Chapitre 21
PDV Anna
Une fois que tout est redevenu plus ou moins calme, Linda nous a quittés, et j'ai fini par me rassoir face à mon meilleur ami, qui se trouve... comment dire... en rogne.
Il me fusille du regard, et je blêmis face à lui.
— Putain mais Anna... Pourquoi t'être embarquée dans tout ça ? me demande-t-il d'un ton désespéré.
Ne sachant pas quoi lui répondre, je finis par me lever de ma chaise et sors mon calepin en constatant qu'il n'a pas encore été servi.
— Écoute.. Je n'ai pas vraiment envie d'en parler. Il s'est passé des choses que j'aimerais oublier. Ça m'apprendra à justement, "m'être embarquée dans tout ça". Que ce soit dans cette amitié ou dans les secrets de Dean qui ne me concernaient pas.
Cette fois-ci, son regard se fait plus doux mais plus triste. Triste à cause de moi. Triste pour moi. Il a pitié de moi. Oh non pas ça...
— Nana'-
— En dehors de ça, je vois que tu n'as encore rien commandé. Un cookie et un thé ?
Je vois bien qu'il se retient de répliquer quelque chose. Sûrement pas par rapport à sa commande d'ailleurs... Il finit par acquiescer, le visage à la fois frustré et triste, et je tourne les talons vers les cuisines.
Comme je m'en doutais, Dean se trouve -malheureusement, également en cuisine. À mon entrée, son regard se tourne vers moi, mais je l'ignore en me dirigeant vers la théière. Un silence pesant s'installe entre nous, mais énervée et déterminée comme je suis, je ne flanche pas en sortant une blague à deux balles comme j'en ai si bien l'habitude.
Une fois le plateau destiné à Alex prêt, je me déplace cette fois-ci vers la porte afin de sortir, en sentant toujours le regard de Dean sur moi. Et lorsque j'ouvre la porte, la main de mon collègue la referme aussitôt. Son geste a été si brutal que j'en ai sursauté.
— Tu m'ignores ? me demande-t-il d'une voix d'un calme étrange.
Lentement, ma tête se tourne vers lui. Surtout, paraître confiante... Je lui lance le regard le plus froid que je puisse faire. Apparemment, cela semble le surprendre.
— Tu veux bien me laisser passer ? J'ai des clients à servir ?
— Des clients ? Comme cette enflure de binoclard s'étant cru capable de me battre ?
Il lâche un ricanement, comme si le dire à voix haute était d'autant plus improbable. Mon regard de meurtrière s'accentue davantage.
— C'est mon meilleur ami, donc la ferme.
Je redirige mon regard vers sa main qui bloque la porte, et attends qu'il se retire.
— Vachement gentil ton meilleur ami ! s'agace-t-il.
Un silence de ma part lui répond, ce qui semble encore plus l'énerver. Après quelques secondes, il finit par relâcher sa main afin de me laisser la voie libre. Alors que je m'apprêtais à m'en aller, une phrase de sa part me retient :
— En plus de m'ignorer, tu es froide ! Génial tous ça ! s'exclame-t-il en tournant les talons.
Je me tourne à mon tour vers lui, et pose si brutalement mon plateau que la tasse de thé se fracasse. À l'entente de ce bruit, Dean dirige son regard vers mon visage énervé.
— Mais ! T-t-tu... Tu te moques de moi là ?! Comment tu trouves juste... le... ARGH TU M'ÉNERVES DEAN GONZALÈS !
Un sourire satisfait étire ses lèvres, amplifiant encore plus la rage coulant dans mes veines.
— Ah bah voilà ! Je te préfère et te connais mieux comme ça ma chère Annapisse !
Mais il se moque de moi là ?
— Tu n'es vraiment qu'un connard !
— Mais qu'est-ce que t'as aujourd'hui ?
— Qu'est-ce que j'ai ?! Mais tu es vraiment con ma parole !
Mon corps s'agite dans tous les sens, et je ne peux m'empêcher de faire les cents pas sous le regard amusé du connard de service. Une fois plus ou moins calmée, je me redirige en cuisine pour refaire un plateau à Alex. Bien évidemment, mon stupide collègue me suit, tel le petit toutou qu'il est.
— Annapi-
— Ta gueule !
Dean pouffe de rire derrière moi, tandis que je me dépêche de -re, préparer la commande d'Alex.
— C'est qu'elle devient vulgaire cette Annabelle !
— Pour l'amour de Dieu, Dean ! finis-je par dire en me retournant vers lui, voulant conclure cette discussion sans fin. Laisse. Moi. Tranquille.
