Prologue

Bonjour à tous, et merci d'avoir cliqué sur mon humble histoire. 

Je suis un peu stressée de vous la présenter, mais j'espère de tout cœur que vous l'apprécierez. C'est une histoire sans prétention mais que je prends énormément de plaisir à écrire, et je suis là pour recevoir tout ce que vous voudrez bien me donner en retour. 

N'hésitez vraiment pas, je tiens à m'améliorer et vous présenter le texte le meilleur possible. Je n'ai pas tenu à découper le prologue en plusieurs parties - parce que ça n'aurait aucun sens - mais les chapitres qui suivent étant assez longs, je tenterai de les découper au mieux pour vous épargner une lecture interminable.

Sur ce, j'attends vos avis avec impatience ! Bonne lecture !

***


Je n'avais jamais aimé courir. Je n'étais même pas douée pour ça, d'après Papa. Mais aujourd'hui, il aurait été fier de moi. Mes jambes sautaient agilement au dessus des énormes troncs qui barraient ma route, mes pieds écrasaient sans retenue les brindilles déposées au sol, à une vitesse enivrante. La peur me donnait des ailes.

J'avais des blessures sur tout le corps, mon bras probablement cassé me lançait jusqu'à la nuque et mes larmes m'aveuglaient. J'étais terrorisée. Comme un tambour, mon cœur battait dans ma poitrine, résonnait contre mes tempes et m'assourdissait complètement.

Je n'avais plus qu'un mot en tête : fuir. Les derniers ordres de ma mère lorsqu'elle m'avait fait passer à travers la fenêtre du premier étage pour que j'échappe aux flammes. 

Dans mon dos, ma maison s'effondra sur elle-même dans un nuage de cendres, comme la déjection diabolique d'un feu gourmand. Ma vie venait d'être avalée par une bouche enflammée ; elle s'était emparé d'elle, la dévorait jusqu'au dernier morceau, pour qu'il n'en reste plus qu'une vieille carcasse noircie.

A dix ans, je n'avais pas encore totalement saisi le concept de la mort. Je n'avais perdu ni parents, ni animaux. Mais cet événement résolut ce problème à la manière d'un coup de poignard en plein cœur. La douleur, la colère, l'incompréhension de perdre un être cher, de se retrouver seule, démunie ; tout ça me submergeait davantage de seconde en seconde, anéantissait la moindre parcelle de raison qui me restait, la moindre parcelle d'innocence. Plus grandiose que jamais, la Mort s'était attaquée à ma famille, à ma mère, mon père et mon frère, personnifiée par une horde de flammes dansantes sous les rayons de lune. Tout m'avait été arraché en quelques instants, et j'avais échappé à sa funeste sentence au prix d'un bras cassé et d'une course à travers la forêt.

Mais je ne me rendis pas tout de suite compte d'être suivie. Les larmes me brouillaient la vue et tout mon être était trop préoccupé par le besoin de fuir cet événement maudit pour faire attention à quoique ce fut. Lorsque mon dos percuta un tronc normalement situé sur ma gauche, je consentis à affronter la réalité et relevai un visage hagard et misérable vers les ténèbres.

Mais rien. Il n'y avait personne, ni face à moi, ni autour de moi. Seul le bruit lointain de mon flambeau familial me parvenait encore, invisible derrière la sylve épaisse qui baignait l'espace. Un cri de douleur jaillit de ma gorge, sans que je ne sache s'il était justifié par la blessure de mon bras ou par la perte de ma famille. J'étais arrêtée désormais et demeurais résolument incapable de me relever. Exténuée, je n'arrivais plus à respirer et ma tête percuta le sol dans un bruit sourd lorsque je m'affaissai sur moi-même, dans l'espoir vain de continuer, mentalement, à fuir ma douleur.

Je ne savais même pas ce que je faisais ici. Après tout, pourquoi n'avais-je pas péri, moi aussi, dans les bras de ma mère ? Pourquoi est-ce que je m'accrochais tant à la vie, alors que là, dans mes entrailles, tout me faisait si mal ? Je fermai les paupières dans l'espoir de m'éteindre à mon tour lorsqu'une voix rauque s'éleva près de moi.

- La dernière est ici.

Je me redressai brusquement, les sens en alerte. Alors quoi, j'étais encore capable d'avoir peur ? Quelle idiotie.

Incapable de me mouvoir davantage, je restai appuyée contre le tronc, scrutai l'horizon de mes yeux aveuglés par les larmes.

Ce fut alors comme dans un rêve. Assommée par la douleur lancinante de mon bras, je me demandai un instant si je ne délirais pas. En un demi-cercle parfait autour de moi, une dizaine de silhouettes se dessinèrent dans l'ombre des arbres, toutes vêtues d'une impeccable cape noire, le visage dissimulé derrière une capuche. Il y avait des grands, immenses mêmes, et d'autres plus fins, plus petits. Effrayée, et mon esprit ankylosé par la souffrance, je ne m'attardai pas sur davantage de détails. 

