Chapitre 29
PDV Anna
Bordel de merde. Pourquoi fait-il si chaud ?!
Je bats des paupières à plusieurs reprises, quand enfin je pus percevoir les quelques lueurs du matin passant à travers le store en mauvais état.
Le store en mauvais état.
Oh mon Dieu.
Rapidement, et aussi brutalement qu'un coup sur la tête, je me rends compte de l'endroit où je suis et de tous les événements s'étant déroulés la veille.
Les combats illégaux, les cauchemars de Dean, sa mère, et cette soudaine pudeur par rapport à la nudité de son torse... Tout me revient d'un coup, comme un sac de cent tonnes qu'on me lance dans les bras en me demandant gentiment de me débrouiller avec.
Et alors que mes pensées se perdent dans une réflexion vicieuse par rapport à ce flot de révélations qui m'a été attribué, je me rends maintenant compte d'avec qui je me trouve.
Lorsque je baisse les yeux, je constate avec choc la raison de cette soudaine chaleur ; Dean est littéralement enroulé autour de moi. Son bras nu et encré de noir enveloppe mon ventre légèrement dévoilé à cause du débardeur beaucoup trop grand que je porte. Cela crée donc un contact de peau contre de peau qui, en plus de m'enflammer, fait frissonner tout mon être. Sa tête est posée contre ma poitrine battant à mille à l'heure, et un petit ronflement s'échappe d'entre ses lèvres entrouvertes.
Mais le pire dans tout ça, c'est la position de son visage.
Juste en face de moi.
Quelques petits centimètres doivent séparer nos deux souffles.
Sa beauté est d'autant plus flagrante lorsqu'il dort, et qu'il laisse ses armes et son armure de côté. Je sens mon cœur battre de plus en plus fort et vite face à cette soudaine proximité qui nous lie. Il cogne tellement fort dans ma poitrine que je suis certaine que ce rythme irrégulier berce les rêves de son subconscient. Ses cheveux sombres sont aussi désordonnés qu'un nid d'oiseau. Une soudaine envie d'y passer ma main me prend, mais je me retiens. Le pli des draps a tracé sur sa mâchoire pour une fois décontractée, de fines rayures. Elles invitent d'une manière beaucoup trop incontrôlable et tentatrice le bout de ma langue à venir suivre leurs contours du bout.
Mais le pire dans tout ça, c'est sa bouche.
Ses lèvres.
Son sourire.
Ses bonbons rosés esquissent l'ombre d'un sourire apaisé, satisfait... protégé. Cette simple pensée suffit à réchauffer mon cœur tout entier. Mais lorsque mon regard effiloche plus précisément le grain rougeoyant de ses lèvres, c'est une autre partie de mon corps qui se chauffe. Ces dernières sont si pleines, si gourmandes et si aguicheuses...
... comme un dessert trop sucré dans lequel on rêverait d'y plonger nos dents, notre langue, et de les faire tournoyer à l'infini, même dans la connaissance d'un possible risque de caries.
Bordel mais il faut que tu t'arrêtes ! s'écrit ma conscience, toujours à l'affût, même au petit matin. Les cheveux, la peau et les lèvres... je pense qu'on a cru comprendre qu'il était sexy !
Je me mets subitement à rougir comme une idiote, et cesse automatiquement toutes ces pensées déplacées. Lorsque mes yeux s'égarent de son visage, je remarque avec soulagement que son corps -en dehors de ses deux bras enroulés autour de moi et de l'une de ses jambes s'échappant de la couverture, est couvert par le drap blanc. Comme pour préserver cette pudeur qui le caractérise. Son dos monte et descend au rythme de ses inspirations lentes et maîtrisées, en accord parfait avec le sourire apaisé et calme qu'esquisse son visage.
Mince, il est magnifique. C'en est presque injuste.
— Généralement dans les films, lorsqu'une personne en observe une autre dans son sommeil, cela signifie qu'elle veut la tuer. Devrais-je être effrayé ? articule soudainement les lèvres de Dean d'une voix rauque, enrouée.
Je sursaute soudainement, tout en remettant brutalement les pieds sur la surface de la Terre. Les yeux de Dean s'ouvrent, laissant alors apparaître ses deux pupilles topaze. J'ai l'impression d'assister à l'ouverture des rideaux d'un théâtre sur son chef-d'œuvre. Je plonge mon regard dans le sien, et nous restons silencieux un moment en nous regardant comme deux andouilles.
