Chapitre 1 [part V] - Cicatrices
Les gens étaient partout autour de moi, se cognaient à moi, riaient, criaient, transpiraient. Je sentis des mains monter le long de mes bras puis saisir mes hanches. Je réussis à reconnaître le jeune homme brun qui m'avait entraîné, désormais collé à moi, faisant danser son bassin contre le mien avec un sourire engageant. Mon cœur bondissait dans ma poitrine de félicité en sentant la douleur disparaître, et je laissai un sourire naître sur mon visage en enroulant mes bras autour des épaules du type. Il redoubla d'effort pour se coller à moi, bien heureux d'avoir un tel consentement. Je me laissai faire, penchai d'un côté puis de l'autre, d'une jambe à l'autre, dansant sensuellement dans ces bras inconnus, une véritable ivresse s'emparant de mon corps. Comme si tout l'alcool absorbé jusque-là n'avait fait que combattre la souffrance, il était désormais libéré, explosait en moi comme un million de petites particules d'euphorie. Les basses faisaient vibrer mon cœur dans ma poitrine, ma respiration s'intensifiait sous la chaleur des corps et des mouvements, je demandais plus de contact, toujours plus. Je voulais de son visage dans ma nuque, de ses mains sous mon t-shirt, de la griffure de son jean contre mon ventre. Ma tête retombait dans tous les sens, les lumières étaient des étoiles devant mes yeux, le rythme de la musique possédait mon corps entièrement.
Alors l'atmosphère changea brusquement. Elle n'était plus chaude, elle était brûlante. Mon rythme cardiaque s'emballa, je suffoquai. Des mains glacées avaient empoignées mes bras, éloignant la douleur de façon quasi définitive. Je frissonnai à ce contact, et une longue trainée de sueur froide glissa le long de ma colonne vertébrale lorsque mon dos percuta une surface glacée, souple mais solide, dure comme la roche mais mouvante comme l'eau. C'était le torse d'un homme, j'en étais quasiment persuadée. Je me laissai aller contre lui et de grands bras entourèrent mon buste, glissant sous mes bras, me faisant perdre conscience. Quelque chose me disait qu'il ne cherchait qu'à me maintenir debout, pourtant tout en moi sembla sur le point d'exploser. J'avais envie de ce contact, de ce corps contre le mien. Je voulais me fondre dans cette fabuleuse source de fraicheur qui apaisait mes troubles. Je perdis tout ancrage avec la réalité. Mes tissus n'en appelaient qu'à ces bras, ces mains glacées que j'empoignai avec empressement pour les poser sur mon ventre et ma poitrine, pour ce souffle tiède glissant sur ma nuque. Je levai le bas pour glisser mes doigts dans une masse de cheveux doux comme la soie, forçant l'homme à descendre son visage contre ma nuque. Ses lèvres contre ma carotide me firent manquer l'arrêt cardiaque et j'intensifiai ma poigne, devinant une peau lisse et froide comme le marbre du bout des doigts. Je voulais qu'il me touche. Je ne me comprenais même plus. J'avais envie de cet inconnu, là, maintenant, au milieu de cette piste de danse. Je voulais qu'il me touche, partout, indéfiniment. Je voulais qu'il soulage la boule d'excitation qui gonflait dans mon bas ventre, sans jamais qu'il ne cesse la douce torture de son souffle dans mon cou. Le feu qui avait gagné mes bras tout le long de la soirée était devenu brasier dans tout mon corps, et les mains de cet homme, son corps dans mon dos, la douceur de ses cheveux, apaisait et accentuait cette sensation. Je n'étais plus qu'une bombe de désir, prête à exploser, me mouvant contre le corps de cet inconnu, priant pour qu'il me fasse sienne.
- Léna !
Deux mains outrageusement brûlantes prirent mon visage en coupe, et j'ouvris les yeux sur deux perles couleur whisky que je connaissais bien. Je chancelai en comprenant que l'homme dans mon dos s'était évaporé, et aussitôt la douleur revint en force, manquant de me faire hurler de stupeur. Mes bras retombèrent le long de mon corps et je me pliai en deux, la respiration coupée par le feu qui gonflait dans le bas de ma gorge, comme si l'on me brûlait au fer rouge entre les clavicules. Je tentai de respirer, de m'exprimer, mais ne réussis qu'à suffoquer dans les bras de Michael, qui pâli devant mon regard de pure détresse.
Il me colla à lui en glissant entourant ma taille de son bras, et m'éloigna de la piste d'une démarche ferme et assurée. Je continuai de suffoquer de douleur et ne compris ce qui m'arrivait en sentant la brise fraiche de ce mois d'octobre sur mes bras, m'indiquant qu'il m'avait fait sortir de la boite. Je continuais de retenir mes larmes, cherchant une respiration au milieu de cette assommante douleur. Il y avait du monde autour de nous qui, il me semblait, s'inquiétèrent de mon état, mais Michael dû les rembarrer car il pressa l'allure. Les larmes roulaient désormais sur mes joues tandis que mon ami m'obligeait à avancer en balançant des phrases que je ne comprenais plus. La douleur pulsait à mes oreilles, m'assourdissait complément. Je voyais flou, j'avais envie de m'arracher les bras, de m'arracher le cœur, de me couper la tête, de me jeter sous un bus, pour ne plus rien ressentir. La main de Michael glissa dans mes cheveux, l'autre me soutenant par le bras. Ce contact me soulagea un petit peu, et j'eu la sensation de revivre légèrement le soulagement que m'avait procuré les mains de l'inconnu lorsque j'étais sortis des toilettes. Rien à voir avec l'homme qui bougeait dans mon dos, mais c'était suffisant pour que j'en appelle à plus de contact.
