Chapitre 28

PDV Anna

Sans plus réfléchir, je tourne les talons et me dirige d'un pas déterminé vers Dean qui a enfoui sa tête dans son bras transpirant. Je me mets à genoux devant lui, et il lève sa tête en m'entendant. Ses yeux plongent dans les miens avec tellement d'intensité que l'envie de prolonger ce contact invisible me prend, mais je réprime cela car maintenant, il est temps de l'aider.

Même si une boule d'appréhension grignote mon bas-ventre à petit feu.

— Je... Comment je fais ça ? demandai-je d'une voix tremblante.

Qu'il ose me lâcher une remarque taquine ou un regard amusé, et je lui déboîte cette fois-ci ses deux jambes... Mais à ma plus grande surprise, il ne dit rien et reste sérieux.

— Premièrement, va dans ma salle de bain et ramène des cotons et du désinfectant pour les coupures. Et après, cherche de l'alcool dans ma cuisine.

Aussi rapidement que l'éclair, je suis déjà en route. Je ne prends pas longtemps à trouver la seule de bain. Lorsque j'allume la lumière et fais face à mon reflet dans le petit miroir, je me fais moi-même peur. Mon teint est pâle, extrêmement pâle. Mes traits sont tirés, et trahissent mon épuisement physique comme moral. Mes cernes sont marquées, et mes cheveux mouillés à cause de la pluie extérieure sont emmêlés. Mais le pire, c'est mon regard. Mes yeux habituellement clairs, sont si sombre qu'ils paraissent noirs. Enfin bref, je fais vraiment peur à voir.

Je ne prends pas plus de temps à me regarder, et cherche ce que m'a demandé Dean dans les tiroirs. D'ici, je peux percevoir la voix de mon ami parler au téléphone, et apparemment il est plutôt énervé. Une fois que j'ai tout ce dont j'ai besoin, je ramène tout le matériel dans le salon, et le dépose devant le blessé qui ne m'accorde aucun regard.

— Je sais que j'ai merdé bordel ! Pas besoin de me sermonner, t'es pas mon putain de père, ok ? hurle-t-il.

En vue de sa colère, moi non plus je n'ose lui adresser ne serait-ce qu'un regard. Je me dirige ensuite vers sa cuisine qui est encore une fois juste à côté. C'est tellement petit qu'il est aisé de se déplacer de pièces en pièces ! J'ouvre chaque placard, et suis surprise de constater le nombre affolant de bouteilles d'alcool présentes. Mais je n'y fais pas attention, étant donné que je ne cherche pas ce genre d'alcool, mais plutôt celui qui désinfecte.

— Ferme-la Konrad ! Je sais que je n'étais pas dans le combat et que je suis fichu pour ça, alors à quoi bon le répéter ?!

"Konrad" ? Encore ce mec ?

— Je... Comme ça ! Je ne saurais pas te dire ce qui m'a déconcentré !... C'était comme ça.

Je rougis quand je constate que c'est de moi qu'il parle inconsciemment. Finalement, après quelques minutes de recherches, je me rends compte qu'aucune bouteille d'alcool désinfectant ne se trouve ici, et c'est à ce moment-là que Dean met fin à son appel.

— Tu sais quoi mec ?! Va te faire enculer par le plus grand des enculeurs de ce putain de monde, okay ?!... Non, je-... Ta gueule ! Ose pointer le bout de ton gros pif chez moi et je te promets que je te broie les couilles, avec ou sans une épaule déboîtée !

Sur ce, il éteint son téléphone et le balance sur le parquet. Je sursaute devant la voilence de son geste, et plains intérieurement son téléphone qui n'en ressortira pas indemne. Aïe, ça fait mal... Il se prend une nouvelle fois la tête entre les mains, tire ses cheveux, mais finit par grogner de douleur à cause de son épaule.

— Putain d'épaule de mes deux !

Je décide enfin à me manifester :

— Euh... Il n'y a pas d'alcool.

Il tourne sa tête vers moi, et me lance un regard du style « euh, elle est conne ou quoi ? ».

— Bien sûr qu'il y en a. Cette cuisine n'est remplie que de ça. Du bourbon suffira.

Attends, pourquoi prendre du bourbon ? Ça ne soigne pas... Néanmoins je constate que son ton est bien plus sec qu'auparavant, ce qui me redescend encore plus le moral. C'est sûrement à cause de ce coup de fil de la part de ce prénommé "Konrad", et qui commence à m'intriguer de plus en plus... Je finis par prendre la bouteille qu'il m'a indiqué, et me dirige vers lui. Une fois à sa hauteur, il m'arrache violemment cette dernière des mains, et je hausse les sourcils. Le voilà redevenu exécrable et sur les nerfs... Tandis que je m'assieds face à lui, je le vois, choquée, ouvrir et boire la bouteille d'alcool en longues gorgées. Attends, il voulait juste... boire ? Comme ça ? Mais...

