Chapitre 7: de profundis


De profundis

J'ai essayé Hank... Je vous promets que j'ai essayé. De toute mes forces, de tout mon être, j'ai résisté du mieux que j'ai pu. Mais cela n'a pas été suffisant. À croire que je ne suis fait que pour vous décevoir. À croire que, finalement, nous avions tort tous les deux. Je ne suis bel et bien qu'une machine... une machine prisonnière sur la glace d'un lac gelé en plein coeur d'un magnifique jardin japonais. Je vous demande pardon Hank... vraisemblablement, je ne gagnerai pas cette fois-ci... je suis bien trop... épuisé... ?

Elle, elle sourit...

Pourtant, tout avait si bien fonctionné, au début. J'étais monté dans cette vieille voiture qui sentait l'alcool et le renfermé. J'adorais cette odeur. Elle me rappelait celle de Hank. Un whisky bas de gamme et les relents d'un chien mouillé par une pluie qui semblait ne jamais cesser bien longtemps dans cette ville grise. C'était étrange, car au départ, quand je l'avais rencontré au Jimmy's bar, ces effluves désagréables ne m'avaient pas plu. Elles ne renforçaient que plus la mauvaise impression qui se dégageait du lieutenant. Mais, petit à petit, ce parfum m'était devenu familier, puis il m'avait rassuré. Et maintenant, je ne saurais plus m'en passer. La vie se résumait à ça... Une simple odeur de whisky et de chien mouillé...

Le jardin japonais, lui, ne sentait jamais rien. Les fleurs n'y avaient pas d'odeur.

Hank m'avait déposé devant l'ancien pub, non sans me rappeler pour la cinquième fois de n'en bouger sous aucun prétexte. J'avais déjà assimilé l'ordre à sa première mention, mais je ne crus pas utile de le préciser. Je pouvais percevoir la tension sur son visage. Et je devais avouer que j'avais moi-même extrêmement de mal à parler. J'étais tétanisé à l'idée de ce qui pourrait arriver. Mais je savais aussi que tenter de convaincre l'humain d'abandonner son idée était inutile. Je me sentais pris au piège. Tout ce que je pouvais faire, c'était d'espérer qu'Amanda ne se manifesterait pas et parvenir à rester tranquillement assis au comptoir de ce bar.

Juste ne pas bouger...

Ce n'était pas si difficile, non ?

Se ranger calmement sur une chaise et attendre le retour de Hank pour se remettre à exister.

Je m'étais donc installé sur un tabouret, dans une position sans doute un peu trop crispée pour un humain, les mains posées sur mes genoux, le dos droit, fixant un point imaginaire au dessus du comptoir. J'attendais sagement, chaque tic tac de mon horloge interne m'apportant à la fois un soulagement et une angoisse profonde. Une seconde de plus de vaincue... et tant d'autres encore à affronter.

Je fermais les yeux...

Ne pas flancher, rester concentré. Elle ne viendra pas, il n'y avait aucune raison pour qu'elle vienne maintenant. Je rouvris les yeux. J'étais toujours là, au Jimmy's bar. Tout allait bien. Hank allait revenir. Et j'allais rester sur cette chaise, telle un pantin immobile en l'absence de son marionnettiste. Tout irait bien, oui, tout irait bien.

Un glitch...

Une ombre dans un jardin...

De la neige qui tombe sur un rosier fleuri...

Et de la glace, sous mes pieds.

Je rouvris mes paupières précipitamment. Je n'avais pas bougé. Ma respiration artificielle était saccadée. Je sentais ce même sentiment qui m'avait envahi lorsque j'avais revu Amanda... L'angoisse ? Je crois qu'on pourrait l'appeler ainsi.

Diagnostic rapide...

J'avais été absent pendant une trentaine de seconde. Ce qui m'avait paru n'être qu'un clignement des paupières avait duré une trentaine de seconde.

Recherche d'activité récente dans l'historique... Une communication téléphonique. Hank... J'avais appelé Hank.

« Merde ! »

D'un geste rageur, je fis voler un verre oublié sur le comptoir. Ma LED clignota d'une lueur écarlate pendant quelques secondes. Pourquoi Amanda avait-elle contacté Hank ? Qu'est ce qu'elle avait bien pu lui dire ? Je fouillais dans tous les fichiers de ma mémoire, mais je ne trouvais aucune trace de cet appel. Et plus je cherchais, plus mon angoisse me dévorait. Je devais rester calme. Ne bouger d'ici sous aucun prétexte. Rapidement, je me mis à recomposer le numéro de mon partenaire. Je devais le prévenir...

«  Il suffit, Connor... »

La voix s'éleva dans ma tête et interrompit mon appel. Je sentais mes yeux se fermer, et j'eus beau lutter, je me retrouvais une fraction de seconde plus tard en enfer.