Cette fois-ci, l'amusement quitte son visage pour être replacé par de l'incompréhension.
— ... Je pensais pourtant qu'on était amis Anna ? Et c'est bien toi qui m'as dit qu'on n'ignore pas ses amis...
— Sauf que nous ne sommes plus amis, au cas où tu ne l'aurais pas encore remarqué !
Je repose le plateau à côté de moi, et par chance, tout reste en place. Le visage de Dean semble légèrement attristé par mes paroles. Mais il est con ou quoi ? C'est logique !
— Mais pourquoi ? me demande-t-il d'une petite voix.
Ah mais il ne comprend vraiment pas pourquoi ?
— Mais ta mémoire est encore plus courte que celle de Daisy dans Nemo ou quoi ?! Dois-je te rappeler exactement tout ce que tu as fait ?!
— J'aimerais bien là, car je suis perdu.
Et le pire, c'est qu'il est sérieux... Je baisse légèrement mon regard vers le sol, ne sachant pas vraiment par quoi commencer. En posant ensuite les yeux sur lui, je constate qu'il a croisé ses bras sur sa poitrine bombée.
— Tu te permets de venir dans ma
classe pour me gueuler dessus. Après ça, tu pêtes un câble et m'étrangles, tout en me brûlant avec ta cigarette. Tout est plus clair maintenant ? lui résumai-je en exposant ma cicatrice.
Ma lèvre légèrement tremblante trahie mon visage voulant rester le plus impassible possible. Le dire à voix haute, comme ça, et devant lui... Pas si facile que ce que je pensais.
— Je-
— Certes, les amis ne s'ignorent pas, j'en conviens. Mais ils n'agissent encore moins comme le connard que tu es. Ou bien que tu peux être. Je pensais vraiment que cette relation pourrait fonctionner... Mais-
— Attends mais... C'est pour ça que tu es énervée contre moi ? me demande-t-il d'une voix surprise.
Là, c'est à moi d'être surprise. Mais il le fait exprès ? D'être aussi con ?
— Euh... Bah bien sûr que oui !
— Ah.
Je fronce les sourcils.
— Tu insinues donc que ma colère te surprend ?
— Bah oui... Je... Enfin, pour être honnête, j'ai complètement zappé ce qui s'était passé... Avec ma semaine de malade et tout...
Et moi qui n'ai fait qu'y penser ! Cette fois-ci, je le dis à haute voix.
— Tu te moques de moi ?
— Mais non ! Et puis si je m'en rappelle bien, je ne t'ai pas étranglé ! Je t'ai juste... plaqué au mur.
— On en était à la limite.
Il pince les lèvres et se passe la main dans les cheveux.
— Écoute.. Je... je ne pensais pas vraiment que tout ça t'avait si touché.
— Apparemment si.
— Eh bien excuse-moi de ne pas voir le mal partout ! s'énerve-t-il.
Et il s'énerve contre moi en plus ?!
— Tu devrais, pourtant ! La violence est le mal incarné ! Ça paraît logique ! Et puis, je t'ai déjà dit que la violence ne résoudra jamais rien, au contraire de la-
— La parole ? me coupe-t-il en affichant une mine sérieuse. La parole du style : « Qui est cette personne ?! C'est elle cette personne morte ?! Celle qui t'a fait fuir ton pays d'origine ?! » ?! Hein ?!
Merde... Apparemment, et en vue du visage qu'affiche Dean à la seconde même où il a prononcé les paroles que je lui ai crachées à la figure, ce que je lui ai dit l'a blessé. L'a touché. Et peut-être même plus qu'un poing dans la figure.
— Tu te prétends comme étant « la parole de la sagesse », mais tu te permets de dire des choses comme ça. Donc évite de me blâmer, car ce que tu as dit...
Ses poings se serrent, comme si ce qu'il voulait dire semblait dur, douloureux...
— Personnellement, je ne me suis jamais permis de te parler de ça. J'aurais pu, sachant que ta mère est morte, mais je ne l'ai pas fait. Du moins, lorsque je le faisais, ce n'était pas pour te faire mal. Au contraire de toi.
— Je ne voulais pas te blesser !
— Mais tu crois que je suis con ou quoi ?!
Je ferme ma bouche. Il a raison. Certes, il m'a fait du mal physiquement, mais moi aussi. Je lui ai fait du mal mentalement, et certaines fois, ce sont ces douleurs-là qui sont les plus douloureuses.
Je dis ça en connaissance de cause.
