Chapitre 9 : la liste de Hank

La liste de Hank

Il faisait froid ce soir là, à Ambassador Bridge. Un froid mortel qui semblait s'insinuer dans chaque pore de ma peau synthétique. Pourtant, cet air glacial ne semblait pas venir de l'extérieur, malgré l'hiver qui s'attardait sur la ville éteinte en une multitude de petits flocons blancs. Il me faisait frisonner, me gelait littéralement en prenant naissance au coeur même de mon être. C'était comme si l'hiver lui-même avait choisi de se nicher au fond de mes entrailles, transformant mon sang bleuté en cristaux de glace.

Hank était là, assis sur son banc, comme ce soir-là où il avait braqué son arme sur mon front. Il semblait frigorifié, mais son corps était bien trop épuisé pour oser manifester le moindre tremblement. Son âme elle-même semblait s'envoler en une fine fumée blanche alors qu'il tentait de respirer dans cette atmosphère glacée. Lentement, je le rejoignis avant de m'arrêter à sa hauteur. Je ne dis pas un mot. Cela faisait déjà quelques semaines qu'il m'évitait soigneusement. Il écourtait mes visites sous de faux prétextes ou feignait d'être absent lorsque je passais le voir alors que je sentais sa présence à travers la porte. J'avais insisté à plusieurs reprises, avant d'abandonner quelque peu, pensant qu'il avait sans doute besoin de se remettre les idées en place, après tout ça. Hank avait toujours été une énigme pour moi. Il ne manquait cependant pas de m'appeler, tout les jours, grâce au vieux talkie-walkie de Markus. Parfois, il semblait si fatigué... mais étrangement, aujourd'hui, il avait demandé à me voir. Alors, j'étais venu. Lentement, il se mit à parler...

« Bonsoir Connor. Désolé de t'avoir appelé. Je n'aurais peut-être pas dû. »

Il se tut un instant afin de reprendre son souffle.

« ça va te faire de la peine, sûrement. Mais je n'arrivais pas à faire ça seul, sans te revoir encore une fois. Pardonne-moi... Je ne suis qu'un humain... et les humains, c'est toujours fatalement égoïstes.»

Ma pompe à thirium manqua un battement. Dans un coin de ma vision, je vis un message d'instabilité logicielle apparaître. J'avais peur, mais je m'efforçais de rester de marbre. Je savais, mais je ne voulais pas comprendre. Je savais, mais je ne pouvais pas encore accepter. Hank eut un petit rire. Il me lança un regard en coin, avant de fixer la rambarde, droit devant lui.

« C'est là que je t'ai rencontré la première fois. Tu te souviens ? Pas au Jimmy's bar, pas au commissariat. C'était ici. Je m'en rappelle encore. Tu sais, je voulais tirer. J'aurai volontiers exploser ta jolie p'tite tête en plastique si bien désignée ! Je voulais vraiment t'éclater la tronche, ce soir-là... Oui partenaire, j'allais tirer... Mais... Mais tu as eu peur. Tu m'as dit que tu avais peur de mourir. Pas avec tes mots non, monsieur était émotionnellement et éthiquement bien trop propre sur lui pour oser le dire clairement ! Tu me l'as dit avec tes yeux. Tu ne voulais pas être interrompu avant la fin de ton enquête. Tu ne voulais pas être interrompu... Tu trouvais ça regrettable... Petit con va ! T'avais pas encore compris avec tous tes satanés programmes d'intelligence artificielle de merde ? Ce soir là Connor, t'avais jamais été aussi vivant de ta misérable existence, parce que finalement, y'a que les êtres vivants qui ont peur de la mort.»

Puis, sa voix se fit plus faible, mourante, presque un murmure à peine audible.

« Moi, j'en ai plus très peur tu sais. Je crois bien que je suis déjà plus vivant... »

Je n'arrivais pas à parler. Mon voix s'étranglait dans ma gorge, une douleur intense émanait de mes entrailles synthétiques jusqu'à me rendre dingue de souffrance. Une souffrance profonde, étrange, non pas physique mais émotionnelle, qui semblait prendre son essor dans les mots-mêmes de Hank et qui me rendait impuissant. Une balle ne m'avait jamais fait ressentir le moindre mal. La voix affaiblit de mon partenaire, son sourire désabusé et son regard déjà lointain me torturaient plus qu'une volée de mitraillette en plein coeur.

