Chapitre 16
Une fois sortis de la salle d'interrogatoire, ils croisèrent Shannon qui venait d'arriver.
- Tiens ! Mike a mis ses gants de la torture ? Dit-elle, surprise. Qui est-ce qui est passé à la casserole ? Demanda-t-elle, faisant mine de ne rien savoir.
- Freud Hirson. Répondit Mike. Il faut d'ailleurs que j'aille me nettoyer un peu.
Une fois parti :
- Et toi, d'où viens-tu ? Ce n'est pas dans tes habitudes d'être en retard.
- Il fallait que je règle quelque chose qui a pris plus de temps que prévu.
- Shannon, est-ce que ça va ?
- Oui bien sûr ! Pourquoi ?
- Parce que depuis le meurtre de Roy, tu as changé. Tu t'absentes sans prévenir, tu ne discutes avec personne, tu viens juste et tu repars. Et en parlant de Roy, son corps est toujours à la morgue. Tu ne voudrais pas le récupérer et faire son enterrement comme il se doit ? Tu ne voudrais pas faire ton deuil une bonne fois pour toute ?
- Non. Pas maintenant.
- Mais pour...
- On peut arrêter d'en parler ? Merci.
La réaction de sa collègue confirmait ce qu'il pensait intérieurement. Elle n'allait pas bien. Au fond, il cherchait un moyen de l'aider mais tant qu'elle restait réticente, c'était peine perdue. Habituellement, Shannon était quelqu'un d'assez joviale. Elle discutait avec tout le monde et tout le monde la connaissait pour son humour noir. Après une bonne journée de travail, son ex fiancé venait la chercher les soirs et c'est avec le sourire aux lèvres qu'elle disparaissait avec lui.
Mais quand elle était en deuil, ou même quand il lui arrivait de se disputer avec Roy, elle se refermait. Elle ne se concentrait sur son travail que pour oublier. Elle s'éloignait et rejetait toute aide. C'est ce qu'elle fit les premiers mois après avoir perdu ses parents. C'est ce qu'elle faisait encore aujourd'hui après avoir perdu Roy. Mais Noah restait persuadé qu'il fallait qu'elle évacue. Ayant remarqué sa gêne, il n'insista pas plus.
- D'accord. Dit-il, déçu. Comme tu voudras. Mais sache que nous serons toujours là pour toi.
- Merci.
- Bonjour.
Les deux se retournèrent vers la personne qui venait de les saluer. Ce visage. Cette jeune femme qui venait souvent rendre visite à Mike et qui d'ailleurs, était sa petite protégée.
- Bonjour Daya, dit Noah.
- J'espère que je ne dérange pas. Je voudrais...
- Daya !
- Salut Mike.
- Ça tombe bien que tu sois là, poursuivit Mike. Il faut qu'on parle.
- D'accord mais d'abord, je voudrais m'entretenir avec Shannon.
- Avec elle !
- Oui. Dès que je...enfin que nous aurons fini avec elle, je viendrai te voir.
- D'accord. Et pourquoi il est là lui ? En désignant Georges des yeux.
- Je suis avec elle.
- Avec elle ?
- Il a voulu m'accompagner.
- Pourquoi ?
- Parce que ça concerne monsieur Mcpoly qui je te rappelle, était son patron.
- Pourquoi ne pas avoir embarqué tous les employés de Journal Histoire tant que tu y es ?
- Mike !
Shannon et Noah observaient la scène sans rien dire. À vrai dire, le spectacle était assez drôle. S'ils avaient d'ailleurs l'occasion de prendre du popcorn en ce moment, ils l'auraient fait sans hésiter. Mike s'était déjà plaint et à maintes reprises de la manière dont Georges regardait Daya. Il l'avait même fait suivre avec la complicité de Shannon et de Noah, mais n'avait rien trouvé de suspect. Il était juste l'assistant de Mcpoly à temps plein et aimait beaucoup se documenter à la bibliothèque ou encore sortir faire les cent pas. Il allait également à la salle de sport ce qui incitait Mike à prier pour que Daya ne le voit jamais torse nu. Aujourd'hui encore, la jalousie de Mike l'emportait sur sa raison.
Fatiguée de le voir se ridiculiser, Shannon décida enfin d'interrompre la discussion.
- Je m'en veux de couper cette discussion si passionnante mais on a du boulot alors Mike, tu dégages et tu nous laisses discuter.