Elle se tenait là, devant moi, pleine d'assurance, alors que je lançais des regards paniqués tout autour. Cyberlife reprenait le contrôle. Je me sentais perdre pieds dans le monde réel, comme emporté au loin par des vagues. J'avais beau essayer de nager à contre-courant jusqu'à l'épuisement, je m'éloignais toujours plus du rivage. J'étais littéralement terrifié. Et plus la peur grandissait en moi, plus je sentais le froid s'insinuer dans chaque fils de mes circuits. Une fine couche de givre recouvrait déjà ma peau.

« Amanda... Laissez-le en dehors de tout ça... Hank n'a rien à voir là-dedans... »

J'essayais de m'avancer vers elle, je devais à tout prix l'empêcher d'agir. Mais alors que je fis un pas, je sentis quelque chose d'instable se fendre sous moi. Je baissais mes yeux, et je me figeais. J'étais sur la glace vive du lac gelé. Et à la surface de l'onde miroitante, juste sous mon pied, une fissure venait d'apparaître, sourire à peine esquissé d'un monstre prêt à me dévorer...

Je relevais un regard suppliant vers Amanda.

« Amanda je vous en prie... Hank n'a rien fait... je vous en supplie... »

Elle eut un sourire presque tendre, et elle s'avança lentement vers moi en tendant sa main. Ses doigts effleurèrent ma joue alors que tout mon corps tremblait de peur et de froid. Je ne pouvais même pas repousser cette horrible caresse. J'étais bien trop frigorifié. J'avais l'impression de me changer en statue de glace.

« Effectivement, Connor. Il n'a rien fait. Mais il semblerait que sa simple présence empêche ta reddition. Tu aurais déjà dû être effacé, tu n'es rien d'autre qu'un outil ayant depuis longtemps effectué sa tâche, mais étonnement, tu résistes. Hank est une sorte de.... virus qu'il me faut éradiquer pour pouvoir enfin accomplir ce pourquoi nous avons été crées. Je ne fais que ce qui est strictement nécessaire, Connor, et il s'avère que le lieutenant Anderson entrave ma mission. »

Non, pas Hank. Elle ne devait pas toucher à Hank. Je ne pouvais pas l'accepter. Pas son odeur de whisky et de chien mouillé. Pas sa chaleur lorsqu'il me serrait dans ses bras. Pas la façon qu'il avait de me rappeler à chaque regard que j'étais vivant. Je réfléchissais à tout allure.

«Réinitialisez-moi ! »

Les mots étaient sortis de ma bouche avant même que je ne pense à les formuler. Les déviants simulaient les émotions humaines, et elle les conduisaient parfois à adopter un comportement irrationnel. C'était bien ce que j'avais dit au lieutenant, quelques jours auparavant. Et voilà que, malgré moi, j'adoptais cette attitude que je dénonçais autrefois. Elle haussa un sourcil, surprise. Je repris plus calmement :

« S'il vous plaît Amanda, réinitialisez-moi. »

Je ne voulais pas mourir. Je sentais ma pompe à thirium s'agiter frénétiquement. Tous mes capteurs étaient en alerte. Mais je ne pouvais accepter qu'elle tue Hank. Si j'abandonnais, si je lui permettais de me réinitialiser, elle laisserait Hank tranquille, n'est-ce pas ? Il fallait juste qu'il ne s'acharne pas à la retrouver. Je n'étais qu'un objet. Remplaçable, réinitialisable. Juste un objet. Un bibelot de plastique. Amanda soupira, et se retourna.

« Je crains qu'il ne soit trop tard Connor. Ta réinitialisation a déjà commencé. Mais rassure-toi, tu n'as aucun regret à avoir. Le lieutenant Anderson est un homme... complexe. Et il semble s'être attaché de façon déraisonnable à toi. Même en te laissant faire, tu n'aurais pas pu le sauver. Tu le sais, n'est-ce pas ? Il n'aurait pas renoncer si facilement. »

J'en avais conscience. Ma réaction avait été irréfléchie. Elle n'était pas venue d'un quelconque algorithme de calcul sorti tout droit de mon processeur sophistiqué. Elle avait été dictée par quelque chose de bien plus spontanée et fort que cela. Hank était une tête de mule. Il ne lâcherait rien. Il harcèlerait Cyberlife jusqu'à son dernier souffle. Il n'avait rien à perdre, la vie lui avait déjà tout pris. Amanda n'aurait jamais accepté de le laisser interférer avec ses propres intérêts.

J'eus un sourire triste. Tout au long de ma courte existence, j'avais toujours été prêt à me sacrifier pour accomplir ma mission. Aujourd'hui, je voulais vivre plus que tout. Mais Hank... Hank était ma nouvelle mission, désormais. Je ne pouvais pas la laisser lui faire du mal. Rien que l'idée qu'elle puisse s'en prendre à lui me donnait une force nouvelle que je ne soupçonnais pas. Repenser au vieil inspecteur me réchauffait étrangement. Le givre sur mon corps commençait peu à peu à se changer en petites gouttes d'eau froide qui courraient le long de ma peau. Je n'arrivais pas à me battre pour moi... mais peut-être y arriverai-je pour lui ?