« Désolé gamin je crois que tu vas avoir de la peine. Les humains, décidément, ne sont pas des gens recommandables... »

Il porta à ses lèvres sa bouteille de bière. Je ne me sentis pas le coeur à faire la moindre réflexion. C'était déjà trop tard de toute façon, et il le savait. J'aurai tellement voulu pouvoir faire quelque chose... Aurai-je d'ailleurs pu le sauver ? Si je m'étais réveillé avant, est-ce que j'aurai pu faire quelque chose ? Si j'avais fait voler son verre au Jimmy's bar ? Si je l'avais empêché de boire ? Si j'avais su lui redonner espoir plus tôt? Et si... et si... Je ne le saurai jamais. Statistiquement, il y avait de grandes chances qu'il ait été malade bien avant... Mais je n'étais plus capable de réfléchir aussi rationnellement et froidement désormais. Il y aurait toujours cette petite voix en moi qui me répéterait de façon incessante que c'était ma faute. Ma putain de faute. Je me sentais coupable. Et j'étais coupable. Coupable d'impuissance.

« T'inquiète pas Connor, c'est mieux comme ça va. J'ai jamais voulu crever dans un lit d'hôpital couvert de pisse en attendant qu'une infirmière veille bien changer ma couche. »

Ma vue se troublait malgré moi, et j'avais toute la peine du monde à contenir mes larmes. Je ne pensais même pas être capable de pleurer un jour. Mais en voyant Hank ainsi, en le voyant si amaigri, si faible, le teint et la peau jaunis par la maladie tel un vieux parchemin qui n'avait raconté que trop d'histoires, c'était pour moi un effort surhumain que de rester fier et posé. J'aurai tellement voulu pouvoir lire encore un peu plus sur ce vieux bougre de papier usé !

Pourquoi n'avais-je pas vu cela venir ? Comment tous mes capteurs avaient-ils pu passer à côté de ça ? De sa vie qui le quittait peu à peu alors que son corps perdait du poids, se faisant littérairement dévorer par la maladie, morceau par morceau, gramme par gramme... Comment n'ai-je pas pu me douter de quelques chose en voyant son teint se creuser, sa toux s'accentuer, sa fièvre augmenter, détruisant de sa chaleur son être tout entier, bougie de cire tentant de brûler encore faiblement alors que sa flamme l'avait déjà consumée. Comment n'avais-je pas pu voir... ou plutôt, pourquoi avais-je choisi de ne pas voir ? D'espérer encore ? De trouver toutes sortes de ressources pour alimenter un espoir bien trop cruel ? Était-ce cela aussi exister ? Cette capacité à se mentir à soit même faisait-il de moi un être vivant, autant que le fait de redouter la mort ? Ou peut-être simplement me rapprochait-elle un peu plus de ce que devait être un humain.

Une main se posa sur ma joue et en ôta un liquide translucide. Juste un peu d'eau. Même pas salée... Les larmes des androïdes n'ont pas cette chance-là. Elles n'ont aucun goût, si ce n'est celui d'une souffrance que nous apprenons à peine à connaître et à comprendre. Jamais je n'aurais pu croire que ces sillons qu'elles laisseraient sur ma peau auraient pu être aussi douloureux. Aussi brûlants de froid.

«  ça va aller Connor, ça va aller bonhomme. Je t'attendrai. Même s'il y a rien. Même s'il n'y a que le néant. Rien à foutre de ton néant, je t'attendrai, tu sais bien que j'en fais toujours qu'à ma tête. Démerde-toi juste pour pas finir dans un paradis de robots. Ça me stresse toujours, tous ces androïdes.»

Une toux sanguinolente vint arracher encore un fragment de vie à ce corps si fragile. L'hémorragie se répandait, je le savais, pas besoin pour cela d'analyses. Hank avait beau se battre pour lutter contre la souffrance qu'elle lui prodiguait, ses yeux devenaient de plus en plus vitreux, sa respiration se saccadait, et son visage se contorsionnait presque imperceptiblement d'une douleur retenue. Il n'en avait plus pour longtemps. Il ne finirait probablement même pas sa dernière bière. Hémorragie digestive sévère concomitante à... oh et puis merde ! Qu'est ce que j'en avais à faire de ces termes techniques, de savoir exactement d'où la mort venait. L'important, c'était qu'elle venait, voilà tout. Et qu'elle emporterait Hank avec elle, inéluctablement. J'avais beau être l'androïde le plus évolué jamais crée, j'étais impuissant face à ça. La mort, on ne pouvait la combattre. On ne pouvait la prévisualiser. On ne pouvait la pirater. Elle était la fin de toute chose...