— Oui j'ai pêté un câble, continue-t-il, je l'assume et le sais. Je ne me contrôlais plus, mais je suis comme ça, j'ai le sang chaud. Si je n'avais qu'une once de contrôle sur mon corps et mon âme à ce moment-là, je peux te promettre que jamais je ne t'aurais fait de mal.
Nous tombons ensuite dans un long et pesant silence, et je me rends compte que c'était plus simple. C'était plus simple lorsque je n'avais pas son point de vue sur la situation car ainsi, je pouvais lui en vouloir sans me soucier du reste. Maintenant, je me sens également coupable. Nous sommes tous les deux coupables. Merde.
— Eh bien je...
Je ne sais pas quoi dire, littéralement. Dean me dévisage, les mains dans les poches.
— Je veux bien m'excuser, par rapport à ce que je t'ai dit. Et...
Je me gratte la nuque, pas très certaine de ce que je vais lui dire. Si Alex se trouvait ici, il me tuerait...
— Je veux bien te pardonner, si toi aussi tu t'excuses.
Soudainement, il éclate de rire. Ça m'a tellement surpris que j'ai sursauté. Une fois plus ou moins calme, il me pointe du doigt avant de sécher une de ses larmes.
— Moi ? M'excuser ? T'as cru que j'étais qui ? Je te l'ai déjà dit, mais tu m'as cherché et je ne me contrôlais plus. Je ne vais pas m'excuser pour ça merde !
Il rigole encore un peu, comme si ce que je viens de lui dire était juste tellement improbable que c'en était hilarant. Néanmoins, je ne flanche pas, et ne me vexe pas. De mon côté, je compte bien m'excuser, qu'il le veuille ou non. Mais si lui ne souhaite pas s'excuser, c'est son choix. Mais il pourra oublier notre amitié, et mon pardon.
— Si tu veux... Enfin bref, de mon côté, je suis sincèrement désolée de t'avoir dit tant de choses horribles, et de t'avoir forcé à me révéler des choses étant très certainement dures pour toi. Avec la mort de ma mère comme exemple, je sais à quel point les paroles peuvent être douloureuses, surtout lorsque ces dernières concernent la mort.
En soi, je ne sais même pas si quelqu'un est vraiment mort dans son entourage, mais avec tout ce qu'il vient de me révéler, j'en viens à me dire que cela est sûrement vrai. Qui ? Ça je ne le sais pas. Sûrement ce "L", ou quelqu'un de sa famille sachant qu'il n'en parle jamais... Peut-être même les deux ?
Enfin bref, assez parlé de tout ça !
En constatant qu'il ne s'excusera sûrement pas en vue de son regard perdu dans le vide, je finis par abandonner. Il ne veut pas s'excuser, donc tant pis. De toute façon, cette amitié était déjà peine perdue.
Je fais la moue, déçue, et finis par reprendre mon plateau. Avant de sortir de cuisines, je lui dis :
— Tu sais, quelques fois, la fierté peut être le pire ennemi d'une amitié.
Et alors que j'ouvre la porte, Dean me coupe encore.
— Ok ok ! Je m'excuse ! Contente ?!
Mon cœur se met à battre la chamade à l'entente de ses paroles. Je me tourne vers lui, la bouche ouverte de stupéfaction. Attends, il vient vraiment de s'excuser ? Dean Gonzalès vient vraiment de s'excuser ? Pincez-moi je rêve !
Sous mon regard stupéfait, je vois qu'en plus d'être hésitant, il est légèrement gêné. C'est mon jour de chance aujourd'hui ! Il se gratte nerveusement la nuque, mais finit par continuer :
— C'était pas cool de penser qu'à moi en t'embarquant hors de ton cours, même si t'as vraiment agi comme une psychopathe. Et c'était également pas cool de t'insulter et de... te faire mal. Genre, vraiment pas cool. Donc voilà. Pardon.
Devant mon sourire béat, il semble s'agacer. Mais comment puis-je réagir autrement ? Dean vient à l'instant même de me prouver que cette amitié que nous entretenons ne compte pas pour du beurre pour lui ! C'est un petit pas pour lui, mais un grand pas pour moi !
— Arrête de me fixer comme ça, c'est flippant. Maintenant que je sais que t'es une psychopathe, j'ai peur pour ma vie.
— Tu peux me répéter tes excuses, je n'ai pas très bien entendu ?
— Je ne me répèterai pas. C'est mort. C'est la première et la dernière fois que tu m'entendras dire ça, tigresse. Donc profite.
Pour rigoler, j'écarte mes mains, et lève ma tête vers le plafond en fermant des yeux. Je peux facilement deviner l'incompréhension de Dean sur son visage, et cette simple pensée me fait encore plus sourire.