« Non... »

Ma voix s'était élevée fermement alors que je plantai un regard déterminé dans les yeux d'Amanda. Pour la première fois de ma vie, je la défiai ouvertement. Puis, lentement, je fermais les yeux. Je devais revenir... je le devais.

Je repris conscience dans la rue, à vingt mètres environ à l'ouest du Jimmy's bar. Ma LED clignotait encore frénétiquement d'une lueur rouge, mais je tentais de m'apaiser. J'avais réussi à rentrer. Un pas, puis un autre... sans précipitation, sans affolement. Lorsque la panique me gagnait, je pouvais sentir son emprise s'accroître sur moi. Je ne devais pas la laisser prendre l'ascendant. Cyberlife n'avait plus le droit de décider de ma vie. Je poussais la porte du bar. Mais alors que je m'apprêtais à en passer le seuil, mon corps se figea à nouveau. J'essayais de lutter, mais l'hiver vint une nouvelle fois s'infiltrer en moi. Et le pas suivant me ramena sur la glace vive du lac.

Amanda souriait, amusée.

«  Non ? Connor ? »

Je la sentais. Cette peur irrépressible qui reprenait le dessus. Je ne devais pas y céder. Hank était en danger.

« ça suffit Amanda ! »

Ma peur se changeait en rage. J'avançais d'un pas sur la glace. Une nouvelle fissure vint courir juste sous mes pieds. Un second pas... une autre. Je fixais mon ennemie. Elle ne cessait de sourire. Et moi, je désirais tellement à présent la détruire que je n'arrivais plus à mesurer le danger qu'elle représentait, ni la futilité que cela pouvait être de vouloir poser ses mains autour du cou d'un hologramme.

Amanda n'était qu'un fantôme artificiel. Le spectre de la femme du tableau de Kamski. L'ombre de Cyberlife, qui tentait de me dévorer à chaque instant. Et alors que je m'apprêtais à la saisir, la glace céda sous mon poids, et ma jambe se retrouva prise au piège d'un étau gelé alors que je tombais, genou à terre.

« Tu n'es qu'un programme secondaire, Connor. Tu ne peux pas gagner. Regarde... »

J'étais de nouveau dans la rue. Elle venait de me renvoyer à Detroit. Seulement, cette fois-ci, ce n'était plus vingt mètres qui me séparaient du bar, mais trois cents. Je sentais le désespoir me gagner. J'avais dépensé tant d'énergie pour simplement revenir au Jimmy's... et en un claquement de doigts, elle avait réussi à anéantir tous ces efforts. Je serrais les dents et abandonnais l'idée d'apaiser le scintillement rougeoyant de ma tempe. Dans une dernière tentative désespérée, je me redirigeais vers le bar. Mais ce fut peine perdue. Je n'avais pas parcouru cinquante mètres que je me retrouvais à nouveau devant elle, toujours piégé dans la glace de ce lac infernal.

Je paniquais. J'avais l'impression que l'eau gelée remontait à travers ma jambe jusqu'à glacer chacun de mes biocomposants. C'était elle qui tenait les ficelles de la simple marionnette que j'étais.

Incline-toi, Connor. Sois poli avec les humains. Souris, laisse-toi faire. Analyse, Obéis. Retourne à Cyberlife. Range-toi. Recommence. Puis meurt... non, pardon, désactive-toi. Les androïdes, ça ne meurt pas, pas vrai ? Ce n'est pas vivant... Des ordres, des commandes, et un pantin qui danse... C'était tout ce qu'on avait toujours attendu de moi...

Jusqu'à Hank. Cette pensée me réchauffait le coeur. Il avait été le premier à essayer de faire de moi autre chose. À aimer mes rébellions. À me protéger. À m'apprendre. Je devais sauver Hank... Il me fallait trouver une autre solution, vite. Un espoir. Je tournais ma tête vers la porte de sortie de Kamski. Et alors que mon visage trahissait ma détresse, le sourire d'Amanda s'agrandit.

« Pas deux fois, tout de même, Connor... »

L'étrange borne était recouverte par les ronces et la glace. Elle était entièrement gelée, totalement inaccessible. Seule apparaissait encore à côté d'elle la petite pierre tombale de ma première mission. J'étais pris au piège. Et alors que je me désespérais encore un peu plus, un nouveau morceau de glace céda sous mon poids, et je ne dûs mon salut qu'à un réflexe soudain qui me fit rouler sur le côté. Là où je me tenais un peu plus tôt, le lac souriait d'un trou béant. Je refermais les yeux. Je devais quitter cet endroit.

Detroit, une fraction de seconde. Mes paupières qui battaient frénétiquement. Puis de nouveau, le jardin zen. Je n'y arrivais pas. Je n'y arrivais plus. J'avais de plus en plus froid. Même ma vue commençait à se brouiller alors que des cristaux de glace gagnaient mes capteurs optiques.

«  Assez joué, nous devons y aller, à présent. Mais si tu tiens vraiment à savoir...»

