Chapitre 8

- Suspendue !

- Oui Shannon. Suspendue. Estimez vous heureuse qu'il n'ait pas porté plainte.

Le mot "suspendue" résonnait toujours dans son esprit. Elle imaginait déjà de nombreuses journées, enfermée chez elle, à ne rien faire d'autre que pleurer son défunt fiancé. Et cela la frustrait. Il ne fallait pas que ça arrive. Il fallait qu'elle travaille pour oublier. Il fallait qu'elle travaille pour que son esprit soit occupé. Il fallait qu'elle ait des corps sur qui se défouler. Il lui fallait tout, sauf être suspendue.

- Commandant, écoutez, reprit-elle, je ne peux pas être suspendue. Il faut que...

- Il faut que vous fassiez votre deuil.

- Non justement ! Je vais très bien.

- Dit-elle alors qu'elle a tiré sur son beau-frère sous l'effet de la colère.

- Je suis plus calme à présent.

- Je suis désolé Shannon, mais ce que vous avez fait ne peut rester impuni.

- Je ferai des travaux d'intérêt général.

- Shannon...

- Je paierai tout ce que vous voudrez comme amende mais s'il vous plaît, laissez moi continuer à travailler. Je vous en supplie.

C'était une situation que Shannon détestait. Supplier quelqu'un ? Jamais de la vie ! Si elle s'y résignait, c'est parce qu'elle savait qu'elle ne pourrait rien faire depuis chez elle, et qu'effectivement, faire son soi-disant deuil lui ferait plus de mal que de bien.

- Écoute, dit-il en retirant sa paire de lunettes à bords noirs, là je te parle en tant qu'ami. Je verrai bien quoi faire avec ton cas. Mais en attendant un quelconque changement de décision, tu devrais rentrer et essayer de réparer ton mental.

- Très bien.

Deux petites larmes s'échappèrent de ses yeux, mais elle les essuya rapidement. Elle prit ensuite son sac et sortit du bureau de son supérieur.

Daya, de son côté, ne digérait toujours pas le fait que son article n'ait pas été approuvé. Elle digérait encore moins le fait qu'il ait été rejeté par corruption.

«Tout ça pour ça !» Pensa-t-elle tout en massacrant la pipette de son smoothie à la banane.

- Hey ! Dit Mike en lui tenant la main. Calme toi.

Les deux amis se retrouvaient souvent au restaurant du coin pour le déjeuner. Daya en profita pour lui rapporter des "critiques" de son patron.

- Oublie le, c'est sûrement un vendu, poursuivit Mike. Moi, je l'ai adoré ton article.

- Tu adores TOUS mes articles, boudant toujours. Mais bon, changeons de sujet. Du nouveau au poste ?

- Oui. Un nouveau cas.

- Encore ?

- Malheureusement.

- Qui est la victime ?

- Paul Walker.

- Le père de Clarke est mort !? Demande t-elle, manquant de s'étouffer.

- Hélas oui.

- Une idée de qui a pu faire ça ?

- C'était une femme. C'est tout ce que nous avons. Les caméras de surveillance l'ont montrée qui entrait et sortait de la maison.

- Et Clarke, qu'est-ce qu'il en dit ?

- Il ne sait pas non plus.

- D'abord le fiancé de Shannon, ensuite le père de Clarke.

- Tu penses que ces meurtres sont liés ?

- C'est possible. Est-ce que vous avez demandé à Clarke si son père et le fiancé de Shannon se connaissaient ?

- J'avoue que non. Mais nous le ferons. Au fait Daya, ajoute t-il sans transition, tu t'es mise aux lentilles ?

- Un nouveau style. Tu aimes ?

- J'aime bien.

Un léger silence s'installa malgré les murmures des autres clients du restaurant. Daya sirota son smoothie tout en étant pensive. Puis, elle eut une idée.

- Mike, dit-elle à son tour sans transition, je pense à quelque chose. Et si je t'accompagnais dans ton enquête ?

- Tu ne peux pas.

Daya et Mike avaient déjà eu cette conversation un bon millier de fois. Daya savait qu'elle ne pouvait pas prendre des informations censées être confidentielles pour les mettre dans ses articles. Malgré tout, la jeune femme essayait de le convaincre chaque fois qu'elle en avait l'occasion.

- Je t'en priiiiiiiiie.

- Toujours aussi gamine !

- J'accepte et mon cœur reste ouvert. Alors ?

- C'est toujours non.

- Je pourrais t'aider mieux que personne sur cette affaire.

- Ah oui ? Comment ?

- En lisant...

«Eh merde !» se dit Daya. C'était un détail de sa vie qu'elle ne voulait pas lui révéler pour le moment. Elle tenta rapidement de se rattraper :

- En lisant entre leurs dires. Tu sais que je suis quelqu'un qui détecte vite quand on lui ment.

- Je sais. Mais c'est toujours non. Il faut que j'y retourne, Noah m'attend. On se dit à plus, dit-il en posant l'argent de leur déjeuner sur la table.

- À plus.