Puis rapidement, je reviens encore une fois à la surface, et me rends compte que je viens d'être prise la main dans le sac. Mes joues prennent une intense couleur rouge sous la gêne qui pèse sur moi, et je détourne les yeux afin d'éviter son regard qui me scanne.
— Je... je ne te regardai pas dans l'intention de t'observer. Je viens juste de me réveiller et tu étais en face de moi.
Faux. Il lâche un ricanement, me faisant rapidement comprendre que je ne suis pas la seule à trouver ce mensonge complètement stupide.
— Ouais bon, bof quoi, ajoute-t-il finalement avant de se lever.
Lorsque je vois son buste se relever, entraînant la glissade du drap sur ses épaules, je panique. Bordel de... je ne suis pas censée le voir, non ? Il est supposé m'en vouloir jusqu'à la mort si mon regard osait croiser son corps dénudé ?
... bien que ce mystère planant ne cesse d'attiser ma curiosité.
Instinctivement, je lui tourne le dos en pressant fort mes paupières. Au son que j'entends derrière moi, Dean semble s'être figé sur place face à mon soudain geste.
— Euh... un problème ? me demande-t-il de sa voix matinale, légèrement rauque.
Je déglutis longuement, ne comprenant pas les raisons pour laquelle il me demande cela. Surtout après toutes les révélations d'hier soir.
— Eh bien... je... enfin... je pensais q-que tu ne voulais p-pas forcément que... tu sais, je t-te vois sans...
Un ange passe entre nous pendant quelques secondes avant qu'il ne finisse par lâcher un long « aah ». Il vient de comprendre, Alléluia.
— Pour être honnête avec toi, commence-t-il d'une voix souriante, je suis plutôt flatté du fait que tu respectes à ce point tes promesses... c'est quelque chose de plutôt inédit dans ma vie. Mais c'est bon, tu peux te retourner.
Brutalement, mon cœur vacille dans ma cage thoracique. Attends, je rêve ou il vient réellement de m'autoriser à le regarder ?
— T-tu... es sûr ? lui murmurai-je d'une petite voix.
— Bah oui.
C'est alors sans hésiter plus longtemps que ma tête se tourne dans sa direction. Mais à mon plus grand regret et désarroi, je constate qu'il porte enfaite un t-shirt noir. Je pourrais parier des millions que mon visage auparavant rouge de gêne et de curiosité est passé au pâle.
— Tu... tu portes un t-shirt ? Pourtant, je pensais que...
— Je me suis réveillé tôt, m'annonce-t-il. Dans les environs de cinq ou six heures, et j'ai eu le temps de prendre une douche. Mais comme je me faisais chier en étant seul et que tu dormais, j'ai décidé de me remettre au lit pour attendre. Mais je me suis rendormi. Voilà l'histoire.
Mes bras retombent sur le lit, et je laisse planer un silence pesant entre nous. Je ne sais quoi dire.
Mais enfaite, que dire ?
Que dire après tout ce qui s'est passé hier ?
Les combats illégaux, sa blessure, sa colère, l'alcool...
Puis toutes ces horribles révélations.
Rien que de me rappeler le regard sombre, vide et triste qu'affichait l'homme en face de moi la veille, ainsi que sa voix intense en peine, je sens mon cœur et mon âme se tordre ensemble dans un marécage de douleur.
Soudainement, je sens le regard de mon ami sur moi, et mes joues prennent feux. Je devine facilement qu'il doit se questionner sur mes pensées, surtout après tout ce qui s'est passé. Mais n'ayant pas vraiment envie de parler de mes sentiments, j'ouvre la bouche avant qu'il ne le fasse.
— Ton épaule va mieux ? le questionnai-je d'une voix hésitante.
Mon regard s'élève, passant de ses poings serrés pour une raison que je préfère ne pas connaître, à ses bras aux veines saillantes, puis finalement à son visage.
— Oui, me répond-t-il d'une voix étrangement basse, les yeux droit dans les yeux. C'est encore un peu douloureux et dégourdi, mais ça passera.
Mes yeux croisent les deux billes topaze lui servant d'iris, et je sens un flot de papillons à la fois doux et douloureux passer dans mon estomac. Ils traversent mes vaisseaux sanguins et pénètrent dans mon cœur pour le faire battre intensément, presque avec frénésie.
Bordel, mais que m'arrive-t-il ?!
Je détourne rapidement le regard et le pose sur mes doigts s'entrelaçant nerveusement. Dean appuie un regard pénétrant sur ma personne, et je comprends qu'il semble remarquer la gêne qui m'envahit. Cela ne fait qu'intensifier mon malaise, et je me démène pour trouver un nouveau sujet de conversation.