— Tu m'expliques ce que tu fais, là ?
— Bah ça se voit non ? Je profite.
— Quelle gamine...
Il dit ça en remettant mes mains à leur place, tout en grognant. Je rigole légèrement, quand soudainement je croise son regard chaud. Le fait de recroiser ce regard topaze me fait chaud au cœur, mais me trouble, comme toujours. Ces derniers jours, j'ai vraiment eu l'impression que son regard s'était terni et noirci pour toujours. En m'imaginant que cette renaissance pourrait venir de notre réconciliation, je souris encore plus.
Pathétique, j'en conviens. Mais bon, on se doit de vivre avec nos défauts non ?
Finalement, après une courte discussion, je me rends en salle afin d'aller servir mon meilleur ami. Lorsque je sors de cuisines, c'est avec surprise que je constate qu'Alex se lève subitement. Il se rend vers moi et m'attrape le bras afin de me regarder de tous les angles. Surprise, je fronce les sourcils et le questionne sur son étrange comportement.
— Dois-je te rappeler que tu viens de passer plus de vingt minutes en cuisines pour un simple cookie et un simple thé ? Excuse-moi de m'inquiéter de t'imaginer seule avec ce psychopathe aussi longtemps !
Je lève les yeux au ciel.
— Je n'ai rien, t'as vu. Enfin bref, va te rassoir histoire que j'aille te servir.
Il acquiesce finalement, et nous nous dirigeons vers la table qu'il occupait. Une fois l'avoir servi, je m'apprête à aller prendre la commande de nouveaux clients, mais Alex me retient une nouvelle fois.
— Quoi encore ? Je sais que tu m'aimes, mais j'ai du boulot moi.
— Il s'est passé quoi avec lui ? me questionne-t-il.
Encore une fois, Alex lit en moi comme dans un livre ouvert. Je fronce les sourcils, ne sachant pas quoi lui dire. Évidemment que je ne peux lui avouer que je me suis réconciliée avec Dean, et que notre amitié a revu le jour même après tout ce qui s'est passé entre nous. Je sais pertinemment que c'est un mensonge à lui faire, et même si ça me fend le cœur, je n'ai pas le choix.
C'est donc avec un sourire que je lui dis :
— Oh rien de bien spécial, je l'ai ignoré, on s'est un peu disputé et la théière prenait du temps... Enfin voilà quoi.
— Sûre ?
— Mais oui !
Un petit mensonge ne fait de mal à personne non ?
***
— Une rencontre ? répétai-je, mon poulet bloqué devant ma bouche.
En ce vendredi soir, ma belle-mère, mon père et moi sommes en train de dîner en "famille". J'ai comme l'impression que cela fait une éternité que cela n'a pas été fait. En vue des tensions qu'entretiennent Diane et mon père en ce moment, ce genre dîner se fait de plus en plus rare, et je mange de plus en plus seule. Au contraire de ce qu'on pourrait penser, ça ne me dérange pas vraiment. La solitude a toujours été l'une de mes amies les plus proches, ai-je envie de dire.
Et à vrai dire, cette solitude commence à me manquer à ce moment précis. Disons que l'ambiance à table est plutôt... tendue. Mes parents ont à peine touché leur repas. Diane est moins bavarde que d'habitude, et mon père... eh bien, il est muet quoi, comme d'habitude. Pour être honnête, je ne sais même pas pourquoi mon père et Diane sont en froid, et je n'ai pas vraiment envie de m'en mêler. Ils ont plus de quarante ans, et travaillent tous les deux dans les affaires, donc je pense qu'ils sont assez grands et matures pour régler toute cette histoire
Mais la goutte d'eau qui fait renverser le vase, c'est ce nouveau sujet que vient de mettre à table Diane.
— Oui une rencontre, tu es sourde, ou bien un perroquet ?
Ok, elle n'est pas d'humeur. Comme d'habitude.
— Entre qui et qui ?
— Bah ! s'exclame-t-elle, apparemment agacée par ma question. Entre la famille et des amis. Business et autres bien évidemment.
— En gros c'est une sorte de gala quoi.
— Si tu veux. Elle sera organisée demain, dans la soirée.
— Et pourquoi je ne suis qu'au courante maintenant ?
Elle soupire, comme si la réponse était évidente et qu'elle me trouvait stupide de poser la question.
— Je ne voulais pas te déranger avec ça, tu te devais de rester studieuse dans tes études.
Si tu savais...
— Ok... Et quel rôle je joue dans tout ça ?
