Chapitre LXVI
Le noiraud laissa son copain à l'entrée de la pièce et se précipita vers la porte qu'il fit coulisser sur le côté. Morgan sortit et s'agrippa à la rambarde, admirant la vue qui s'offrait à lui. En contrebas, il pouvait voir la cour de la villa, puis le petit village coloré. Et encore plus bas, s'étendait la mer qui mêlait ses tons de bleus à ceux du ciel. Il pouvait même apercevoir le port et quelques bateaux au large.
-Alors ? Ça te plait ? Demanda Noah qui l'avait rejoint sur le balcon.
Morgan se tourna vers lui, des étoiles plein les yeux. Il n'était pas le seul à être ravi : Noah rayonnait de bonheur. Le noiraud approcha ses mains des joues tachetées et tendit son visage vers celui de l'italien. Il n'échangea pas d'autre regard avant de l'embrasser avec passion, savourant le touché de ses lèvres.
-Je prends ça pour un oui.
La tante de Noah n'avait pas tardé à arriver, apportant avec elle les valises des deux jeunes hommes. Le noiraud et le rouquin portèrent leurs bagages jusqu'à leur chambre avant de redescendre, alléchés par une délicieuse odeur en provenance du rez de chaussée.
-Installez-vous sur la terrasse, les convia Giuseppe qui apportait une grande assiette de tomates mozzarella et charcuterie, le plat arrive bientôt.
Les yeux du plus jeune s'écarquillèrent lorsqu'il vit ce qui semblait être une simple entrée. La grand-mère de Noah ne plaisantait pas lorsqu'elle parlait de les engraisser.
-Je crois que Nonna a cuisiné du risotto aux seiches ! L'aspect est particulier mais tu verras, c'est délicieux, expliqua le tacheté en s'asseyant à côté de Morgan.
Le peintre amateur rayonnait de bonheur. Il était en Italie, chez lui, avec son petit copain et sa famille. Il n'aurait pas pu être plus heureux qu'en cet instant, où le soleil réchauffait leur peau. Noah jeta un rapide coup d'oeil à Morgan, dont les cheveux noirs brillaient au soleil. Cette vision lui semblait presque irréaliste.
-Vous savez déjà comment vous allez vous rendre à Genova ? Demanda Katerine qui s'assit à son tour en face de Noah.
Ce dernier tendit son bras, plantant sa fourchette dans le plat de tomates mozzarella et prêt à engloutir l'assiette fraîcheur.
-Plus ou moins, répondit-il en jetant un coup d'oeil à Morgan, on ira en train et après on dormira sur place.
-Tu sais gattino, je peux vous emmener.
-Pas la peine ! Répondirent en coeur Morgan et Noah avant d'éclater de rire.
La soeur de Nathalie leur jeta un regard entendu, avant de sourire à son neveu.
-Vous en avez déjà marre de nous ? S'amusa-t-elle tout en proposant des tomates à Morgan.
Tandis que le sportif acceptait le plat, il sentit une main se poser sur sa cuisse. Les doigts du plus âgé glissèrent sur son jean, en dessous de la table.
-Comment tu as deviné ? Répondit Noah en ricanant.
Il semblait peu soucieux d'attirer l'attention sur eux. Et bien que sa main soit dissimulée de leur côté, il ne suffisait qu'à l'un des membres de sa famille de se pencher pour attraper la carafe d'eau, pour apercevoir la main du rouquin sur la jambe du noiraud.
La gorge de Morgan se noua et il se sentit obligé d'avaler son verre d'eau précipitamment.
-Tu semblais avoir soif pulcino, s'amusa Nonna en se redressant pour attraper la carafe, je te ressers ?
-Non ! S'exclama Morgan qui interrompit la vieille femme dans son mouvement, ne vous dérangez pas ! Je vais le faire.
Le plus jeune attrapa la cruche et versa son eau, la tête baissée. C'était la première fois que Noah le voyait si ratatiné sur lui-même. Même face à ses parents, il avait meilleure mine. Le tacheté resserra sa prise sur la cuisse de Morgan, essayant d'échanger un regard avec lui.
-Ne sois pas gêné avec nous ! Fit Nonna qui avait remarqué le malaise du sportif, c'est Giuseppe qui t'intimide ? Giuseppe ! Guarda cosa stai facendo, stai intimidendo il nostro ospite. Non vuoi che si senta bene con noi ? Questa è la prima volta che Gattino ci porta un "amico" e tu ti comporti come un vecchio burbero...
La vieille femme commença une longue tirade en italien que Morgan comprit à peine. Tandis que Katerine essayait d'aider son père, le rouquin se pencha pour capter le regard de son copain.
-Eh, lui chuchota-t-il en retirant sa main de sa cuisse, si tu veux que j'arrête tu peux me le dire.
