59


Me donner deux mois, finalement,c'était une façon de me protéger, c'est-à-dire éviter que je me suicide au premier moment insoutenable parce que j'avais décidé de vivre jusqu'au 17 (ce qui a malheureusement échoué). C'était aussi une façon de me pousser à agir pour mon bien : essayer d'améliorer mon état.
L'intention était que je choisisse de vivre à la fin, en étant consciente que je pourrais décider de mourir.

Mais ce matin, je stresse fort. Il me reste deux jours complets, et puis l'inconnu.
Avoir une date limite, c'est aussi horrible pour ça, on sait quand tout se jouera.
Et c'est terrifiant – comme ça pourrait être libérateur.

Je m'empêche de réfléchir à ce sujet si important qu'est mon futur. C'est comme une zone d'ombre dans mon esprit.
Elle n'attend que je l'éclaire du projecteur de ma conscience.

Aujourd'hui, mon amoureuX vient me voir. Je vais essayer de profiter, mais ça ne sera pas pareil. Trop de bouleversements à venir pour moi.
C'est ma dernière visite avant mercredi 17.
Je suis contente que ce soit une de mes relations amoureuses qui ait ce rôle, vu leur place dans ma vie.
Être inondée d'amour – et de larmes sans doute.
Je l'aime tellement. Si je choisis la mort, on aura pas vu notre premier mois.

La seule personne que je m'autorise à voir demain, c'est Loretta, parce qu'elle m'est chère – et qu'il y a une chance qu'elle puisse.
J'aurais presque envie de lui demander une dernière fois si elle m'aime, mais ce qui compte le plus entre nous, c'est l'amitié.
Me sentirai-je en paix face à elle, mes préparatifs terminés ?

Apparemment, si je décide de mourir, on m'enverra sous contrainte en HPI.
Ça me frustre énormément.
Et ma liberté de disposer de mon corps comme je l'entends ?
Il semblerait qu'elle ne s'étende pas aux suicidaires.
Je vois bien que c'est une bonne chose, ou au moins utile.
Mais, en tant que suicidaire, cela me semble un non-sens. J'aurai choisi au calme ce que je veux.
Et là, nous entrons dans le domaine du philosophique : devrait-on empêcher une personne qui souffre trop de mourir ?
Le suicide assisté existe, pour les maladies physiques. Dans certains pays aussi, il me semble, pour les personnes dont la/les maladies sont plus mentales.
Il reste la question de l'espoir, que j'ai déjà traitée dans une nouvelle, Over.
Et si ça pouvait aller mieux ?
Est-on prêt•e à rater ça, toutes ces splendeurs et ces horreurs ?
Mon parti pris est que la douleur justifie une mort prématurée.
Bien sûr que j'essaierai de sauver mes proches, mais je comprendrais s'iels finissaient par se donner la mort.
Parfois, exister est intenable, et je respecte ça.
Donc je crois que je respecte qu'on m'empêche de me suicider.
Si je n'ai plus d'espoir, les autres en ont – pour moi.

Je ne pourrais pas lâcher an proche en train de se jeter d'un pont.
Et quelque part, je m'en veux pour ça, même si je comprends mes raisons.
Ce foutu espoir.

C'est fait ! Je suis devenue le monstre dans les murs ! Les résident•es de l'étage du dessous se sont plaint•es des sons que je produis et qui leur font peur.
Donc plus de chant guttural dans ma chambre, snif.

J'ai fait mes potentiels adieux à Loup.
Nos mains cherchaient la peau dans une tentative de rapprochement avant la séparation insupportable.
Pleurs.
Ça fait si mal de ne pas savoir si je lae reverrai.
Je m'en veux d'avoir instauré cette date et d'être trop têtue pour, voyant que les conditions ont changé depuis il y a deux mois, décider de la faire sauter. De lui donner cette importance.
C'est aussi ma maladie qui parle. Le fond dépressif qui croit pas trop aux améliorations : temporaires.
Cette date met une pression monstre à mes proches, notamment Amandine que ça angoisse terriblement, et j'ai peur que cela fasse craquer notre relation.
Tout cela est ma faute. Et celle de ma dépression/bipolarité.
Je n'arrive pas à être raisonnable.
Alors je pleure mes proches quand je pourrais déjà fêter l'amélioration de mon état.
Mes crises de larmes et d'angoisse récentes y trouvent également leur source.

Et pourtant, ces deux derniers mois ont été encadrés par cette échéance et l'intention derrière d'aller mieux. C'est la fin d'un parcours, le test de mon état et il me semble naturel de m'y confronter.

Demain est déjà tout tracé.
Après-demain est flou.
La machine est en marche.

J'espère ne pas être un trauma dans vos vies.

Appelé Clarinette et Eurydice. Le tour est complet.
Maintenant, je suis seule face à moi-même.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top