— Et du coup-
— Tu peux bien me dire ce qui s'est passé hier ? me coupe-t-il soudainement en baissant le regard.
Ma bouche reste ouverte d'incompréhension, et je le dévisage un instant. Que veut-il dire par cela ?
— Comment ça ?
Cette fois-ci, c'est à lui de se tortiller les doigts. Le regard baissé, il finit par relever sa tête en passant sa main dans ses cheveux complètement ébouriffés par la nuit. C'est la première fois que je fois sa tignasse dans un si mauvais état.
— Si nous avions baisé...
Je trésaille, rougis, et baisse à mon tour mon regard.
— ... si nous avions baisé, je ne me serais pas autant questionné sur tout ça, finit-il par dire. Mais là, je devine facilement que rien ne s'est passé.
— C-comment-
— Tu es toute habillée, et je sais pertinemment que si nous avions passé le cap, tu serais tout sauf couverte. De plus, je me suis réveillé sans t-shirt tout à l'heure. C'est bizarre puisque je baise toujours habillé. J'enlève mon t-shirt seulement pour dormir.
Mon teint passe du rouge au cramoisie.
— Donc, cela veut dire que nous avons seulement... dormi ?
Il dit cela sur un ton bizarre, et ses lèvres esquissent un sourire stupéfait. C'est comme s'il ne croyait pas un mot de ce qu'il vient de dire. Qu'il ne se croyait pas capable de faire ça. Finalement, son regard s'élève vers le mien, comme pour me demander de répondre à son incompréhension totale. Je hoche de la tête après quelques secondes d'hésitation, et il lâche un soupir de soulagement, déclinant également sur l'angoisse.
— Qu'est-ce qui te surprend ? le questionnai-je d'une voix que je n'ai étrangement su contrôler.
— Ça me surprend parce que je me connais assez pour savoir que... dormir avec quelqu'un n'est pas vraiment dans mes habitudes. Qu'on ait baisé ou pas.
C'est sûrement à cause de ses cauchemars qu'il ne dort jamais avec personne, mais je ne dis rien.
— Je suis alors d'autant plus intrigué sur ce qui s'est passé hier... continue-t-il en se grattant le crâne.
Et puis soudainement, je finis bêtement par comprendre la raison pour laquelle il me pose toutes ces questions.
— Attends... tu veux dire que tu n'as aucun souvenirs de la veille ?
Il lâche un ricanement jaune, tanguant légèrement entre la colère et le stress.
— Yep. Ce qui m'indique maintenant que je n'ai pas dû boire que de l'eau... bordel.
Lorsque sa main passe dans ses cheveux, cette fois-ci, c'est comme s'il comptait les arracher. J'en suis légèrement effrayée, mais préfère ne rien faire.
— Pour être honnête avec toi, j'ai quelques bribes de souvenirs qui me viennent... mais c'est trop flou pour être clair.
— Et du coup... d-de quoi te rappelles-tu ?
Son regard replonge dans le mien, et je n'y lis que des émotions négatives. Cela suffit à faire fuir les petits papillons s'étant faufilés dans mon cœur.
— De choses pas très fameuses. Je préférerais sincèrement que tout cela ne soit que le fruit de mon imagination. Putain.
Je passe une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille, tout en me laissant emporter par le flot de pensées me tourmentant l'esprit. Je ne pensais pas vraiment que cette histoire finirait par un black-out de sa part. Mais en y repensant, vue la quantité d'alcool passée dans son sang, tout cela me paraît plus que plausible. Un regard dans la direction de Dean m'indique qu'une fois de plus, ce dernier pose sur moi un regard profond.
Attends... Je rêve où il souhaite que je lui raconte ce qui s'est passé hier ?
Une montée de gêne grimpe en moi, et je sens mes joues s'échauffer. Ça paraît logique qu'il souhaite savoir ce que diable il a pu faire. Surtout que ce n'était pas réellement fameux. Mais le fait de dire tout ça à haute voix...
— S'il te plaît, il faut que je sache, murmure-t-il d'une voix suppliante.
J'ai alors bien vu juste. Finalement, lorsque ses yeux se font plus insistants, je finis par céder, et ouvre la bouche :
— Eh b-bien... je t'ai croisé lors de tes combats et-
— Ça je m'en souviens. C'est plus lorsque les soins ont débuté que tout part en vrille dans ma tête.
