'échelle, puis entrâmes : elle ne contenait qu'une couche, en mauvais état, mais nous nous en contenterions.
Couchée dans ses bras pour lutter contre le froid omniprésent, je lui demandai de me raconter. Il m'apprit alors que la Comtesse et sa mère s'étaient alliées dans un but commun : nous sauver. Lydia possédant une culture importante du monde végétal avait concocté quelques tisanes dans lesquelles se trouvaient des somnifères, puis avait demandé à une servante de les porter aux gardes, de la part d'un noble, précisant qu'il fallait les boire chaud, donc rapidement. Elles avaient sagement attendu que les somnifères fassent effet, et une fois tombés dans le sommeil, elles avaient délivré Jellal et s'étaient occupées de ses blessures. Puis, il était monté à ma fenêtre et m'avait emmenée avec lui : quelle histoire !
— Jellal, soupirai-je, je suis tellement heureuse que nous soyons partis.
Je glissai ma main gelée sur sa joue douce et tiède avec tendresse.
— Finalement, nous l'avons, notre vie, enfin...
Je glissai mes lèvres dans son cou, recherchant sa chaleur.
— Enfin, oui... Demain, nous repartirons ; le mieux serait d'intégrer un village plus loin et d'y habiter. Qu'en dites-vous ?
Je hochai la tête en souriant.
— Reposez-vous, tout ce chamboulement a dû vous épuiser.
Il donna un dernier baiser à mon front, puis tenta également de s'endormir.
Le lendemain, la lumière agressa nos paupières, et nous nous réveillâmes à l'aube. Jellal s'exclama :
— Ce n'est pas plus mal, on doit être en train de s'apercevoir de votre absence.
Rapidement, nous remontâmes à cheval et voyageâmes durant plusieurs heures, sans repère cartographique. Aux alentours de midi, nous grignotâmes, laissant les chevaux brouter et s'altérer aussi, puis repartîmes galoper dans les vallées, à la recherche d'un village.
Ce ne fut qu'au soir que nous entendîmes de l'animation et du monde : nous en avions enfin trouvé un. Pourtant, tout le monde se tut à notre arrivée, et seuls des regards mauvais nous fixaient.
— Vous voulez quoi ? nous demanda une femme, faux à la main, tendue.
— Pardonnez-nous pour cette arrivée tardive, nous sommes sans abri et souhaitons nous installer dans votre village ; nous construirons notre maison nous-mêmes. Nous n'avons pas d'arme sur nous, précisa Jellal en levant les bras.
Nous nous fîmes fouiller par différentes personnes, puis on nous laissa descendre. Timide, je suivais Jellal en tenant sa main chaude et rassurante :
— Pouvons-nous être hébergés par l'un de vous ? Nous aurons rapidement de quoi vous payer cette hospitalité.
Le silence était roi, et chaque paysan s'observait, visiblement perdus. Ce fut pourtant une vieille dame qui nous fit un signe de main et nous invita chez elle ; c'était petit et sale, mais priorité à survivre. Nous la remerciâmes aimablement et apprîmes au fil de la discussion que nous étions sur le territoire du Royaume de Dauphiné, et qu'Auguste était tyrannique, demandant pour les impôts des sommes inconcevables.
Nous mangeâmes un bouillon ; nous lui offrîmes quelques morceaux de pain qui semblaient valoir de l'or, sans doute se demandait-elle qui nous étions, avec cette richesse et ces bonnes manières, mais nous avions préféré taire notre secret pour le moment.
Une nuit de plus, je me couchai dans les bras de Jellal, lui offrant un baiser avant de m'endormir, et le sommeil se trouva plus réparateur que la veille.
Nous nous réveillâmes en sursautant : notre hôte, Gisèle, avait laissé tomber une marmite, ébahie.
— Mon petit, bredouilla-t-elle en fixant Jellal, sais-tu ce que cela signifie ? demanda-t-elle en attrapant le pendentif en forme de dauphin.
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Nous approchons de la fin !
Des idées huhu ?
Je repars écrire !
À ce rythme je vais finir rapidement l'histoire, il ne reste que quelques chapitres !
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