Chapitre 2
PDV Anna
Je reste assez surprise en vue du ton assez sec et agressif qu'il emploie. Néanmoins je semble percevoir dans le timbre de son anglais, une sorte d'accent espagnol très léger. Il fronce les sourcils, alors que je reste autant fascinée par son visage que tout à l'heure. Il passe sa langue entre ses lèvres qu'il humidifie, tout en ébouriffant ses cheveux de sa main, comme si mon attitude d'attardée mentale l'exaspérait. Je n'écoute seulement que d'une oreille ce qu'il dit, bien trop concentrée par le mouvement que font ses lèvres gourmandes qui remuent l'une contre l'autre avec une lenteur très sensuelle. De plus, la musique à fond de la fête ne facilite pas ma tâche de compréhension. Je suppose que la tête que je tire doit être assez bizarre vue comment il me dévisage, comme s'il doutait sérieusement de mes capacités mentales. J'ai l'air d'une idiote. Non pire, je suis une idiote, en ce moment.
C'est alors que lorsque je semble comprendre le mot "conne" sortir d'entre ses lèvres, ça me suffit pour me détacher de la transe dans laquelle j'étais plongée.
- Quoi ? marmonnai-je, la voix pâteuse.
Il serre les dents, comme s'il se retenait de lâcher un vilain juron. Ses yeux furieux plongent dans les miens, et j'y discerne toujours ce vide, cette sorte de cassure beaucoup trop troublante pour être ignorée.
- Toi tu veux quoi putain ? me demande-t-il en tapant du pied. Tu viens me casser les couilles, et tu me mâtes comme si j'étais la putain de Joconde.
J'écarquille les yeux, tout en rosissant légèrement. Oups, lui aussi a remarqué que je le lorgnai avec un peu trop d'insistance. Lorsqu'il ouvre la bouche, sûrement pour m'envoyer, paître, je sens en moi une sorte de regret, je dirais même de panique à l'idée de le voir partir, lui et son visage d'ange déchu. C'est stupide. Je me creuse la tête, et c'est alors que je me rappelle le but premier de mon interpellation envers lui.
- Je... J'aimerais ma boisson, s'il te plaît.
Plus gentille que moi, tu meurs. J'ai l'impression que ma fureur de tout à l'heure a disparu à l'instant où ses yeux topaze ont plongé avec beaucoup trop d'intensité aux miens que cela m'a paru irréel. Il me dévisage ensuite comme si j'étais folle, même si ce n'est pas loin de la vérité vu comment mes pensées partent en cacahuète.
- Bah va en chercher une si t'en souhaites, me répond-il simplement.
J'écarquille les yeux. Le regard méprisant et hautain qu'il me lance me suffit à faire naître en moi une partie de la colère qui m'animait il y a quelques minutes. Je n'aime pas les gens comme ça, et malgré sa beauté, je n'accepte pas ça... Et puis ! Pourquoi je parle de beauté ?! Je suis en couple, et je ne devrais pas loucher sur d'autres visages que celui de Raph ! Stupide, je suis stupide !
Je croise alors mes bras sur ma poitrine en gonflant le torse, histoire de me faire au moins un peu -un tout petit peu, respecter.
- Non, parce que je te rappelle que tu me l'as volé, ajoutai-je en pointant du doigt mon verre qu'il tient en main.
En laissant mon regard s'échapper vers le verre qu'il tient, je constate avec stupéfaction que ses deux bras sont à la limite d'être noirs tant ils sont tatoués. Je n'ai jamais été une grande fan de tatouages et piercings, je dirais même détester ça. Il baisse les yeux sur le verre rouge, puis repose son regard sur moi. Ces yeux aux couleurs chaudes et à l'âme froide me font frissonner. Il est étrange...
- T'as fini ton putain de cirque là. Si tu veux un verre, va en chercher un, et ne vient pas me casser les couilles avec des histoires de vol ou Dieu sait quoi.
Il mordille le piercing de sa lèvre, et je déglutis. Pétard, il a la mémoire d'un poisson rouge ou quoi ?