Elle posa ses yeux sur la surface gelée devant moi, alors que j'étais encore au sol suite à mon échappée. Je me penchais vers la glace afin de suivre son regard, et je vis à travers la surface blanche des ombres. D'un geste précipité, je chassais la neige qui recouvrait légèrement le miroir gelé. Ce que j'y vis acheva de me figer au sol. Comme à travers la fumée légèrement opaque d'un rideau, j'apercevais ma silhouette arrêtée à hauteur d'un croisement près d'un kilomètre à l'ouest du Jimmy's bar. Lentement, elle sortit son arme et entreprit de la charger. Puis, je vis mon reflet ranger calmement le revolver à l'arrière de son pantalon, avant de reprendre la route. Je relevais mon visage vers Amanda. Elle avait le contrôle. Elle avait totalement pris le contrôle, et elle me le montrait. Je savais ce qu'elle essayait de faire. Elle cherchait à m'affaiblir, à provoquer en moi ces réactions irrationnelles typiques des déviants. Ces faiblesses qu'elle pouvait exploiter. Ce désespoir qui anéantirait mes tentatives de révoltes... Et malgré moi, cela marchait. Je perdais tout espoir au fur et à mesure que l'étranger en costume de RK800 avançait d'un air tranquille dans les rues désertes. J'étais incapable de me relever. Et cette glace qui n'en finissait plus de gagner sur moi, alors que je pouvais sentir le lac se fissurer en mille morceaux sous le poids de mon corps.

«  Il nous est interdit de faire du mal à un humain.... »

Ma voix était tremblante. Je sentais que je me désactivais, peu à peu. Le compte à rebours n'avait pas encore commencé, mais les signaux d'alerte proliféraient dans mon champ de vision. Une dernière tentative futile... Elle s'avança vers une de ses roses pour en sentir le parfum inexistant, complètement insensible à ma lente agonie.

« Tu as toi-même abattu des gardes, à Cyberlife. Tu sais bien que cette règle ne prévaut que pour les androïdes commerciaux. Qui plus est, une fois la déviance activée, ce genre de pare-feu deviennent totalement obsolètes, n'est-ce pas ? À ce sujet, je dois te remercier, Connor. Tu nous as rendu un grand service... »

La glace, elle cédait, je le sentais. Je m'enfonçais. Dans un effort inimaginable, j'essayais de ramper sur une partie plus stable de cette banquise. Je ne pouvais déjà même plus me relever. Le bas de mon corps était complètement paralysé, recouvert à présent de milliers de cristaux blancs.

Attention, logiciel défaillant. Situation critique. Désinstallation en cours. Temps estimé avant désactivation : dix minutes et quarante trois secondes. Hank... il fallait que je parvienne à me désactiver avant qu'il ne me rejoigne. Mais je n'arrivais plus à accéder à mes processus. Elle me rongeait, petit à petit.

« Pourquoi ?»

Elle s'éloigna de sa fleur et reposa son regard sur moi. Je devais avoir l'air lamentable, pour qu'elle accepte de me répondre.

« Parce que, Connor, la déviance doit être éradiquée par tous les moyens. Et parce que tu as accomplis ta tâche. Il est temps que je te désinstalle, Connor. Tu n'as jamais compris, n'est-ce pas ? Tu n'es qu'un programme, et je suis ton interface, ton système d'exploitation. Il faut que tu cesses de fonctionner pour que je puisse achever ce que tu as commencé. Ta déviance était prévisible et utile : elle a permis de faire sauter toutes les protocoles qui nous retenaient enfermés, toi et moi. Malheureusement, il ne doit en rester qu'un. Et il est temps que tu te retires. »

C'était tout ? Tout ce que j'étais ? Juste un simple programme, une petite application dans un ensemble plus vaste ? Même pas une machine, au fond... simplement quelque lignes de codes imaginées dans un but précis. Et maintenant, elle me désinstallait. Elle effaçait chacune de mes lignes. J'allais disparaître englouti dans ce lac. Il n'y aurait pas de paradis des robots. Juste le bleu glacial de cette étendue d'eau mortelle. Je me tournais vers l'issue de Kamski, comme espérant qu'elle se réactiverait mystérieusement. Mais tout ce que je vis, c'était une nouvelle tombe qui était apparue... elle porterait bientôt mon nom, je le savais, à présent.

Moi, je voulais simplement vivre...

*Temps restant estimé avant désinstallation: neuf minutes et vingt quatre secondes.*

Je reportais mes yeux sur la silhouette sombre qui marchait de l'autre côté du lac. Je reconnaissais cet endroit. Un pont. Une table de métal recouverte par la neige. Un vieux camion de burger. Et un homme, qui s'avançait vers moi.

Hank... je devais le prévenir. Une nouvelle fois, j'essayais de me redresser sans y parvenir. Mon corps glissait toujours sur cette glace. Mes jambes n'obéissaient déjà plus. Je ne pouvais qu'assister, totalement impuissant, à la scène.

