- 05 -

Une sensation désagréable me réveilla. Je n'avais aucune idée du lieu où je me trouvais et ma tête tournait, ce qui n'arrangeait pas les choses. Petit à petit, je parvins à ouvrir légèrement les yeux, mais ma vision était floue. Ma tête me paraissait trop lourde pour pouvoir la lever.

- Ah, ça y est, murmura une voix féminine, tout le monde est réveillé. Nous n'attendions plus que toi.

Je ne voyais pas qui parlait et je n'arrivais pas à bouger la tête. J'avais les yeux rivés sur le sol flou.

- Tamara ? demandai-je.

- Bingo ! s'exclama-t-elle faussement.

Au bout de quelques instants, ma vision se stabilisa et je commençai à recouvrir des sensations dans mon corps. Un décor sembla apparaître autour de moi. J'étais debout, adossée à une grille en métal, les mains et les pieds attachés à cette grille. Et j'étais trempée. Mes cheveux goûtaient et mes vêtements étaient plein d'eau, comme si je venais de prendre une douche.
Je tournai légèrement la tête vers la gauche, les yeux toujours rivés au sol, la tête lourde. Je vis une paire de baskets Nike. Puis, dans un effort monumental, je parvins à bouger ma tête, et mon regard remonta. Je vis un jean, puis un t-shirt blanc, des bras musclés et un sourire à en tomber par terre. Theo. Theo était là, avec moi, lui aussi attaché à cette même grille.

- Theo ? murmurai-je d'une voix pâteuse. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Je chasse le zèbre, me répondît-il d'un air décontracté.

- Tu quoi ? demandai-je.

Je ne savais pas si c'était à cause des sédatifs qui faisaient toujours effet, mais sa réponse me semblait bizarre.

- C'est une blague ! s'exclama-t-il. Et bien comme toi, je suis attaché. Ou plutôt devrais-je dire, à cause de toi.

- Comment ça ?

- Ce matin au lycée, j'ai vu Tamara accompagnée d'homme qui semblaient porter quelque chose. J'ai voulu aller voir ce que c'était mais je me suis fait attrapé, m'expliqua-t-il calmement, d'un air presque amusé.

À le voir comme ça, on aurait dit qu'il était content d'être là, ou du moins qu'il s'en fichait. Le dos toujours collé à la grille, je parvins tout de même à avancer la tête, et je remarquai deux autres personnes, à la gauche de Theo : une fille et un garçon, très certainement dans nos âges. Ils ne semblaient pas d'humeur bavarde.

Nous étions dans une sorte d'entrepôt délabré. Nous étions donc tous les quatre attachés à cette grille, avec en face de nous Tamara, debout à côté d'un bureau.

- Qu'est-ce que je fais là ? demandai-je à Tamara qui semblait amusée de la situation. Et pourquoi je suis trempée ?

J'arrivais à parler plus distinctement, et je commençais à recouvrer définitivement mes esprits.

- Il fallait bien que tu te réveilles un jour ou l'autre, dit Tamara. J'ai bien essayé quelques baffes mais ça n'a pas suffit.

- Super, murmurai-je. Et donc, je peux savoir ce que l'on fait ici ?

- Ne voulais-tu pas voir ta sœur ? me dit-elle, une étincelle dans les yeux.

- Ma sœur ? m'exclamai-je. Où est-elle ?

J'essayai de tirer sur mes poignets pour me défaire de mes liens mais cela ne semblait pas marcher.

- Oh, elle n'est pas loin du tout, m'annonça Tamara.

J'inspectai la pièce du regard mais je ne vis rien.

- Je vous jure que si vous lui avez fait du mal...

- Elle est dans une pièce juste à côté, me coupa Tamara avec un sourire. Avec un peu de chance, si elle ne s'est pas évanouie, tu peux communiquer avec elle si tu parles assez fort.

Tamara avait l'air d'apprécier ce spectacle, et je sentis une rage monter en moi. Cependant, mon attention était principalement concentrée sur ma sœur.

- Eliza ! criai-je.

Rien. Alors je recommençai :

- Eliza !

- Adé...lie ? répondit lentement la voix faible de ma sœur.

Effectivement, en face de moi, au fond de la pièce, il y avait une porte. La voix d'Eliza semblait venir de là-bas. Enfin, si l'on pouvait appeler ça une "voix". On aurait dit qu'elle était à bout de forces.

- Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? hurlai-je.

- T'inquiète, me dit-elle de l'autre pièce. De toute façon, ils ne pourront rien tirer de toi.

Elle paraissait tellement faible que j'avais du mal à entendre ce qu'elle disait. La simple idée de la savoir en train de souffrir suffit à me faire monter les larmes aux yeux : larmes de tristesse et de colère. Cependant, je ne voulais pas paraître faible alors je fis de mon mieux pour les ravaler.

- Allez, la discussion est finie, annonça Tamara. On va passer aux choses sérieuses.

- Qu'est-ce que vous voulez de nous ? demandai-je à nouveau.