Il finit par la reposer après avoir bu presque la moitié de la bouteille. Il ouvre le désinfectant, et en renverse grossièrement sur le coton, tout en en fichant par tout par terre. Apparemment, même s'il tient habituellement bien l'alcool, toutes ces gorgées passent difficilement. Il pose le coton imbibé sur sa peau sanglante avec sa main valide, et grimace de douleur quelques secondes avant de continuer de nettoyer ses plaies. Je le regarde en silence alterner entre la boisson et le nettoyage de ses coupures pendant quelques minutes, quand finalement je me manifeste lorsqu'il en est aux trois-quart de la bouteille. Voir plus :

— Tu... pourquoi boire de l'alcool ? le questionnai-je, légèrement inquiète.

Il tourne lentement son visage vers moi, les joues rougies. Apparemment, il est pompette.

— On ressent moins la douleur, dit-il simplement de sa voix pâteuse.

Mais étrangement, à en voir son regard vide et voilé, j'ai cette mauvaise impression que ce n'est qu'une excuse, et que ce n'est pas la vraie raison pour laquelle il boit. C'est donc pour cela que j'essaye de lui reprendre la bouteille, mais apparemment, il s'attendait à ce geste de ma part puisqu'il évite ma main.

— Dean...

— Non. Ton boulot, c'est mon épaule. Je viens de finir de désinfecter mes plaies, donc c'est à ton tour maintenant.

J'oublie rapidement cette histoire d'alcool tandis qu'une boule d'appréhension me prend.

— Bon... ok. Alors, je...

Je pose mes deux mains sur son épaule, et lorsqu'il grimace, je respire longuement afin de calmer mon rythme cardiaque. Je sens un léger creux au niveau de l'arrière de son épaule, donc je suppose que cela tant enfaite l'endroit où se trouvait... l'os de son épaule avant. Oh mon Dieu. Ça a dû lui faire tellement mal ! En me rappelant le craquement qu'a fait son os lors du coup, un long frisson d'effroi parcourt mon échine. Le pauvre...

— Tu sens ? me demande-t-il en reprenant une longue gorgée de bourbon.

En déglutissant, je hoche la tête.

— Bah il te suffit de replacer l'os. En un coup sec.

Ma respiration se fait de plus en plus courte alors que je m'imagine la façon dont je vais faire cela. Si je me le représente bien, l'angle d'inclinaison devrait être-...

Ce n'est pas en faisant des maths que tu réussiras à remettre cette épaule en place ! me sermonne ma conscience.

Ok, c'est vrai qu'elle a raison. Bon, en supposant que cela risque de faire très mal, il serait préférable de distraire Dean.

— Tu... tu semblais si indifférent lors du combat, et tu bougeais si aisément... Tu ne ressentais pas la douleur à ce moment-là ?

J'écarquille les yeux lorsque je constate qu'il vient tout juste de terminer sa bouteille. Il balance cette dernière sur le parquet, et je sursaute. Mes yeux restent fixés sur son épaule, mais je sens sa tête se tourner vers moi. Bordel, il sens tellement l'alcool !

— Non. C'est l'adrénaline. J'avais tellement envie de massacrer ce russe que je n'ai même pas senti qu'il m'avait-

Crack !

C'est bon. C'est parti. C'est remis en place. Mais ça doit faire mal.

— AAAAAAAHHH !! hurle-t-il en me poussant fortement, tout en plaquant sa main sur son épaule maintenant soignée.

Je tombe sur les fesses, légèrement sonnée par sa bousculade. Apparemment, il ne s'est pas rendu compte de la force avec laquelle il m'a éjectée.

— Putain de bordel de-... Anna mais t'es cinglée ou quoi ?! s'écrit-il en massant petit à petit son épaule toujours légèrement bleutée, mais qui doit faire beaucoup moins mal qu'auparavant. Tu veux ma mort ?! Tu aurais pu me prévenir ou... je ne sais pas moi !

— Mais le faire par surprise fait moins mal que le faire lorsque tu t'y attends !

Il lâche un rire sarcastique, et finit par se lever. Il fait tourner son bras afin de faire passer la douleur, tout en me fusillant d'un regard tout sauf amusé.

— Mon cul oui, je ne vois pas comment ça pourrait faire plus mal. T'es vraiment conne.

Et il tourne les talons, me laissant seule. Attends, il vient vraiment de partir en m'insultant ? Sans aucun remerciement alors que je n'ai jamais stressé comme cela pour quelqu'un ? Mais il est sérieux là ?!

Ni d'une ni de deux, je me lève et me dirige vers la cuisine étant donné que c'est là-bas qu'il est allé. Je constate avec horreur qu'il vient de reprendre une bouteille de bourbon, et qu'il commence d'ores et déjà à la boire à grandes goulées. Je m'empresse de la lui arracher des mains, et heureusement pour moi, il ne s'y attendait pas. Il en a un peu versé par terre, mais apparemment il s'en contre-fiche vu le regard haineux qu'il me lance.