             *********************

De retour au quartier universitaire, Clarke installa Molly dans son appartement. Il prit les quelques sacs qu'elle portait, puis les déposa dans la cuisine. Il prit une planche à découper, avant de se mettre à couper en cube de la tomate, deux oignons, puis de l'ail. Il sortit ensuite les spaghettis et la viande de bœuf apprêtée pour l'occasion.

Molly le regardait faire avec attention. Elle observait ses faits et gestes, admirative. Elle avait toujours eu un faible pour les hommes qui savaient cuisiner car ils la faisaient sentir spéciale. Et lorsque Clarke, qu'elle ne connaissait que depuis hier, se mit à cuisiner pour elle, enfin pour eux, elle se sentit encore plus spéciale. Elle ne se rendit même pas compte qu'elle souriait tout bêtement en le regardant. D'ailleurs, elle n'observait pas que ses gestes, elle contemplait également sa chevelure marron qui couvrait une partie de son front, son corps dont la poitrine se dessinait même à travers son t-shirt de couleur grise, son petit nez et ses yeux marrons clairs qui...qui croisaient le sien !?

Clarke l'observait déjà depuis un moment. Au départ, il se sentit mal à l'aise, mais après, l'air perdu de Molly lui arracha un sourire à son tour. Lorsque Molly se rendit compte qu'il l'observait aussi, elle se sentit tout de suite embarrassée. Leur contact visuel fut alors coupé par une odeur légèrement familière. Une odeur de...

- Ça brûle ! Hurla Molly.

Clarke se précipita pour éteindre le feu sous la poêle. Les légumes venaient de cramer dans l'huile. Après avoir éteint le feu, les deux se mirent à rire avant que Molly ne se propose de couper à nouveau les légumes. Une trentaine de minutes plus tard, les spaghettis à la bolognaise étaient prêts et servis dans deux assiettes.

Une fois à table, Molly prit rapidement sa première bouchée en ayant à peine soufflé sur sa fourchetée.

- Tu avais faim dis donc ! Dit-il, amusé.

- Énormément.

- Alors ?

- Un pur régal. Merci beaucoup.

Pendant qu'ils mangeaient, Molly ne put s'empêcher d'avoir un flash sur la femme qui cherchait Clarke, sur les policiers, puis à ce que Clarke lui avait appris sur son père. Elle ne voulait pas gâcher le moment, mais elle avait besoin de comprendre.

- Clarke.

- Oui ?

- Excuse moi de poser la question mais...

- Mais ?

- La femme que j'ai vue hier, est-ce que c'est elle qui a tué ton père ?

Il redéposa la fourchetée qu'il voulait prendre dans le plat, prit une profonde inspiration avant de répondre :

- Oui, c'est elle. Tout à l'heure, tu as dit que je devais avoir ma pierre depuis longtemps. C'est faux. Je ne l'ai que depuis hier seulement. Elle appartenait à mon père.

- Alors tout ce que tu sais vient de lui ?

- Oui. Il a écrit un...

À ce moment, sa tête tiqua. Il venait de se rendre compte de ce détail très important qu'il avait oublié. Le livre de son père, où était-il ? Il avait pourtant rangé toute la maison, sans le voir. Ou alors l'assassin de son père l'avait-il trouvé ?

- Clarke, est-ce que ça va ?

- Le livre. Le livre de mon père. Il faut que je le retrouve.

Il se leva brusquement et alla chercher la clé de sa moto. D'un pas rapide, il se dirigea vers la porte mais Molly lui bloqua le passage.

- Pousse toi, je dois y retourner. Je dois fouiller la maison. Il doit forcément être quelque part. Elle ne peut pas l'avoir pris. Je suis sûr que...

- HEY ! Dit-elle d'un ton ferme. Calme toi. Tu es stressé, tu es triste et tu es fatigué. Tu veux vraiment conduire comme ça ? Tu veux le rejoindre peut-être ?

- Non. Dit-il en se calmant. Non, tu as raison.

Ce n'était pas dans ses habitudes d'être pris de panique mais ce livre, personne ne devait le lire. Personne ne devait découvrir tout ce qu'il contenait comme information. Personne, encore moins l'assassin de son père, parce qu'il lui serait très facile de retrouver tous les porteurs avec.

- Va dormir Clarke, ajoute Molly en reprenant sa douce voix. Nous le chercherons plus tard à tête reposée.

Après un moment d'hésitation, il finit par lâcher l'affaire. Il remit la clé de son engin à Molly puis alla dans sa chambre afin de s'y reposer.

           ***************************

Dix-sept heures. Rien. Dix-huit heures, rien. Dix-neuf heures, toujours rien. Molly attendait patiemment le réveil de Clarke. Le silence qui régnait dans la maison et dans les alentours, la replongea au moment où elle attendait le retour de Viviane. Sa mémoire s'activa, déroulant ainsi les évènements de la veille tel un film muet : l'angoisse qu'elle ressentit lors de l'attente, le moment où quelqu'un toqua la porte, le moment où elle l'ouvrit, la peur et le cri strident qu'elle poussa à la vue de ce qu'il restait de Viviane...

Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas que Clarke s'était déjà réveillé, et qu'il venait vers elle. Lorsqu'il mit sa main sur son épaule, elle sursauta, activant ainsi instantanément son pouvoir.

- Molly !

Sentant son angoisse, Clarke s'approcha tout doucement. Il ne la voyait pas mais sentait quand même sa présence. Une fois tout près d'elle, ce fut elle qui posa sa tête sur sa poitrine.

- Je suis désolée, dit-elle tout en mouillant le t-shirt de Clarke de ses larmes. Je suis désolée, je suis désolée.

Clarke mit la main autour de sa taille, puis resserra l'étreinte.

- Je ne voulais pas te faire peur. C'est moi qui suis désolé.

Après un instant dans les bras de Clarke, elle se sépara de lui tout en essuyant ses larmes. Elle se calma ensuite, redevenant visible.

- Je... C'est difficile de...

- Tu n'es pas obligée d'en parler si tu ne veux pas.

- Non... Enfin si. Si, il faut que j'en parle. Il faut surtout que tu m'aides.

- Je t'écoute.

- Pendant que tu dormais, j'ai pensé à quelque chose. Je me suis dit que je ne pouvais pas revenir en arrière pour éviter ce qui est arrivé. Et puis j'ai repensé à la couleur de ta pierre. Clarke, moi je ne peux pas revenir en arrière, mais toi, si.

- Tu es sérieuse ?

- Ça pourrait t'aider toi aussi. Tu pourrais empêcher la mort de ton père.

- Molly...

- Non, laisse moi finir. Je ne veux plus vivre dans la peur. Je veux vivre une vie tranquille, si possible avec Viviane. C'est elle qui m'a donnée ma pierre. C'est grâce à elle si je suis encore là aujourd'hui.

- Et où est-elle ?

- Elle est...

L'image de la tête de son amie lui réapparut en un flash. Mais au lieu de se mettre à pleurer cette fois, elle se ressaisit :

- Disons qu'elle ne rentrera plus jamais. Et remonter le temps permettrait de la sauver elle aussi.

- Je suis désolé pour ton amie. Mais je ne peux pas le faire, du moins pas pour le moment.

- Pourquoi ?

- Parce que je n'ai pas suffisamment de pierres pour le faire.

- Comment est-ce qu'on en trouve ?

- Il est là le problème. Soit tu en trouves par hasard, soit tu la voles à un autre porteur et...

Molly était une nouvelle porteuse. Elle ne connaissait donc pas cette règle, règle que le vieux n'avait pas mentionnée lors du dernier rassemblement. Fallait-il lui avouer qu'il ne fallait pas seulement la dérober à un autre porteur, mais qu'il fallait aussi éliminer le porteur pour que les pouvoirs de la pierre soient transférés ? Après une seconde de réflexion, il prit sa décision :

- Et c'est assez difficile d'en repérer.

- Il doit bien y avoir un moyen.

- Tu veux vraiment qu'on se lance dans le vol de pierres précieuses ? C'est risqué Molly.

- Je suis une habituée.

Oops ! C'était sorti tout seul. Molly n'avait aucunement l'intention de lui révéler ce qu'elle faisait dans la vie par peur qu'il ne la chasse. Mais la chose étant déjà sortie, elle décida de lui raconter toute son histoire.

- Viens, viens t'asseoir. Dit elle en les dirigeant vers les chaises de la salle à manger.

Une fois confortablement assis, Molly lui raconta tout, depuis l'arrestation de ses parents, jusqu'au meurtre de Viviane.

- Décapitée !

Elle acquiesça de la tête avant de poursuivre son histoire. Elle s'arrêta au moment où elle le trouva évanoui. Clarke n'en revenait pas qu'elle ait pu vivre une histoire aussi rocambolesque. Mais ce qui l'étonnait encore plus, c'était que son patron ne s'intéressait qu'aux bijoux. C'était une piste à creuser.

- Vous ne voliez que des bijoux pour lui ?

- Oui. Des bijoux faits à base de pierres précieuses. L'or et l'argent ne l'intéressaient pas.

- C'est possible qu'il connaisse l'existence de nos pierres alors.

- Non, il ne sait pas. C'est sûrement une coïncidence.

- Comment peux-tu en être aussi sûre ?

- J'étais invisible et juste devant lui. S'il savait, il m'aurait déjà attrapée.

- Il faut que nous allions vérifier.

- Hors de question que j'y retourne. Dit-elle à nouveau angoissée. Je viens de te dire que Viviane s'est faite décapitée et toi, tu veux me renvoyer là-bas ?

- Tu veux sauver ton amie, oui ou non ?

- Oui mais peut-être qu'il y a d'autres pistes à explorer. Le livre de ton père par exemple.

- Écoute Molly, toi et moi n'avons qu'une seule pierre. Nous ne pourrons pas faire grand chose, même avec ce livre. Nous irons cambrioler la réserve de bijoux de ton patron. Et je trouverai un moyen de te protéger de lui, je te le promets.

...



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