— Eh bien tu nous accompagneras ! Voyons c'est logique pourtant ! C'est une rencontre entre les Walker et leurs amis ! Et de ce que je sache, tu en fais partie.
Je suis sûre que si elle le pouvait, elle ajouterait un "malheureusement" à la fin de sa phrase. Ah bah génial tout ça.
— Mais pourquoi tu ne me dis tout ça que maintenant ? lui demandai-je en prenant finalement la bouchée de poulet étant coincée devant ma bouche depuis plusieurs minutes. Imagine que j'avais quelque chose de prévu ?
— Mais tu n'as rien de prévu, je me trompe ?
Je rougis légèrement et secoue négativement la tête.
— Bien ! Alors pourquoi tu poses la question ? Bon sang tu commences à me taper sur les nerfs avec tes stupides questions ! Qui t'a élevé comme ça ?!
Ma mère ? Non, autant ne pas répondre ça devant mon père. Je n'ose pas imaginer sa réaction. Tout ce qui concerne ma mère est enfaite à éviter avec lui. Même après quatre ans, il n'a toujours pas réussi à faire son deuil, et semble toujours aussi détruit, comme s'il revivait sa mort sans arrêt.
« Les cris, les gémissements, les pleurs, le rouge, le blanc, le noir, le rouge, le rouge... le sang. »
Je secoue ma tête pour me retirer toutes ces mauvaises pensées. Je finis mon assiette et prends un verre d'eau. Je dois admettre que je raffolerai d'un bon verre de Cola-...
Enfin je veux dire de Coca.
En me rappelant mon premier "repas" avec Dean, je souris. Même si cet homme est vraiment très chiant et bizarre, il est plutôt cool. Après que nous nous soyons réconciliés, tout s'est déroulé normalement au boulot. Quand je dis normalement, je parle de disputes, de grondements, et de quelques rires. C'est un peu nous quoi.
— Qu'est-ce qui te fait rire comme ça ? me demande soudainement Diane, le regard intransigeant.
Oups.
— Oh euh rien...
Son regard me perce, et je rougis encore plus. Vite, trouver une échappatoire...
— Euh sinon ! Cette rencontre se fera où ?
Une échappatoire se trouvant plutôt intéressante, en réalité. Au fond, j'espère que cette rencontre se fera ici. J'ai toujours détesté ce genre de soirées. C'est chiant, les invités sont toujours tirés à quatre épingles, et sourient et parlent hypocritement. Au moins, si tout se passe ici, je pourrais me réfugier dans ma chambre si l'envie me vient. Même mes révisions sont plus attrayantes que ça.
— Nous avons réservé une villa pour ça.
Pitié, pitié, pitié, pi-... Ah. Ok. J'ai la poisse. Maussade, je tire la tronche.
— Pourquoi une villa ? On aurait pu le faire ici. La maison est assez grande pour ça non ? remarquai-je en regardant la maison.
Apparemment choquée par ma question, elle écarquille les yeux.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ! Cette maison est minuscule pour cet événement voyons !
Minuscule ? Elle se moque de moi là ? Cette maison pourrait abriter trois terrains de foot ! Mais bien évidemment, ce n'est jamais assez. Elle veut toujours plus, et quelques fois c'est assez agaçant. Je veux dire, c'est bien d'avoir des ambitions, mais des fois c'est peut-être un peu trop...
Enfin bref.
Ne voulant pas plus m'attarder sur ce sujet, je demande la permission pour quitter la table. Après avoir examiné mon assiette, Diane accepte et je me dirige vers les escaliers.
— Et pour l'amour de Dieu ! Choisi moi une tenue élégante !
— Ouais ouais... marmonnai-je en montant dans ma chambre. Elle est chiante celle-là.
En refermant la porte de ma chambre, je me coince le petit doigt. Soit j'ai de la poisse, soit c'est le karma parce que j'ai insulté Diane dans son dos. Dans tous les cas ça fait un mal de chien !
— AÏÏÏEUHHHHHHH ! AAARGH !
En embrassant mon doigt pour apaiser la douleur, les larmes aux yeux je me couche sur mon lit. Quelle journée de merde...
***
Le samedi, dans les alentours de dix-neuf heures, je commence à me préparer. La rencontre se fera dans une heure, donc autant se mettre au travail sachant que Diane souhaite y aller en avance. N'ayant rien de bien chic, je finis par mettre ma chemise en flanelle ainsi qu'un jean, et me fais une simple tresse.
Je descends en bas, et c'est avec dépit que j'aperçois mes parents sur leur trente-et-un. Diane porte une longue et moulante robe argentée, avec une fente sur la jambe. Ses cheveux sont bouclés, et son maquillage est parfait. Mon père, lui, porte un smoking élégant, et a retiré ses lunettes. À côté d'eux, je ressemble à une clocharde. Bah cool tous ça !
