Chapitre 23

Depuis une cabine téléphonique située à plusieurs kilomètres de l'auberge où elle logeait, Shannon décida de passer un coup de fil.

- Allô !

Elle ne dit rien au départ. Elle hésita un moment, puis finit par se décider.

- Allô, Noah ?

- Shannon !?

- Oui, c'est moi.

Aucune excitation, aucun enthousiasme, rien. Sa voix était neutre. Il ne feignait même pas être heureux de l'entendre à nouveau après deux semaines d'absence.

- Tu es recherchée partout. Poursuivit-il. Ce n'est pas dans ton avantage de...

- Je n'appelle pas pour parler au capitaine. Le coupa t-elle. Je m'adresse au père.

À ce moment-là, Noah calma ses ardeurs, l'entente du mot père le rendant plus curieux.

- X m'a contactée. Il veut un rendez-vous.

- Tu comptes y aller seule je suppose.

- C'est exact. Je te promets que...

- Hors de question ! Deux semaines que nous cherchons toujours à comprendre comment est-ce que ces meurtres ont pu être commis au sein du commissariat sans que les caméras ne filment rien. Nous ne connaissons pas ses méthodes, c'est trop dangereux.

- Ses méthodes comme tu dis, moi je les connais.

- Alors parle. Si tu nous aides, nous...

- Non Noah. Non. Comme je le disais, je m'adresse au père.

Elle prit un ton plus doux avant de poursuivre :

- Et je promets au père que je lui ramènerai son fils, même si c'est la dernière chose que je fais sur cette terre.

- Shannon, je t'interdis de... Shannon ! SHANNON !

Elle avait déjà coupé l'appel.

- GUY, ÇA VIENT ? Hurla Noah après l'appel.

Guy, leur as de la technologie, avait pour mission de localiser n'importe quel coup de fil qui pourrait être passé par Shannon.

- Elle a coupé trop tôt. Mais bon, j'ai réussi à localiser la zone.

- Mike, envoie tout de suite une équipe.

- Très bien, j'y vais.

- Non, toi tu restes. Il faut qu'on parle.

- Très bien.

Plus tard.

- Tu te souviens de l'hypothèse que j'avais faite à propos de quelque chose que Paul Walker aurait découvert sur les pierres de la mine de Trey ?

- Oui. Oui, bien sûr.

- Maintenant j'en suis sûr.

- Comment ?

- Déjà, X a envoyé quelqu'un éliminer ceux qui étaient en prison, dont Freud qui lui, n'était inculpé que pour avoir assassiné des bijoutiers. Pourquoi l'éliminer lui aussi si ce supposé trafic de pierres n'était pas lié à l'affaire du détournement ?

- Effectivement.

- Secundo, des phénomènes étranges se sont déroulés au sein même du commissariat. Sinon comment se fait-il que des caméras ne filment rien alors qu'elles sont fonctionnelles et que personne n'a touché au tableau de commande ? Je pense que nous avons dépassé le seuil de normalité.

- Mais comment avoir des preuves de tout ça ? Shannon ne nous dira rien. Et Clarke Walker nous a déjà menti à ce sujet.

- Mais Daya, non.

- Daya !?

- Dis moi Mike, comment est-ce qu'elle a réagi lorsqu'elle a su que les caméras n'avaient rien pu enregistrer le soir de la mort de Mcpoly ?

- Ça fait un moment déjà, dit-il pensif, mais je pense qu'elle a eu une réaction assez banale. Elle n'avait pas l'air étonnée.

- Ni étonnée, ni curieuse. La Daya que nous connaissons tous les deux aurait poussé sa curiosité plus loin, quitte à nous coller vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

- Tu penses qu'elle sait quelque chose ?

- Je ne pense pas. J'en suis sûr. Convoque là.

- Mais Noah...

- Convoque. Là. Tout de suite.

Noah n'était pas quelqu'un qu'il fallait contrarier dans son état actuel. Alors sans attendre une seconde, il contacta Daya qui arriva sur les lieux, une vingtaine de minutes plus tard. Aussitôt arrivée, Mike la conduit jusque dans le bureau de Noah et les laissa seuls.

- Bonjour Daya.

- Bonjour.

- Assieds-toi, je t'en prie.

Daya était perplexe. L'expression faciale de Noah n'était pas du tout comme d'habitude. Peut-être s'était-il passé quelque chose de grave.

- Daya, je vais aller droit au but. Est-ce que tu sais quelque chose sur les recherches qu'effectuaient Paul Walker sur les pierres de la mine de Trey ?

- Quoi !?

- Réponds à la question.

- Noah, je suis la moins placée pour te répondre par rapport aux recherches de Paul Walker, lança t-elle contrariée. Il me semble qu'il a un fils que tu pourrais tout aussi bien interroger. Alors pourquoi moi ?

- Parce que ce serait peine perdue de l'interroger.

- Alors on fait venir celle à qui on peut facilement extorquer des informations, n'est-ce pas ?

- Daya, qu'est-ce qui t'arrive ? Demanda-t-il en ayant remarqué son changement d'attitude.

- Toi qu'est-ce qui t'arrive ? Je n'ai même pas fini de digérer la mort injuste de Georges que tu viens me demander d'une manière sordide, ce que je pourrais savoir sur Paul Walker ?

- D'une manière sordide ? Moi !?

- Oui, toi.

Elle se tut un moment. Puis, ayant finalement compris la cause de son comportement, elle poursuivit :

- Ah je vois. C'est Shannon.

- Pardon ?

- C'est Shannon qui te met dans cet état. Mais laisse moi te dire que...

- Elle va rencontrer X tout à l'heure.