Un grognement s'éleva dans la nuit.

- Il faut qu'on s'en débarrasse. Qu'elle ait réussi à survivre jusque là n'est pas une réussite de notre part.

- Elle a de sacrées jambes, commenta une voix, plus douce.

- Et une formidable endurance, renchérit une autre.

- Quel âge a-t-elle, déjà ?

- Dix ans.

- C'est moche.

- Bon, on le finit ce boulot ou non ? lança quelqu'un, impatient. Ils ne vont pas tarder à se ramener.

- Ouais, ouais... J'y vais.

Il y eu quelques bruits de pas, peut-être même le sifflement significatif d'une lame aiguisée. Un son que je ne connaissais que trop bien.

J'étouffai.

En tournant la tête, je cru discerner des hautes chaussures qui martelaient le sol en ma direction. Elles s'immobilisèrent soudain, deux autres lui barrant la route. Tremblante comme une feuille, je fus prise d'une violente toux à l'effroyable arrière-goût de cendre. Ma tête se cogna contre le tronc, incapable de se soutenir davantage. S'ils avaient l'intention de se débarrasser de moi, qu'ils le fassent vite.

- Eli ? Qu'est-ce qu'il y a ?

L'interpellé ne répondit pas et s'approcha de moi. Il y eut un frottement de vêtement, et une cape de soie glissa sur mon avant-bras meurtri tandis qu'une chose glacée soutenait ma tête. Je bâtis des paupières, la vision complètement floue, presque aveugle. Ce que j'identifiai vaguement comme une main aussi froide que la neige s'empara de la mienne, puis de l'autre, paumes tournées vers le ciel. Je me laissai faire ; la douleur de mon avant bras semblait s'atténuer au contact de cette chose gelée.

- Elle a les marques, déclara soudain une voix proche de moi qui devait appartenir  à l'inconnu qui examinait mes mains.

- Quoi ? C'est impossible.

- Vérifie par toi-même.

Nouveau froissement de vêtements, accompagné d'une lourde pléiade de talons. J'entrouvris les yeux au prix d'un effort colossal pour discerner une deuxième silhouette accroupie devant moi, plus robuste cette fois, et qui dégageait une incroyable source de chaleur. Cette sensation s'empara de mes tripes et mon ventre se contracta brusquement, noyé sous une vague de panique. Je tentai vivement de reculer, de m'éloigner de la source brûlante qui avait consumé mes parents. Car même si immobile et sombre, cette chose n'était pour moi qu'un simple habitacle inflammable qui menaçait de cracher du feu à tout instant, comme elle l'avait fait sur ma maison.

Les deux mains glacées raffermirent leur pression autour des miennes mais je continuai de m'éloigner de l'être de feu, quand bien même mon avant-bras hurlait d'agonie. Je ne pouvais plus bouger et la poigne enneigée ne voulait toujours pas me lâcher. Incapable de dire quoique ce soit, je déployai le peu de force qui me restait en appuyant un de mes pieds sur l'épaule de celui qui me retenait, poussant de toutes mes forces pour l'obliger à me libérer. Mais c'était comme tenter de déplacer une montagne. Il était incroyablement dur, fort et puissant, et son immobilité me désarma autant que la silhouette enflammée qui s'approcha brusquement de moi.

- Elle a l'air de paniquer, constata-t-elle.

- Quelle perspicacité, Allam, ironisa l'autre d'une voix acerbe.

Il y eu un grognement étrange et je poussai un hurlement déchirant lorsque l'homme-flamme tendit le bras vers moi.

- Ne t'approche pas, tu as l'air de la terroriser.

Moment de silence pendant que l'ombre ardente reculait doucement. Dans des gestes lents et précautionneux, l'être de glace me ramena contre l'arbre et ses doigts aussi étincelants que la neige vinrent lentement caresser ma joue. Ma respiration se calma et je savourai sans crainte le contact rassurant de cet inconnu.

Tout en lui m'inspirait la banquise. Sa voix, sa peau, sa manière de parler, son aura. Il avait beau être doux et patient, jamais je n'avais rencontré d'être aussi antonyme à la chaleur. Si son compatriote me renvoyait, à travers tout ce qu'il dégageait, le souvenir brûlant de la pire douleur de mon existence ; l'autre au contraire me rassurait de par son incontestée froideur. Paradoxalement, c'était l'être le plus glacé de l'univers qui, en cet instant de trouble et de souffrance, me réchauffait le cœur.

- C'est une marquée, reprit mon sauveur, que je tentais maintenant d'approcher.

- Tu dois te tromper. Ingham et Edmund l'auraient su.

- Pas si sa famille entière était des chasseurs. Elle passait inaperçu, ses parents n'avaient probablement rien remarqué. Après tout, elle était insoupçonnable.

- Comment est-ce possible, alors ?

- Quelqu'un lui a transmis les marques. J'ignore encore quand, qui et surtout pourquoi.

