La voiture dans laquelle était retenue Lola roulait à toute vitesse. On lui avait bandé les yeux et attachée les mains à l'arrière du dos. Elle était paniquée. Deux hommes étaient assis à l'arrière avec elle. En tout, ils étaient cinq dans le véhicule, avec le chauffeur et l'homme qui l'avait kidnappée.

Après une heure de route environ, la voiture ralentit et le moteur s'arrêta net. Les portières s'ouvrirent les unes après les autres. Les hommes qui l'avaient enlevée sortirent du véhicule en la laissant seule pendant de longues minutes. Elle tendit l'oreille pour essayer de comprendre ce qu'ils disaient mais ils étaient trop éloignés pour qu'elle puisse entendre quoi que ce soit.

A l'aide de sa bouche, elle tira légèrement le bas du morceau de tissu qui avait été enroulé autour de sa tête. Sa vision était partielle mais elle put voir que ses kidnappeurs discutaient avec un vieillard en fauteuil roulant. Une fois leur conversation terminée, ce dernier désigna une vielle bâtisse située derrière eux. Le plus jeune d'entre eux s'avança vers la voiture. Lola essaya de remettre en place le bandeau en le frottant contre ses genoux.

La portière arrière s'ouvrit. Le jeune homme saisit le bras de Lola pour la faire sortir.

- Allez ma belle. C'est l'heure de découvrir ta nouvelle maison ! Dit-il en l'obligeant à le suivre.

Lola essaya de se débattre, en vain. Elle s'avoua vaincu en n'opposant plus aucune résistance.

- C'est bien ma belle. Tu comprends vite, ajouta-t-il avant de lui retirer son bandeau.

Il ouvrit la porte de la bâtisse puis la projeta violemment à l'intérieur. Lola se releva tant bien que mal. Elle lui jeta un regard noir. En retour, il lui sourit avant de refermer la porte à clé. Elle se précipita sur la poignée pour l'ouvrir.

- Ne perds pas ton temps. Il marqua une pause. Vous êtes vraiment toutes les mêmes. Crois-moi, parmi toutes celles qui ont essayé de s'échapper avant toi, aucune n'a réussi ! 

Lola s'assit sur le sol. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues. Au loin, elle entendit les portières de la voiture claquer puis le moteur démarrer. Les hommes qui l'avaient amenée ici disparurent rapidement.

Lola essuya ses larmes et ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, trois jeunes femmes se tenaient face à elle.  Surprise, elle se releva aussitôt en veillant à garder une certaine distance avec elles.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle. 

Aucune ne lui répondit.

- Qui êtes-vous ?! répéta-t-elle en haussant cette fois-ci la voix. C'est un cauchemar, je vais me réveiller, dit-elle en reprenant une voix normale.

- Oui, c'est un cauchemar, lui répondit l'une des trois filles. Le pire que tu vivras de toute ta vie.

***

Harry, Sina, Lucy et Jonas n'en croyaient pas leurs yeux. Après avoir suivi Charles et ses hommes en dehors de Bordeaux, ils découvrirent le village dans lequel ces derniers vivaient, en compagnie de dizaines d'autres survivants. 

Le village était constitué de maisons en bois. Une clôture circulaire en tôles entourait les habitations, et des hommes y montaient la garde. 

- Bienvenue à Espérance ! C'est le nom que nous avons donné à notre village, dit Charles en se retournant vers ses hôtes. Nous l'avons construit loin des radiations et des pilleurs, comme ceux qui ont enlevé votre amie. Vous êtes ici chez vous.

- Merci mais nous n'allons pas rester, répondit Harry. Il faut que l'on retrouve Lola. Elle est en danger. Et pour cela, nous avons besoin de votre aide.

Charles ne lui répondit pas aussitôt.

- Oui, et nous allons vous aider, je vous en fais la promesse. Mais en attendant, il faut vous reposer. Nous allons vous installer dans une de nos maisons. Ce soir, vous viendrez diner chez moi, avec ma femme et je vous dirai tout ce qu'il y a à savoir.

Harry s'approcha de lui.

- Merci beaucoup Charles. Votre aide nous sera très précieuse, j'en suis certain.

Charles posa sa main sur l'épaule de Harry. 

- Ce que vous allez entendre ce soir va vous terrifier. Le monde n'a pas été débarrassé de sa folie, bien au contraire.  