- Très bien. On se voit plus tard, lança Mike avant de s'en aller avec Noah.
- Bon, que puis-je pour vous ?
- Cette nuit-là à l'hôtel, entama Daya. Mike m'a dit que vous aviez appréhendé le tueur de monsieur Mcpoly et que malheureusement, il est mort.
- Oui ?
- Est-ce qu'il a dit quelque chose avant de mourir ? Ou est-ce que vous avez des informations qui pourraient orienter vers qui a commandité le meurtre ?
- Rassure moi, tu sais que les informations concernant les enquêtes de police sont censées être confidentielles, n'est-ce pas ?
- Oui mais ce n'est pas pour écrire un article à publier cette fois. J'ai juste besoin de réponses et je ne le dirai à personne.
- Il est pourtant là lui.
- Ne vous en faîtes pas, vous pouvez me faire confiance. Répliqua Georges.
- Pour tout vous expliquer, reprit Daya, j'ai écrit un article sur le détournement de fonds qui a eu lieu la mairie. Et Mcpoly l'avait rejeté parce qu'il ne voulait pas avoir de problème. J'aimerais bien savoir si son meurtre est lié à cette affaire. C'est tout.
- Écoute, je suis la moins placée pour te donner ce genre d'informations. Tout ce que je peux te dire, c'est que non, le tueur n'avait rien dit avant de mourir. Pour le reste, va voir Mike ou Noah.
Quand on parlait du loup, on en voyait toujours la queue. Mike et Noah se précipitèrent vers la sortie avec d'autres agents de police.
- Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Shannon.
- On a un corps. Répondit Noah.
- Enfin, un reste de corps. Compléta Mike. Tu viens ?
- Oui.
- Nous aussi.
Plus tard.
Vision d'horreur. Aucune autre expression ne pouvait décrire ce qui se trouvait sous leurs yeux. Déjà, l'endroit était éloigné. L'équipe qui était là, en plus de Daya et Georges, se trouvait dans une zone reculée constituée par de la végétation de part et d'autre de la petite voie principale goudronnée. Une équipe partait installer un camp de campement lorsqu'elle tomba sur un sac poubelle posée sur un arbre. Curieux de savoir ce qui se trouvait à l'intérieur, ils ouvrirent le sac et appelèrent automatiquement la police.
Une fois sur les lieux, Shannon mit ses gants puis vida le contenu du sac poubelle. Elle sortit un à un, une paire de bras attachée par une moitié d'intestins, une paire de jambes attachée par la seconde moitié, la tête de la victime, puis le reste du corps incisé à l'abdomen. Daya, écœurée par l'état du corps, se blottit contre Georges qui lui, s'empêchait de vomir. Mais il fallait qu'elle se ressaisisse, puisqu'elle crut apercevoir un détail important sur la tête de la victime.
Après avoir pris une profonde inspiration, elle se sépara de Georges puis observa avec attention ledit détail. Sur la tête de la victime, il y avait deux grains de beauté, un sous l'œil gauche, un au niveau du menton. C'était les mêmes. Elle en était sûre. Elle connaissait la victime.
- Mike.
- Oui, je sais.
Ce jour-là, elle appela Mike pour l'accompagner. C'était la victime qui le lui avait demandé car il exigeait une protection policière en échange de son témoignage. Mike le lui avait accordé. Alors comment ? Comment est-ce que le comptable du maire avait pu se retrouver dans cet état ? Si elle avait encore des doutes, Daya en était sûre cette fois. Ces meurtres étaient en rapport avec l'affaire du détournement. Dans la tête de Shannon, de Mike et de Noah, c'était clair également. Ils devront confronter le maire de la ville, qui était déjà en détention provisoire.
Un autre détail attira leur attention. Un détail que seuls Daya, Shannon et Georges remarquèrent : l'incision à l'abdomen était en forme de X. Était-ce une coïncidence ? Dans le cœur de Shannon, le désir de mettre fin à cette mascarade s'amplifiait plus que jamais. Et si le maire de la ville y était réellement mêlé, elle n'aurait pas d'autres choix que d'en finir avec lui également. Le réseau faisait déjà trop de victimes.
Dans la tête de Daya, les éléments suivaient à présent une logique. Elle se rappela de cette question que Clarke lui avait posée : pour quelle raison un porteur aurait éliminé ton patron s'il n'y avait rien derrière ? Tout simplement parce que le maire et ce fameux X étaient de mèche. Elle se rappela ensuite de cette partie de sa lettre : "nous sommes une communauté de porteurs qui prennent soin les uns des autres et ce, même dans des conflits n'ayant pas rapport avec les pierres."