« Faudra te battre toi, hein ? Tu sais, ça peut toujours revenir ces saloperies. Cirrhose, cancer, Amanda... appelle ça comme tu veux, mais n'abandonne pas. Rends moi fier de toi encore une fois.»

Je ne répondis pas. J'en étais incapable. Quelque chose en moi était en train de se briser, et je ne pouvais rien faire. Je ne comprenais pas. «  Tous les humains finissent par mourir. Quelle différence cela fait si celui-ci meurt maintenant ?» Un souvenir subliminal, juste un flash, qui revenait... J'avais oublié cette mission lorsque je m'étais réinitialisé, mais cette phrase, inconsciemment, venait de me revenir en pleine face. Elle était resté gravée dans mes systèmes malgré le transfert, témoignant indirectement du fait que je savais, depuis le début. Je savais qu'il allait mourir... J'avais juste choisi de ne pas le voir. Sinon, pourquoi aurai-je gardé cela en mémoire? Je ne me rappelais ni du lieu, ni de l'objectif de la mission, ni même du nom du déviant. Juste de cette maudite phrase. Quelle différence cela fait ? Cela fait tout la différence. C'était encore trop tôt. Je n'étais pas prêt... J'avais encore tant à apprendre. Pas maintenant, pas de suite, pitié, laissez-le moi encore un peu, juste un peu plus longtemps. Hank me sourit tendrement. Il avait déjà abandonné, je le savais. J'avais vaincu mes démons, mais les siens l'avaient consumé. Il sortit de son manteau une enveloppe. Il me la tendit. Machinalement, je la saisis sans comprendre.

«  Il y a... Il y a des choses que je voudrais que tu fasses pour moi, après. Juste une petite liste de choses. Tu veux bien m'aider ? Quand je serai... Interrompu, comme tu dis si bien, tu liras ça, s'il te plaît. Je veux que tu prennes le temps de faire tout ce qu'il y a dans cette note que ça te paraisse logique ou pas... Fais-le, ok ? Quand tu auras accompli tout ça, tu pourras décider si tu dois vivre ou mourir. Si la vie vaut la peine d'être vécue malgré ta souffrance, ou si, finalement, tu veux continuer un peu plus longtemps.»

Je regardais le papier, avant d'hocher négativement la tête de toutes mes forces, comme un enfant apeuré. Non... Je ne voulais pas faire quoique ce soit. Je voulais juste m'asseoir sur ce banc, juste là, à côté de mon partenaire, et m'endormir, moi aussi. Ce n'était pas juste. Pourquoi devrais-je obéir ? Pourquoi je n'avais pas le droit de m'arrêter, moi aussi ?

« C'est ta dernière mission Connor, celle que je ne ferai pas avec toi, mais celle qui compte le plus pour moi. Alors je sais que tu ne m'as jamais écouté de mon vivant mais... J'espère bien que tu le feras du coup cette fois-ci. Ce n'est pas un ordre, gamin, tu sais... C'est ce qu'on appelle une dernière volonté. J'aurais... J'aurais vraiment voulu faire tout ça, avec toi.»

Il me sourit une nouvelle fois. Et moi, j'étais toujours figé. Incapable de parler. Incapable de sourire. Incapable de bouger. Je sentais juste la caresse froide des larmes qui roulaient librement sur mes joues. Elles étaient la seule chose qui paraissait encore vivante en moi. Les seules être capables de mouvements.

« Et merde, dire que je ne t'aurais même pas entendu rire, une seule fois. J'aurais vraiment voulu, juste une fois Connor, juste une fois... »

La main de Hank lâcha brutalement sa bière, trop faible pour maintenir le goulot de la bouteille. Par un réflexe tout à fait mécanique, je m'emparai du récipient de verre avant qu'il ne se fracasse sur le sol. Je vis mon ami tituber et grimacer une nouvelle fois, et je parvins à le rattraper de justesse avant qu'il ne chavire du banc. Doucement, j'accompagnais son mouvement pour qu'il puisse s'allonger sur le bois glacé, épuisé. Dans un dernier sursaut, il attrapa vivement mon bras avant de planter son regard azur dans le mien.

«  Tu t'occuperas de Sumo aussi, hein Connor ? Le laisse pas tout seul. Les chiens, ça n'aime pas être seuls.»

