Après son bannissement du Refuge numéro 1 quelques semaines plus tôt, Sam avait exploré la surface de la Terre, s'aventurant même jusqu'à Bordeaux, située à une soixantaine de kilomètres du camp où il revenait toujours, dans l'espoir que la porte d'accès au Refuge numéro 1 s'ouvre à nouveau.

Les premiers jours à la surface de la Terre avaient été rudes. L'hiver nucléaire avait fait chuter durablement les températures et la nourriture manquait. Il lui avait fallu cinq jours avant de réussir à accéder à la réserve de nourriture du camp, essentiellement composée de conserves indigestes.

Il avait élu domicile dans un préfabriqué qui lui permettait de dormir confortablement la nuit et de s'abriter quand la pluie tombait. Il avait d'ailleurs mis au point un système ingénieux pour récupérer cette eau directement dans un réservoir fabriqué à partir d'un simple bidon en plastique.

Il n'avait jamais perdu espoir, ni songé à en finir avec la vie. Il avait réussi à se persuader qu'un jour il reverrait sa femme et son fils. Mais quand il avait vu au loin une femme marcher en direction du camp, il avait cru devenir fou. C'était d'ailleurs sa plus grande peur malgré son optimisme à retrouver ses proches : perdre le contact avec la réalité.

Il avait déjà cru le perdre une première fois en pénétrant dans la ville de Bordeaux, dévastée par la guerre nucléaire. il s'était senti observé à plusieurs reprises et l'impression d'être suivi ne l'avait pas quitté alors qu'il découvrait les ruines de la ville. Mais à part quelques chiens errants, il n'y avait pas trouvé âme qui vive.

***

Harry s'approcha de la femme qui avait prit peur en voyant Sam courir vers elle. Il se présenta.

- Bonjour, moi c'est Harry. Je viens du Refuge numéro 1.

- Bonjour, je m'appelle Lucy, répondit-elle. Je suis enchanté de faire ta connaissance.

- Remise de tes émotions ?, demanda Harry, un large sourire aux lèvres.

- Oui ! Je ne m'attendais pas du tout à tomber sur quelqu'un à la sortie du Refuge et surtout pas à ce qu'il me court après.

- Comment ça ?, demanda Harry. Tu savais que tu devais rejoindre notre groupe, non ?

- Oui, mais j'ai tout de suite compris en le voyant qu'il n'en faisait pas partie. J'ai bien cru que ma dernière heure avait sonné !

- J'imagine oui. Avec un peu de chance, nous découvrirons bientôt qu'il n'est pas le seul à vivre à la surface.

- Je suis d'accord avec toi. Je pense aussi qu'il y a d'autres survivants sur cette bonne vieille Terre. J'espère juste qu'ils nous en voudront pas trop de les avoir abandonnés pendant treize ans.

- Moi aussi, dit Harry. Mais nous sommes là pour ça, pour le découvrir, précisa-t-il.

***

Sam invita les cinq volontaires à rejoindre le préfabriqué où il vivait. Il leur expliqua ce qu'il avait vu depuis qu'il avait retrouvé la surface. Malgré les destructions évidentes et la radioactivité dues à la guerre nucléaire, la nature avait fini par recouvrer ses droits. A certains endroits, elle était même devenue luxuriante. Sam sortit d'un sac une carte qu'il avait griffonné.

- Les Refuges sont là, précisa-t-il en les montrant du doigt. Et la ville de Bordeaux est ici. J'y suis allé mais je n'y ai trouvé personne. Même si... Non, oubliez ce que je viens de dire. Il n'y a rien là-bas. S'il y avait quelque chose je l'aurais vu.

- Quoi ? Demanda Harry. Même si quoi ?

- Ce n'est surement qu'une impression mais Il y règne une atmosphère spéciale. J'ai vraiment eu l'impression en la parcourant que la ville m'observait.

- Que la ville t'observait ?, répéta Lola en fronçant les sourcils.

- Oui qu'elle m'observait. Cela peut paraitre idiot mais c'est ce que j'ai ressenti.

Lola se tourna vers Harry. Il y avait de la pitié dans son regard. Il détourna le sien vers Sam.

- Et plus au sud, tu as pu y aller ?

- Oui. Mais c'est mort, il n'y a rien non plus.

- Je ne comprends pas, dit Jonas. Tout à l'heure, tu nous as dit que nous n'avions pas idée de tout ce que la Terre avait à nous offrir.

- Mais ouvrez les yeux ! s'emporta Sam. Regardez autour de vous. Le monde nous appartient désormais. Il ne nous reste plus qu'à le reconstruire. A part nous, il n'y a plus personne à la surface. Il n'y a personne, vous m'entendez ? Cela veut dire que nous n'aurons pas à nous battre pour nous y faire une place.

Harry, qui espérait vraiment retrouver d'autres survivants, sembla surpris par ce qu'il venait d'entendre.

- En es-tu certain au moins ?, demanda Jonas. Cela ne fait que quelques semaines que tu vis ici. Cela me parait un peu court pour être aussi catégorique.

- Peut-être, mais il va falloir commencer à se faire à l'idée que nous sommes les derniers survivants. Personnellement, je préfère ça à revivre de nouveaux conflits. N'oubliez pas que l'homme est un loup pour l'homme. Il marqua une pause. Je sais de quoi je parle.

***

La nuit allait bientôt tomber. Harry observait les premières étoiles qui apparaissaient dans le ciel. Lola s'approcha de lui.

- J'ai bien peur que l'isolement dont a été victime ton ami n'ait altéré son jugement, dit-elle.

- Peut-être, mais je n'arrête pas de me demander : et s'il avait raison ? Et si nous étions vraiment les derniers survivants ?

- Cela serait triste. Mais je n'y crois pas. C'est pourquoi nous devons aller à Bordeaux. Ce que Sam a dit sur cette ville m'intrigue. Je veux en avoir le coeur net.

- Je suis d'accord avec toi, répondit Harry. Bordeaux doit être la première étape de notre périple.

- Je vais le proposer aux autres, mais je sais qu'ils seront d'accord avec nous. Demain, nous partirons à l'aube, précisa-t-elle. Tu crois que Sam viendra avec nous ?

- Non, j'ai contacté le Refuge numéro 1. Il va pouvoir le réintégrer dès demain matin.

- Je suis contente pour lui. Tu ne lui as pas encore annoncé ?

- Non. Mais je vais le faire ce soir. Je voulais juste admirer les étoiles avant.

- Je te comprends, c'est magnifique.

Lola et Harry restèrent un long moment ensemble à les admirer. Quand Sam les rejoignit, Lola s'éclipsa. Elle se retourna quand elle entendit les cris de joie de Sam quand Harry lui apprit qu'il allait enfin pouvoir retrouver sa femme et son fils.