Et comme pour l'humilier encore plus, Diane émet un hoquet -non pas de surprise, de dégoût. Je rougis, et elle se dirige vers moi en se ventilant.
— Seigneur mais quel est donc cet... accoutrement !
— Je mets toujours ça en cours...
— Sauf que nous n'allons pas en cours mais à une rencontre qui se doit de se faire dans l'élégance ! Et tu ressembles plus à un sac poubelle qu'à une jeune fille élégante !
Je rougis encore plus. Bon, sur le coup, je dois admettre que je n'ai pas vraiment fait d'effort vestimentaire de mon côté.
— Retire-moi ça tout de suite !
— Mais je n'ai rien de plus élégant !
Elle se masse les tempes. Ma belle-mère fait toujours ça lorsqu'elle risque d'exploser, mais qu'elle se contient. En gros, elle se retient de m'arracher les yeux. Super la famille, hein.
— Bon, viens avec moi, histoire de te trouver quelque chose de moins... toi.
Je fronce les sourcils, surprise par ce qu'elle vient de dire, mais finis par la suivre. Nous nous rendons dans son énorme dressing, et elle me tend une robe violette (multimédia). J'écarquille les yeux en la voyant, et en constatant qu'il s'agit là d'une robe Dior, mes yeux sortent littéralement de leurs orbites.
— Je... je ne peux pas mettre ça ! m'indignai-je en pointant du doigt le tissu violet.
— Mais pourquoi pas ? Cette robe ne me va plus, alors dépêches-toi de l'enfiler.
— Mais-
— Annabelle...
Bien évidemment, mon avis compte pour du beurre. Avec dépit, je me dirige vers sa salle de bain afin de me changer.
— Oh et maquilles-toi. Un peu. Évite de me faire honte en ressemblant à une petite dévergondée, ajoute-t-elle avant que je ne referme la porte.
Je soupire et lève les yeux au ciel. Cette femme ne me lâchera jamais, c'est sûr. Avec dégoût, je fixe la robe que je vais devoir porter. Allez, prenons notre courage à deux mains !
Je l'enfile rapidement, et constate rapidement qu'elle me va parfaitement. En me regardant dans le miroir, je me rends même compte qu'elle est plutôt jolie... En regardant le maquillage de Diane, je ne sais quoi faire. Il est évident que je ne compte mettre ni fond de teint, ni fard à paupières. Évitons à l'avance tout massacre. Je me décide finalement à mettre un peu de gloss transparent, ainsi qu'une fine couche de mascara sur mes yeux. Je détache ma natte n'allant pas vraiment avec ma tenue, et brosse mes cheveux que je laisse finalement à l'air libre. Ils sont ondulés grâce à la natte, et c'est assez joli.
Finalement, je me regarde une dernière fois dans le miroir. C'est avec surprise que je me trouve... jolie. Un peu plus élégante et femme que d'habitude, moins moi-même, mais jolie. J'en sourirais presque.
Alors que je m'apprêtais à sortir, je constate que je porte toujours mes vieilles converses noires. Ça ne va littéralement pas avec ma tenue, mais genre pas du tout. Je les enlève donc et me dirige dans le dressing de ma belle-mère. Étant donné que je n'ai que des baskets dans mon propre dressing, je préfère utiliser celui de Diane. Mais c'est avec dépit que je remarque qu'elle n'a que des talons. Je n'ai jamais mis de talons moi... Et à ce qu'il paraît, ça fait mal.
C'est alors qu'un long débat se fait dans la tête ; les talons ou la colère de Diane ? Mon choix se fait finalement sur les talons, car ils ne tuent pas, alors que Diane tue, et torture aussi.
Je marche quelques minutes dans la chambre afin de m'habituer à ces perches. Finalement, une fois que je me pense apte à ne pas tomber, je sors pour rejoindre mon père et ma belle-mère. Ces derniers écarquillent légèrement les yeux en me voyant, et je rougis. Je déteste quand tout le monde me regarde comme ça... Détournez les yeux punaise ! C'est gênant !
Une fois à leur hauteur, je tortille mes doigts entre eux, et rougis.
— B-b-bon... eh bien en p-peut y aller ?
— Tu es ravissante Anna ! Je te l'avais dit !
Oui oui j'ai compris mais on peut y aller c'est gênant ! Étrangement, je constate que mon père me regarde toujours. Son expression triste quotidienne l'a quitté pour être remplacée par de l'émerveillement. Je rêve ou ?...