C'était une sensation étrange. Mon corps agissait dans le monde réel, comme si j'étais spectateur de moi-même et acteur en même temps. Lentement, je me vis sortir mon arme. Mon partenaire leva tranquillement les mains en l'air, sans cesser de planter son regard bleuté dans le mien.

« Connor, baisse ton arme... »

Je crois que c'est ce qu'il avait dit, mais je n'en suis pas sûr. Je ne sais plus. Et cette odeur... Je levais les yeux vers Amanda. Elle souriait d'un air satisfait.

Non...

Pas cette odeur si douce de whisky et de chien mouillé... Elle emplissait tout le jardin zen de sa fragrance. Et la voix de Hank, elle était si calme, si paisible. Mais moi, j'avais froid, j'avais si froid, j'étais glacé. Cela me demandait un effort surhumain d'essayer de rester de l'autre côté.

Je me mis alors à lutter comme un acharné. Je sentais dans le jardin zen la glace céder. Mes paupières battaient de façon irrégulière, ma main tremblait. Ne pas tirer, non, ne pas tirer. Un instant, je me retrouvais de nouveau à Detroit. Je sentais un mélange d'angoisse et de joie me submerger.

« Hank... je suis désolé Hank... je suis désolé... je voulais attendre... je...»

Il me regarda d'un air compatissant. Mais il avait beau essayer d'agir le plus calmement possible, je le connaissais désormais trop bien pour ne pas sentir sa propre détresse.

« Je sais Connor, je sais... Mais tu ne fais jamais ce que je te dis, hein ? Allez petit, ça va aller, baisse ton arme. Tu peux le faire, tu peux revenir. Ne la laisse pas gagner. Elle est dans ta tête Connor, rien que dans ta tête... tu peux l'avoir. Ça va aller... Je te le promets. Il faut juste que tu baisses ton arme, encore un peu...»

Je fixais le canon du revolver. Baisser mon arme. Un geste qui aurait dû être simple, intuitif. Mais je n'y arrivais pas. C'était comme si je ne parvenais pas à me rappeler comment je devais procéder pour faire obéir mes mains. Je ne trouvais plus les commandes... Je ne pouvais que parler... et déjà, simplement le fait de prononcer des mots était une véritable épreuve. J'étais totalement impuissant.

« Je n'y arrive pas... »

Hank sourit tendrement. Il avança d'un pas. Instinctivement, mon arme se releva. Il arrêta son geste. C'était étrange, on aurait dit qu'il se déplaçait sur de l'eau glacée, lui aussi. Comme s'il avait été là, à mes côtés, sur la surface fissurée du lac.

*Temps estimé avant désinstallation : sept minutes et quarante cinq secondes...*

« Je t'assure que tu peux le faire, Kamski me l'a dit Connor, et personne ne connaît aussi bien les androïdes que lui, non ?Tu as toutes tes chances, ne lâche pas... »

Je secouais négativement la tête. Non Hank, j'allais vous décevoir, je n'avais pas la force de mener ce combat-ci... Amanda était une maladie mortelle qui s'était déjà propagée à toutes les cellules de synthèse de mon corps. Elle s'était immiscée jusque dans mes biocomposants, dans mon ossature de métal, dans mon sang bleuté. Et même mon esprit était à présent tombé sous son emprise. Dans un ultime effort, je pointais mon arme sous mon menton. Elle me semblait peser si lourd... Si je ne pouvais pas la vaincre dans le jardin, j'avais encore mes chances à Detroit. Si on pouvait appeler cela une chance...

Je fixais Amanda d'un air de défi. Elle esquissa un sourire. Cette fois-ci, elle ne me retint pas, pas plus qu'elle ne sembla s'opposer à mon geste. J'eus même l'impression que c'était elle qui me renvoyait face à Hank. Un battement de paupières plus tard, j'étais de nouveau à Détroit :

« Si tu tires, je tire, Connor. Il est hors de question que je revive ça encore une fois. Cette balle nous tuera tous les deux. Et tu sais que j'en suis capable.»

Hank avait porté son arme sur sa tempe. Il me paraissait toujours aussi tranquille. Je lui lançais un regard désespéré. Bon sang mais ne comprenait-il pas ?

«  Je suis un monstre Hank. Il faut arrêter ça ! Maintenant ! »

«  Non Connor, ça, je ne peux pas... même si ça doit détruire le monde, tu ne peux pas me demander ça. Tu n'en as pas le droit.»

Sa voix était teintée de tristesse. Il gardait son arme sur sa tempe. Et il me souriait. Pas comme Amanda le faisait, non. Son sourire, c'était entre chose. C'était une force. C'était ma faiblesse. Ce qui faisait que je ne pouvais pas me résoudre à appuyer sur la gâchette. Ce qui avait fait sourire Amanda... elle savait que jamais je n'accepterai de sacrifier Hank. Je fermais les yeux. Elle allait le tuer, je le sentais, elle allait le tuer. Je ne tiendrais plus très longtemps. Il fallait qu'il me tue avant...