Morgan se mordit l'intérieur de la joue et daigna enfin croiser les yeux bleus de son italien. Ce n'était pas la main de Noah qui l'avait gêné, mais sa propre réaction. Son coeur avait accéléré et pour une fois, ce n'était pas par joie. Il avait eu peur pour Noah et pour lui.
Reconnaître qu'il était aussi attiré par les hommes était une chose, en parler à ses plus proches amis aussi. Mais l'afficher en face d'adultes -de parents- en était une autre.
Il le savait, Noah avait déjà fait son coming-out auprès de sa mère. C'était surement pour ça que le free runner n'avait jamais ressenti d'appréhension lorsqu'elle n'était pas loin. Mais ici, si loin de chez lui et dans la famille de son copain, Morgan n'était pas dans son élément. Et il ne savait même pas si la famille de Noah était au courant de sa bisexualité !
Une chose était sûre : il ne leur avait pas parlé de leur relation amoureuse. Noah le lui avait avoué quelques minutes plus tôt, en montant jusqu'à la maison. Mais peut-être l'avaient-ils deviné ? Et qu'en était-il des dessous du tableau ? La famille de Noah savait-elle pour sa sexualité ? Était-elle plutôt conservatrice ? Le grand-père de Giuseppe, bien que lui ayant serré la main, ne semblait pas si joyeux. Nonna avait raison : il était intimidant. Trop d'interrogations lui polluait l'esprit, et maintenant le plus jeune réalisait qu'il aurait dû poser davantage de questions à Noah sur sa famille.
Pourtant, Morgan était lucide. Il ne devait pas se voiler la face : le blocage ne venait pas des autres mais de lui. Déjà en France, Noah n'hésitait pas à afficher et assumer sa sexualité. C'était désormais au noiraud de faire des efforts, petit à petit et pas après pas. Commencer dans un pays étranger loin de tous ceux qu'il connaît était la meilleure solution.
Le sportif cessa de mordiller sa joue intérieure, puis sourit à Noah qui le regardait toujours d'un oeil inquiet.
Morgan tendit son bras discrètement et rattrapa la main de Noah qu'il posa de nouveau sur sa cuisse. Ce fut autour de l'italien de sourire. Le noiraud cru voir ses épaules se relâcher et son dos se reposer sur le dossier de sa chaise, comme soulagé.
La grand-mère de Noah continuait de parler en italien. Morgan avait cessé de suivre la conversation, il n'avait plus d'yeux que pour Noah à ses côtés.
Peu de temps après, Katerine alla chercher le risotto aux seiches. Il s'agissait d'un plat entièrement noir, qui effraya d'abord Morgan. Mais dès la première bouchée, il sut qu'il ne pourrait plus jamais se passer d'une saveur si particulière.
Le repas continua joyeusement et en français cette fois. Le free runner expliqua le but de son concours à Gênes, tandis qu'un Noah très emballé ponctuait ses phrases de commentaires sur l'agilité de Morgan lorsqu'il pratiquait son sport de prédilection.
Après avoir terminé leurs assiettes -en milieu d'après-midi- et débarrassé la table, Noah emmena Morgan sur le port de son village. C'était loin d'être une belle station balnéaire, pourtant l'ambiance chaleureuse qui s'en dégageait valait tous les transats du monde. Les quais sentaient le poisson et les baskets des deux jeunes hommes finirent rapidement trempées. Ils se baladèrent ainsi de longues heures, échangeant parfois avec les habitants, avant d'entrer dans une zone réservée aux pêcheurs et interdite au public.
-Viens, chuchota Noah qui tenait Morgan au poignet, normalement on est pas censés être ici.
-Alors qu'est-ce qu'on fait là ? Chuchota à son tour Morgan en se penchant vers le rouquin.
Leurs deux fronts se touchèrent. Morgan décela une pointe de malice dans les yeux bleus de son copain. Une malice familière, qui faisait battre son coeur chaque fois qu'il la voyait briller.
-On va regarder le coucher de soleil au bout du port, là bas, répondit Noah qui pointa un quai caché derrière un bateau de pèche.
-Que c'est romantique, pouffa Morgan en mimant une grimace.
Noah lui rendit sa grimace, entremêla ses doigts à ceux du plus grand et le tira à sa suite. Le couple se faufila entre les bateaux et les bâtisses de pêcheurs, avant d'arriver derrière le bateau qu'ils avaient vu quelques secondes plus tôt. Le roux et le noiraud coururent jusqu'au bout du port, et s'écrasèrent contre le bois du quai en arrivant au bout du ponton.
-Quelle course mon cher... souffla Morgan qui essayait de prendre un ton hautain.
-Digne de fast and furious !
-Ou de taxi.
-On a pas les mêmes références, fit Noah d'un air taquin.