— Tu es très belle Anna, lâche-t-il soudainement en souriant. Tu ressembles beaucoup à Amélia comme ça.
Son sourire se crispe lorsqu'il prononce le prénom de ma mère. Amélia Esther Walker. Je souris alors à mon père, les joues rouges. Du coin de l'œil, je peux voir que Diane semble légèrement agacée par notre discussion. Attends, mais elle est sérieuse là ? C'est un miracle que mon père parle, alors elle devrait plutôt se réjouir !
Finalement, après quelques secondes gênantes, nous nous rendons dans la villa où se déroulera la rencontre. Comme je m'en doutais, les lieux sont immenses, et des dizaines de serveurs sont déjà entrain de se mettre à l'œuvre pour le buffet.
Diane est en train de donner les dernières mises au point, et c'est ensuite qu'arrivent au compte-gouttes les invités.
Bienvenue dans radio-ennui...
***
— Oui exactement, rigole exagérément Diane. Anna se trouve maintenant dans sa deuxième année de médecine. Elle a toujours les meilleures notes, et si elle continue ainsi, elle empochera son diplôme en tant que major de promo !
Son -askip, amie rigole à son tour. Je me fais littéralement chier, si je puis dire. De plus, le fils de cette dame ne cesse de me faire du rentre-dedans en me lançant des clins d'œil et regards subjectifs, bien que sa mère ne cesse de répéter qu'il est un homme poli et d'autres merdes du genre. C'est comme ça ici, on ne montre rien à l'extérieur, on joue un rôle pour paraître le plus cultivé, gentil et poli. Alors qu'en vrai c'est un autre délire.
Depuis le début de la rencontre, je n'ai cessé d'enchaîner les discussions des couples, parents avec enfants, et femmes qui connaissent Diane. C'est chiant, et ce sont toujours les mêmes questions qui nous sont posées. Si tu veux survivre ici, il faut avoir un minimum de réussite dans la vie. Et bien évidemment, celui qui en a le plus est à la fois le plus méprisé et le plus jalousé. Mais attention ! On ne montre rien !
— Un docteur alors ?
— Oui, imaginez-vous ça : le docteur Annabelle Walker ! s'extasie Diane.
Elles rigolent encore. Parfois, j'ai comme l'impression que Diane souhaite que je fasse de la médecine, non pas pour ce qu'est le métier, mais plus pour le "nom" de médecin. Généralement, c'est ce que font beaucoup de personnes. C'est toujours quelque chose, un privilège, d'être docteur, en vue de la masse de diplômes que cela engendre.
— En dehors de ça, vous faites du sport Annabelle ? me demande Madame... Pathy ?
Je rougis. Elle a vu mon corps ou quoi ? Bien sûr, je ne fais pas de sport punaise ! Tous mes muscles sont flasques, et il suffit d'un étage monté en escalier pour que je sois aussi essoufflée qu'après un marathon.
— Hum... Non elle n'est pas une très grande sportive, malheureusement.
Diane me fusille du regard, un regard du style : « Tu as intérêt à te mettre au sport ! Tu me fais honte ! ». Le fils de Madame Pathy me lance lui un regard du style : « Avec moi, je peux te promettre que t'en feras du sport... » Beurk. Un instant, il me fait penser à Dean... Je me mets à sourire bêtement en me rappelant toutes ces allusions sexuelles, certaines fois drôles.
— Oh Annabelle, vous êtes vraiment délicieuse dans cette robe ! s'exclame brusquement la vieille dame.
Elle regarde son fils puis moi.
— Vous irez tellement bien avec mon jeune James !
Je rougis brusquement, tandis que ledit "James" me lance un regard lubrique. Mais qu'il cesse ! C'est lourd ! Diane rigole en plaçant sa main manucurée devant sa bouche.
— Oh ! Il est vrai qu'ils seraient plutôt charmants ensemble, mais ma petite Annabelle est déjà prise, navrée.
"Ma petite Annabelle" ? Sérieusement ?
— Haa... Et qui est l'heureux élu ?
On n'est pas marié !
— Raphaël Davis, affirme alors fièrement Diane.
J'ai comme l'impression que la plus grande fierté de ma belle-mère par rapport à moi, c'est mon couple avec Raph. C'est toujours avec une fierté un peu mal placée qu'elle l'affirme devant ses amies qui en bavent. D'après elle, mon copain est un parti très convoité dans son cercle d'amies.
— Non ! s'exclame avec choc madame Pathy. Vous voulez dire LE Raphaël Davis ? Le fils d'Oscar Davis ?!