Je ne sais combien de temps nous mîmes pour retrouver notre appartement, ni même comment je parvins à monter les deux étages. Tout ce qui m'importait, c'était de me rapprocher de Michael, de me coller à lui, plus, toujours plus, pour me soulager.
L'inconnu aux mains de glace avait déclenché un genre d'euphorie, une vague d'excitation inassouvie qui combattait avec la souffrance infernale qui me brûlait le corps. Je sentis le moelleux de mon canapé sans trop m'en rendre compte, et Michael s'installa à ma droite, continuant de parler sans que je ne daigne l'écouter. Il m'en fallait plus. D'une force sortie de je ne savais où, je grimpai sur ses cuisses et me collai à son torse, une de mes mains glissant sous son t-shirt, une autre dans ses cheveux. Il était brûlant, je sentais sa respiration s'accorder à la mienne, agitée, impulsive, euphorique.
- Léna, qu'est-ce que tu as ?
Je ne lui répondis pas, glissai mon visage dans sa nuque pour embrasser toutes les parcelles de peau que j'y trouvais. C'était tellement soulageant de sentir sa peau contre mon front trempé de sueur. Ce contact faisait reculer ma douleur, combattait la souffrance, il m'en fallait plus. Je ne voulais plus avoir mal.
- At... attends...
Au prix d'un effort surhumain, je me reculai un instant pour me débarrasser de mes bracelets de cuir et de mon t-shirt, qui semblaient appuyer de toute leur force sur mes blessures invisibles. Puis je fondis de nouveau sur mon meilleur ami, m'emparant de ses lèvres dans un baiser fougueux, avide, frénétique. Il fit naître une nouvelle tornade d'émotion dans mon bas ventre lorsqu'il y répondit enfin, ses grandes mains puissantes glissant sur mes hanches, ses ongles s'enfonçant dans mon dos. Je gémis de désir contre lui et appuyai plus franchement mon bassin contre le sien. Il m'en fallait plus. La douleur était intolérable, le plaisir était trop puissant.
Ce ne serait pas la première fois que je coucherais avec Michael. Nous n'avions jamais été en couple, mais il nous était arrivé, lors de soirées trop arrosées, ou bien pour se consoler, pour se soutenir, pour se montrer qu'on était tout l'un pour l'autre. Ce n'était que du sexe, mais j'aimais cet homme plus que ma propre vie, alors rien ne pouvait être grave entre nous. Rien n'avait d'importance. Et ce soir il me fallait son corps, il me fallait ses baisers, il me fallait sa présence pour empêcher la douleur de refaire surface. J'avais peur qu'elle revienne, et Michael était mon bouclier, mon protecteur, comme toujours.
Il me fit basculer sur le canapé sans cesser de m'embrasser, son corps au-dessus du mien, ses mains dévalant ma poitrine, mon ventre, mes hanches, mes cuisses encore recouvertes de mon jean. Dans une conscience seconde, je fis glisser son t-shirt par-dessus sa tête et frissonnai de plaisir en sentant sa peau nue se coller à la mienne. Des images fébriles, envoutantes, des mains glacées de l'homme de la boite de nuit s'imposèrent à moi, et le feu de désir qui m'habitait n'en fut que plus intense. Je voulais me souvenir de cette sensation, et j'encourageai Michael à me toucher, à me soulager, je cherchai dans ces caresses le souvenir à la fois brûlant et glacé de l'inconnu.
Je glissai mes mains entre nos deux corps pour m'attaquer à sa ceinture lorsqu'il se stoppa net, se redressant quelque peu, puis agrippant mes poignets entre ses doigts.
- C'est quoi ça ?
Je tentai de l'ignorer en enroulant mes jambes autour de ses hanches pour l'attirer à moi, mais il me dégagea et réitéra d'une voix forte :
- Léna, c'est quoi ça ?
L'esprit flou, mon rythme cardiaque s'emballant de terreur en sentant revenir doucement la douleur, je posai les yeux sur mes poignets. Comme s'ils étaient le point de départ de mon supplice, des cercles blancs, nets et précis, se dessinaient par-dessus mes veines. Ils étaient gonflés et épais, comme de vieilles mais profondes cicatrices. C'était la première fois que je remarquais ça, et j'étais plus que persuadée qu'ils n'étaient pas là ce matin. Qu'est-ce qui m'arrivait ?!