- Ce ne sont pas des histoires, c'est la stricte vérité. Je ne viens pas te déranger, mais seulement récupérer mon verre.
Mon attitude peut passer pour "gamine", et je sais pertinemment que sobre, je n'aurais pas autant insisté. Pourtant, j'ai la drôle impression que l'alcool me donne des ailes. En plus de ça, je sens qu'au fond, une partie de moi insiste seulement pour rester en contact de ses yeux. Stupide donc, car sérieusement, comment de simples yeux et un visage plus au moins beau changeraient la donne ? Je commence déjà à le mépriser, lui et son insolence, son arrogance, ses piercings, et ses tatouages. Donc oui, méprisable est le seul mot qui le décrirait à mes yeux, cordialement.
Une grande lueur d'agacement brille dans ses yeux noisette. Il serre fort la mâchoire, et expire profondément par le nez, comme s'il luttait de toutes ses forces pour ne pas laisser exploser toute cette rage qu'il contient. Il me ferait presque peur.
Puis, soudainement, toute colère semble s'échapper de lui, et un rictus plus qu'arrogant étire diaboliquement ses lèvres. Je fronce les sourcils, me mettant même à regretter sa colère d'il y a une minute. Maintenant, ses yeux semblent tellement illisibles qu'ils me troublent, comme si un épais voile venait de les couvrir en même temps que l'étirement de ses lèvres. Il pose ses yeux sur le verre, puis sur moi avant d'ajouter d'un ton étrange :
- Tu veux le verre ? Bah tiens.
Et il me le balance sur le visage. Littéralement. Je lâche un glapissement, alors qu'un sourire en coin satisfait étire la commissure gauche de ses lèvres. Je sens le liquide froid couler jusqu'à ma chemise, s'engouffrant entre ma poitrine et sur mon dos. Je me tortille sur moi-même, alors que je sens d'ores et déjà la boisson coller à ma peau et à mes cheveux. Je le fusille du regard, et le vois carrément ricaner avant de reculer. C'est qu'il se marre le petit !
- Espèce de petit tocard !
Certaines personnes autour de moi ricanent. Sûrement à cause de mon allure, ou peut-être même à cause de mon insulte. Désolé mais je n'ai pas trouvé mieux. Le garçon s'en va ensuite, sans demander son reste. Je tape du pied, furieuse, et finis par partir à mon tour afin de rejoindre Alex. La boisson colle à mes vêtements, ma peau et à mes cheveux, ce qui m'agace énormément. Lorsque j'arrive à la hauteur de mon ami, la tête me tourne. Alex me dévisage, se lève de sa chaise et marche vers moi alors que je titube.
- Oh Anna ! T'es toute trempée !
Il passe ses mains sur mes épaules, et grimace.
- Et tu ne sens pas la rose... Punaise je suis vraiment désolé de ne pas t'avoir surveillé, mais je ne pensais pas que tu finirais complètement saoule...
J'esquisse un fin sourire.
- Il s'est passé quoi ? me demande-t-il en me jaugeant.
Le regard glacial de l'inconnu de tout à l'heure me revient soudainement en face. Je le chasse en me secouant la tête. Ce n'est qu'un petit idiot de passage, et le citer ne servirait à rien.
- Je... J'ai dansé et ai seulement renversé mon verre sur mes vêtements.
Il ricane, mais passe néanmoins sa main sur son front, comme si j'étais stupide, ce qui est totalement vrai. Il regarde ensuite sa montre, et écarquille les yeux.
- Merde ! Je n'ai pas vu l'heure passer ! Faut y aller Anna !
Il m'attrape par le bras pour que nous sortions de la fête, mais je le retiens.
- Nooon... Je ne veux pas partir, c'est cool de danser enfaite...
Et je lâche un rire de drogué, qui me surprend moi-même. Alex soupire, et semble se creuser la tête pour trouver une idée qui me fera changer d'avis. C'est mort, je ne veux pas rentrer. Pas parce que la fête est géniale, au contraire, je la trouve nulle. Mais seulement parce que j'ai la mauvaise impression que quelque chose de mauvais m'arrivera lorsque je rentrerai. Et j'ai beau me creuser la tête, je n'arrive pas à savoir quoi. De plus, l'alcool dans mon sang ne me facilite pas la tâche.