***

Confortablement installé sur son lit, Harry repensa à ce que Charles venait de lui dire. Qu'était-il arrivé au monde au cours des treize dernières années pour qu'il soit si alarmiste ? Malgré l'horreur vécu avec l'apocalypse nucléaire, l'Homme n'avait pas réussi à se débarrasser de ses pires défauts et continuait à s'entre tuer. Mais pourquoi ? s'interrogea Harry. Il fut tiré de ses réflexions par Lucy qui entra sans frapper dans sa chambre.

- Il est l'heure Harry, il faut qu'on y aille.

Il se redressa puis s'assit au bord de son lit. 

- J'arrive tout de suite Lucy. Laisse la porte ouverte, s'il-te-plait. 

Harry se leva pour rejoindre le reste du groupe qui l'attendait devant la porte d'entrée.

***

Dehors, ils étaient nombreux à avoir attendu pour les voir. Leur arrivée avait attisé la curiosité de tout le village. Un homme s'approcha d'eux.

- Je vais vous conduire jusqu'à la maison de Charles, suivez-moi.

Sur le chemin, de jeunes garçons s'amusaient à courir autour d'eux. Lucy s'amusa à son tour en leur faisant des grimaces. 

Arrivés devant la maison de Charles, les enfants et les villageois disparurent. Une femme sortit pour les accueillir.

- Bonsoir, je suis Vina, la femme de Charles. Entrez. Elle referma la porte d'entrée derrière eux, avant de les inviter à rejoindre son mari qui était assis à table.

Charles leur fit signe de s'asseoir.

- Mes amis. Je suis content de vous retrouver. Nous avons beaucoup de choses à nous dire ce soir.

Vina avait préparé le diner. Elle les servit chacun leur tour.

- Pour commencer, j'aimerais beaucoup que vous me racontiez comment vous avez réussi à survivre jusqu'à maintenant. 

Jonas fut le premier à se lancer dans des explications, bientôt complétées par les précisions de Lucy et Sina. Seul Harry resta silencieux. Il mesura la chance qu'ils avaient tous eu en étant protégés dans les cinq Refuges.

- Et vous ? demanda Lucy. Comment avez-vous survécu ?

- Comme on a pu ! précisa Charles. Quand les bombes nucléaires ont arrêté de s'abattre sur Terre, je me suis caché. je me doutais bien que je n'étais pas le dernier homme sur Terre ! Et puis j'ai rencontré un premier survivant, comme moi, puis un deuxième et un troisième. Très vite, nous avons compris que nous étions plus forts quand nous étions plusieurs.

- Plus forts contre quoi ? demanda Harry qui sortit de son silence.

- Plus forts contre eux. Ceux qui ont enlevés votre amie.

- Qui sont-ils ? demanda Sina. Pourquoi l'avoir enlevée ? Qu'a-t-elle de si particulier ?

- Sa jeunesse et son apparente bonne santé. Je suis désolé de vous le dire mais ils vont s'en servir pour la reproduction. Leur but étant d'avoir des enfants purs, qui seront encore plus résistants aux maladies. Et comme elle n'a pas été exposée à la radioactivité ou si peu, son capital génétique n'a pas été altéré. Avec la radioactivité, la grande majorité des femmes sont devenues stériles et ne peuvent plus avoir d'enfants. Et tous ceux qui sont nés depuis l'apocalypse nucléaire ne vivent pas très vieux. Malheureusement, les enfants que vous avez vu dehors seront bientôt tous morts. Ma femme et moi avons perdu un fils à cause de malformations génétiques. 

Vina essuya une larme avant de se lever pour aller dans la cuisine.

- Je suis sincèrement désolé Charles, dit Harry. Comment pouvons-nous sortir Lola de cet enfer ?

- Nous connaissons bien ceux qui l'ont enlevée, précisa Charles. Ils vivent un peu plus au Nord, à environ une soixantaine de kilomètres d'ici. Ils ont déjà enlevé plusieurs adolescentes de notre village. Ce sont des monstres. Il marqua une pause. Mais il y pire encore.

- Comment ça ? demanda Jonas. Comment pourrait-il y avoir pire que ça ?

- Même si ce qu'ils font est monstrueux, ce sont encore des hommes. Mais pas les créas.

- Les créas ? demanda Lucy. 

- Les créas, oui. C'est le diminutif de créatures, dit Charles. Des hommes qui ont été complètement transformés par les brûlures radioactives. Et ils ne sortent que la nuit pour éviter les rayons du soleil. Je vous souhaite de ne jamais en croiser un. Jamais.

Charles ne put retenir ses larmes à son tour.

- Ils sont encore nombreux et ont tué bon nombre de mes amis. Vous comprenez mieux maintenant pourquoi je vous ai dit tout-à-l'heure que vous étiez arrivés directement en enfer.