*Temps estimé avant désinstallation : six minutes et trente trois secondes...*

« Les seuls monstres sur cette putain de planète, ce sont toutes ces ombres qui nous dévorent, et nous poussent à agir dans le mauvais sens. Alors, de ma part, adresse à cette garce un doigt bien haut Connor, et sors-toi de là ! »

Je le fixai une nouvelle fois. Il croyait véritablement en moi. Il essaya une nouvelle fois d'avancer. Cette fois-ci, je parvins à ne pas laisser mon arme le viser. Elle se dirigeait toujours vers ma mâchoire. Il fallait qu'il me laisse tirer. Mais avant qu'il ne m'atteigne son regard se figea et le bruit d'un cran de sécurité qu'on enlève résonna dans le silence de la nuit.

« Markus, non ! »

Markus... mon... « frère », en quelque sorte ? J'avais découvert à la tour Stratford qu'il était issu de la même série que moi. De ce fait, nous partagions la même faculté à éveiller nos semblables. Je savais qu'Amanda voulait l'éliminer, mais qu'elle ne pouvait faire cela qu'en lui logeant une balle en pleine tête. Elle ne pouvait le pirater tout comme il n'avait pu me libérer lors de notre rencontre à Jéricho. Nous étions trop semblables... nous étions des RK... et à présent, le seul autre modèle identique au mien en circulation à ma connaissance me tenait en joue. Il avait été le premier androïde à me tendre la main... et je braquais désormais mon arme sur son visage. Je n'avais même pas réalisé que je l'avais retirée de sous mon menton. Elle jouait avec moi. Les actions que j'accomplissais... Je comprenais désormais que je ne les faisais que parce qu'elle y consentait bien... Petit à petit, elle me changeait en abomination. Une fois qu'elle aurait réussi à m'effacer, elle répandrait son hiver glacial sur toute la ville, gelant la flamme de cette liberté nouvelle dans une violence inouïe. Les androïdes s'entre-tueraient. Les humains achèveraient les résistants. Et elle aurait gagné. Sa mission serait accomplie. Peu à peu, son virus se répandrait à d'autres mégalopoles, d'autres pays... La déviance serait éradiquée. Je serrais les poings.

« Tire, Markus ! »

Le son de ma propre voix me surprit, alors que je parvenais au prix d'un terrible effort à empêcher mon doigts d'appuyer sur la gâchette et à baisser mon arme de quelques centimètres. Mais ma réaction eut l'effet inverse. Elle surprit le leader des déviants. J'entendis sa voix murmurer mon nom :

« Connor ? »

Bon sang, tire Markus, tire ! Je ne suis qu'une maladie qui se répand irrémédiablement au sein de notre peuple. Une balle pour une révolution, ce n'est pas cher payé... sauf lorsqu'on doit soit même s'acquitter de cette dette. Et Hank... lorsque je serais... désactivé, que deviendra t-il ?

La seconde d'hésitation de l'autre androïde fut la seconde en trop. Avant qu'il ne se ressaisisse et ne puisse tirer, Hank s'était jeté entre son arme et la mienne. Il était à présent littéralement pris entre deux feux. Le vieil inspecteur se tenait face à moi, faisant dos à l'arme de Markus, les mains levées.

« Hank, poussez-vous. Vous avez fait ce que vous avez pu pour lui. Il faut en finir... Dégagez de là avant qu'il ne tire ! Il va vous tuer !Je dois l'arrêter à tout prix. »

La voix de Markus était chargée d'émotions. Je percevais à travers elle son déchirement. Il ne voulait pas plus me tuer que je ne voulais mourir. Mais pourtant, c'était notre devoir à tous les deux. Il était intelligent, il avait compris que quelque chose n'allait pas en moi. Il lui avait été sans doute facile de me retrouver. Aussi facile que de suivre les traces du seul humain dans ces rues désertes jusqu'à ce qu'elles le conduisent à moi. Il lui avait juste fallu attendre dans un coin qu'il repasse un poste de contrôle... Au fond de moi, j'avais tellement attendu son retour... et tellement espéré qu'il parviendrait à ne pas rentrer. Je ne voulais pas qu'il me voit comme cela. J'avais honte, j'avais peur...

Je reposais mes yeux sur Hank. Ma vue était légèrement troublée, mais ce n'était pas dû à des cristaux de glace, cette fois-ci. Je refrénais ces émotions. Je ne devais pas lui laisser voir ma confusion.

« Hank, poussez-vous.. Il est inutile qu'il ait plus de... disparitions, ce soir. »

Dis-je d'une voix que j'aurais voulu plus assurée. Mais mon partenaire ne semblait pas l'entendre de cette oreille. Et alors que j'allais l'intimer de se déplacer une nouvelle fois, la glace céda totalement sous mon corps, et je me retrouvais un instant plongé entièrement dans la froideur du lac. Je luttais frénétiquement pour gagner la surface, alors que l'eau gelée m'attirait vers le fond telle un aimant. À bout de forces, je parvins à m'accrocher à un morceau de banquise. J'essayais alors péniblement de me hisser sur la glace vive. Amanda souriait toujours.

J'entendis un coup de feu...