- Ok d'accord, marmonne Alex. Eh bien, si je te disais que si tu me suis dehors, j'appellerai tous mes copains les Bisounours pour qu'ils viennent te faire de gros câlins ?
Head-Shot.
Alexandre Wylde sait où frapper. Mes yeux s'écarquillent.
- Quoi ?! Les Bisounours ?! Mais depuis quand as-tu contact avec eux ?! Et tu ne me l'as même pas dit ?! Tu n'es vraiment pas digne d'être mon ami là, t'es au courant ?!
Ses lèvres s'étirent en un sourire moqueur, mais je m'en fiche pas mal. Je suis à deux doigts de rencontrer les Bisounours là !
- Oui oui, je suis désolé Nana', mais mes amis voulaient garder le secret. Néanmoins, si tu me suis, je te les fais rencontrer !
Je suis à la limite de sauter sur place en criant d'excitation, alors je me contente de le prendre dans mes bras, et de le serrer fort. Je l'entends marmonner : "T'es vraiment défoncée ma parole...".
Je finis alors par le suivre dehors, en réfléchissant sérieusement à ce que je vais bien pouvoir emmener dans ma valise pour rencontrer mes nouveaux et futurs amis. Alors que nous entrons dans la voiture d'Alex, un détail me vient en tête.
- Mais les Bisounours vivent dans les nuages et les arcs-en-ciel, alors comment on fait pour les rejoindre ? lui demandai-je, plus que sérieuse, alors qu'il m'attache.
- Bah on vole, quelle question.
Je tape dans mes mains, plus qu'impatiente. Lorsque je sens des maux de tête horribles me prendre en tapant des mains, je me stoppe, et repose ma tête sur la fenêtre alors qu'Alex démarre. Mes yeux se baladent sur la rue qui défile à une vitesse folle sous nos yeux, et je ressasse alors tous les évènements de la fête : Je suis arrivée, Alex m'a laissé en pensant que je serais responsable -ce qui est faux puisque je n'ai pas hésité à me saouler telle une idiote. Puis, j'ai rencontré un homme plus que magnifique, mais pas très gentil. Une rencontre qui m'a quelque peu chamboulé, et fait ressentir d'étranges sensations. Des sensations assez nouvelles, que je commence déjà à ne pas apprécier. Sérieux, je suis en couple et plus qu'amoureuse de mon copain, alors le genre de pensées et de réactions que j'ai eues devant mon voleur de verre sont plus qu'intolérables. Mais bon, je suppose que c'est l'alcool qui m'a donné des ailes...
... sûrement.
Je sens le regard d'Alex se poser sur moi, et l'entends par la suite marmonner :
- Je suis vraiment désolé Anna, maintenant, tu vas te faire tuer par Diane, par ma faute.
Et là, je tilte. Crotte de zut, c'est donc ça que je craignais alors que je ne voulais pas rentrer. Diane va me tuer. Non pire. Elle va me torturer, me trucider, m'enterrer et me déterrer par la suite pour recommencer afin de me faire regretter le fait de ne pas avoir suivi ses règles. Je suis vraiment dans le caca... Et alors que je m'imagine les pires scénarios possibles et imaginables, une chose me vient en tête.
- Mais si Diane me tue... Je ne pourrais pas voir les Bisounours ?! Oh mon Dieu c'est pas possible...
Et comme une idiote, je me mets à sangloter. Alex ricane.
- Mais non Nana', on trouvera bien une solution. Allez maintenant, dors.
Les larmes aux yeux, je finis par somnoler, partir -je l'espère, vers un monde de rêve un peu moins brutal que celui qui m'attendra lorsque je rentrerai. Mais ces rêves sont soudainement perturbés par deux billes topaze...