Je commençai à paniquer, suffoquant et pleurant à la fois, épuisée par l'alcool et par la douleur qui revenait en force dû à l'absence de contact avec Michael. Les yeux embués de larmes et devenue comme folle, je ne sus ce qu'il dit ensuite, mais il n'était plus question de s'envoyer en l'air. Il me souleva de terre et m'emmena dans ma chambre. Le contact des draps sur ma peau me fit presque hurler, et je sentis mon ami les éloigner de moi dans des mouvements rapides. Il m'embrassa sur le front en murmurant une phrase que je n'entendis pas, et disparu, me laissant seule avec ma douleur dans l'obscurité de ma chambre.
J'avais peur. J'avais mal. Je me sentais démunie, terrorisée, abandonnée. Immobile sur mon lit, allongée sur le dos, je n'osais même plus bouger. Mon corps flambait, je pouvais sentir chaque parcelle de peau se faire grignoter par ce feu invisible qui sillonnait ma chair. J'avais envie de hurler, mais je n'avais même plus assez de souffle et de force pour le faire. De la sueur perlait de mon front, glissait contre ma nuque. La racine de mes cheveux commençait elle aussi à se consumer, me donnant envie de m'arracher la tête, de me scalper la peau du crâne, de m'enfoncer une lame au milieu du front pour que cela cesse. Dans mon analyse, je savais que la source de ma souffrance provenait de mes poignets, et de la rencontre de mes clavicules. Ces trois points étaient la névralgie de ma douleur, les points d'ancrage de ce poison qui me faisait perdre la raison. Je n'avais jamais eu envie de mourir avant aujourd'hui, et pourtant je priais pour que quelqu'un m'achève, là. Peu importe pourquoi, peu importe comment. Je voulais juste que tout s'arrête, car je ne pouvais plus endurer ce supplice une minute de plus.
Un poids sur le bord de mon lit me fit vaciller quelque peu vers la droite. Il me semblait osciller entre conscience et réalité. Je n'étais même plus réellement sûre d'être encore en vie. Et si j'étais morte, alors j'étais en Enfer, et je brûlais vive indéfiniment.
Quelque chose de glacé s'égara quelque part sur mon ventre, et le feu s'éloigna instantanément, comme abasourdi. Je pris une grande inspiration, qui se transforma rapidement en une salve de gémissements apeurés, de phrases incohérentes pour que cette chose ne s'éloigne pas, qu'elle reste près de moi, qu'elle se propage sur tout mon corps. Ce contact étrange apparu également sur mon épaule droite et soulagea instantanément la quasi-totalité de mon bras et de ma nuque, libérant ma tête du feu dont elle était prisonnière. Je ne réussis pourtant pas à ouvrir les yeux, mais aussitôt mon bras fondit en avant, à la recherche de cette source de soulagement. Ma main rencontra alors une masse dure, glaciale, recouverte d'un tissu de coton, que j'agrippai aussitôt pour l'attirer à moi. La masse lourde se déplaça sur le matelas et se rapprocha de moi, et c'est au moment où je sentis un souffle tiède glisser sur ma peau que je reconnu l'inconnu de la boite de nuit. Incapable de me mouvoir davantage, je glissai ma main le long de son bras et recouvrai bien vite la sensation délicieuse de ses cheveux entre mes doigts, que j'agrippai de toute mes forces. La respiration de l'homme se transforma, elle s'agita près de mes lèvres, et ce que je compris être sa main jusque-là logée sur mon ventre remonta le long de mes côtes, me faisant gémir de soulagement. Je réussi à bouger mon deuxième bras et m'accrochai à l'épaule de l'homme, me hissant vers lui de toute mes forces, cherchant son contact, plus que jamais. La flamme de sensualité reprenait vie dans mon bassin, me faisant perdre mes repères, transformant la douleur en un milliard de boules de désir convergeant uniquement vers cet homme de glace.
Il glissa une main contre mon visage, essuyant mes larmes du pouce, glissant doucement sur mes lèvres entrouvertes. Ses doigts dévièrent vers mon front et j'ouvris enfin les yeux. Deux perles claires, d'un bleu saisissant, semblèrent luire dans la nuit comme des lucioles. Un bruit sourd, loin de moi, loin de mon esprit, résonna dans la pièce, puis tout disparu. La douleur, le bruit, le souffle, ce regard incandescent, tout s'éteignit en une seconde, et je fus enveloppée par les ténèbres.
***
Fin du chapitre 1 !
Alors, qu'en avez-vous pensé... ? Plutôt chaud bouillant tout ça, n'est-ce pas ?
Relation étrange tout de même entre Léna et Michael... Et cet homme dans la boite de nuit, qui est-il ? Que veut-il ? Et qu'arrive-t-il à Léna, d'après vous ?
Pour parler un peu de moi, j'ai adoré écrire ce chapitre. Il était intense et assez difficile, je dois dire, mais j'étais comme engluée à mon PC, je ne pouvais plus m'arrêter x)
MERCI pour votre soutien, vos votes et vos commentaires. Vous méritez une lap-danse vous aussi, tiens. :D
A très bientôt mes louloups ! <3
[média : If I was your vampire, Marilyn Manson - chanson pleine de darkitude, mais dont le titre est tout à propos... n'est-ce pas ? x)]
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