— Qu'est-ce que tu-

— Pourquoi continues-tu de boire ?! m'énervai-je en évitant sa main qui essaye de reprendre la bouteille. De ce que je peux voir, tu n'as plus mal. C'est fini ! Donc plus besoin de boire.

Sans que je ne m'y attende, il me pousse brutalement. Je lâche un glapissement de surprise, et il profite de ce moment de faiblesse pour reprendre sa bouteille. Grimaçant de douleur à cause de sa bousculade, je presse ma main sur mon bras douloureux.

— Dégage de chez moi ! On en a fini ! s'écrie-t-il fortement.

Je le dévisage, choquée par son comportement pire que bipolaire.

Un moment il me demande de rester pour le soigner, et un autre il me rejette comme une petite merde, tout en me poussant et en m'insultant alors que je n'essaye que de l'aider ? Que lui prend-t-il ? Est-ce à cause du coup de fil ? De l'alcool ? Ou même de quelque chose que j'ignore encore ?

— Je suis désolée Dean, mais tu ne peux pas me jeter de chez toi de la sorte ! Le minimum serait d'au moins me remercier, tu ne crois pas ?!

— T'as cru que parce que t'as replacé un petit nonos, j'allais me soumettre à toi ? Pour qui tu te prends enfaite ?! Tout ce qui m'est arrivé ce soir est de ta faute, alors je vais te demander de sortir ton gros cul de salope de chez moi ! Maintenant !

Comme si je venais de me prendre un coup de poignard en pleine poitrine, je recule de quelques pas tout en le dévisageant, déçue.

— Mais qui es-tu ? lui crachai-je au visage, tout en le regardant de la même façon que je regarderai une ordure.

Il perd ses moyens, hors de lui, et prend du temps à me répondre à cause de ses hésitations. C'est le problème chez Dean ; il agit comme s'il contrôlait la situation, comme s'il croyait qu'il était au-dessus des autres, comme lors de son combat. Mais en réalité, il n'a pas réellement de répartie, surtout lorsqu'il sent que le contrôle lui glisse entre les doigts. À ce moment-là, la seule chose qu'il est capable de faire, c'est insulter ou frapper jusqu'à ce que l'autre interlocuteur se recroqueville de douleur.

— Dégage de chez moi Anna.

Une idée me prend soudainement.

— Eh bien fais-le ! Tu parles beaucoup Dean, mais tu ne fais jamais rien ! Tu veux que je dégage de chez toi ?! Alors jette-moi dehors parce que je peux te promettre que je ne le ferais pas de mon propre grès. Je reste ici.

Il s'avance de quelques pas, la mâchoire serrée, puis se plante en face de moi. Il me fixe un moment avant de jurer dans sa barbe et reculer.

— Dégage Anna.

Je le savais. Même si sa bouche m'insulte et me hurle de sortir de chez lui, au fond ce n'est pas ce qu'il veut. Au fond, et même si je ne sais pas encore pourquoi, il veut que je reste avec lui.

— Sors de chez moi petite pétasse !

Mais ce n'est pas pour autant que je vais me montrer tendre avec lui.

— Tu sais quoi ? Même si tu es l'une des personnes les plus exécrables de cet univers, je ne vais pas te laisser t'en sortir comme ça. Je ne partirai pas. Je ne te laisserai pas seul ainsi, à te bourrer la gueule pour une raison que j'ignore, mais qui est sûrement complètement cinglée !

— Tu supposes donc que je suis cinglé ?! me demande-t-il d'une voix tanguant entre la colère et l'hésitation.

Dans un accès de colère, je ne réfléchis pas avant de lui répondre.

— Oui ! Tu es cinglé putain !

Je me coupe soudainement, en me rendant compte que ce que je viens de dire n'est que de la méchanceté gratuite. Et bien évidemment, mon insulte ne semble pas lui plaire. Pas du tout même. À son tour, dans un accès de colère il brise sa bouteille de bourbon maintenant vide sur le plan de travail abîmé de sa cuisine. Je sursaute soudainement, tandis qu'il s'avance vers moi, l'air menaçant.

— Pour qui te prends-tu pour croire que tu peux soit-disant « m'aider » ? Bien des personnes étant bien plus proches que toi de moi ont essayé de m'aider, mais en vain. Car comme tu l'as dit, je suis un cas désespéré ! Un putain de cinglé ! Mais ne prends pas trop rapidement la confiance, car toi aussi tu l'es. Tu l'es parce que tu insistes pour rester aider un malade mental qui pourrait très facilement pêter ton putain de crâne contre ce putain de plan de travail !