* * *
- C'est irresponsable ! s'écrit Diane alors que je viens à peine de sortir de mon lit sous l'assourdissante alarme de mon réveil. Je te laisse aller à une fête avec seulement quelques règles, et bien évidemment, tu n'arrives pas à les suivre ! Seigneur, ton père n'aurait pas dû te défendre de la sorte, et tu aurais dû rester dans cette maison, à réviser comme toujours ! Mais non, mademoiselle a fait sa capricieuse !
Je sors à peine de mon lit que Diane me crie dessus. Les poings serrés et plantés sur ses hanches, elle tape du pied en me jaugeant alors que j'enfile mes pantoufles. Mais bon, il faut dire que je m'étais préparée à sa colère. Ma tête me fait un mal de chien, et je titube difficilement vers ma salle de bain. Diane me suit, et je vois qu'elle a anticipé ma "gueule de bois" -je pense que c'est comme ça qu'on l'appelle, avec un verre d'eau ainsi qu'une aspirine que j'aperçois sur le lavabo. J'attrape le tout et me tourne vers elle pour la remercier.
- Je n'ai pas besoin de tes remerciements Annabelle, c'était la moindre des choses pour ma belle-fille qui rentre à presque deux heures du matin.
J'écarquille les yeux et rougis subitement avant de me tourner vers elle, incrédule.
- Comment ça deux heures du matin ? lui demandai-je.
Elle hausse un sourcil.
- Ah bah oui, ma fille a la gueule de bois, et tant elle a bu, ne se rappelle même pas qu'elle est rentrée à deux heures du matin alors que je l'avais prévenue que je souhaitais qu'elle rentre à -maximum, une heure du matin ! En plus de ça, elle est rentrée toute trempée, en rejetant une nauséabonde odeur d'ivrogne, tout en marmonnant le générique des Bisounours ! Tu m'as vraiment déçue Annabelle.
Ma bouche s'ouvre en grand. C'est une blague ? De ce que je me rappelle, j'ai l'impression que la soirée a duré moins d'une heure... En y réfléchissant, à partir du moment où je me suis endormie dans la voiture d'Alex, je n'ai plus aucun souvenir, comme si j'avais perdu la mémoire. Cette histoire complètement stupide et puérile de Bisounours ou je ne sais quoi d'autre me fait rougir.
- Je suis désolé Diane... Je ne pensais pas que ma tolérance à l'alcool serait si mauvaise...
Je baisse la tête, alors qu'elle soupire en se passant la main sur le front, signe que je l'exaspère.
- Je me fiche pas mal de tes excuses Annabelle, ce qui est fait est fait, donc en tant que bonne mère, je me dois de te punir, bien que tu ais dix-neuf ans, et bientôt vingt. Mais bon, tu n'es pas encore majeure et puisque tu te comportes en enfant, je suppose que c'est le strict nécessaire : Je ne veux plus jamais que tu remettes un pied dans une soirée ou tout ce qui y ressemble.
- Je ne comptais de toute façon pas y aller une énième fois, ajoutai-je en me tortillant nerveusement les doigts. C'était vraiment nul.
- Il y a intérêt oui. Et attends-toi à ce que je sois très réticente pour toute autre sortie. Tu vas donc reprendre ton petit train-train quotidien, et te préparer pour aller à l'université, travailler et réviser.
Je respire profondément. Bon, il faut dire que je l'ai mérité.
- Quelle honte tu feras à ton copain sinon !
Et voilà, il fallait aussi que je m'y attende. Diane est littéralement en adoration de Raph, qu'elle considère comme "le meilleur gendre qu'on ait pu créer en ce monde". La simple idée que je puisse le perde est juste inimaginable et intolérable pour elle. C'est sûr qu'avec un profil aussi parfait que le siens, on ne peut que penser ainsi : beau, poli, bosseur, filant tout droit vers un avenir brillant de dentiste, et tout ça, avec des parents aux revenus plus qu'aisés. Diane l'adore essentiellement pour ça, mais pas moi. Je l'aime pour ce qu'il est, et pour la gentillesse, le bonheur et l'amour qu'il porte envers moi.