Le début des soins... donc plus précisément, le moment où il a commencé à boire. Étrangement, je suis surprise du fait qu'il ne s'attarde pas plus que ça sur cette histoire de combats illégaux. Mais bon, vue la suite des évènements, cette surprise s'estompe aussi rapidement qu'elle m'était apparue.
— Oh... alors... eh bien, je t'ai soigné. Puis tu as commencé à boire. Et on a dormi ensemble. Voilà.
Bordel, j'ai vraiment raconté de la merde. Et à en voir le regard de Dean, je comprends rapidement que lui aussi pense la même chose.
— Euh, Anna. Tu te rends compte que je suis en plein black-out, et que je suis putain d'inquiet sur ce que j'ai bien pu te dire ou faire ? Surtout que je sais comment je suis lorsque je suis bourré...
— Et... comment es-tu lorsque tu es bourré ?
Cette question est sortie de ma bouche avant même que je ne la contrôle.
— Je suis trop honnête, je parle sans filtres.
Je me ressasse alors toutes les révélations dont il m'a faites part, et tout fait sens dans mon esprit.
— À en voir ta tête, je vois que j'ai vu juste, lâche-t-il d'une voix amère. Donc vas-y, dis-moi tout, dans les détails.
Je prends un long souffle, et lui réponds d'une voix hésitante :
— Je ne comprenais pas vraiment la raison pour laquelle tu buvais autant, et ça m'inquiétait. Tu as du boire genre quoi... trois bouteilles ? Tu t'énervais pour rien, et tu as carrément pété un câble lorsque tu téléphonais à un certain... Konrad ?
Lorsque je prononce son nom, l'expression de Dean s'assombrit soudainement. Et après quelques secondes, je comprends que cette colère m'est adressée.
— Ah, et maintenant en plus de pister mes messages, tu écoutes mes conversations ? me crache-t-il au visage.
Attends, il est vraiment entrain de s'énerver contre moi, là ?
— Sérieusement Dean ? Je n'ai pas écouté ta conversation. Du moins, ce n'était pas intentionnel. Je l'ai seulement entendue vue comment tu hurlais dans tout l'appartement !
Apparemment, il commence à perdre ses moyens. Il ouvre plusieurs fois la bouche pour répliquer quelque chose, mais la referme immédiatement à chaque fois. Il ne s'attendait sûrement pas à ça. Finalement, son regard se durcit, et il me fusille du regard en serrant les poings.
— Pourquoi tu n'es pas partie après m'avoir soigné ?! Hein ?! Ça te plaisait tant que ça de me voir dans un état si lamentable ?!
Cette fois-ci, c'est à mon tour de m'énerver. Dans tous les cas, notre discussion était beaucoup trop calme pour être normale.
— Tu penses réellement que je suis restée pour me moquer de toi ?! Mais qui crois-tu que je suis ?! Je ne suis pas si... sadique ! Navrée, mais la seule chose que j'ai essayée de faire était de t'aider ! T'aider parce que tu étais mal ! Là encore, je ne suis pas sadique, je ne comptais pas te laisser comme ça !
— Je n'ai pas besoin de ton aide putain, je ne suis pas un bébé à qui on doit mettre une couche !
J'éclate. Littéralement.
— Cesses de me blâmer alors que c'est toi qui m'as suppliée de rester avec toi !
Il se fige soudainement, et me lance un regard complètement choqué. Peut-être que j'y suis allée un peu trop fort. Mais bon, dans tous les cas, je comptais lui révéler cette partie de la soirée...
— Attends, je t'ai vraiment suppliée ? me demande-t-il d'une voix incrédule.
Toute ma colère s'estompe lorsque je regarde son visage. Les joues chauffées, je hoche la tête. C'est alors que sans comprendre pourquoi, il plonge sa tête dans son matelas dur en se tirant les cheveux. Il grommelle des insultes sèches, et je me décide à parler.
— Tu-
— J'ai bien cru l'avoir fait, mais ça me paraissait tellement impossible que je pensais délirer. Mais maintenant que tu me l'as confirmé, j'ai bien peur que certains de mes souvenirs soient vrais.
Maintenant, son regard est posé sur le mien, et me fait clairement comprendre de continuer.
— ... tu paraissais incontrôlable, et j'avais la ferme intention de te faire stopper la boisson. Mais finalement, tu as commencé à me dire des choses sur toi qui...
Son regard se fait soudainement affolant.
— Quelles choses précisément ?
— Tu... tu m'as parlé de ta mère, lâchai-je finalement en baissant les yeux. De ta mère et du fait qu'elle t'ait abandonné.
