Le ruban jaune de la police claquait au vent, délimitant le périmètre. L'équipe de Mike était déjà sur place, une fourmilière d'activité. Tandis que certains immortalisaient les vestiges macabres, d'autres fouillaient méthodiquement la chambre 305. Noah et Mike, les yeux rivés sur les écrans de surveillance, scrutaient chaque image, espérant y déceler le moindre indice, la moindre anomalie. Mais rien n'y fit.

Daya, quant à elle, se trouvait dehors, à proximité du corps déjà emballé. Absorbée par la douleur qu'elle ressentait, elle fut ramenée à la réalité par la présence de quelque chose de tranchant au niveau de son cou. Elle sentit également l'emprise de quelqu'un sans pour autant le voir. Puis, elle entendit la voix rauque d'un homme lui soufflant :

- Mcpoly parlait d'une stagiaire. Je suppose que c'est toi. Tu veux être journaliste ? Alors raconte les potins sans intérêt et laisse les gros poissons tranquilles ou tu finiras comme ton chef. C'est clair ?

Il la lâcha puis s'en alla. Daya ne pouvait contenir sa respiration tellement elle était rapide. C'est à ce moment qu'elle vit Mike sortir de l'hôtel, accompagné de Noah et des autres agents qui étaient à l'intérieur. Elle courut tout de suite se jeter dans ses bras.

Pendant ce temps, Shannon ressentit la présence de quelqu'un à côté d'elle. Ayant des sens assez aiguisés, elle se concentra sur son ouïe. Elle entendit alors de légers pas sur le sol goudronné de la devanture de l'hôtel. Sachant très bien ce que cela pouvait signifier, elle décida de le suivre. Elle marcha lentement, tout en continuant à repérer les signes du passage du mystérieux invisible. Après de nombreux pas, elle se retrouva dans la ruelle juste à côté de l'hôtel. Là, elle n'entendit plus rien. Elle ne perçut plus aucun signe.

En un laps de temps, elle sentit l'emprise très forte de l'invisible sur elle. Il la tenait par derrière. Elle sentit également la présence d'un objet tranchant au niveau de son cou. L'invisible s'apprêta à lui trancher la gorge lorsqu'elle le piétina instinctivement et de toutes ses forces avec sa bottine. L'impact fut tellement grand que le bout de talons transperça le pied de son agresseur.

Elle se retourna ensuite et lui donna un coup de coude au visage avant de retourner, puis de le pousser d'un coup de pied contre la poubelle de la ruelle. Avant même qu'il n'eût le temps de faire quoi que ce soit, elle prit son arme et tira plusieurs fois en direction de la poubelle. Elle ne le voyait peut-être pas, mais le bruit de l'impact des balles sur la chair humaine lui prouvait qu'elle le touchait réellement.

Une fois mis hors d'état de nuire, l'homme devint enfin visible. Sachant que les coups de feu allaient rapidement attirer ses collègues, elle se dépêcha de fouiller l'homme et trouva dans la poche de son pantalon, deux pierres blanches. Lorsqu'elle les toucha, elles devinrent de la même couleur que la pierre de sa bague de fiançailles.

Pile à ce moment, Noah et Mike apparurent devant la ruelle, la surprenant. D'un geste rapide, elle cacha les pierres dans les poches arrière de son jean. Mike et les autres furent bouche bée devant l'homme baignant dans une mare de sang. Cette fois-ci, Shannon ne s'en tirerait pas si elle n'avait pas une bonne explication à leur fournir.

- Que s'est-il passé ? Demanda Mike.

- C'est lui le coupable. Il a voulu s'en prendre à moi.

- Comment l'as-tu su ? Demanda Noah, curieux.

- Vous oubliez mon boulot ou quoi ? Mcpoly a été poignardé avant d'être jeté par la fenêtre. Et regardez, dit elle en indiquant du doigt le poignard. Il y a également du sang sur son t-shirt, probablement celui de la victime.

- Mais comment...

- Je l'ai vu qui filait en douce et j'ai décidé de le suivre. Dit elle d'un ton agacé. Il a essayé de me tuer et voilà. Vous avez bientôt fini avec vos questions ?

- Oui, désolé. Dit Noah.

- Je vais appeler l'équipe pour qu'ils viennent enlever le corps et analyser le sang. Finit elle par ajouter avant de s'en aller.

