Chapitre 15
PDV Anna
Je sursaute en faisant tomber un verre, qui par, je ne sais quel ensorcellement, ne se fracasse pas sur le sol.
— Qu'est-ce que tu...
Il ricane avant de s'avancer vers moi d'un pas si gracieux que j'en suis surprise. Il n'avait pas par pur hasard descendu une bouteille entière d'alcool ?... Mais la question principale n'est pas ça... Que fait-il juste ici ?!
— Qu'est-ce que tu fais là ?! m'écriai-je en serrant mon torchon entre mes mains.
— Je travaille ici, donc il paraît normal que je me trouve ici pour t'aider, lâche-t-il d'un ton moqueur.
Là, c'est à mon tour de rire.
— Pardon ? Toi, m'aider ? Dois-je te rappeler que tout le café est déjà complètement propre à l'heure où tu dis ça ?... Et puis, depuis quand es-tu là toi ?!
— Depuis... toujours. Je t'observais de loin tel le pervers narcissique que je suis. Je dois admettre que j'ai également piqué un petit somme entre-temps.
Il ricane en fixant un point derrière moi, comme s'il se rappelait de quelque chose d'hilarant.
Oui. D'hi-la-rant.
— Et pour répondre à ta deuxième question : non, le café n'est pas complètement nettoyé sachant qu'il reste de la vaisselle. T'es vraiment conne, tigresse.
Il s'approche de moi d'un pas rapide, avant de se placer à ma gauche pour continuer la vaisselle, comme si je n'existais pas. Je croise mes bras sur ma poitrine, en le toisant d'un air méprisant.
— Ah, donc tu admets que tu te trouvais ici depuis le début, et que tu n'as pas bougé l'ombre d'un muscle, ne serait-ce que pour m'aider ?
Il rigole encore en regardant sous tous les angles le verre sale qu'il tient entre ses mains.
— Nope.
Je lève les yeux au ciel. Ce mec est intenable...
— Soit déjà contente que je t'aide pour la vaisselle, puisque si tu ne t'en souviens pas, je ne voulais toucher à rien concernant le ménage, à la base.
— Ah, oui, excusez-moi grand sage, me moquai-je en effectuant des prosternations vers lui. Pourrai-je donc avoir l'honneur de savoir la raison pour laquelle vous avez décidé de changer d'avis, vous, mon grand sage ?
Il lâche un énième ricanement légèrement pâteux. C'est alors que je comprends qu'il n'est pas si sobre que ce que je pensais.
— Bien évidemment, tu es bourré... À quoi je pensais au juste ?... Enfin bref, bats les pattes de cette vaisselle. Qui serais-je pour laisser un mec complètement ivre faire la vaisselle ?
Je lui arrache des mains le verre qu'il tient entre ses mains, et il tourne finalement sa tête vers moi pour me lancer un regard à la fois accusateur et interrogateur.
— Alors d'un, qui êtes-vous pour m'arracher ce verre des mains ? Et deuxièmement, je ne suis pas ivre, saoule, ou bourré. Je suis juste un peu pompette, donc rien de très grave.
Je feins un fou rire.
— Toi ? Pompette ? Mon oeil oui ! Dean, je ne suis pas stupide. Je t'ai clairement vu descendre une bouteille entière d'alcool. Donc à part si cela s'agissait de Champomy, mais j'en doute grandement, il me semble bien que tu sois bourré.
— Ce n'était pas du champomy, et ensuite, je tiens extrêmement bien l'alcool, au contraire de toi. Donc pas d'inquiétude, ce n'est pas une simple bouteille de whisky qui me fera tomber dans un coma éthylique. Au contraire, c'est toi qui sens l'alcool !
C'est une blague... J'ai seulement bu trois verres de vodka-cerise ! Je fronce ensuite les sourcils lorsqu'un détail de ce qu'il vient de dire me revient.
— Ah... Donc tu admets avoir de l'expérience ? lui demandai-je.
À l'entente de cette question, il se tait en me fusillant du regard. Ok, je dois admettre que ma question était légèrement indiscrète... Comme si lui ne s'était pas gêné pour poser des questions de ce genre pour toi ! s'écrie ma conscience.
Au rappel de ce passage-là de la soirée, je me renferme aussitôt. Le temps d'un instant, j'avais littéralement l'impression d'avoir oublié tout cela. Je devrais plutôt être censée l'ignorer, lui et son ego mal placé. Je fais donc ce que me conseille de faire ma conscience, et me referme comme une huitre avant de me tourner vers le levier. Dean en profite pour reprendre le verre que je lui avais auparavant pris, afin de le laver.
Nous nous exerçons donc en silence, quelque chose de plutôt inhabituel de notre part. Les verres s'enchaînent, alors que j'essaye de rester concentrée dans mon travail...
Du coin de l'oeil, j'espionne discrètement mon collègue s'affairer dans la vaisselle. Il fait ça à la va-vite, et ses verres sont lavés partiellement. Je dois donc repasser dessus et les sécher après lui pour que tout soit nickel.