Ce fut la dernière fois que je me plongeais dans ce regard si franc. Ses yeux se fermèrent doucement. On aurait dit qu'il s'endormait après avoir encore trop bu. Un court instant, je souris au milieu de mes larmes, m'imaginant lui coller une bonne paire de claques avant de le jeter une nouvelle fois dans une douche froide pour le dégriser. Mais cette fois-ci, cela n'aurait servi à rien.

«  Puis, Cole m'attend tu sais... ça fait si longtemps... »

Sa voix s'éleva encore une fois, luttant un peu, mourant tellement, hésitante, tremblante, faiblarde. Elle s'accrochait encore une dernière fois, elle ne voulait pas sombrer, mais elle ne pouvait lutter contre le flot de ténèbres qui la condamnerait bientôt au silence. Je fermais mes yeux pour en enregistrer au mieux son timbre si particulier dans chaque parcelle de mon système. Chaque tonalité... Je voulais pouvoir entendre Hank, encore et encore... Jusqu'à en perdre la raison.

«  C'est juste un peu con que pour retrouver un fils, je sois obligé d'en abandonner un autre... »

Ces mots, ces derniers mots... Plus aucune pensée cohérente ne semblait capable d'émaner de mon esprit torturé. Je ne ressentais que la souffrance. La souffrance d'avoir perdu un père. Pourtant, les androïdes ne ressentent pas la douleur, n'est-ce pas ?

Le souffle de Hank s'affaiblissait. Le son de ma voix s'éleva, hésitante, inutile.

« Hank ? Ca va, Hank ? Restez avec moi. Hank... »

La voilà enfin, cette question inutile et stupide à présent que j'aurai dû poser voilà déjà bien longtemps. Mais c'était trop tard. Il n'y répondrait plus. Il ne restait plus dans l'air que l'écho muet du parc sans vie.

Et dans la nuit enneigée, il n'y eut soudainement plus rien.

Le silence...

Plus un bruit dans ce jardin d'enfants.

Juste ce silence assourdissant qui, brutalement, fut rompu par des sanglots douloureux surgis de nulle part. Je mis un temps à comprendre qu'il s'agissait des miens.

Je posais doucement une main sur ce corps fiévreux qui se glaçait lentement. Le froid qui en émanait semblait remonter le long de mon bras, jusqu'à geler mon coeur inexistant dans une étreinte à jamais douloureuse.

Rien ne pourrait jamais plus être comme avant.

Tout était terminé...

Avide de cet amour paternel que je ne connaîtrais plus, je découvrais l'Absence.

Et je savais ce qui me restait à faire...

J'étais resté là, assis sur ce banc, alors que Hank avait sombrer dans le coma, jusqu'à ce que l'horloge de ses derniers battements de coeur et de son dernier souffle viennent me tirer de ma léthargie.

Lorsque finalement, il ne resta de lui qu'une simple coquille vide, j'entrepris de décacheter la lettre d'une main tremblante. Erreur système sévère. Ma diode clignotait d'un rouge frénétique illuminant par instant le parc de sa lueur alarmante. Le message était concis, simple, à l'image de Hank. Juste une liste, une liste de choses, sous mon nom écrit par une main rendue sans doute maladroite par l'alcool et la maladie. Pas de mots superflus. Pas de mièvreries inutiles. Simple, direct, concis. Comme le lieutenant Anderson, la lettre était un peu bourrue, mais malgré son aspect succinct, elle ne pouvait empêcher de laisser timidement poindre une infinie tendresse.

« Connor, liste de choses à faire  :

rends-toi à un concert des knights of the black death. Dans la fosse. En plein milieu de la fosse.

Ris, franchement, un vrai fou rire, au moins une fois dans ta vie.

Va à un match de Hockey de l'équipe de Détroit, dès qu'elle rejouera. Et hurle tout ce que tu peux sur leurs adversaires. Peut importe quelle équipe c'est en face, rappelle-toi, ce sont forcément des crétins. Rise Detroit, Rise !

Essaye d'avoir un rencard avec l'androïde de Kamski. C'était bien la première fois que tu me disais qu'une androïde était jolie... Je sens que tu as faible pour elle. Puis t'as pas tiré dans sa tête alors t'as peut-être toutes tes chances si tu prends pas ton air idiot et que tu lui parles pas déviants toute la soirée.

D'ailleurs, à ce sujet, retire-toi ton putain de balai dans le cul, ça pourrait être bien aussi. A t-on idée de paraître si jeune et d'être si rigide bon sang !