Shannon se retenait de rire. Elle venait d'éliminer un homme invisible. Bien que ce soit l'une des rares fois où elle doutait de son succès, elle réussit quand même à enlever un homme au réseau. Mais au fond, était-ce le fait de l'avoir éliminé ou le fait de se sentir plus puissante grâce aux pierres récupérées qui lui faisait plaisir ?

Plus tard, Mike conduit Daya jusque chez elle. Le trajet fut assez silencieux. Daya se remémorait le tableau horrible du corps de Mcpoly écrasé. Puis, la menace contre elle lui revint à l'esprit. Devrait-elle enquêter sur la mort de son défunt supérieur ? Devrait-elle abandonner l'idée d'être journaliste d'investigation ? Toutes ses préoccupations s'envolèrent lorsque ses yeux se mirent à s'humidifier. Accoudée contre la portière, elle mit sa main sur son visage. Elle ne voulait pas que Mike la voie pleurer.

Mike quant à lui, était concentré sur le goudron sur lequel il roulait. Ses yeux étaient tantôt sur la route, tantôt sur Daya. Il voulait la consoler, mais ne savait pas quoi lui dire. Il se contenta alors de rester silencieux, lui aussi, jusqu'à destination.

Une fois à destination, les deux descendirent de la voiture de Mike.

- Ça va aller ? Demanda t-il, inquiet.

- Ne t'inquiètes pas pour moi. Je vais bien.

- Tu veux que je reste ?

- Non, ce n'est pas la peine.

- D'accord. Ce ne sera pas facile mais essaye quand même de te reposer. Je passerai te remettre le costume demain matin.

- D'accord.

- Bonne nuit.

- Bonne nuit.

Il monta dans sa voiture, lui jeta un dernier regard par la vitre avant de s'en aller. Une fois la voiture loin, une voix la fit sursauter :

- Tu as l'air plutôt abattue pour une mariée.

C'était Clarke qui venait d'apparaître. Il allait dans le sens retour cette fois.

- Tu m'as fait peur. Qu'est-ce que tu fais ici ?

- J'habite ici.

- Non. Je veux dire dehors à cette heure.

- Je me baladais.

- Depuis ce matin ?

- Chacun sa manière d'évacuer. Et puis je déteste que quelqu'un me voit en état de faiblesse. Malheureusement, tes amis policiers m'ont privé de mon moment de tranquillité.

- Mike ?

- Non. Deux de ses collègues. Ils m'ont demandé si je savais quelque chose à propos d'une soi-disant trouvaille de mon père qui justifierait l'existence d'un trafic.

- Et... Tu leur as menti ?

- Évidemment que je leur ai menti. C'était plus prudent.

- Je ne pense pas. Si effectivement, il y a un trafic de pierres, ils sont les plus qualifiés pour nous protéger.

- Avec quoi ?

- Leurs armes peut-être.

- Pour qu'un porteur de la pierre verte leur demande de se tirer dessus ? Ou qu'un porteur de la pierre blanche devienne invisible et les élimine un par un ? Ne sois pas naïve Daya.

- Et toi, apprends à t'ouvrir un peu plus.

- Dis moi, est-ce que tu as dit à Mike que tu étais une porteuse ?

Elle se calma un instant avant de répondre :

- Non.

- Voilà. Je ne t'embête pas plus longtemps, tu as l'air d'avoir besoin de te reposer.

- Comment est-ce qu'on s'en débarrasse ? Dit-elle subitement, le regard dans le vide.

- De quoi ?

- Comment est-ce qu'on se débarrasse de nos pouvoirs ?

- Pourquoi voudrais-tu t'en débarrasser ?

- Parce que je n'ai pas demandé à en avoir. Et me mettre à avoir peur que quelqu'un me fasse du mal à cause d'un truc que je n'ai pas demandé, non merci. Je n'en veux plus. Je vais essayer de résoudre le meurtre de Mcpoly et après...

- Mcpoly est mort !?

- Oui.

- Tué par un porteur ?

- Oui, dit elle tête baissée.

- Tu devrais dire à ton fiancé...

- Nous ne sommes pas fiancés.

- Vous n'étiez pas sur le point de vous marier ?

- Non Clarke. Non.

- D'accord. Tu devrais dire à Mike que c'est peine perdue. Tant qu'il ne sera pas au courant, il ne pourra rien résoudre. À moins que tu n'enquêtes toi-même sur l'affaire comme tu veux déjà le faire. Le mieux serait d'avoir l'aide d'un autre porteur.

- Tu m'aiderais toi ?

- Non merci.

- Waoh !

- Bon, il faut que je rentre chez moi. Le quartier serait bien vide sans toi alors fait attention.