Le sportif haussa les sourcils, regardant le plus âgé se rassoir convenablement sur le ponton. Il ne tarda pas à le rejoindre, admirant le tumulte de la mer que le soleil faisait rougir. Les vagues faisaient réfléchir les derniers rayons du jour, éclairant la peau pâle de Noah et se confondant avec ses taches de rousseur sur ses joues.
Morgan étudia l'expression paisible de Noah. Sa peau lisse, parsemée de constellations brunes. Son nez qui frémissait sous l'iode, ses mèches bouclées qui s'emmêlaient dans sa nuque. Ses lèvres plissées, qu'il tentait de ne pas étirer.
-Tu t'empêches de sourire ? Se moqua Morgan qui comprit le sens de cette moue étrange.
-Tu me dévisages ! S'exclama Noah en tournant son visage vers le noiraud.
-Par ce que je trouve beau, répondit Morgan qui affichait un sourire malicieux.
-Moi ? Beau ?
Noah se tourna cette fois complètement vers Morgan.
-Tu te rends compte de ce que je vois actuellement ? Continua-t-il l'air abasourdi.
Ses yeux jouaient au ping-pong entre les iris et les lèvres de Morgan.
-Tu vois quoi ? Susurra le plus grand qui se délectait de sa position.
-Un homme magnifique au regard malicieux, auréolé de lumière, avec une petite fossette juste là, répondit Noah qui effleura du doigt la joue de Morgan. Un homme qui me dévisage et me fait me sentit tout petit.
-Pourquoi je te fais te sentir tout petit ? Mis à part que tu es pet... eh ! S'exclama Morgan dont la joue rougissait sous le coup d'une petite tape.
Cette fois, c'était Noah qui s'était rapproché. Il s'était mis en tailleur et ses genoux touchaient la cuisse de Morgan.
-Par ce que je veux te plaire comme tu me plais.
-Mais tu me plais, murmura Morgan qui pouvait sentir le souffle de Noah contre ses lèvres, t'as pas compris que je suis amoureux de toi ?
Noah se figea dans son mouvement, son nez collé à celui de Morgan et ses yeux bloqués dans le vide. Morgan n'avait jamais vu les joues de Noah prendre une telle couleur écarlate. Même au travers de ses taches de rousseur et de la lumière du couché de soleil, leur éclat ressortait davantage.
-Je t'aime Noah, répéta Morgan dans l'espoir de faire redémarrer son petit ami.
Tentative veine, puisque ses joues devinrent encore plus rouges qu'avant. Cette fois, Noah ressemblait à un feu tricolore. Une pensée qui aurait fait rire Morgan, s'il n'avait pas vu l'ombre d'un géant se dessiner à l'entrée du ponton.
-Hey ! Tu ! S'exclama la silhouette qui s'approchait rapidement d'eux.
Ce fut la voix grave de l'homme qui fit revenir Noah à lui. Il se tourna vivement, avant d'attraper la main de Morgan et de se relever d'un coup.
-Non devi fare niente qui ! Continua l'homme qui faisait de grands pas pour les rejoindre.
-Tu as ton tel sur toi ? Ton portefeuille ? Demanda Noah précipitamment.
-Non, pourqu...
-On saute ! S'exclama le tacheté qui tira Morgan dans le port avec lui.
Le sportif, déséquilibré, bascula dans l'eau la tête la première, la main de Noah toujours autour de son poignet. Morgan failli boire la tasse. Ce fut les à-coups répétés de Noah sur son bras qui le ramena à la surface.
-Vite, murmura-t-il en passant en dessous du ponton.
Morgan nagea à son tour discrètement dans l'eau glacée à la suite de Noah, alourdi par le poids de ses vêtements. Maintenant, il comprenait comment Jack -du Titanic- avait pu périr si facilement.
Une fois arrivé contre le mur du port, les deux jeunes hommes se hissèrent hors de l'eau avant de s'enfuir en courant. Cette course était encore plus rapide et effrénée que la première. Ils ne se souciaient même plus de savoir s'ils étaient poursuivis ou non. Ils couraient dans les rues du village de Noah, leurs cheveux trempés retombant sur leurs yeux et leurs vêtements dégoulinant d'eau de mer laissant des trainées derrière eux.
La chaussure de Morgan débordait d'eau et il faillit tomber à de nombreuses reprises. C'était la main de Noah, toujours glissée dans la sienne, qui le tirait vers lui. Et inversement, lorsque le tacheté tombait, c'était Morgan qui le relevait.
Ils continuèrent à courir ainsi sans se retourner, le soleil dans le dos et la lune au dessus de leur tête, jusqu'à arrivée à la villa. Ils gravirent bruyamment les escaliers, essayant de contenir leurs rires.