Les minutes s'étirèrent.

A l'aide du peu de force qui me restait, je tentai péniblement de m'approcher de cet homme vêtu de noir. Sa tête était obstinément baissée vers mes mains et je ne pouvais apercevoir son visage par delà ma vision de plus en plus trouble. A peine avais-je commencé à avancer mon front vers son épaule que l'être de feu reprit solennellement :

- Quoiqu'il en soit, nous devons l'éliminer. Ce sont les ordres.

- Hors de question.

- Que...

- Si elle a les marques, c'est qu'elle sera de notre côté. Nous ne pouvons tuer l'un des nôtres.

- C'est... c'est ridicule, tu...

- Tu sais que j'ai raison, siffla mon sauveur d'un ton qui lui donna l'allure d'un Roi.

D'un mouvement vif, je me rapprochai à nouveau de lui. Il ne semblait même pas s'en rendre compte et ne prêtait attention qu'à mes mains. Peu importe ; il ne fallait pas qu'il me lâche. S'il s'en allait, toute la chaleur étouffante de ce monde allait resurgir en moi, ma douleur avec elle. S'il restait, je n'avais plus mal.

- Maintenant, reprit-il, contente toi de diriger la troupe pour qu'ils ne nous trouvent pas. Je vous rejoins dès que possible.

Nouveau grognement furieux, mais l'être de feu consentit à s'éloigner. Les silhouettes immobiles entre les arbres eurent toutes un léger mouvement de côté puis disparurent comme par magie, dans un tourbillon de feuilles mortes et de brindilles desséchées. 

Je reportai mon attention sur mon sauveur, oscillant peu à peu entre délire et réalité. Je ne savais plus très bien discerner les deux et j'étais persuadée d'avoir manqué un épisode quant au départ pour le moins précipité de tous ces individus vêtus de noir.

Le visage toujours invisible, j'y devinai néanmoins un sourire tendre, tandis que ses longs doigts gelés parcouraient ma peau. Ils remontèrent tout mon bras gauche – celui qui était indemne – et arrêtèrent leur course au creux de ma nuque, avant de lentement glisser le long de mes clavicules, pour enfin s'immobiliser au bas de ma gorge, à l'intersection de mes deux os.

- Je suis désolé, ça va faire un peu mal.

Je ne compris pas bien ce qu'il fit ensuite. Je sentis seulement une substance tiède glisser sous mon t-shirt, puis il appuya la pointe de son indexe sur le point choisi. 

Puis enfin, la douleur. 

Jamais je n'en avais connu de telle. Celle qui habitait mon bras me paraissait être qu'une vulgaire piqûre comparée à cela. C'était comme des fourmillements brûlants qui gagnaient ma nuque, déchiraient mes tempes, dévoraient mon cerveau pour le ronger jusqu'à la moelle. Ma tête était sur le point d'exploser, mon sang battait dans mes veines comme s'il cherchait à s'en échapper, mon cœur tambourinait dans ma poitrine pour rythmer le supplice qui me broyait l'esprit.

J'étais anesthésiée d'absolument partout, car la vraie souffrance physique démarrait de ma nuque et s'étendait jusqu'à mon crâne, m'arrachant des hurlements d'agonie que je n'entendais même pas. Immobilisée par la souffrance, je n'essayai pas d'éloigner mon agresseur et ma tête percuta de nouveau le tronc d'arbre lorsque son indexe glacial quitta ma peau.

- Voilà. C'est terminé, murmura-t-il.

Des larmes coulaient à flot le long de mes joues et le goût du sang s'infiltrait dans ma bouche.

Sa main vint doucement se poser sur mon front, je relevai des yeux vides et sans expression.

- Nous nous reverrons le moment venu, assura-t-il. D'ici là, oublie tout.

La dernière vision que j'eu de cet étrange soirée d'automne fut deux superbes perles d'un bleu si clair qu'elles en paraissait blanches. C'était les joyaux de la neige ; j'en étais persuadée.

L'instant suivant, je sombrai. Dix ans de souvenirs se murèrent entre eux solidement pour se fondre dans les méandres de l'oublie, et j'accueillis, dans les ténèbres, une toute nouvelle existence.


***

Fin du prologue ! 

Alors, d'après vous, qui sont ces étrangers ? Et cet homme qui tente de la protéger, que lui a-t-il fait ? Que signifie ces marques, dont ils parlent ? 

J'espère que cette petite entrée en scène vous a plu et intrigué, et que vous plongerez aussitôt avec moi dans les aventures de ma petite Léna !

A très vite mes louloups !


[média : Le Roi des Aulnes,  Franz Schubert ; une oeuvre qui peut-être ne plait pas à tout le monde, mais qui me fait vibrer à chaque fois que je l'écoute. N'hésitez pas à aller la regarder avec des sous-titres en français pour comprendre de quoi elle parle, je la trouvais tout à propos pour ce prologue...]

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