Je reste silencieuse est encaisse les incessables reproches de Diane. Une fois qu'elle pense en avoir fini, elle me laisse finalement me préparer en quittant la salle de bain. Je me regarde ensuite devant le miroir : Je suis moche, littéralement. Certaines personnes, même si elles ne sont pas non plus dignes de modèles, ont toujours quelque chose de beau en eux. Mais là, je suis -sans même exagérer, moche. Mes cheveux sont littéralement un nid d'oiseaux collant d'alcool, les poches sous mes yeux sont tellement soulignées qu'on aurait l'impression qu'elles pourraient tomber. J'ai le teint pâle, et les yeux rouges de fatigue. C'est vraiment gé-nial, j'ai l'impression de replonger dans mon année de PACES où je ressemblais plus à un zombie qu'à une jeune femme dévouée et bosseuse en faculté de médecine.
J'arrête la torture visuelle, et pars de suite vers ma douche. J'espère intérieurement que l'eau chaude apaisera mes maux de tête, comme atténuera la laideur de mon faciès. Une fois fini, j'attrape un simple sweat noir, ainsi qu'un jean et des baskets blanches. Pour faire simple, ma tenue habituelle. Je brosse -avec beaucoup de mal, ma tignasse que je sèche et laisse lâchée. Pas de maquillage pour moi, j'attrape simplement mon sac de cours ainsi que mon ordinateur et mes lunettes de travail avant de descendre pour prendre mon petit-déjeuner.
Une fois en bas, je ne suis pas surprise de voir mon père sortir d'ores et déjà de la maison. Je suppose que Diane part après lui et moi puisqu'elle est encore entrain de manger. Je pose mes affaires devant la porte d'entrée et la rejoins dans la cuisine. Elle me lorgne d'un mauvais œil, et je l'ignore en prenant du jus d'ananas du frigo, ainsi qu'une barre de céréales à la pomme. Je précise bien à la pomme, comme ce sont les meilleurs. J'ai bien l'impression que je mange ça tous les matins, et jamais rien d'autre. C'est vraiment mon pêché mignon. Je mange en silence, alors que je sens le regard insistant de Diane sur moi.
- Tu as mis du mascara ? me demande-t-elle en touchant mon visage.
Je soupire et lui tends mon visage pour qu'elle puisse l'observer. Diane n'est pas une très grande appréciatrice de maquillage -sur moi, bien qu'elle soit toujours tirée sur quatre épingles. C'est-à-dire en tailleur, brushing et tout le tralala qui suit. Moi, ce n'est vraiment pas mon truc, et même si elle semble l'avoir compris, elle ne cesse d'avoir des doutes, et de me passer aux rayons X chaque matin. De son point de vue, une fille sérieuse et complètement plongée dans ses études n'a pas le temps pour ce genre de saletés.
- Non, je n'en ai pas mis, lui répondis-je en croquant une nouvelle fois dans ma délicieuse barre de céréales.
Elle plisse les yeux, suspicieuse, mais finit par me laisser tranquille en voyant que je n'ai finalement rien mis. Une fois mon petit-déjeuner terminé, je débarrasse ce que j'ai fait, et envoie un rapide message à Alex pour lui demander dans combien de temps il sera là. Généralement, c'est lui qui m'amène à l'université, bien que je possède une voiture. Diane en profite pour ajouter une petite pique à son palmarès de reproches :
- Et Alexandre alors ? Il avait bien promis qu'il te surveillerait ? Pourtant, tu es rentrée complètement torchée ! Et moi qui lui faisais confiance...
Je pince les lèvres en me levant de table pour aller chercher mes affaires. Entre-temps, Alex me répond pour me prévenir qu'il vient de sortir de chez lui et qu'il arrive dans moins de cinq minutes.
- Diane... C'est vrai qu'il ne m'a pas énormément surveillé, mais il n'est pas responsable de ce qu'il s'est passé. Je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même.
Je ne supporte pas vraiment qu'elle se mette à faire des reproches à Alex, puisque même s'il m'a laissé une bonne partie de la soirée, rien de tout ça n'est de sa faute. Diane marmonne des choses que je n'arrive pas à percevoir, et lorsque j'entends le klaxon de la voiture de mon ami résonner dehors, je me précipite vers l'entrée pour sortir avant de recevoir un énième reproche. Je salue et embrasse rapidement Diane qui me prévient comme toujours de faire attention à moi et de bien travailler, puis je sors.