Noah batailla un long moment avec ses poches avant d'en extraire la clé de leur appartement. Morgan se glissa à sa suite dans leur chambre, le coeur battant à tout rompre et le souffle coupé. Toujours mains dans la main, appuyé contre le mur du couloir, les deux jeunes hommes échangèrent un regard épuisé avant d'éclater de rire sans retenue.
-Dans le port ? S'esclaffa Morgan entre deux respirations.
-C'était pas une bonne idée, l'eau était glacée, répondit Noah qui fut pris d'un grand frisson.
Morgan acquiesça en se détachant du mur. Il sépara sa main de celle de Noah et retira sa veste. Le tacheté qui grelotait tout autant se joint à lui, se débarrassant de son jean trempé et de son tee-shirt qui lui collait à la peau. Le couple se dévêtit de telle sorte à ce qu'il ne leur reste plus que leur sous-vêtement sur la peau.
Le noiraud glissa un regard sur Noah, qui tremblait toujours de froid. Il ne cesserait jamais d'admirer ses taches de rousseur.
-Tu me mates ? S'amusa Noah qui avait remarqué le regard de Morgan.
Le tacheté se rapprocha du sportif, collant son épaule droite à la sienne. Elle était glacée.
-Je te l'ai dit, lui répondit Morgan dont la tête bascula contre le mur, je suis amoureux de toi. Donc oui, je te mate.
Noah se rapprocha d'avantage. Cette fois, c'était tout son bras qui s'était collé au sien. Le plus petit se tourna vers le plus grand et redressa son menton pour avoir l'air plus confiant. Ses mains se posèrent sur le torse du noiraud, qui soutenait son regard.
-Je t'ai dessiné nu, je t'ai vu sous tous les angles et toutes les coutures, je connais tes traits par coeur. Tu peux pas savoir à quel point chaque jour, plus le temps passé et plus j'avais envie de te toucher. J'ai l'habitude de dessiner des modèles nus, c'était pas la première fois. Et pourtant j'avais l'impression de tout redécouvrir, d'être un novice qui rougit devant son modèle.
-Moi c'était tes taches de rousseur qui m'obsédaient ! S'exclama Morgan qui attrapa à son tour la taille de Noah.
-Mes taches de rousseur ? Répondit Noah qui leva un sourcil.
Morgan hocha la tête, faisant glisser sa main droite sur la peau nue de Noah.
-Celle-là, celle-là aussi, commença Morgan dont le doigt parcourait chaque tache brune, d'habitude ça s'arrête sur les joues, non ? Je pouvais pas arrêter de me demander pourquoi tu en avais dans le cou.
Sa main arriva à la hauteur de la clavicule, là où les tee-shirt cachent d'ordinaire le reste du corps.
-C'était horrible, je voulais savoir jusqu'où elles allaient.
Noah sourit, se rappelant d'un vieux message que l'inconnu lui avait une fois envoyé : jusqu'où s'étendait ses taches de rousseur. Morgan était bel et bien obsédé par elles.
-Maintenant que tu le sais, qu'est-ce que tu vas faire ? Demanda le tacheté qui ne cessait de frissonner.
Morgan se pencha vers le cou de Noah, sa main gauche toujours contre sa taille, et embrassa sa peau. Ses lèvres suivirent les lignes tracées par les éphélides. Noah fit passer ses bras dans le dos de Morgan, le collant désormais à lui.
Il fit remonter ses mains jusque dans ses cheveux qu'il caressa doucement. Si lui était sensible aux baisers de Morgan, il savait que ce dernier avait un faible pour les caresses dans les cheveux.
-Morgan ? L'appela doucement Noah.
Le noiraud pencha la tête, sa joue posée contre l'épaule de Noah et son dos légèrement courbé.
-Moi aussi je t'aime.
Morgan comprit immédiatement pourquoi les joues de Noah avaient pris une couleur si rouge sur le port. Il n'avait jamais sentie une telle chaleur dans son coeur et sur ses joues. Ses jambes faillir céder, et ils durent s'assoir sur le lit.
Toujours collés l'un à l'autre, Morgan et Noah s'observaient. Puis, leurs mains reprirent leurs excursions, toujours en étant très sages. Ils s'allongèrent sur le lit, dans les bras l'un de l'autre et leurs jambes entremêlées. Une forte odeur d'iode s'était jointe à celle des draps propres.
La main de Morgan dessinait des formes dans le dos de Noah et ce dernier déposait des baisers timides dans le cou du noiraud. Ils n'avaient plus froids : la chaleur de l'autre les avait réchauffé.
Dehors, la lune brillait dans le ciel, berçait de ses étoiles.
Chose promise chose due : je posterai de nouveau les mardis ET vendredis, et en plus je vais être régulière !
On revient comme à la belle époque des 30 premiers chapitres de « Dawn ».
Écrire régulièrement m'avait tellement manqué. J'ai hâte de poster la suite et de vous présenter mes futurs projets !
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