Pourquoi est-ce que Theo et les deux autres étaient si calmes ? Pourquoi étais-je la seule à poser des questions ? En fait, c'était comme s'ils n'étaient pas étonnés d'être là.

- Des informations, simplement, m'apprit Tamara. Coopère, et tout ira bien. Sinon, tu finiras comme ta sœur, ou pire. Je dois dire qu'elle est assez résistante.

Et sur ces paroles, Tamara s'en alla.

- Qu'est-ce qu'ils veulent savoir ? demandai-je tout doucement à Theo.

- Tout ce que tu peux leur dire sur le surnaturel, me répondit-il d'une voix à peine audible.

- Le surnaturel ? répétai-je.

- Bah ouais. Les loups-garous, ce genre de choses quoi, me dit-il de manière désinvolte.

- Les loups-garous ?

Qu'est-ce qu'il me racontait ? Je devais encore être un peu dans les vapes. Cependant, l'expression du visage de Theo changea, comme un sentiment d'incompréhension.

- Attends deux minutes, tu es quoi toi ? me demanda Theo.

- Comment ça, "je suis quoi" ? Honnêtement Theo, tu es sûr que ça va ? Je ne comprends rien à ce que tu me racontes !

- Tu es bien quelque chose ! reprit-il en s'agaçant légèrement. Banshee, kitsune, kanima, ça ne te dit rien ?

- J'ai compris, rigolai-je nerveusement. Tu te fous de moi. J'apprécie cette dose d'humour, mais je ne pense pas que ce soit le moment le mieux choisi.

Et Theo ne répondit rien. Il fronçait seulement les sourcils, comme s'ils ne comprenait rien du tout.

Tamara revint alors, une énorme machine en métal entre les bras, avec des gros boutons. Elle la posa sur le bureau et la relia à un fils. Un fil qui venait de la grille sur laquelle nous étions adossés. Ça n'annonçait rien qui vaille.

- Alors, Theo, commença Tamara. Tu vas me donner le plus de noms possible. Qui sont tes petits copains ?

Theo ne dit rien. Elle posa la même questions aux deux autres lycéens, qui n'ouvrirent pas plus la bouche.

- Et toi, Adélie ? Des noms à me donner ?

- Je ne comprends pas de quoi vous parlez, murmurai-je.

Tamara rigola légèrement :

- Bien sûr, oui. Ta sœur aussi jouait à ce petit jeu. Allez, fini la méthode douce.

Tamara retourna à son bureau, et alluma la machine qu'elle avait apportée. Un voyant vert s'éclaira. Elle posa ensuite sa main sur un gros bouton, qu'elle tourna légèrement vers la droite. Et tout à coup, une décharge électrique parcourut mon corps. Je la sentis dans chacun de mes membres, je pouvais comme la visualiser sur chaque centimètre de ma peau. Le choc n'était pas bien fort, mais juste désagréable. Ça ne me fit pas plus mal que ça.

Voyant que personne n'hurlait de douleur, Tamara murmura :

- Bien, c'était un test. Tout humain aurait au minimum crié, mais vous n'avez eu aucune réaction. On peut augmenter les volts alors.

Elle tourna donc encore le bouton, et cette fois-ci, la décharge fut bien différente, bien plus puissante. J'eu le sentiment que mon corps brûlait de l'intérieur. Cette fois-ci, je ne pus laisser échapper un cri.

Cependant, des rugissement se firent entendre. Je tournai la tête à gauche : c'était Theo et les deux lycéens. Ils avaient la bouche grande ouverte, avec des dents longues et pointues, comme une gueule de chien. Je ne parvins qu'à voir les yeux de Theo : ils étaient bleus, mais d'un bleu fluorescent. J'aurais pu être prise d'effroi, mais j'avais trop mal pour pouvoir penser à autre chose.

- On est des loups-garous, me murmura difficilement Theo.

Je me contentait d'hocher la tête. Mais qu'est-ce que je faisais là ?

- Alors ? reprit Tamara. Quelqu'un se sent d'humeur bavarde ?

- Arrêtez ! criai-je. On ne sait rien.

En guise de réponse, Tamara tourna pour la troisième fois le bouton, et la décharge fut encore plus vive. Mon corps se mit à trembler, j'avais l'impression que j'allais exploser de l'intérieur. Je ne supportais plus cette sensation. Pourtant, mon corps semblait comme guérir : un corps ordinaire n'est pas fait pour supporter une telle intensité. Les "loups-garous" à côté de moi ne faisaient que rugir davantage, un peu plus fort à chaque fois. Cependant, Theo semblait en même temps tirer sur ses liens qui lui ligotaient les mains.

- Tu penses que tu peux encore résister à quelques décharges ? me demanda-t-il très doucement, sa voix couverte par le rugissement des deux lycéens.

- J'en... je n'en sais rien, dis-je à bout de souffle. Ça commence à devenir insupportable.

- Les liens ne vont pas tenir, me chuchota Theo. Tu peux faire un effort ?