Et il s'en alla. Daya était assez perplexe concernant ce garçon. Côté physique, il avait tout pour plaire : un corps bien musclé, mais pas de façon exagérée, un visage plutôt bien formé, des yeux marrons qui scintillaient à chaque fois que leur regard se croisait, un nez de taille moyenne, une bouche dont le sourire laissait apercevoir ses deux fossettes, un teint bronzé naturellement éclatant et une démarche qui disait «je suis sûr de ce que je fais». Mais côté comportement, il était assez mystérieux. Est-ce qu'il l'appréciait ? Est-ce qu'il la détestait ? Aucune idée. Par contre, c'était une personne assez introvertie ou du moins, c'est ce qu'il montrait. Il n'aimait pas vraiment s'ouvrir aux autres. Peut-être était-ce l'effet du deuil.

Quelque chose tiqua soudainement dans sa tête. Elle marcha alors rapidement vers Clarke. Dès qu'elle hurla son nom pour le pousser à s'arrêter, le jeune homme se retourna, étonné.

- Maintenant que j'y pense, entama t-elle, le meurtre de Mcpoly a déjà été résolu.

- Ah bon ?

- C'était un porteur de la pierre blanche.

Les paroles de Daya le mirent dans l'étonnement.

- Comment avez-vous réussi à résoudre un meurtre commis par un homme invisible ?

- Je ne saurais te donner les détails mais Shannon a réussi à le suivre et à l'éliminer.

- Elle l'a vu ? Il s'était rendu visible ?

- Je ne sais pas Clarke, je ne sais pas.

- Daya, où étiez-vous ?

Elle lui raconta alors l'histoire depuis le moment où elle entendit les pensées de son patron jusqu'au moment où le corps chuta.

- Un mystérieux message juste pour l'attirer, entama Clarke, une réservation dans un hôtel de luxe et pour finir, son meurtre. Daya, ce meurtre est loin d'être résolu.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

- Réfléchis. Pour quelle raison un porteur aurait-il éliminé ton patron s'il n'y avait rien caché derrière ? Peut-être même que cette Shannon est impliquée.

- Non, ce n'est pas possible. Shannon, je la connais depuis longtemps. Elle est honnête.

- Tu sais combien de personnes se disent honnêtes alors qu'elles ne le sont pas ? Si tu tiens réellement à résoudre cette histoire, colle toi à elle. Mais fais très attention parce que si elle est effectivement dans le coup, tu seras en danger.

- Clarke ! Lança soudainement une voix féminine.

C'était celle de Molly. Elle sortit subitement de la maison de Clarke, deux enveloppes à la main. Une fois avec Daya et Clarke, elle remit à Clarke une enveloppe scellée de couleur bleue. La seconde enveloppe était de couleur blanche.

- Tu devrais la lire. Dit Molly.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Quelqu'un vient de les glisser sous la porte. Je ne sais pas qui, je n'ai vu personne dans les alentours.

- Mais nous étions là, intervient Daya. Nous n'avons vu personne nous non plus.

- Regarde, dit Clarke en regardant vers la maison de Daya. Il y a une enveloppe verte devant chez toi.

- Ce serait peine perdue de rechercher un homme invisible dans les parages, fit remarquer la concernée. Je propose que chacun aille lire le contenu de son enveloppe.

Shannon quant à elle, n'était pas étonnée de voir cette enveloppe rouge devant sa porte. Au point où elle en était, elle se contenta de la ramasser, puis de l'ouvrir :

"Porteur de la pierre verte/rouge/bleue/blanche, je suis X. J'ai pu remarquer que vous étiez récemment devenus des porteurs. Comment ? Parce que d'une certaine manière, je vous vois. Ce n'est pas pour vous effrayer, loin de là. C'est pour vous dire que je vous comprends. Je comprends que vous essayez de vous habituer à vos pouvoirs et moi, je peux vous y aider. Réfléchissez juste à cette petite question : que désirez-vous ? Plus de pierres ? Je le peux. Moins de pierres, je peux vous y aider. Vous débarrasser de vos pouvoirs ? Pas de soucis. Une protection contre d'autres porteurs véreux ? Je peux tout. Nous sommes une communauté de porteurs qui prennent soin les uns des autres et ce, même dans des conflits n'ayant pas rapport avec les pierres. Qu'attendez-vous donc ? Rejoignez-nous en redéposant l'enveloppe dans votre boîte aux lettres, après y avoir marqué un grand OUI. À très bientôt."