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Dans l'ambiguïté. L'une dans l'obscurité, l'autre en plein jour.
« Tu peux me faire tout ce que tu veux. »
Je ne sais pas les implications de cette phrase. Je veux juste caresser ta peau. Tu t'excuses quand tu caresses la mienne.
« Je suis attirée par toi, je sais pas trop de quelle façon. »
Qu'importe puisque je t'aime.
Je ne te vois pas, je te crée du bout de mes doigts. J'essaie de nous créer du bout des lèvres.
« Je peux t'embrasser ? »
...
« Oui. »
Mais ce n'est pas suffisant pour te faire apparaître.
Alors qu'au milieu du parc, sur le plaid gay, un plaid sur les genoux et ton corps comme couverture et tes bisous partout sur mon visage, tes esquives de mes lèvres, tes bras qui me portent.
Et moi la veille qui te tient la main de la façon la plus naturelle.
Et moi qui te fais de si atroces petits bisous sur la joue.
Et moi qui te demande « je peux t'embrasser? »
Et moi qui te demande« tu me fais confiance ? » avant de déposer un bisou au coin de tes lèvres.
->Parce que je sais que ça te fera craquer métaphoriquement.
Mais tu craques littéralement.
Et nous nous embrassons.
Sans savoir encore comment appeler nous tant pis il y a nos lèvres assoiffées c'est tout ce qui compte.
On verra plus tard pour se nommer.
L'oubli à nouveau, de ce jour qui aurait pu être fatidique. Je ne sais plus que j'ai passé un portail, que je suis entrée dans le bâtiment. La conversation avec la psychiatre perd sa temporalité. Comment ma sauveuse est-elle arrivée si vite ?
Et tout ce temps, devant le refus, la transphobie, le grand pic blanc s'impose. Je disparais.
On me raconte que nous avons pris le bus. Jeté les contrôleurs parce que je pleurais.
Je ne sais rien de tout ça.J'étais trop loin.
Avais-je cessé d'une certaine façon de vivre ? Seule, je serai probablement passée à l'acte. Dans l'oubli total du monde.
Mais ma sauveuse était là. Mercis mercis mercis.
Si aujourd'hui je tremble, c'est sans doute à cause de mon traitement, qui essaie de me revivre totalement.
Je n'oublierai pas leur maltraitance.
Par contre, j'ai oublié que tu m'as pas dit « non » mais« non pour le moment ».
Oups.
Ça explique certains trucs.
*****
J'arrive à me sentir belle depuis ma transition. Même dans les yeux brillants et la voix pleine d'adoration de mon ex, je n'entendais pas les mots d'amour pour mon corps. Sourde, plutôt fermée. Incapable d'écouter, d'y croire. Mon corps était cette chose à distance,détestée, bannie de mes pensées.
Et pourtant, ce regard et ces mots faisaient frémir quelque chose en moi.
Quelques grammes de graisse sur ma poitrine plus tard, je suis avec une personne que je viens d'embrasser. Iel est allongé•e, moi assise au niveau de sa tête. Son regard est plongé dans le mien, un peu flou, mais une nuance d'adoration et :
« T'es belle... »
Et je crois que j'y crois, cette fois. Qu'iel me trouve belle. Que je peux l'être. Et je me sens un peu belle, dans cette robe bleue à paillettes, avec du vernis bleu, des collants bleus (filés). Je me sens belle, oui, un peu. Mes cheveux ont repoussé, ma barbe s'en est globalement allée. Je peux être belle, j'en ai le droit.
Idem il y a quelques. Iel me répète que je suis « belle » et« cute » et « magnifique » et je crois qu'une part de moi le sait, a assez confiance pour ça. Je suis trans et parmi les queers, je peux être perçue comme belle. Même quelques mexis(hets ?) m'ont trouvée attirante.
Je commence à croire en la capacité de mon corps d'être une belle femme.
Alors, après son départ, je ne peux m'empêcher, toute gonflée de ses mots d'amour, de me regarder dans un miroir pour y voir la belle personne qu'iel voit.
Et c'est moi.
Et je suis belle en effet. À ma façon trans.
« Waaah ! »tu t'exclames devant moi, comme si j'étais la plus belle personne que tu connaisses.
Et c'est un peu comme ça que tu me fais sentir.
Alors jetons nos vêtements (mais de façon organisée, ce qui évitera une situation gênante avec un psychiatre plus tard) et la valse des baisers, les caravanes des caresses et les respirations saccadées parfois souries, parfois gémies.
Tes premiers suçons.Tes premiers french kiss. Tes premiers moves de top. Ton premier corps transfem à explorer du bout des doigts, du bout des lèvres.
Mes mains, qui tremblent maintenant à cause de mon traitement ne tremblent pas quand elles te frôlent. Je crains en revanche pour la lisibilité de ma prochaine lettre pour toi.J'espère que le sens parviendra à tes yeux, ton cerveau et ton cœur et qu'il le fera battre plus vite et fort.
Je t'aime, ton bouquet de fleurs rouges et bleues nous relie malgré la distance ; il embaume la pièce et c'est comme si tu étais là, avec moi, à me câliner et m'embrasser jusqu'à perdre le temps.
À ton départ, l'eau sur les mains m'a parue étrangère après t'avoir tant caressé•e.
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