Ce n'était pas une communauté de personnes qui prenaient soin les uns des autres, c'était une association de malfaiteurs. Et si Clarke ne l'en avait pas empêchée, elle aurait pu accepter que ces criminels l'éliminent elle aussi. Elle aurait pu accepter de finir dans le même état que le comptable. Et penser à tout ça la fit fondre en larmes, toujours dans les bras de Georges qui avait l'esprit troublé après avoir entendu discrètement les pensées de Daya.
Cela devait être la seconde fois qu'elle faisait allusion à cette lettre. Pourquoi ne l'avait-il jamais reçue lui ? Pourquoi personne ne lui avait jamais demandé de rejoindre une soi-disant communauté ? Ou alors était-ce sous sélection ? Dans tous les cas, c'était eux les responsables de la mort de son chef.
Du côté des trois agents de police qui s'étaient un peu éloignés :
- J'admire ton sang-froid Mike, entama Shannon qui analysait le corps de beaucoup plus près. Elle est carrément dans ses bras cette fois. Ajouta-t-elle avec un sourire malicieux.
- Je sais juste dissocier travail et relation personnelle. Répondit l'intéressé.
- Quelle relation ? Répliqua-t-elle en riant.
- Tu devrais plutôt te concentrer sur tes échantillons Shannon. Dit-il, agacé.
- Comme si j'avais tort. Depuis des années que tu cours derrière elle, est-ce que tu as réussi à l'avoir ?
- Ce n'est pas une raison pour me le rappeler. Surtout au beau milieu d'une scène de crime. D'ailleurs comment est-ce qu'il est mort lui ?
- Parce que ça ne se voit pas ? J'adore quand tu essayes de changer un sujet embarrassant. En riant toujours.
- Ça suffit Shannon ! Arrête de charrier mon petit protégé. Intervint enfin Noah.
- D'accord d'accord j'arrête.
Elle sourit à Mike qui répondit finalement à son sourire. Lui aussi, avait remarqué qu'elle avait changé ces derniers jours. Alors le fait qu'elle le charrie un peu lui faisait plaisir. Inutile de préciser que son sourire donnait du baume au cœur de Noah, lui qui avait depuis longtemps, un faible pour Shannon.
- Puisque monsieur le petit protégé veut savoir, poursuivit-elle, il a été découpé à la scie. Ça se voit aux extrémités des moignons. S'il a été anesthésié avant, je ne saurais le dire. Je ferai plus de tests une fois au labo. Ils ont aussi retrouvé une scie calcinée au loin. Le X par contre a été fait avec un poignard, après les découpes.
- Un peu comme une signature.
- C'est cruel.
- J'ai terminé. On y va ?
***************************
La moto garée devant chez lui, il hésita à descendre. Il aurait bien voulu rentrer avec Molly. Il venait de passer plus d'une heure à fouiller le laboratoire secret de son père. Il alla jusqu'à appeler la banque où son père tenait un coffre. Il n'y était pas retourné depuis un mois. Le livre ne pouvait donc pas être là-bas.
- Où est-ce que tu as bien pu le mettre ?
Désespéré, ses yeux tombèrent sur sa boîte aux lettres qui était pleine. Il descendit finalement de sa moto pour voir ce que les gens pouvaient bien lui vouloir. Après l'avoir ouverte, il y sortit les nombreuses enveloppes qui étaient à l'entrée. Ses yeux tombèrent ensuite sur un objet. Les enveloppes qui étaient dans ses mains tombèrent au sol, tellement il était stupéfait.
- Dans ma boîte aux lettres ? Sérieusement ?
Le livre qu'il cherchait était là, sous ses yeux. Il était à proximité depuis le début. Content de l'avoir enfin retrouvé, il prit les enveloppes éparpillées au sol et se dirigea rapidement vers chez lui. Il saisit automatiquement son téléphone avant de recomposer le numéro inconnu de tout à l'heure.
- J'écoute.
- J'ai le livre.
- La preuve.
- Je vous envoie une photo.
Dès qu'il envoya la photo :
- Bien, très bien. Tu vois quand tu veux.
- Où est Molly ?
- Je t'enverrai l'adresse.
Et elle raccrocha.
...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top