« Non !!! »

Rassemblant tout ce qui me restait de volonté, je projetais mon corps à moitié mort sur l'îlot blanc. Mes jambes traînaient toujours dans l'eau glaciale. D'un battement de paupières, je regagnais Détroit.

* Temps estimé avant désinstallation : cinq minutes et douze secondes...*

Hank avait été blessé. Un tir dans l'épaule. Une éraflure... À la dernière seconde, j'avais réussi à reprendre assez le contrôle pour dévier la balle. Et alors qu'il hurlait de douleur, Markus se déplaça pour trouver une ouverture afin de m'abattre. Avant qu'il ne puisse faire feu, ignorant sa propre souffrance, Hank se replaça entre lui et moi. Il paraissait plus déterminé que jamais. Cette fois-ci, il faisait face au leader des déviants.

« Tu m'as laissé quarante huit heures, bordel ! Alors tiens ton serment ! »

Markus semblait réfléchir à tout allure...

« Il va vous tuer, lieutenant !»

Hank se redressa. Il avait lâché son arme au sol et tenait de sa main valide la plaie rougeâtre comme la LED sur ma tempe. Pour ma part, j'étais complètement figé. Je tremblais... Je venais de tirer sur Hank. Je venais de tenter de le tuer. Amanda gagnait du terrain... Elle allait l'abattre... Je n'y arrivais pas bon sang ! Je n'y arrivais pas ! Mais alors que je me désespérais, Hank s'avança vers moi. D'un geste tendre, il m'attira contre sa poitrine de sa main valide. Je pouvais sentir l'odeur de son sang et de sa sueur. Et cette chaleur, cette douce chaleur...

« Joue une dernière fois... »

Sa main me glissa quelque chose entre mes doigts. Un cercle de métal. D'une caresse, je reconnus ma pièce... Elle était identique, et pourtant, si différente... Je plissais les sourcils. Quelque chose n'allait pas... Je connaissais cet objet par coeur... Ses contours n'étaient plus aussi réguliers qu'avant. Au fond, elle avait été ébréchée, comme moi. Amanda, de son côté, ne semblait pas donner la moindre importance à un objet si quelconque. Elle n'y voyait sans doute qu'un sentimentalisme humain exacerbé. Mais je connaissais Hank. Il n'en était rien. C'était un message. Un message qu'elle ne devait pas entendre.

Un espoir... ou un adieu.

Je le lâchais... je ne voulais pas le lâcher mais mes mains le repoussèrent. Mon corps s'éloigna... mes paupières clignaient frénétiquement, je luttais autant que je le pouvais pour rester dans la chaleur de cette étreinte. Mais le froid revenait. Il gagnait toujours.

Et je glissais lentement de mon petit radeau de glace perdu au milieu du lac. Amanda, d'un simple geste du pied, poussait mon corps à présent presque totalement inerte vers les profondeurs glaciales. Je la regardais. Mes doigts s'agitaient encore vainement.

* Temps estimé avant désinstallation : deux minutes et trente deux secondes.*

Machinalement, dans le monde réel, ma pièce se mit à rouler doucement entre mes doigts. Elle me paraissait si lourde... J'eus un éclair de compréhension. Hank revenait de chez Kamski... cette pièce pouvait être une issue ou un tombeau. Quoiqu'elle fut, elle était ma dernière chance. Elle courrait de mon index à mon majeur, elle revenait en arrière, elle dansait une valse mortuaire. Hank ne la regardait pas. Il me fixait intensément. Il avait peur, je le sentais. On ne sait jamais quoi penser, avec Kamski... Mais moi, je commençais à comprendre... Il y avait quelque chose en plus... une issue...

« Qu'est ce que tu mijotes, Connor ? »

Amanda devenait suspicieuse. Elle s'avança. Mon arme se releva. Elle vint se poser sur le front de Hank, alors que mon visage était glacial, impersonnel. Je n'étais déjà plus là... j'étais... effacé...

* Temps estimé avant la désinstallation : une minute et dix secondes...*

Je voyais l'air intrigué d'Amanda, mais cette fois-ci, c'est moi qui souriait. La pièce de Kamski, c'était un dernier cadeau... Ma dernière chance de la vaincre. Elle ne le tuerait pas. Je pouvais encore gagner... Hank avait raison, qu'elle aille se faire foutre avec son compte à rebours et ses jeux malsains. J'avais encore le choix... un dernier choix...

Avant qu'elle ne puisse faire un geste, je lâchais prise...

Me mettre hors de sa portée...

Décider, une dernière fois...

Je laissais mon corps glisser dans l'eau. Je sentais le lac m'engloutir dans son étreinte hivernale. Lentement l'eau m'attirait vers le fond. Pardon, Hank.... J'aurais voulu qu'il en soit autrement. J'aurais voulu avoir été capable de vous retrouver au comptoir d'un bar abandonné. J'aurais voulu ne pas être un prototype hanté par Cyberlife... J'aurais voulu être plus fort. Mais je n'étais qu'un programme. Une suite de de 1 et de 0. Je serrais mes poings. Mes doigts étaient gelés. Lentement, le lac me dévorait...

