Chapitre 2 [part I] - Ingham & Edmund
Je m'éveillai en sursaut, respiration coupée par le froid mordant qui enveloppait mes membres. Je frissonnai, cherchai à tâtons de quoi me couvrir. Qu'est-ce que j'avais fichu hier soir ? Avais-je ouvert la fenêtre ? Je commençai à m'énerver, me recroquevillant sur moi-même pour me réchauffer. Un léger mal de tête s'affairait à l'arrière de ma nuque, preuve incontestée de mon abus d'alcool de la veille. D'ailleurs, en y réfléchissant bien, je n'avais que peu de souvenir de ma fin de soirée. Que s'était-il passé ?
Mon estomac se tordit sur lui-même lorsque le souvenir de la douleur s'imposa à mon esprit, et je me redressai d'un bond. Il faisait sombre mais je ne m'attardai pas sur ces détails en premier lieu. Mon reflexe, comme un geste vital, comme si je devais m'affranchir de ma peur de la veille, de cette souffrance atroce qui ne m'avait pas quitté jusqu'à ce que je tombe de sommeil, fut de baisser les yeux sur mes poignets. Du pouce, je sentis les fines cicatrices bombées qui dessinaient un cercle sur mes veines, mais qui n'étaient plus douloureuses. Je n'avais donc pas rêvé, ces marques n'étaient pas un délire provoqué par la douleur. Je sentis la peur revenir au galop et me rendis compte au même instant que quelque chose ne tournait pas rond, autour de moi. Je ne reconnaissais pas ma chambre. Même dans cette obscurité quasi-totale, les draps n'avaient plus la même texture, la pièce n'avait plus la même odeur, l'atmosphère en générale était différente. Je repérai un point de lumière, quelque part à gauche, à quelques mètres (ce qui n'était pas non plus l'emplacement de ma fenêtre). Je m'y avançai prudemment et compris qu'il s'agissait d'énormes doubles rideaux filtrant les rayons de la Lune. Je les ouvris et découvris avec stupeur le paysage qui s'étendait devant mes yeux. Au dehors, ce n'était plus mon ghetto habituel, mes barres d'immeuble rongées d'humidité et mes voitures brulées. C'était une petite plage de galets, entourée d'une épaisse forêt broussailleuse, rendue terrifiante par les ténèbres de la nuit. La mer était agitée, s'écrasait sur les rochers avec ferveur dans un grondement sombre, menaçant. Je sentis ma respiration s'agiter dans ma poitrine, et c'est tremblante de peur que je me retournai pour observer la pièce dans laquelle je me trouvais.
C'était une chambre, manifestement. Un immense lit double à peine défait par mon corps précédemment allongé dessus était recouvert de draps somptueux, épais, brodés dans le style du XIXe siècle. Le reste de la chambre était dans les mêmes tons bordeaux, à la décoration dorée farfelue. Une immense armoire de chêne trônait sur la gauche du lit, près une porte de bois que je n'avais guère envie d'ouvrir, et une seconde porte, plus massive, me faisait face. Des chandeliers étaient disposés aux murs et sur les meubles, j'avais la sensation de me trouver dans la réplique exacte de la chambre de Napoléon.
Commençant sérieusement à céder à la panique, j'eu le réflexe idiot de me pincer le bras pour vérifier si je ne rêvais pas. Bien entendu, tout comme la fraicheur mordante présente dans la pièce me l'indiquait déjà, j'étais bel et bien réveillée, et enfermée dans un lieu absolument inconnu et complètement incongru. Je m'avançai prudemment vers l'armoire et rassemblai le peu de courage que je possédai pour l'ouvrir, m'attendant presque à y trouver quelqu'un. Il n'y avait que des vêtements, mes vêtements, soigneusement pliés sur des étagères ou pendues à des cintres. Bordel. Mais c'était quoi ce délire ? J'avais manqué un épisode ? J'étais tombée sur la tête ? Est-ce que ma mémoire me jouait des tours ? Est-ce que j'avais été droguée lors de ma virée en boite de nuit et un taré m'avait enfermé ici ?
Un détail me revint subitement, comme un coup de marteau enfoncé dans mon crâne de plus en plus douloureux : j'avais volé le comprimé d'une fille, lors de la soirée. C'était supposé être du Doliprane, mais en était-ce vraiment ? Ne m'étais-je pas volontairement droguée en essayant de faire taire cette affreuse douleur ? Je m'assis un instant sur le lit, tentant difficilement de maîtriser ma respiration. Comment avais-je pu être aussi idiote ? Aussi inconsciente ?
Quelques minutes, il me semblait, passèrent tandis que je rassemblais le peu de force qu'il me restait pour retrouver mon calme. Je remarquai ensuite que je portais les mêmes vêtements que lors de la soirée, excepté le t-shirt, que j'avais balancé en travers du salon en rentrant de soirée. Sans que je ne sache comment ou pourquoi, celui que je portais aujourd'hui était rouge, propre de ma dernière machine à l'appartement. Il était donc fort probable que j'ai effectivement atterrie ici en étant inconsciente, et qu'il ne s'était pas passé beaucoup de temps entre la fin de la soirée et mon arrivée dans cette chambre. Restait à savoir qui m'avait fait ça.
Non.
Restait à m'échapper d'ici, un point c'est tout. Peu importe qui était le taré qui m'avait emmené ici, si j'avais la chance de ne pas le croiser, ce n'était pas plus mal. Allez savoir ce qu'il comptait me faire. Il fallait que je me barre de là, quitte à y laisser tous mes vêtements, et peut-être même d'autres choses qu'il s'était permis de prendre chez moi. Je voulais simplement partir. Et il faisait nuit, alors avec un peu de chance, il serait en train de dormir. C'était le moment.
Je tentai un coup d'œil circulaire dans la chambre et même dans l'armoire pour tenter de retrouver mon téléphone. Bien entendu, impossible de le mettre la main dessus, et la pénombre oppressante de la pièce n'aidait pas ma recherche. Mais qui laisserait un moyen de communication à sa captive, de toute façon ? Je retournai jeter un coup d'œil à la fenêtre et évaluai la distance qui me séparait du vide. Impossible de m'échapper en passant par ici : je devais me trouver au deuxième étage, et au moins dix mètres de hauteur me narguaient en me défiant d'oser sauter sans finir en lambeau sur les rochers. Je m'armai donc du chandelier posé sur la table de chevet, pris quelques grandes respirations en maitrisant ma crise de panique, et m'avançai vers la porte la plus massive.
Elle était ouverte, à mon plus grand étonnement. Je n'arrivais pas à déterminer si j'en étais soulagée ou si cela m'angoissait plus encore. Je tentai d'éloigner de mon esprit les multiples raisons sordides qui pourraient pousser mon ravisseur à me laisser le champ libre dans sa demeure, et m'avançai.
***
Début du chapitre 2, et changement d'ambiance assez radical !
Où Léna a-t-elle bien pu atterrir ? Que lui est-il arrivé ?
Les cicatrices sont toujours là, mais elles ne sont plus douloureuses... pourquoi donc ?
Je crois que si j'étais à sa place, je resterai dans cette chambre, sous la couette en PLS, jusqu'à ce que mort s'en suive... et vous ?
Merci, comme toujours, pour vos votes et commentaires, vous n'imaginez pas à quel point ça me motive à continuer <3
A très vite pour la suite mes louloups !
[média : La cathédrale engloutie, Claude Debussy - ouais je passe de Marilyn Manson à Debussy, je suis comme ça. XD]
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top