- Quoi !? Dit-elle en prenant son calme.

- Elle m'a contacté et a promis de me ramener mon fils.

- Noël a été enlevé ? Je n'étais pas au courant.

- Tu comprends maintenant pourquoi est-ce que j'essaye à tout prix de percer ce mystère ?

- Je vois. Mais comme je le disais, il faudra demander à Clarke. Ou alors, tu attends patiemment que Shannon te ramène X.

- Sans protection policière ?

- C'est une protection policière à elle toute seule Noah. Ne t'en fais pas.

Pendant ce temps, Shannon se préparait à rencontrer X avec comme seules armes, son pouvoir et ses sens. Comme le disait souvent sa mère :

"Quand on n'est pas intelligent, on est malin. Tu as des sens très aiguisés. Sers t'en."

C'était la deuxième fois que Shannon utiliserait cette méthode qui nécessitait aussi bien son aptitude à utiliser ses sens que sa mémoire. La première fois, c'était lorsqu'un terroriste l'avait enlevée. Elle avait suivi le mouvement de la voiture qui la transportait ce jour-là et en avait déduit l'itinéraire du lieu de son enlèvement au lieu où il l'avait gardée. Aujourd'hui encore, elle comptait sur cette fameuse aptitude qui avait déjà fait ses preuves, espérant ne pas avoir perdu la main.

L'heure du rendez-vous enfin arrivé, une grosse voiture noire débarqua devant l'auberge où elle logeait. Elle sortit de sa chambre et alla rejoindre ses "accompagnateurs" qui lui bandèrent les yeux avant de la faire embarquer. Comme prévu, elle se concentra sur les mouvements de la voiture, les sens dans lesquels elle tournait, le bruit des roues au contact de la terre, puis du goudron. Elle fut attentive à tout. Elle compta également le nombre de secondes qu'ils passèrent sur une route avant d'en emprunter une autre.

Une heure plus tard, ils arrivèrent à l'endroit. Ils descendirent tous de la voiture, puis l'un des hommes retira le bandeau des yeux de Shannon. Elle se trouvait devant une grande demeure, semblable au bâtiment où travaillait Marc. En fait, c'était le même immeuble avec exactement le même nombre d'étages et les fenêtres en vitres, sauf que c'était au beau milieu de nulle part et juste à côté d'une usine de production de conserves. Les yeux toujours bandés, les hommes de X l'emmenèrent jusque dans une cour. Ils la laissèrent ensuite plantée là.

Après plusieurs minutes à poireauter entre les buissons bien taillés et les chemins de fleurs qui se croisaient en formant un X, une silhouette apparut devant elle. Au départ sombre, le schéma de l'homme se dessinait au fur et à mesure qu'il avançait. Chaussures bien cirées, costume bien soigné, masque de bal noir, homme bien taillé, légèrement barbu, cheveux bruns, typique du riche mafieux.

- Je vous rencontre enfin miss Taylor. Comment allez-vous ?

Son cœur devait battre à mille à l'heure tellement elle avait peur. Mais il ne fallait pas qu'elle le montre. Il fallait qu'elle soit sûre d'elle, qu'elle soit ferme, qu'elle soit la Shannon confiante dont les hypothèses sont presque toujours justes.

- Est-ce comme cela que vous traitez vos invités ? Même pas un verre d'eau ? Ou tout au moins un siège pour m'asseoir ? Dit-elle finalement.

- Non. Vous ne méritez rien de tout ça.

- Mais quel gentleman !

- Je vois que vous êtes venue sans arme pour vous défendre. C'est très bien.

- Vous êtes plus nombreux que moi. Et je n'engage généralement pas un combat perdu d'avance.

- Vous êtes intelligente. Ça me plaît.

- Pourquoi vouliez-vous me voir ?

- Parce que vous m'intéressez. Vous avez à vous seule réussi à me donner des frissons, ce qui n'arrive pas souvent.

- Et donc ? Vous voulez m'inviter à vous rejoindre ?

- Ce serait très tentant. Mais vous refuserez.

- Alors pourquoi cet intérêt ?

- Je veux voir le désespoir sur votre visage en face à face. Vous ne gagnerez pas contre ce réseau miss Taylor.

- Pourquoi ne pas m'avoir enlevée comme le font souvent les individus dans votre genre ? Demanda-t-elle en ignorant ce qu'il venait de dire.

- J'aurais bien aimé mais vous passez votre temps à éliminer mes hommes. Vous n'avez pas pitié ?

- Vous me parlez de pitié alors qu'un comptable a été retrouvé décapité et démembré !?

- Qui ? Ah d'accord. Vous savez, j'ai tellement fait de victimes qu'il me serait impossible de tous me les rappeler.

- Je veux bien le croire.

Il avança vers elle et se mit à la renifler. Elle, ne bougea pas d'un poil. Les bras croisés, elle scruta les lieux du regard, histoire de voir par où elle passerait si elle avait à revenir. Non, en fait, elle savait qu'elle allait revenir.

- Vous avez une odeur qui m'est assez familière.

Ramenée à la réalité par ses mots, elle recula d'un pas.

- J'ai des hommes postés un peu partout autour de nous. Si je le voulais, je pourrais ordonner qu'ils tirent. Je me serais débarrassée de vous.

Shannon continua à scruter les lieux du regard tout en ignorant X.

- Bien, dit-elle en souriant.

Sans attendre et avant même que X n'ait le temps de piper mot, elle activa son pouvoir et le posséda avec l'âme de l'ex maire. Sous l'effet de la possession, X ordonna à ses hommes de la ramener où elle l'avait prise.

...

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