Lorsque je m'autorise à le regarder, je constate que ses yeux sont fermés, et que sa mâchoire est serrée. C'est comme s'il se retenait d'exploser.
— Bordel de... je n'ai que dit ça ? me questionne-t-il.
— Au sujet de ta mère, oui. Mais...
— Quoi, j'ai encore dit des choses ?
— Tu t'es... c-confié au sujet de tes cauchemars. Je ne comprenais pas la raison pour laquelle tu ne voulais pas fermer l'œil avant d'avoir bu, alors tu t'es penché sur cette histoire.
Ses yeux s'ouvrent, mais ne m'adressent pas un seul regard. Ils restent figés devant lui, fixant un point invisible. Il semble dépouillé de tous ses moyens.
— J'ai dit quoi précisément ?
— Tu m'as seulement dit que tu ne pouvais pas dormir sans avoir bu. Dans le cas contraire, tu entendrais des... voix, dans ton sommeil. Ils viendraient te dire des choses que je n'ai su comprendre. Tu as aussi confirmé le fait qu'ils apparaissaient chaque soir.
Encore une fois, et à ma plus grande surprise, il n'éclate pas. Il reste stoïque, le regard dans le vide, mais prouvant quand bien même le retient de sa colère. Soudainement, son regard se fait plus triste et stressé quand il se pose sur le mien et qu'il ouvre la bouche :
— Je... je t'ai parlé d'elle ?
Comment ça ? Je me fige sur place, les sourcils froncés par l'incompréhension. C'est bizarre... c'est la deuxième fois qu'il me pose une question de ce genre maintenant, et toujours sur cette « elle » que je n'arrive pas à analyser. Finalement, il soupire de soulagement, et se décontracte un peu plus.
— À en voir ton incompréhension, je vois que je ne me suis pas tourné sur ce sujet, donc-
— Qui est cette personne ? l'interrompais-je.
Sa bouche se referme immédiatement, et il me fusille du regard.
— Quelqu'un que tu n'as pas besoin de connaître, me répond-t-il d'un ton sec qui ne laisse pas plus de place à la négociation.
En constatant que son visage s'est renfrogné, je comprends que ce sujet est un de ses points sensibles. Je ne préfère donc pas trop m'attarder dessus.
Du moins, pas pour le moment.
Finalement, je lui explique la suite de la soirée. Donc du moment où il m'a supplié de rester avec lui à notre nuit sans encombres. Bizarrement, le dire à haute voix donne à tout ce qui s'est passé un peu plus de réalité, ce qui me fait m'interroger davantage sur toutes ces questions me trottant dans la tête.
Des questions n'entourant que le visage fermé de Dean Gonzalès.
Une fois mon récit terminé, nous restons face à face. Dean a ses mains dans les cheveux, et moi le regard évitant le sien.
— En fin de compte, tu sembles prendre tout cela... bien, lâchai-je afin de donner un peu de vie à ce silence pesant entre nous.
Il lâche un rire ironique, en pointant sa tête du doigt.
— J'ai l'air de prendre ça bien ?
En l'analysant un moment, je me rends compte qu'il n'a pas totalement tort. Ses traits sont tirés, et son teint habituellement hâlé et bronzé, tangue légèrement sur le pâle. Ses yeux sont à la fois cernés, tombants et injectés de sang. Ils prouvent sa fatigue physique comme morale, ainsi que les grammes d'alcool dans ses veines. Mais en dehors de cela, lorsqu'on plonge complètement dans son regard sombre -ou du moins là où son âme nous permet d'aller, la seule émotion discernable est l'angoisse.
Je ne pensais réellement pas que Dean serait si réticent à ce que des personnes découvrent plus de choses à son sujet. Et puis, je ne suis pas une inconnue... Mais apparemment, ce fait ne suffit pas à le rassurer. Au contraire, en tirant sur le fil de sa vérité, j'ai l'impression de ronger son âme avec lenteur, comme une torture psychologique. Certaines personnes trouvent que se confier à quelqu'un, ou juste le fait de mettre des mots sur leurs émotions, leurs souvenirs, ou leur douleur est une sorte d'antidote, un soulagement. Peut-être que le fait de parler de ce genre de sentiments donne l'effet de les faire sortir de son âme, de les cracher par terre, comme s'il ne s'agissait là que d'un vulgaire mollard embêtant et dérangeant. Mais encore une fois, ce n'est pas la même chose du point de vue de Dean. Lui préfère tout garder pour lui, et lorsque quelqu'un réussit à obtenir plus d'informations sur sa personne, c'est comme si on lui avait coupé un bras. Ça me paraît assez surprenant, surtout en vue du degrés de gravité de sa situation. Et le pire dans tout ça, c'est lorsque je me dis que ce que j'ai découvert cette nuit n'est qu'une sombre et petite partie de la vérité de la souffrance qu'est Dean.
