Chapitre 30 / Peur

Les cinq aventuriers avaient pris la route depuis quelques heures quand ils traversèrent une première ville dévastée, puis une seconde. A partir de la troisième, Harry arrêta de les compter. En effet, les bombes atomiques qui s'étaient abattues sur Terre avaient visé en priorité les villes, petites ou grandes, laissant les campagnes presque intactes. 

Au fur et à mesure de leur progression vers Bordeaux, Harry observa inlassablement les réactions de chacun d'entre eux pour se faire une idée de leur caractère, mais aussi de leurs forces et de leurs faiblesses. Sina était le plus âgé d'entre eux. Il était grand, musclé et doté d'un humour ravageur. Jonas était le plus timide. Il se mettait souvent à l'écart du groupe pour réfléchir à la meilleure façon d'appréhender les situations qui se présentaient à eux. Quant à Lucy, elle se positionnait clairement en leader du groupe, n'hésitant pas à imposer son point de vue aux autres. Enfin, Lola qui ne semblait avoir peur de rien, avait l'air d'être la plus heureuse de découvrir la surface de la Terre. Certaines de ses réactions - mais surtout son sourire - lui rappelaient Trina qui commençait à lui manquer.

Le soleil allait bientôt se coucher quand Lucy désigna de la main une maison située à une centaine de mètres d'eux.

- Je vous propose qu'on s'y arrête pour dormir. Il ne sert à rien de marcher la nuit, sauf à se perdre. Et nous avons bien mérité de nous reposer.

Les autres acquiescèrent d'un simple hochement de la tête. Ils parcoururent rapidement la distance qui les séparait de la maison, visiblement assez grande pour les héberger tous.

Une fois à l'intérieur, un grand désordre y régnait ; comme si elle avait été pillée quelques années auparavant. Sina fut le premier à sortir de son sac sa ration protéinique journalière, contenu dans un petit sachet en aluminium. Il s'installa à la table de la salle à manger.

- Rien de tel qu'un bon repas pour reprendre des forces ! lança-t-il dans un grand éclat de rire.

Tous sourirent et le rejoignirent, sauf Lucy qui s'était mise en retrait du groupe. Elle semblait soucieuse. Harry l'observa guetter l'horizon à la fenêtre de la cuisine. Après avoir avaler sa ration, il se leva et s'approcha d'elle.

- Qu'est-ce que tu observes comme ça ? Il n'y a rien ni personne à des kilomètres à la ronde, à part nous, dit Harry pour la rassurer.

- Tu as sans doute raison mais c'est plus fort que moi. Avant l'apocalypse, je travaillait dans la police. Appelle ça comme tu veux, déformation professionnelle ou sixième sens, mais j'ai vraiment l'impression que quelque chose va se passer ce soir, dit-elle visiblement inquiète.

- Ce soir ? Je ne vois pas trop ce qui pourrait nous arriver. Nous sommes seuls. Il n'y a personne dehors. Tu ne veux pas te joindre à nous plutôt ? tenta Harry.

- Oui, j'arrive. Je jette un dernier coup d'oeil et je vous rejoins, dit Lucy en lui souriant.

Harry savait qu'elle n'en ferait rien. Il retrouva les autres qui discutaient. Sina l'interpella.

- C'est à ton tour Harry. Dis-nous tout sur toi !

Harry ramassa une chaise au sol pour s'asseoir dessus.

- Mon histoire ne doit pas être très différente de la votre. Je suis rentré dans le Refuge alors que je n'avais que cinq ans. Ma mère Line est morte pendant l'apocalypse et j'ai été élevé par mon père Jack qui est mort peu avant les soulèvements dans les Refuges. Il a été assassiné. Mais j'imagine que nous avons tous perdus des êtres chers.

- Je suis désolé, glissa Lola à voix basse. L'histoire de ton père a fait le tour des Refuges. Il était un héros. Et il aura fallu sa mort pour que tous se révoltent enfin. 

- Merci, dit Harry. Et toi ?

- Moi ? demanda Lola. Comme vous le savez, la situation dans mon Refuge était différente de celle dans les vôtres, en raison surtout de la démocratie qui y régnait, même si les conditions de vie étaient parfois difficiles. Nous avons perdus beaucoup d'habitants suite à deux grandes épidémies. Et la lutte pour la liberté a fait beaucoup de morts aussi. Mon père était le chef des rebelles. Il est aujourd'hui le président du Refuge.