* * *
Lorsque nous arrivons sur le parking de l'université, Alex continue encore et toujours ses excuses pour hier. Il a tant bien que mal essayé de me défendre contre la fureur de Diane hier, alors que j'étais beaucoup trop bourrée pour m'en rendre compte. Il n'a pas à s'en vouloir autant. Mais bon comme je lui ai dit, ce qu'il s'est passé restera du passé, car de toute façon je compte bien ne plus remettre les pieds dans ce genre de soirées universitaires. En passant, je ne lui ai toujours pas parlé de ma mouvementée rencontre avec le voleur de verre, car comme je l'ai si bien dit, c'est du passé. Ce petit tocard ne mérite cordialement pas que je m'attarde sur lui, même si ses yeux et son visage sont d'une beauté hors normes...
Nous sortons de la voiture, et lorsque je remarque la tignasse blonde bien coiffée devant moi, j'interpelle Alex pour qu'on la rejoigne.
- Élisa ! la hélai-je.
Cette blonde, de son vrai nom Élisabeth Anderson, est une de mes amies que je connais maintenant depuis l'année dernière. Elle est moi nous sommes en quelque sorte alliées pour notre année de PACES, et maintenant, elle remplit parfaitement notre petit trio. Évidemment, je ne suis pas autant proche d'elle que d'Alex, mais elle reste quand bien même une bonne amie. Elle se retourne, et en nous voyant, sourit et nous rejoint. Élisa est l'exacte opposée de moi : blonde alors que je suis brune, ainsi que friande de shopping et de maquillage, exactement ce que je n'aime pas. Je ne dirais pas qu'elle est comme les autres étudiantes, car c'est faux. Elle n'aime pas leur style qu'elle qualifie de "négligé". Elle aime plus tout ce qui concerne l'élégance, les robes chics et les marques de luxe. Je trouve même qu'elle est assez similaire à Diane d'un point de vu physique, vu comment elle est toujours tirée à quatre épingles. Elle s'avance vers nous d'une marche élégante et assurée. Lorsqu'elle se trouve à notre hauteur, elle nous enlace étroitement.
- Coucou ! Alors, votre mission soirée ? Ça c'est passé comment ? Et Diane a accepté pour toi ? nous demande-t-elle avec empressement.
Je rougis légèrement en passant mes mains dans les poches arrières de mon jean. Je lui explique brièvement ce qu'il s'est passé, ce qui a l'air de la surprendre. Je n'en doutais pas.
- Ah ouais quand même... Je ne sais pas si je dois être plus surprise du fait que ton père t'ait défendu, ou bien du fait que tu t'es saoulée comme jamais, avoue-t-elle en me dévisageant.
Il fallait là aussi que je m'y attende. Une raison pour laquelle je ne suis pas autant proche d'Élisa que d'Alex, c'est bien parce qu'elle garde un côté assez similaire à Diane. Ses propres parents sont exactement comme ma belle-mère : stricts. Et donc, au contraire d'Alex, elle porte très rapidement un jugement dur sur les gens, même ceux qu'elle connait.
- Oui je sais, c'est assez surprenant...
Elle rigole, et nous finissons par partir vers l'université.
* * *
En fin de journée, je quitte l'université avec Alex qui m'amène au café dans lequel je travaille depuis maintenant une semaine. Un travail assez surprenant en vue des revenus de mes parents, et qui peut également paraître inutile. Pourtant, c'est bien moi qui me suis acharnée contre Diane pour y travailler. Pour être honnête, j'aborde mes dix-neuf ans, et suis bien partie pour mes vingt ans, ce qui fait que je serais très bientôt majeure. Majeure et sans aucun petit boulot car il ne faut pas oublier que mes études sont très longues. Je ne pourrais me permettre d'être majeure sans aucun boulot, même si je vis encore chez mes parents. Je n'ai pas envie de confirmer cette image de "la petite gosse de riches qui se contente de l'argent de ses parents sans rien faire" que la plupart des gens me collent au visage.