Et ce qui fait la popularité de Raph, en plus de sa beauté, ses études de dentiste, sa politesse et sa gentillesse, c'est bel et bien son père. Ce dernier est très certainement le médecin spécialiste le plus réputé de Seattle, et possède également un hôpital entier. Sa mère est elle secrétaire, et ensemble, ils forment un Diane numéro deux.
— Le seul et le vrai ! ajoute ma belle-mère.
— Oh mon Dieu ! Quelle chance ! Dites-vous que Madame Gasmi aurait pu donner sa vie pour que sa fille soit avec ce jeune homme !
— Dommage pour elle ! Mais bon, sa fille est trop laide pour avoir le prestige d'être avec mon petit Raphaël.
Comme deux vipères, elles ricanent. Et pour finir mon observation sur ce groupe de personnes tout droit sorti de la zone 51, je ne peux oublier leur loisir préféré : le commérage. C'est tellement quotidien que c'en devient lourd.
— D'ailleurs, les Davis ne sont pas encore arrivés... Annabelle ? me demande Diane.
Je rougis légèrement lorsque tous les regards se tournent vers moi, en plus de James le coquin qui vient d'arrêter de regarder mes jambes.
— Euh... eh bien... Raph m'a dit qu'ils auraient très certainement un peu de retard donc...
Puis, je me rends compte que je peux profiter de ce retard pour m'éclipser d'ici. Je fais alors semblant de recevoir un message et de paraître surprise.
— Oh ! Raph vient de me dire qu'ils arrivent bientôt ! Il m'a demandé de les attendre dehors donc...
— Oui bien sûr chérie, vas-y.
Diane me sourit faussement. Bien évidemment les marques d'affection ne sont réservées qu'aux moments publics. Je prends donc congé d'eux, et à peine ai-je eu le temps de me retourner que je sens le regard de James le coquin sur moi. C'est la dernière fois que je mets une robe, c'est définitif.
Je traverse la salle, sentant quelques regards sur moi. Je fais de mon mieux pour ne pas me laminer par terre à cause des perches qui me servent de chaussures. J'aperçois également mon père en compagnie d'autres hommes. Légèrement de retrait, mon paternel ne fait qu'hocher ou secouer la tête, mais ne prend jamais la parole. Quelquesfois, je me demande réellement comment il fait pour s'en sortir dans le milieu du business, sachant qu'il parle très rarement...
Je sors donc de la demeure en passant par le jardin où sont regroupés quelques groupes bruyants d'adultes pas très sobres. Je marche dans un coin isolé, lorsque soudainement, je semble entendre de la musique à travers un mur. Je fronce les sourcils, et intriguée, je plaque mon oreille contre ce mur. En effet, une forte musique ne ressemblant pas du tout au chant des violons que préfère Diane est émis de l'autre côté. C'est bizarre...
Comme par chance, je constate qu'une porte menant très certainement à cette musique se trouve juste à ma droite. Intriguée, je pose ma main sur la poignée, et après un dernier regard vers la sécurité, j'ouvre la porte et entre. Je me retrouve devant des escaliers allant vers le bas. La musique se fait donc plus forte et je ferme la porte derrière moi pour éviter d'attirer les agents de sécurité. Je me retrouve dans le noir, et descends du mieux que je peux les escaliers, en me guidant avec la musique qui s'amplifie au fur et à mesure que je descends. Après avoir échappé à la mort une bonne dizaine de fois, ma tête se cogne finalement contre un mur. En le touchant, je tombe sur une poignée, que j'enclenche de suite. La première chose que je vois, c'est de la lumière qui m'attaque violemment les yeux. Je place ma main devant eux, et lorsque mes pupilles s'adaptent à la lumière, je prends quelques secondes pour examiner la salle dans laquelle je me trouve.
Eh merde.
5792 mots / Non corrigé
***
Hey ! 💋
Pas trop en retard aujourd'hui, non ? Je suis enfin de retour en France ! 🇫🇷 Et je dois admettre que ça m'avait manqué !
J'espère que ce chapitre vous a plu ? 🤷♀️🤧
- Enfin la réconciliation ! Content(e)s j'espère ? 😭😍
- À votre avis, que s'est-il réellement passé dans le passé de Dean ? Qui est mort ? Pourquoi et comment ? 🤧😏
- Approuvez-vous l'attitude de Diane ? 🖕
- Et enfin... Que se passe-t-il dans cette salle ?! 😱😨
Le chapitre prochain est déjà prêt (eh oui) donc il ne risque pas d'être posté en retard, trust me bitch ! 😑
BYO 👏
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