J'acquiesçai.

- C'est tout ce que vous avez ? hurla Theo à l'intention de Tamara. Quelques volts et vous pensez que le tour est joué ?

Tamara sourit malicieusement. Elle remplit un énorme seau d'eau qu'elle nous jeta à tous dessus.

- Ceci devrait accentuer la décharge. Et puis, je ne suis qu'à la moitié de la puissance électrique.

Elle recommença donc son opération. Les loups hurlaient à la mort et pourtant moi, je restais calme. La sensation était étrange, j'avais l'impression que mon corps brûlait de l'intérieur, mais que la douleur ne m'atteignait pas, ou était très supportable. Cependant, plus Tamara nous électrocutait, et plus cet effet sembla se dissiper. Très rapidement, la douleur me submergea de nouveau et je manquai de m'évanouir.

Tout à coup, Theo se libéra de ses liens. Je ne sais pas s'ils avaient cédé en premier parce qu'il avait tiré dessus, mais il était temps car je n'arrivais plus à supporter une telle douleur. Il se jeta sur Tamara qui, prise par surprise, n'eut pas le temps de réagir. Il lui asséna un violent coup à la tête, ce qui sembla la mettre K.O. Theo s'empressa de venir détacher mes liens. Il s'occupa ensuite de ceux de la fille qui m'apprit qu'elle s'appelait Tierney, tandis que j'aidais la garçon aux traits asiatiques, du nom de Jiang.

- Aller, on se tire tant que cette folle est endormie, et que les gardes nous laissent tranquille, lança Tierney.

Ils commencèrent tous à partir quand je m'exclamai :

- Attendez ! Ma sœur !

Jiang et Tierney n'avaient pas l'air très ravis à l'idée d'aider une inconnue, mais ils acceptèrent. Nous nous dirigeâmes donc vers la porte d'où la voix de ma sœur était sortie. J'allais actionner la poignet quand Theo m'attrapa le ventre pour me tirer en arrière. Je me retrouvai le dos collé contre son torse. Il plaça un doigt sur ses lèvres et me fit signe d'écouter. Je sentais son cœur battre lentement, comme s'il n'était même pas un peu effrayé par la situation. Contrairement à lui, j'avais l'impression que mon cœur soulevait ma cage thoracique chaque demi-seconde. Il avait toujours les mains sur mon ventre. Je me détachai doucement de son étreinte pour écouter si j'entendais quoi que ce soit.

- Il y a des gens à côté, murmura Jiang. C'est trop risqué.

- Ça ne va pas ou quoi ? s'énerva Theo a voix basse. On ne va pas la laisser là quand même ! Vous aimeriez être à sa place ?

Jiang et Tierney ne répondirent pas, mais Theo reprit :

- On est trois loups-garous, et eux ne s'attendent pas à nous voir. À trois, on y va.

Theo compta et au bout de trois, ils ouvrirent la porte et se jetèrent sur les gardes. Il y en avait cinq mais il ne fallut pas longtemps aux loups pour les assommer. Ma sœur gisait dans une cellule, fermée par une clé. Je fis le tour des garde pour la trouver, ce qui ne me prit pas longtemps, et je l'insérai dans la serrure. Ma sœur était endormie : elle semblait pâle et sans vie, comme vidée de toutes ses forces. Heureusement, je pus sentir son pouls.

- Pousse-toi, m'ordonna gentiment Theo. Je vais la porter.

- Et maintenant, on fait comment ? demanda Tierney. On rentre à pied ?

Je savais qu'en cherchant la clé permettant d'ouvrir la cellule, j'avais vu une clé de voiture accrochée sur le trousseau du garde. Je me baissai pour la ramasser et la tendis à la fille.

- Malin, me sourit-elle.

Elle se baissa à son tour :

- Il y en a une autre ici. Comme ça, chacun sa voiture, on peut partir séparément.

Nous retournâmes donc la pièce où Tamara nous avait ligotés. Elle était toujours allongée par terre.

- J'adorerais la tuer, murmura Theo.

- Fais-le, murmura Jing.

- Scott me détesterait, dit Theo. Encore plus que maintenant.

- Scott ? répéta Jing. Comme le Vrai Alpha ?

Autant vous dire que je comprenais pas toute la conversation. Mais Theo acquiesça.

- Tu sais où il est ? demanda Tierney.

Theo leur expliqua rapidement, et nous montâmes chacun dans une voiture. Il faisait déjà nuit, mais je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était : Tamara avait passé la journée à nous torturer.

Jing et Tierney partirent, tandis que Theo installa ma sœur toujours inconsciente sur la banquette arrière. Il prit le volant et je me mis côté passager. J'étais bien contente d'être enfin saine et sauve, et surtout d'avoir retrouvé ma sœur. Cependant, un tas de mystères restaient à élucider. J'avais réussi à survivre à ces ondes électriques, et pourtant je n'avais rien d'un loup comme Theo : mais alors, qu'est-ce que cela faisait de moi ?

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