Diane a été assez réticente, tout en qualifiant au passage mon nouveau boulot comme un "boulot de dernier choix pour un chômeur". Mais bon, il s'agissait du plus près de chez moi, et les salaires et horaires sont corrects donc...
Alex me dépose devant le café, et je l'embrasse rapidement avant de pénétrer dans mon "lieu de travail d'étudiante". Linda -la gérante assez âgée, m'accueille comme toujours à bras ouverts ainsi qu'avec un grand sourire. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles j'ai choisi ce café : il y a peu de personnel, et la gérante est juste adorable.
- Coucou Anna ! Alors cette journée ?
Je grimace légèrement. Entre ce matin où je me suis littéralement fait allumer par Diane, le moment où je me suis étalée sur le sol telle une petite pétoule dans les couloirs de la faculté, et lorsque nous avons traité en philosophie un sujet plus que glauque, c'est-à-dire "avons-nous besoin de mourir pour perdre la vie ?"... Non, ma journée n'a pas été la meilleure de toute je l'avoue. Néanmoins, j'esquisse un sourire et déforme légèrement la vérité, car à quoi bon déblatérer sur ma vie franchement ?
- Oui ça va elle s'est assez bien passée, merci.
Nous discutons encore un petit peu, avant que je ne décide finalement d'aller me changer dans la salle de repos, qui me sert un peu de vestiaires si on oublie les toilettes. J'enfile mon tablier, et une fois prête, rejoins Linda dans les cuisines. Cette dernière prépare une multitude de cocktails lorsque j'arrive.
- Je dois m'occuper de quelque chose en particulier ? lui demandai-je dans son dos.
Elle se tourne subitement vers moi.
- Ah oui zut ! J'ai oublié de te le demander, mais un nouveau vient d'arriver aujourd'hui. Je comptais justement sur toi pour l'accueillir et lui expliquer comment on fonctionne ici.
- Un nouveau ? répétai-je.
- Oui, je suis débordée, et je n'ai pas le temps de lui présenter les règles et tout le tralala. Logiquement, il fera un peu comme toi, c'est-à-dire la cuisine, le service et aussi la caisse. Donc je suppose que tu pourras t'en sortir, il faudra seulement répéter ce que je t'ai dit le jour de ta venue. Ça ira ?
Je fais la moue. Au contraire de ce qu'on pourrait penser, lorsque je fais la moue, ce n'est pas pour bouder, mais seulement pour réfléchir, méditer. Je suis bizarre, je sais.
- Oui, il n'y a pas de problème Linda.
- Merci beaucoup Anna ! Il vient d'arriver je crois, je pense l'avoir vu devant l'entrée. Il est un peu... particulier, mais très aimable crois-moi ! Il faudrait aussi que tu prennes le tablier qui lui est dédié !
J'acquiesce, et en passant mes mains dans les poches arrières de mon jean, me dirige hors des cuisines. J'attrape en passant le tablier, et y lis sur le badge le nom "Dean Gonzalès"... Un espagnol ?
En marchant, j'essaye tant bien que mal de trouver une présentation convenable... Je n'ai jamais présenté de café moi !
"Bonjour ! Bienvenue dans le CoffeeCooper ! L'origine du nom de ce café est très simple, c'est le nom de famille de la gérante Linda Cooper ! Génial non ?!"
Non. Trop nul et les détails sont inutiles.
"Bonjour jeune padawan ! Bienvenue dans le CoffeeCooper, un café, où je peux te l'assurer, on peut boire des cafés courts !... T'as pas compris la p'tite blagounette ? Bah... "Café" comme "Coffee", et "court" comme "Cooper"... Aucun rapport ? Oui c'est vrai..."
Non. Trop nunuche et la blague est gênante.
"Salut mon p'tit loulou ! Bienvenue dans le CoffeeCooper, un café inconnu à Seattle, mais phare chez les étudiants !"