Bien évidemment, il me dit cela afin de me faire fuir. Ce que je ne ferais pas.

— Pour. Qui. Tu. Te. Prends ?! Pour ma mère ?! Mauvaise surprise, cette dernière n'a jamais été là pour moi parce que, surprise ! Elle m'a abandonné !

Je me fige subitement devant ses paroles. Attends, je rêve ou il vient réellement de m'avouer que sa mère l'a abandonné ? Oh mon Dieu... Il lâche un long rire, tout en reprenant une bouteille d'alcool qu'il ouvre et boit. Ses cernes sont marquées, ses cheveux décoiffés, et ses yeux vides. On dirait qu'il est devenu fou, et l'alcool n'arrange pas cela. Il pose la bouteille sur le plan de travail sale, et pose également ses coudes dessus. Il enfouit sa tête dans ses mains, tandis que je reste pétrifiée par tout ce qu'il me révèle. Je tressaille quand il relève subitement la tête, et regarde avec dégoût la bouteille de bourbon face à lui.

— Regarde où toutes ces merdes m'ont mené...

C'est comme s'il ne me parlait plus. Qu'il se parlait à lui-même.

— Tu peux toujours te stopper, essayai-je de lui conseiller. Pose cette bouteille, et va au lit-

Mais c'est impossible !

Il vient littéralement de hurler cette phrase. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état, et ça me met les larmes aux yeux. Surtout quand je constate que ses yeux sont également rougis, et sûrement pas à cause de l'alcool.

— ... mais pourquoi ? lui demandai-je, la voix enrouée à cause de mes larmes.

— Parce qu'ils vont revenir !

Je me fige une énième fois. Mais de quoi parle-t-il ? De qui parle-t-il ?

Ils vont revenir me hanter dans mes rêves... marmonne-t-il en tournant en rond. Ils vont venir comme chaque nuit bercer mon âme en me susurrant à l'oreille ce qu'il s'est passé. Ils vont me demander d'encore me rappeler, encore et encore... Ils vont me chuchoter à l'oreille, puis vont commencer à hurler... Non, non, non...

Rapidement, je comprends de quoi il parle.

— Tu fais des cauchemars ? lui demandai-je d'une voix faible, dépassée par les évènements.

Il hoche de la tête, et mon cœur se fissure.

— ... tous les soirs ?

Il hoche de nouveau la tête, et cette fois-ci mon cœur se brise en milles morceaux, surtout lorsque ses yeux tristes croisent les miens.

— Si je ne bois pas, je ne dors pas. Il le faut, sinon ils vont revenir.

Encore une fois, il prend une gorgée de sa bouteille. Je comprends finalement rapidement la raison pour laquelle il a ce nombre affolant de bouteilles d'alcool chez lui.

Il ne noie pas son chagrin avec, il les utilise simplement en tant que barrière qui l'aident à s'endormir.

En pleurant réellement cette fois-ci, j'essaye de l'empêcher de boire sans vraiment savoir pourquoi, mais il se dégage de moi. Même si c'est important pour lui, que ça l'aide... c'est malsain. Un putain de cercle vicieux qui nuit à son âme et sa santé. Je ne supporte pas de le voir ainsi.

Il s'assoit par terre, et m'ignore. Ignore mes pleurs. Ignore mes essais d'aide.

Je ne sais plus quoi faire.

Je ne sais pas pourquoi il m'a dit tout ça. Pourquoi moi ? Pourquoi lâche-t-il ce poids sur moi ? Est-ce l'alcool qui l'a obligé à agir, ou a-t-il toujours eu envie de le dire à quelqu'un, de se confier ?

Mais à mon plus grand chagrin, je ne sais quoi faire. Même s'il veut apparemment que je reste avec lui, cela ne reste qu'une supposition. Je voulais également l'aider au début, mais maintenant qu'il m'a lâché cette révélation au poids similaire à celui d'une encre, je ne sais pas comment agir. Je ne sais tout simplement pas comment l'aider. Au début, cela me paraissait simple mais...

... je ne pensais juste pas qu'il était si cassé.

C'est donc sans comprendre pourquoi que je tourne les talons. Même si mon cœur me hurle de faire demi-tour et de trouver un moyen de l'aider, ma conscience m'interdit de le faire. Et puis, si je lui tends la main, ce sera pour faire quoi ? Il a dû passer tellement d'années à vivre ainsi, et ce n'est certainement pas moi, la petite bourge de service à la vie parfaite qui lui retirera cette bouteille d'alcool des mains. Une bouteille qui apparemment, lui permet de survivre. Il l'a lui-même dit ; ça ne fait que quelques mois que nous nous connaissons, et si certaines personnes qu'il connaissait depuis des années n'ont pas réussi à le tirer vers le haut, je n'y arriverai jamais.

— Non, je t'en supplie reste !