— Non, finis-je par souffler. Mais je pensais que tu laisserai ta colère éclater au grand jour. Comme tu en as si bien l'habitude.
Il lâche un ricanement ironique, encore.
— J'essaye seulement de relativiser.
Cette fois-ci, c'est à mon tour de rire.
— Toi ? Relativiser ? La blague...
Et puis, sans comprendre pourquoi, nous rigolons.
Nous rigolons simplement.
Sans raisons.
Nous ne nous arrêtons pas avant un moment. Lorsque nous le faisons, nous gardons nos regards fixés l'un dans l'autre, les yeux mouillés par l'hilarité. Et alors que nous plongeons dans un silence étrangement dénué de gêne et de tension, je me dis que tout ça est...
... anormal.
Comment pouvons-nous, ne serait-ce qu'un instant, agir comme cela après tout ce qui vient de se passer ? Je crois que nous sommes devenus fous, littéralement. Autrement, je ne vois pas d'autres raisons. C'est comme si nous étions si fatigués de nos personnes que la seule chose à faire à part pleurer, était de rigoler. Et pour être honnête avec vous, rire est toujours plus simple que pleurer.
Enfin, c'est simplement moins douloureux.
Pleurer, c'est prendre complètement conscience de la gravité de la situation. C'est l'accepter avec douleur et horreur.
Rire, c'est rester dans le déni, tout en sachant que notre petit monde est ravagé par les flammes de notre douleur.
Rire, c'est ne pas vouloir accepter la vérité.
Rire, c'est ne pas vouloir souffrir.
Enfaite, rire c'est être lâche.
C'est alors que je constate que nous nous fixons depuis maintenant quelques secondes. Des secondes se formant petit à petit en minutes qui n'ont semblé durer qu'un millième de temps.
Je sens mes joues chauffer pour prendre cette tendre et habituelle couleur rouge. La gêne afflue telle de l'électricité dans mon système nerveux, et je me creuse l'esprit à la recherche de quelque chose à dire. Comme pour placer un bouchon sur cet énorme et dérangeant trou, plus communément appelé « gêne ».
Alors que je cherche, je constate que le regard de Dean fixé sur moi a changé. Il est plus profond, plus curieux, plus envahisseur dans mon esprit. C'est troublant, un peu dérangeant, mais tellement intense... Comme d'habitude, je ne parviens pas à lire en lui à cause de ce voile si opaque qui masque son âme et ses pensées. Mais là, c'est comme si lui s'efforçait de chercher quelque chose en moi. Quelque chose qui l'avait troublé et qu'il n'avait jamais remarqué auparavant en moi.
Oh mon Dieu.
C'est alors qu'une question parfaite passe dans mon esprit. Voilà de quoi rompre ce silence et cet échange de regards gênants.
— Hum... en dehors de ç-ça, j'ai cru remarquer que tu as passé une nuit sans... encombres ?
Même s'il ne bouge pas pendant quelques secondes, c'est comme s'il m'avait dévisagé avec son regard. Ses yeux finissent par se détacher des miens, et se mettent à fixer ses longs doigts. Ils forment de légers mouvements circulaires sur le fin draps, et je ne peux m'empêcher d'imaginer ses doigts saillants faire ce même mouvement sur le grain de ma peau. Je me mets à frissonner. Bordel, je dois me calmer.
— J'ai l'impression que tu lis dans mes pensées, lâche-t-il finalement en ricanant, tout en levant son regard vers le mien afin de l'analyser une énième fois.
Je rougis comme une adolescente. Hormones de mes deux !
Excuse-nous, mais il est tellement craquant... avec son regard, sa voix matinale, et... lui, s'extasie ma déesse intérieure en se ventilant.
Ah, ça faisait longtemps que celle-là n'était pas apparue. Et elle ne m'a pas manquée.
— Comment ça ? lui demandai-je en essayant d'ignorer les paroles sournoises de ma déesse intérieure.
— J'étais justement entrain de m'interroger sur cette histoire de cauchemars, et également sur... toi.
Boum. Boum. Boum. Mon cœur rate un battement.