Je ne vais jamais réussir...
Soudainement, je me fige en apercevant la personne devant moi. C'est une blague...
Accoudé négligemment contre le bar, devant l'entrée, un homme fume tranquillement alors qu'un panneau interdisant les cigarettes est planté droit devant son nez. Pourtant, ce n'est pas le fait de le voir fumer qui m'interpelle de suite chez lui, mais...
... plutôt le regard noisette qu'il plante devant lui...
... plutôt la roseur de ses lèvres légèrement esquissées en l'ombre d'un infime sourire, comme si les cercles de fumée qu'il rejette l'amusaient...
... plutôt le doré de sa peau illuminée par l'éclat presque orange du soleil lors du début de crépuscule de fin de journée...
Cet homme qui se trouve être mon putain -excusez ma vulgarité, de voleur de verre lors de la soirée d'hier fixe un point invisible devant lui, sans même me remarquer. Moi qui pensais ne plus jamais le revoir, c'est le comble.
C'est sans même le contrôler que j'en profite pour l'observer et ainsi, satisfaire ma curiosité. J'ai la drôle impression de sentir sa proximité, de sentir la chaleur qui émane de lui alors que nous nous trouvons à une bonne quinzaine de mètres l'un de l'autre. Je sais que je ne devrais pas rester là, à ne rien faire d'autre que l'observer comme lors du jour de la soirée, mais je me sens comme incapable de me détourner de ce spectacle certes, plus que simple d'extérieur, mais prenant une ampleur magistrale dans ma tête.
Mon regard se balade sur ses mains qui entourent de deux doigts sa cigarette. Elles sont fines, grandes, masculines, mais également fortes lorsque je les vois porter sa cigarette à ses lèvres. En un instant où j'ai l'impression de planer, je me mets même à avoir une pensée plus que malsaine, que je chasse rapidement en secouant la tête, tout en rougissant. C'est une blague ?! Mais je pense à quoi moi ?!
C'est alors que lorsque je relève la tête vers lui, je constate avec surprise qu'il a relevé le regard. Que lui aussi m'observe. Ses deux billes topaze me fixent, plongent en moi avec une intensité si déroutante que je perds pied un instant. Pourtant il ne bouge pas d'un pouce. Sans comprendre d'où je sors toute cette force, je soutiens son puissant regard, ne sachant pas quoi faire d'autre. La commissure droite de ses lèvres s'étire vers le haut, comme s'il venait de me reconnaître, et je sens tout contrôle s'échapper de moi, en sentant le sang me monter aux joues telle une attardée mentale. Je suis comme tétanisée sur place, mes mains agrippent mon tablier comme s'il s'agissait d'une bouée de sauvetage. Pourtant, au fond de moi, je sens une sorte d'envie de savoir, de découvrir ce qui se cache derrière ses mystérieux yeux noisette. De découvrir la raison de la chaleur de leurs couleurs, tout comme de la froideur de leurs fonds.
Il m'intrigue et m'effraie à la fois.
5341 mots / Non corrigé
* * *
Et voilà ! Un deuxième chapitre ! *Joyeux Noël en passant, même si je ne fête pas hein*. ❤️
Encore une fois, long chapitre ! Qu'en pensez-vous ?!
- Les personnages vous paraissent-ils plus clairs maintenant ? Lesquels aimez-vous ?
- Nous n'avons toujours pas rencontré Raph, alors qu'on en parle beaucoup... Que pensez-vous de lui avec ce qu'on apprend à son sujet ? En passant, il apparaîtra sûrement dans le prochain chapitre !
- Et TAM TAM TAM ! Le retour du voleur (qui est Dean, mais je pense que vous l'avez compris :/) ! Les pensées d'Anna sont assez chaudes non ? XD
En passant, le multimédia représente Dean, comme c'est écrit ! Pour les intéressés, il s'agit de l'acteur Matthew Daddario qui le représentera ! J'adore !
Enfin bref, j'essaye de poster la suite au plus vite ! Bye mes amours de poulpes ! 🐙❤️
De HamidaSwan, qui vous kiff. Teehee.
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