Je me fige à l'entente de sa voix. Pincez-moi je rêve... Je me tourne vers lui, et c'est avec surprise que je constate qu'il s'est relevé. Il s'avance vers moi, les jambes flageolantes puisqu'il est complètement bourré, et m'attrape le bras :

Reste. Si tu restes, je ne vais pas boire. Je te le promets. Mais reste. Ne me laisse pas seul. Ils l'ont tous fait.

Son regard plonge dans le mien, et j'y lis une supplique profonde, intense... Je prends un moment pour comprendre ce qu'il vient de me demander ; il me demande de rester avec lui, et je ne comprends pas pourquoi. Que vais-je pouvoir lui apporter ? De mon point de vue, rien. Je secoue donc la tête, et son regard se décompose.

— Je ne sais pas Dean... Je... C'est trop pour moi. Tout ce qui vient de se passer en une soirée, tous ces événements, toutes ces révélations...

— Je suis trop cinglé pour toi, hein ?

Encore une fois, je secoue la tête en plissant les yeux. Sa main enserre fort la mienne.

— Non. Ce n'est pas par rapport à toi. C'est par rapport à moi. Jamais je ne pourrais t'aider, je...

— Tu n'auras pas besoin de parler ou autres. Ta présence me suffira amplement. Je veux juste que tu me tiennes compagnie, en tant qu'amie, comme un enfant avec sa veilleuse. Tu vois ? Juste cette nuit-là, je t'en prie.

À ma plus grande surprise, il laisse tomber sa bouteille par terre qui par chance, ne se brise pas. Lorsqu'il plonge son regard dans le mien, j'ai l'impression d'y voir son cœur. Un cœur balafré qui pleure, même si ses yeux ne pleurent pas. Ne pleurent plus. Car oui, il y a des larmes dans le cœur qui n'atteignent pas les yeux. Et cela me suffit étrangement pour accepter. Je ne penserai plus à rien pour cette nuit, ni à demain, ni au passé. J'essaierai seulement d'être là pour lui en tant qu'amie, sans paroles. Juste ma présence.

— Réponds-moi, je t'en supplie. J'attends, tu attends, nous attendons... mais le temps n'attend personne.

Mes yeux plongent dans les siens qui sont vitreux. C'est littéralement un calme tendu juste après la tempête. Même si j'ai fait ma décision, je lui pose quand même une question :

— Pourquoi moi ?

Ses lèvres esquissent un petit sourire, le sourire de ceux qui ont cessé de pleurer. Cette pensée tord mon cœur.

— Parce que bien que je suis un gros con, tu es toujours là. Même si ce n'est pas intentionnel...

Soudainement, il perd pied. Ses jambes tremblent, et je fais de mon mieux pour le retenir dans sa chute. Bordel, il a beaucoup trop bu. Heureusement pour moi, il ne s'est pas vraiment évanoui, mais est seulement entrain de planer.

— Je reste Dean.

Il marmonne quelque chose d'intelligible, alors que je passe son bras autour de mes épaules afin de l'emmener dans sa chambre.

Je ne prends pas le temps d'analyser la pièce, et pose directement Dean sur son lit. Comme je m'en doutais, il s'agit d'un lit simple, non double.

— Je... je te laisse dormir ici, murmurai-je doucement, légèrement hésitante.

Je n'ai pas le temps de partir que sa main attrape la mienne.

Dors avec moi, me demande-t-il de sa voix pâteuse, trahissant son taux l'alcoolémie dans le sang.

Mon cœur bondit dans ma cage thoracique, et je rougis. Attends... dormir avec lui ? Oh mon Dieu, je ne peux pas...

Même si ce n'est pas l'envie qui te manque, me susurre ma déesse intérieure.

Gênée et rouge comme une pivoine, je m'empresse de trouver une excuse :

— Non, on ne peut pas et... j-je... Ton lit sera trop petit pour nous deux et... on est tous les deux trempés à cause de la pluie de dehors et je n'ai pas d'habits de rechange... euh... et tu es sûrement malade donc !

Sa tête se tourne vers moi, et il me dévisage un moment. Je constate que ses yeux ont repris un peu plus de couleur, mais que son teint est bien plus pâle qu'avant. C'est comme s'il stressait, sûrement parce que c'est la première fois qu'il dort de la sorte, sans ses habitudes malsaines.

— Mon lit est petit, certes, mais on n'aura qu'à se coller. Si tu es trempée, tu peux toujours te servir dans mes habits pour la nuit... et je ne suis pas si malade que ça donc voilà.

Je rigole doucement devant son audace, mais secoue la tête.

— Je ne peux pas Dean... J'ai un copain en plus.

— Oublie-le, juste le temps d'une nuit. On ne fera que dormir, entre amis. Il n'y a rien de mal. Tu as déjà dormi avec l'autre binoclard, non ?

Alex ?

— Oui mais...