Quitte cette ville de merde. Elle est trop grise et trop sale. Dès que tu peux, sors de là. Moi, j'ai jamais su le faire. Mais je sais que tu en as toujours rêvé, au fond, alors remue-toi, fais-le ! Va découvrir le grand canyon. Les immenses espaces verts du Canada. La chaleur de la Floride. L'infinité du désert du Nevada et la puissance sauvage des Rocheuses. Et peut-être même un jour, l'Europe, pourquoi pas, si les crétins d'humains laissent les androïdes voyager aussi loin. Tout n'est peut-être pas pourri, dans ce monde, après tout. Tu me raconteras... quand on se reverra.

Par pitié, enlève-moi ce costume de pingouin luminescent. On dirait que tu t'es fringué avec les néons d'une enseigne de sexshop comme ça !

... et fais péter cette diode, sur ta tempe. Je l'aimais bien. Je te comprenais mieux avec. Mais maintenant, tes émotions, tes doutes, tes joies, ça t'appartient. Ils ne doivent plus transparaître si tu ne veux pas les montrer. Alors vire-moi cette anneau qui t'unit encore à Cyberlife. Le divorce, ça peut avoir du bon, crois-en mon expérience.

Prends soin de Sumo et, avant de partir, pose un bouquet de lys sur la tombe de Cole. T'avais raison, j'aurais peut-être dû y aller, mais j'ai jamais pu...

Va au cinéma, écoute de la musique, visite des musées. Trouve ce que tu aimes et découvre le monde avec tes yeux au lieu de le faire avec ton logiciel. J'avais oublié ce que ça faisait avant de te rencontrer, mais maintenant, je m'en souviens. Et c'est plutôt pas mal, tu verras.

Et surtout, plus que tout, vis, fiston, vis, jusqu'à en crever... »

Je me levais lentement. Je froissais la petite note dans ma main avant de la glisser dans la poche de ma veste. Je ne pouvais pas... Je ne pourrai pas faire tout ça Hank. Je ne pourrai jamais. Je manquais tellement de souffle. Je manquais tellement de vie. Je ne comprenais même pas comment ma pompe à thirium battait encore. Je ne comprenais même pas pourquoi la lueur de ma LED ne s'était pas éteinte et continuait obstinément à répandre son aura rougeâtre sur le parc. Je me sentais vide. Je me sentais mort...

D'un revers de manche, j'essuyais mes larmes. Puis, péniblement, je rassemblais mes dernières forces pour le prendre dans mes bras. Ensuite, pas après pas, je me mis à marcher.

Et c'est ainsi que je m'étais retrouvé ici, sans même m'en rendre compte, dans cette maison désormais beaucoup trop grande et beaucoup trop vide. Il faisait froid... Il faisait si froid. La pièce était dans le noir. Même ce bon vieux Sumo restait immobile, comme figé lui aussi par l'air glacial de cette hiver. Je sentais un léger courant d'air venir m'étreindre de ses doigts gelés. Une fenêtre était restée entrouverte. Je m'avançais lentement pour la fermer puis je suspendis mon geste et fixais un instant les flocons blancs qui tournoyaient dans une valse incertaine au clair de lune, sable blanc d'un douloureux sablier qui me rappelait que le temps finissait toujours par faire son oeuvre.

Sauf sur nous, finalement...

Machines vivantes toujours jeunes, opérationnelles, éternellement fonctionnelles pour peu qu'on les entretienne.

Je me ravisais, préférant les laisser danser encore un peu... Je saisis le vieux plaid sur le canapé, et je retournais dans la chambre de Hank. Là, lentement, sans allumer la lumière, je couvris soigneusement le corps paisiblement étendu. Il semblait juste endormi. Je tournai sa tête vers la fenêtre... Je voulais qu'il puisse voir le monde, dehors. Je voulais qu'il constate comme il changerait grâce à son implication, comme les androïdes en feraient un endroit meilleur... Comme c'était idiot ! Il ne voyait plus rien désormais. Mais comme, paradoxalement, ça me semblait encore plus important de le faire.

Je posais la photo de Cole qu'il gardait toujours dans son porte feuille près de son visage.

Et je glissais entre ses doigts ma pièce porte-bonheur, afin qu'il ait l'éternité pour apprendre à maîtriser mon petit tour de passe-passe...

J'aurais aimé qu'elle le ranime, comme elle l'avait fait avec moi.

Mais les humains, ça ne revient pas.

***

Merci pour votre lecture, n'hésitez pas à commenter. la dernière partie arrivera probablement fin de semaine! :)

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