— Quel est le rapport entre moi et cette histoire de cauchemars ?
— Ça fait tellement de temps que je n'ai pas fait de cauchemars...
— Donc tu n'en as réellement pas fait cette nuit ? lui demandai-je d'une voix plutôt abasourdie.
— Même si l'alcool les atténuait légèrement, continue-t-il en ne se souciant pas de ma question, ils ont toujours été présents. J'ai même essayé de ne pas dormir du tout, de faire des folles soirées chaque nuit... mais non. Un jour ou l'autre, ils revenaient me hanter. Ils ne me lâchent plus depuis des années maintenant, se confie-t-il en ne me lâchant pas une seule fois du regard, même lorsqu'il approche son corps du mien, son visage du mien.
Boum. Boum. Mon cœur rate un battement.
— Le rapport avec toi ? Il est simple. J'ai tout essayé. Tout. Et cela pendant des années. Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai essayé de les faire disparaître de mon esprit dès la nuit tombée. Mais en vain, rien n'a marché. Ils reviennent juste avec plus d'intensité que les précédentes à chaque fois, continue-t-il en s'approchant de plus en plus de moi jusqu'à n'espacer nos visages que de quelques centimètres. Mais toi...
Boum. Mon cœur rate un battement.
— Tu arrives comme une sauvageonne chez moi, dors avec moi, et... rien. Pas de cauchemars. Rien du tout. C'était juste... tout noir ! s'émerveille-t-il en souriant comme un gosse de deux ans. Ce fut certainement la nuit la plus reposante qu'il m'ait été autorisé d'avoir.
Cette fois-ci, mon cœur ne rate plus aucun battements. Il n'en rate plus aucun puisque j'ai cette réelle impression qu'il a complètement cessé de battre. Face à ce sourire émerveillé et plein d'espoir de la part de Dean, j'ai l'impression que tous les malheurs de notre monde pourraient être résolus.
« C'était juste... tout noir ! »... c'est à la fois si mignon, et si émouvant à la fois. Le fait qu'il puisse s'émerveiller d'une chose si banale en soit, le rend similaire à un enfant s'extasiant face à une barbe-à-papa. Mais dans un même temps, je trouve ça triste.
Triste, car cela prouve que Dean fut privé d'une chose si simple mais si essentielle dans un même temps pendant tellement longtemps. Trop longtemps. Un temps que je ne pourrais jamais comprendre, ni imaginer.
Ça m'attendrit le cœur tout en le détruisant. Ça le brise pour le recoller. C'est magnifiquement triste.
— Ce n'est pas forcément le fait de dormir avec moi qui explique ta paisible nuit, bredouillai-je d'une voix enrouée. Peut-être que le simple fait de dormir avec quelqu'un apaise tes mauvais rêves.
Encore une fois, il s'approche de moi avec un sourire planant sur ses lèvres. Il s'approche encore et encore, tellement que je me demande comment nos visages ne se touchent toujours pas. Il fait tout cela avec une lenteur incroyable. Une lenteur qui fait battre mon cœur presque mort, pour l'anéantir une énième fois. Et il refait ça.
Encore,
et encore,
et encore,
et encore.
Qu'il cesse. Qu'il cesse d'autant tourmenter mon âme, de titiller chaque atome me composant, de s'amuser avec mon être et ses réactions qui sont censées être miennes, mais que je ne parviens jamais à contrôler.
— Peut-être que oui, dit-il d'une voix ensorcelante tout en penchant la tête vers la droite, ou peut-être que non, dit-il en penchant cette fois-ci sa tête vers la gauche. Mais moi, de part mon ressenti, je pencherai plus pour un non. J'ai cette drôle d'impression que si je dormais avec quelqu'un d'autre, ce serait complètement différent. Que si une présence autre que la tienne n'était pas là, ces fichus cauchemars seraient revenus faire ma fête.
Et alors que je me sens perdre pied face à son regard, sa voix, sa proximité, j'arrive à rassembler assez de courage pour l'éloigner.
Je ne peux pas me le permettre. Je ne peux plus me le permettre. Je sais quelles sont les conséquences si je succombe à lui, alors je ne peux juste pas. Ça a beau être exquis, je ne peux pas. Et maintenant, je connais mes limites. Je sais que s'il va trop loin, ce sera trop tard pour ma bonne parole.
— Je... je pourrais prendre une douche ? changeai-je soudainement de sujet en détournant la tête.
Je constate que Dean se stoppe dans son avancé vers... mes lèvres, et qu'il sourit.