... sauf qu'à l'inverse de toi, je n'ai jamais été attirée par lui.

Mon teint doit sûrement prendre une teinte cramoisie, mais bon, c'est la vérité. Certes, nous sommes amis mais je peux affirmer que même après ce qui vient de se passer cette soirée, mon attirance pour lui reste toujours aussi puissante, intense.

À cette pensée, mon bas-ventre s'embrase.

— S'il te plaît Anna.

Anna... La façon dont roule mon prénom entre sa langue et ses lèvres est juste exquise, et suffit à finalement me faire flancher. Je souris, et il en fait de même.

— Où sont rangés tes habits ? lui demandai-je.

Un sourire béat aux lèvres, il m'indique cela ainsi que ce qui pourrait m'y plaire. Je m'empresse alors de me servir avant de me diriger dans la salle de bain afin de me changer. Je ne prends pas la peine de me regarder dans le miroir -autant éviter de faire un arrêt cardiaque devant ma laideur. Je retire mes habits trempés, dont -malheureusement pour moi, ma culotte et mon soutien-gorge et les laisse de côté histoire qu'ils sèchent pour demain. J'enfile la tenue que j'ai choisi, c'est-à-dire un débardeur blanc ainsi qu'un short. Comme je suis chanceuse, le short est beaucoup trop grand pour moi, pareille pour le débardeur qui laisse entrevoir la naissance de ma poitrine sur les côtés. Néanmoins, je ne m'attarde pas plus dessus étant donné que ma poitrine est tellement petite que -je l'espère, il ne le remarquera pas. Finalement, je m'autorise un petit regard dans le miroir, et comme je m'en doutais, je suis dégueulasse.

Mais à la surprise générale, cela m'énerve. Je ne vais quand même pas me montrer comme ça ! C'est alors que j'attrape une petite brosse à cheveux appartenant à Dean, et que j'essaye de dompter ma tignasse. Le résultat n'est pas fameux, mais est au moins meilleur qu'avant. J'attrape par la suite un déodorant et m'en mets légèrement, ce qui fait que je sens Dean.

Dean...

Bordel, si je m'attendais à cela. Ce flot de révélations fut similaire à un grand huit, littéralement. Et je pense qu'en réalité, si j'avais su que la vérité était si brutale, j'aurais préféré ne rien savoir sur lui. Certaines fois, vivre dans le déni est préférable que vivre avec des vérités trop dures à encaisser. Surtout si ces vérités surviennent d'un coup, lors de la même soirée.

J'ai découvert qu'il faisait des combats illégaux pour obtenir de l'argent. Pourquoi veut-il cet argent ? Eh bien je l'ignore toujours. J'aurai parié sur son loyer en vue de l'endroit miteux dans lequel il vit, mais apparemment ce n'est pas ça. De plus, le boulot au café ne lui suffit pas puisqu'il a demandé de l'argent en supplément à Linda...

Il m'a avoué que sa mère l'a abandonné. Révélation qui me laisse toujours sous le choque, mais qui explique alors bien des choses comme la raison pour laquelle il ne souhaitait pas parler de sa famille. Bordel, comment peut-on abandonner un enfant ? Le sien qui plus est ? C'est immoral...

Et pour finir, il fait des cauchemars tous les soirs. Des cauchemars qui sont apparemment horribles en vue de la manière dont il me les a décrits. Ce sont... des gens, qui viennent lui demander de se rappeler de quelque chose qui lui est arrivé, qui lui hurlent dessus... Rien que d'y penser, j'en ai des frissons. Mais le pire dans tout cela, c'est qu'il utilise l'alcool en tant que protection, et que cela est devenu presque indispensable pour lui. Comme un drogué.

Comme un alcoolique. Oh.

C'est alors que je comprends sa colère, le jour où j'ai dit qu'il agissait comme un alcoolique, lors d'une soirée. Certaines personnes lisent des livres avant de dormir pour faire de beaux rêves... Dean, lui, se force à boire de l'alcool jusqu'à en devenir presque fou afin d'éviter cette confrontation quotidienne avec ses démons nocturnes. Je dis qu'il se "force", car j'ai bien vu la façon dont il regardait avec dégoût la bouteille d'alcool, et ça me fend le coeur.

Un instant, je me demande comment se passe ce rêve. Est-ce toujours la même scène qui se joue ? Mais plus important encore, qui sont ces gens, et quelle est cette chose qu'ils lui demandent de se rappeler ? Je devine aisément que c'est en rapport avec son passé, mais quoi ?

Peut-être en rapport avec ce « L » ?

— Anna ? demande la voix fatiguée de Dean.

Sa voix me coupe court dans mes pensées, et fait bondir soudainement mon cœur dans ma poitrine. Seigneur, mais que m'arrive-t-il ?

— Euh, o-oui j'arrive !...