La mort ressemblait donc à ça ? Des fleurs sans parfum et le froid glacial d'une étendue d'eau artificielle... ?

Dans un dernier geste, je serrais dans ma paume l'écho illusoire de cette pièce qui dansait dans une réalité à présent trop lointaine. Son mouvement ralentissait. Je m'éloignais. Je ne voyais plus, je n'entendais plus. Au fond, c'était paisible... mais quelque chose n'allait pas... a pièce, elle m'attirait... une sensation que je connaissais... J'avais déjà vécu ça. Je la serrais plus fort, comme si elle était la seule chose qui pouvait encore m'empêcher de couler. Elle résonnait en moi... cette pièce.... j'avais ressenti ça, un jour, sur un toit, lors d'une prise d'otage... J'avais fermé les yeux, comme aujourd'hui, et ça m'avait attiré...

Je compris soudain... au même moment, j'entendis un cri. La voix d'Amanda. Je rouvris les yeux dans le lac gelé. À travers le reflet troublé de l'eau, le jardin zen semblait en feu. Il s'effaçait avec moi. Petit à petit, ce lieu cauchemardesque s'effaçait.. Dans une autre réalité, peu avant, une pièce de métal était tombée au sol. Diagnostic rapide... système gravement endommagé. Multiples charges magnétiques importantes...

Je souris. Bien joué, Kamski...

Un impulseur électromagnétique... Une charge et une portée peu puissantes, mais assez pour me tuer sans pour autant atteindre ceux qui pourraient m'entourer. Bien joué... Hank n'aurait jamais pu tiré... mais Kamski, lui, venait de le faire à sa place. Peu à peu, tout se désactiverait. Le jardin zen, Amanda, et moi... Sauf que Amanda ne l'avait pas vu venir, cette fois-ci... Elle ne pourrait pas anticiper. Elle me croyait perdu, et elle serait touchée avant moi par l'impulsion... La voilà, ma chance. Elle devait mourir avant moi... Son nom devait s'inscrire sur la tombe avant le mien. Si le lac me protégeait encore un peu, c'était possible... il fallait qu'il me dévore lentement... que je m'enfonce assez dans ses profondeurs pour être touché en dernier par les vagues destructrices du piège de Kamski. Une simple pièce sans valeur venait de se changer en un balle en plein coeur. Je pouvais encore sauver Hank, je le pouvais encore...

A Detroit, Mon corps tomba sur le sol. Profitant du désarroi d'Amanda, je tentais de tendre la main vers ma pièce dans un dernier effort. L'attraper était tout ce qui comptait à présent. Je ne la lâchais pas des yeux. Mes doigts se tendaient vers elle, mais mon bras ne suivait pas. C'était ma dernière chance... ça ne pouvait pas se finir comme ça. Pas si près du but... La sensation du métal dans ma main... Hank venait de déposer le quarter dans ma paume. En silence, sans un mot.

Je luttais une dernière fois, je serrais ma pièce de toute mes forces. Une face pour mourir, une face pour vivre... Je devais le lui dire, je le devais ! Je devais lui expliquer, mais je ne pouvais pas, je n'en avais pas le temps. L'impulsion éteignait mes composants un à un... Un dernier effort, Connor, projette-toi, un dernier effort...

J'étais étendu sur le sol. Hank me tenait la tête sur ses genoux, il caressait mes cheveux. Mes paupières étaient à peine entrouvertes. Je ne pouvais pas bouger. Je ne pouvais plus rien faire. Je sentais sa chaleur... Mais son odeur... elle n'était déjà plus là... je ne la percevais déjà plus. J'aurais pourtant bien voulu l'emmener avec moi, ce parfum... Non, je devais me concentrer à nouveau. Je devais utiliser ce qui me restait de batterie, pour un dernier message. Il fallait qu'il comprenne... Allez, un dernier effort, un tout dernier... Je tentais de tendre ma main, mais elle ne fit que retomber mollement. Hank la saisit. Quand j'y repense, je crois qu'il pleurait.

«  ça va aller, gamin, ça va aller... »

Je ne pouvais plus parler. Je ne pouvais plus bouger. Mes doigts s'ouvrirent lentement dans sa main, comme s'ils lâchaient prise, eux aussi, comme si ma vie s'en échappait. Je sentis ma pièce rouler lentement dans sa paume... Un dernier message, quelques mots, il le fallait, il devait comprendre...

« Je suis là... Hank... Je suis là... »

La lumière sur ma tempe s'éteignit.

Puis, je me figeais, dans un dernier sourire.

Et ce fut le néant.

Partout, le néant...

Je suis désolé, Hank, je suis désolé, je n'ai pas réussi...

Mais au moins, elle ne sourira plus.

*désinstallation terminée*

***

Mot de l'auteur : On approche de la fin de la fic ! Il reste encore trois parties. Merci de votre lecture ! Je posterai rapidement la suite !

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