— Bien, fais comme bon te semble. Tu sais où c'est.
Je déglutis longuement, et d'un mouvement presque robotique, me lève en évitant son regard brûlant d'une chose que je ne préfère pas imaginer.
Garde le contrôle,
le contrôle,
le contrôle,
le putain de contrôle.
— D'accord merci-
C'est alors que Dean fait quelque chose que je n'ai jamais pris en compte dans mes statistiques.
Sa main s'enroule autour de la mienne afin de me tirer brutalement vers lui, ne me laissant alors pas le temps de répliquer. Son autre main vient se loger contre le creux de mes reins, et il fait remonter celle attrapant la mienne vers mon visage afin de le rapprocher du mien.
Nos regards se font face un instant, et cette soudaine proximité saccage tout le contrôle que j'ai essayé d'établir entre nous. Je ne dégage pas l'ombre d'une opposition, et Dean semble le comprendre.
Il fait alors glisser sa bouche sur la mienne, comme du verre sur l'eau. Nous nous retrouvons alors à nous embrasser, d'abord langoureusement, puis sauvagement. Lui est assis sur l'extrémité de son lit, et je suis penchée vers lui. Mes mains sont étrangement pantelantes, n'osant pas bouger, et tremblent férocement. Les bras et mains de Dean ne me touchent également pas. Ils sont simplement posés sur son lit.
Enfaite, la seule chose qui nous lie sont nos lèvres, puis nos langues lorsque la sienne s'insinue sournoisement dans notre baiser afin d'échanger avec la mienne une danse endiablée, violente et passionnée. Elles désirent le feu de leur bout, le brasier de leurs frémissants mouvements, se désirent encore, encore, encore, encore...
C'est fou comme elles se désirent.
Finalement, après un temps aussi court qu'une éternité, nos lèvres se séparent. Mes yeux que j'avais fermés sans même m'en rendre compte s'ouvrent, et je fais face aux billes topaze de ces yeux qui me fixent sans relâche, sans pause, sans repos. Sa main vient se poser sur ma joue, et ses longs doigts s'enroulent autour de l'une de mes mèches qu'ils font tournoyer. Doucement, il rapproche ses lèvres rouges de mon oreille, et me murmure d'une voix si sincère qu'elle gorge mon cœur de tant de sang qu'il pourrait exploser :
— Merci.
5816 mots / Relu et corrigé
* * *
HELLO TOUS LE MONDE ! Comme vous avez pu le voir dans le chapitre précédent qui explique cette très longue pause, JE SUIS DE RETOUR ! 😏😂
Je ne m'attarderai pas sur les évènements qui me sont arrivés, mes futurs projets et les raisons de mon absence puisque je l'explique très clairement dans le chapitre explicatif ! J'hésitai à vous poster ce chapitre qui était déjà prêt depuis longtemps, puisque je savais pertinemment que le chapitre 30 prendra du temps à venir (réécriture de AS et DL, j'essaye de me remettre en tête l'histoire aussi, préparer la surprise des 1M de AS, et j'ai un projet futur à préparer)... Mais je ne pouvais plus attendre, j'étais obligée de vous le mettre ! Je vais essayer de me grouiller pour le prochain chapitre, mais je pense que vous connaissez mon esprit critique sur mes propres œuvres donc bon, me presser c'est pas trop mon truc...
Dans tous les cas, une fois que les réécritures seront enfin finies, je vous promets que la régulation de mes chapitres sera davantage soutenue (au moins 1 chapitre par semaine !) !
M'enfin ! Re-bref ! En dehors de ça, j'espère que tout se passe bien pour vos petites fesses, et qu'en plus de ça, vous avez kiffé ce chapitre ?! 🤫 D'ailleurs, est-ce que vous allez bien ? Pas de corona victime en vue ?
- UN PETIT MOMENT DANNA COMME ON LES AIME ?! Oh YeAh !! 🤤
- Dean n'a pas fait de cauchemars avec Anna ? Porque ? N'empêche, je dois admettre que c'est trop meuuuugnon ! ☺️
- PUTAIN DE ZEFKGDFJBFJ.DF ! IL L'A EMBRASSEE ?! OMG ! Hamida.exe a cessé de fonctionner. 😘
Enfin bref, je vais essayer de faire AU PLUS VITE pour vous poster la suite ! J'espère que ma petite team poulpes ne m'a pas abandonné, malgré mon absence...
Ciao mes bébés poulpes d'amour ! 💓🐙
de HamidaSwan, qui vous kiff. Teehee.
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