Je lance un dernier coup d'œil au miroir, en arrangeant rapidement mes cheveux, et en tapotant mes joues pour leur donner un peu plus d'éclat.

Allez quoi, de quoi ai-je peur ? Je vais juste...

Bordel. Je vais dormir avec Dean Gonzalès.

Cette simple pensée suffit à enflammer complètement le début d'embrasement de mon bas-ventre.

Finalement, je sors de la salle de bain. C'est avec stupeur que je constate que Dean ne s'est toujours pas changé, et qu'il est toujours raide mort sur son lit. Voilà sûrement la raison pour laquelle il se saoule avant de dormir ; une fois ivre, il rentre dans un autre univers qui est certainement plus dur à pénétrer pour ses cauchemars que lorsqu'il est sobre et qu'il a toutes ses idées en place.

Il est tout transpirant. Apparemment, rhume et bourbon ne riment pas ensemble. Je m'empresse alors d'aller le voir, et constate qu'il ne s'est toujours pas endormi.

— Mon Dieu Dean... Tu dois avoir beaucoup trop chaud. Il faudrait au moins que tu retires...

Je rougis subitement. Allez Anna, tu peux bien dire cela sans pour autant avoir des pensées mal placées ! C'est seulement un conseil d'amie !

— ... ton t-shirt-

— Non, me coupe-t-il subitement.

Sa soudaine et plutôt sèche réaction me surprend, et je comprends rapidement que toutes ces fois où il n'a pas voulu enlever son t-shirt, ou qu'on le touche au niveau du torse ne sont pas seulement des coïncidences. Il doit y avoir une réelle explication derrière tout cela.

Néanmoins, j'insiste car je sais que s'il reste ainsi, il ne réussira jamais à dormir. Déjà que cette nuit risque d'être longue pour lui, autant la faciliter le plus possible.

— Dean, il le faut vraiment. Tu as sûrement la grippe, et tu es bourré. Si tu dors ainsi...

— Non. J'ai dis non.

Je soupire longuement.

— C'est mon regard qui te gêne ? Tu ne veux pas que je te vois sans t-shirt ? lâchai-je sans même m'en rendre compte.

À ma plus grande surprise, il écarquille les yeux.

— Comment tu... ?

Apparemment, j'ai visé juste.

— J'ai deviné, avouai-je. Mais du coup, c'est un oui ou un non ?

— Oui.

Bordel de merde... Ça je ne l'aurais jamais deviné. Comment Dean, ce mec si sûr de lui puisse ne pas accepter qu'on le voit non couvert ?

Tout simplement parce que ce Dean-là n'est pas le vrai. Ce n'est qu'un déguisement, comme tu as pu le constater ce soir, répond ma conscience.

Je sais que c'est malsain de dire ça, mais quelques fois, l'alcool fait des merveilles. J'en ai plus découvert sur lui en une soirée que durant les moins précédents notre rencontre.

— Eh bien... Au pire des cas, je peux me retourner et tu le retires. On dormira dos à dos, et je te promets que tu te sentiras bien mieux.

Il prend quelques instants pour étudier ma proposition avant de répondre.

— Bon, ok, cède-t-il finalement. Mais à une seule condition : tu me promets que tu ne te retourneras pas, même si je suis endormi et donc que je ne peux pas te voir.

— Oui ne t'inquiète-

— Anna, je suis sérieux. Je te jure que si j'apprends que tu t'es retournée, je ne te le pardonnerai jamais.

Je déglutis un long moment, surprise pas ce qu'il vient de me dire. Puis finalement, j'acquiesce d'un simple hochement de tête. Certes, cette histoire commence à m'intéresser de plus en plus, mais je m'abstiens de faire la moindre recherche. Cela tient vraiment à Dean, et puis je pense avoir eu ma dose de révélations pour aujourd'hui.

Doucement, je me couche sur le lit, dos à lui. Je m'emmitoufle dans la fine couverture, et après quelques secondes, j'entends un bruit de tissu. Il retire son t-shirt, et rentre finalement avec moi dans la couverture. Étant donné que le lit est petit, nos deux dos se touchent. Je frémis à son contact, et sens sa peau chaude, je dirais même brûlante contre la mienne. Mon pauvre...

Nous plongeons dans un silence seulement entrecoupé par nos respirations légèrement haletantes. Lui à cause de sa maladie, et moi à cause de notre proximité.

— Ça va ? finis-je par lui demander, soucieuse de savoir s'il ne se sent pas mal à l'aise étant donné qu'il dort sans t-shirt et avec moi.

Un silence de quelques secondes prend place avant qu'il ne me réponde :

— On se doit toujours de répondre "bien" à la question "ça va ?". Répliquer "pas si bien que ça" est déjà un aveux de faiblesse.

Je cligne plusieurs fois des yeux, légèrement détourée.

— Euh, c'est un oui ou un non ?