- Dans le mien, une famine a tué les plus faibles d'entre nous, dont beaucoup d'enfants, précisa Sina. C'était il y a trois ans. Il baissa le regard. J'ai perdu mon fils. Il est mort dans mes bras. Deux jours plus tard, j'apprenais que les membres du haut Conseil avait leur propre garde manger et qu'ils se goinfraient alors que nous, nous perdions nos enfants. C'est pour lui, mais aussi pour mes deux autres enfants que je suis là aujourd'hui. Et toi Jonas ? 

- Comme vous, j'ai perdu beaucoup de proches avec l'apocalypse nucléaire qui s'est abattu sur Terre et après treize ans passés dans ce foutu Refuge. Mais il me reste ma fille, mon rayon de soleil. C'est elle qui m'a poussé à passer les tests pour faire partie de cette expédition. 

Lucy se décida à les rejoindre.

- Je suis désolé de vous interrompre mais si nous voulons partir tôt demain matin, il va falloir aller se coucher maintenant, dit-elle sans prendre part à leur conversation.

Ils montèrent tous à l'étage où étaient situées les chambres de la maison. Ils trouvèrent rapidement le sommeil.

***

Harry fut tiré de son sommeil en pleine nuit par un cri. Il se redressa et tendit l'oreille. La maison était plongée dans le silence. Il se rallongea, persuadé d'avoir confondu rêve et réalité, quand il entendit un nouveau cri précédé d'un appel à l'aide. Il s'agissait d'une voix féminine. Il bondit de son lit et se dirigea vers la chambre de Jonas.

- Jonas, réveille-toi ! J'ai entendu quelqu'un crier !

Jonas se leva aussitôt pour jeter un oeil par la fenêtre de sa chambre, mais la nuit l'empêchait de voir ce qui se passait dehors.

- Tu es sûr de toi Harry ? demanda-t-il. Je ne vois rien. 

- Certain ! répondit Harry.

Il se dirigea vers la chambre de Lola qui dormait. Il avait eu peur de reconnaitre sa voix qui appelait à l'aide.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Harriet qui apparut dans le couloir.

- Le petit a cru entendre quelqu'un crier mais je n'ai..., Jonas n'eut pas le temps de finir sa phrase quand un troisième cri se fit entendre plus nettement.

-  OK, vous me croyez maintenant ? demanda Harry énervé.

Il descendit l'escalier principal et se dirigea vers la porte d'entrée.

- Attend ! C'est peut-être un piège ! dit Harriet qui le précédait de peu.

- Je prends le risque ! Pas question de rester ici à ne rien faire !

Dehors, le silence régnait à nouveau. Les arbres qui étaient disposés tout autour de la maison accentuaient encore plus l'obscurité. Mais à quelques mètres de lui, Harry réussit à distinguer un corps qui était allongé dans l'herbe. Prudemment, il s'avança. Il s'agissait d'une femme d'une trentaine d'années. Il s'agenouilla à côté d'elle. Tous ses vêtements étaient recouverts de sang. Elle était visiblement morte.

Mais au moment où Il retira une mèche de cheveux qui lui couvrait le visage, la femme attrapa son bras. D'un geste brusque, Harry le dégagea et recula de quelques mètres. La femme se releva péniblement et s'approcha de lui.

- Aidez-moi s'il vous plait... Ils ne sont pas loin, ils me suivent... Les... Ils me suivent..., dit-elle avant de tomber sur le sol.

Harry s'approcha d'elle à nouveau pour prendre son poul. Elle était morte. 

- Ne reste pas là ! Rentre dans la maison, dit Lucy.

Harry parcourut rapidement les quelques mètres que le séparaient d'elle. Ils rentrèrent aussitôt se mettre à l'abris dans la maison. 

- Nous devons partir ! dit Harry, encore choqué par ce qu'il venait de vivre.

- Je suis d'accord, répondit Sina. Mais pas tout de suite, pas en pleine nuit. Nous devons attendre que le soleil se lève. C'est pour bientôt. En attendant, ramassez vos affaires. Nous allons nous cacher dans le grenier.

Pour la première fois depuis qu'ils étaient tous sortis de leur Refuge respectif, la peur les assaillit. 







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