— Oui, je vais bien. Même si je sens étrangement que je vais regretter toutes les merdes qui sont sorties de ma bouche aujourd'hui.

Sans comprendre pourquoi, je souris comme une idiote, et il ricane doucement. Mais malheureusement pour nous, cette courte joie se fane bien rapidement alors que je m'apprête à lui poser une question :

— Je sais que tu ne veux pas forcément parler de tes cauchemars, mais... sont-ils en rapport avec quelque chose t'étant arrivée dans le passé ?

Dans mon dos, je sens le corps de Dean se crisper, et je regrette aussitôt ma question. Qu'est-ce que je suis conne ! Lui qui commençait à se sentir mieux !

— Je... oublie ma question-

Oui. C'est par rapport à des merdes de mon passé.

Je reste silencieuse un moment, surprise qu'il m'ait finalement répondu.

— Eh bien... je... si j'ai un conseil pour toi, je te dirais que... hum... pour éviter de ressasser trop souvent ton passé, et donc de souffrir... Il faudrait que tu y songes seulement quand tes souvenirs sont agréables. C'est ce que je faisais après le décès de ma mère, et ça m'a beaucoup aidé. Cherche, et je suis sûre que tu trouveras quelque chose.

Sans que je ne comprenne pourquoi, Dean se retourne subitement dans mon dos, et ses bras se referment autour de moi. Ses mains se posent sur mon ventre, et sa tête s'appuie contre mon dos, juste au-dessous de ma nuque. Je frémis légèrement, et sens mon cœur battre à tout rompre. Je suis même sûre qu'il doit également le sentir. Je ne sais quoi faire, et reste pétrifiée sur place face à ce soudain changement de situation. Face à ce soudain rapprochement.

— Et tu oses me dire que tu n'arriveras jamais à m'aider ? me demande-t-il d'une voix presque endormie.

Encore une fois, je souris comme une idiote. Après quelques secondes, je finis par me faire à cette position, et sens mes muscles se relaxer. Je m'appuie plus sur Dean, et ce dernier resserre davantage ses bras autour de moi, comme s'il avait peur que je m'en échappe.

Avant que je ne sombre dans les bras de Morphée, je l'entends murmurer :

— Ne songer au passé que quand nos souvenirs sont agréables...

6147 mots / Non Corrigé

* * *

HALLO MEINE LIEBE ! 🇩🇪🔥 (oui, je fais Allemand LV2, jugez pas svp)

Je suis sincèrement désolée pour le retard, mais en vu des problèmes que j'ai eu récemment (problèmes de cœurs de famille, de cours, tu connais mdr), j'avais besoin de faire une grande pause 😊

J'espère que vous allez bien, même si je n'en suis pas très sûre étant donné que vous venez de finir ce chapitre plutôt riche en émotions, non ? 🤧

Personnellement, c'est très certainement le chapitre le plus éprouvant que j'ai dû écrire sur DARK Love, et je vous rassure en avance ; c'est le premier, mais certainement pas le dernier ! Je vous laisse imaginer la scène ; emmitouflée dans mon plaid, le casque vissé sur mes oreilles en écoutant de la musique triste, concentrée comme jamais (j'étais limite en train de pleurer pour mon bébé Dean, surtout que je connais la vérité sur lui 😢), et RECALANT TOUTE PERSONNE VOULANT BAVARDER AVEC MOI. PTDR, J'AI UN AMI QUI A COMMENCÉ À TAPER LA DISCUT. AVEC MOI SUR SNAP, JE L'AI RECALÉ AVEC UNE FORCE. RiP lUi hein. 🙏😅😭

Enfin bref, trêve de bavardage, je vous pose les questions essentielles ! Qu'avez-vous pensez de ce chapitre fort en révélations et émotions ?! 😖

- On entre enfin dans l'action de DL, excité(e)s ?! 😍

- J'avoue m'être inspirée de mon père pour cette histoire d'épaule déboîtée, parce que cela lui est déjà arrivé... c'est dégueulasse. 🤮

- On en découvre beaucoup sur le passé de Dean ! Pourquoi a-t-il tout dit à Anna ? Est-ce à cause de l'alcool, ou ?... 🤕

- Plus d'infos par rapport à sa famille, dont cette histoire avec sa mère ! Auriez-vous des choses à dire, comme les répercutions que cela a pu avoir sur lui ? 🤰

- Et la plus grosse révélation ! Dean fait des cauchemars qui le traumatisent tellement qu'il se saoule apparemment tous les soirs afin de ne pas y être confronté... des suppositions à donner par rapport à ses rêves ? Par rapport à un lien avec son passé, ou avec ce "L" ? 👻

Enfin bref, je me dépêche d'écrire la suite, et vous poste ça au plus vite ! Kiss sur vos fronts ! 💋

de HamidaSwan, qui vous kiff.
Teehee.

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