Mes yeux remontent sur ses mains. Dean se trouvant à ma gauche, je peux donc apercevoir le tatouage "DARK" sur ses phalanges, ainsi que la rose fanée sur le dos de sa main. Mon regard s'élève ensuite sur ses avant-bras découverts par son t-shirt noir pour y admirer son tatouage de feuilles, remontants vers je ne sais où puisque le reste est masqué par son t-shirt. Cette situation répétitive est assez frustrante. Le fait de ne pas voir la suite de ce tatouage... Argh. Mes yeux continuent ensuite leur chemin en remontant le long de son torse sculptural, mis en valeur par son t-shirt noir assez... moulant. Je déglutis, et observe son grand cou, d'où sort un petit tatouage de l'encolure. J'observe ensuite son visage toujours aussi magnifiquement sculpté.
C'est assez difficile pour moi de l'admettre, mais Dean est vraiment -vraiment, très beau. Son visage est légèrement assombri par l'obscurité de la salle, et les reflets bleus de la lumière nocturne se reflètent sur les traits durs de son visage. Cette couleur va bien avec le teint de sa peau...
En fin de compte, c'était une bonne idée d'avoir laissé la lumière éteinte, Walker... me murmure ma conscience d'un ton coquin.
Je secoue la tête en rougissant légèrement avant de continuer à l'observer discrètement. Ses lèvres légèrement pincées par la concentration rougeoient encore après l'intensité des baisers qu'il a dû échanger avec d'autres filles. J'étouffe un soupir alors qu'un brasier s'allume dans le creux de mon bas-ventre... C'est sûrement la vodka-cerise, rien d'autre... Ses cheveux hirsutes sont maintenant bien secs, même si les pointes de ces derniers restent légèrement humides.
Et pour finir, mon regard se pose sur ses yeux topaze. Je l'ai déjà dit, mais ses yeux sont juste... waouh. Jamais je n'avais vu d'yeux de la même couleur, et je pense qu'autrement, je m'en serais souvenu. Une couleur noisette comme la sienne ne s'oublie pas. Du moins, pas facilement. C'est une sorte d'azur exotique à l'iris incandescent, légèrement voilée d'une ombre indescriptible. Ces longs cils de brune soie couvrent son regard, d'une manière si élégante que j'en ai l'estomac en vrac.
Et puis, soudainement, ses deux billes topaze, comme fruit même d'un ange, se tournent vers moi, et se posent avec ferveur sur les miens. Leur incandescent fond me scanne, et me brûle en même temps. Mon estomac déjà en vrac, part maintenant dans un grand huit infini.
Mais c'est quelques secondes plus tard que je me rends compte de ce que je suis en train de faire... Et qu'il vient juste de me prendre la main dans le sac ! Je me rends également compte que, au contraire de ce que je pensais, ma tête est complètement tournée vers lui. Dire que je ne l'observais que du coin de l'œil à la base... Ma bouche est entrouverte de fascination, et j'ai juste l'air d'une fangirl devant Justin Bieber.
Je détourne à la vitesse de la lumière ma tête vers le verre figé entre mes mains depuis maintenant de bonnes minutes, les joues rouges comme jamais. Mais qu'est-ce qui vient de me prendre au juste ?! OK, Dean est assez séduisant, mais ce n'est pas pour autant que je me dois de le reluquer de la sorte, tout en ayant des pensées assez... déplacées ! Bordel, j'ai un copain ! Et cet homme me servant de collègue, malgré sa beauté assez inquiétante, n'est qu'un idiot de service !
Je comprends ensuite la raison pour laquelle il a tourné sa tête vers moi : il voulait me passer le verre qu'il venait de finir de nettoyer, mais moi, j'étais bien trop occupée à le matter pour ça. Quelle idiote !
J'attrape donc assez précipitamment le verre qu'il me tend en affichant un rictus malicieux, et le frotte nerveusement. Je sens son regard sur moi, et sens la gêne monter en moi en même temps. La tension à la base plutôt... paisible qui s'était installée entre nous a complètement disparu. Tout est bien plus... pesant maintenant.
— Tu ne parles pas beaucoup, lâche finalement Dean en affichant un regard fier.
C'est sûr qu'il est fier, celui-là. Il vient juste de me choper en plein délit de mattage, alors que j'étais censé "l'ignorer". Je décide donc de continuer à l'ignorer, en ne lui lançant plus aucun regard. C'est mort, je ne le regarde plus. Je l'entends ricaner avant de poser son verre dans l'évier. Je sens maintenant sa tête se tourner complètement vers moi. Seigneur...
— Ne serais-tu pas en train de m'ignorer, tigresse ?
Cette fois-ci, toute la "magie", ai-je envie de dire, qui m'avait envahi lorsque je le regardais a complètement disparu. Maintenant, c'est ma bonne vieille haine qui me revient en force. J'essaye donc de calmer ma respiration, tout en l'ignorant.
— Sérieux Annabelle, je ne vois pas pourquoi tu me détestes autant. Je n'ai rien fait pourtant...
Et là, je repose à mon tour mon verre dans l'évier. Ma tête se tourne avec une lenteur inquiétante vers lui qui affiche un sourire satisfait. Bien sûr, il savait exactement qu'il attirerait mon attention en disant cela. Et moi, comme la cruche que je suis, j'ai plongé tête baissée dedans.
Bravo Walker, applaudit ma conscience avec sarcasme.
— Tu n'as rien fait ?! Oh oui, bien sûr ! m'énervai-je en le pointant du doigt.
— Eh bien, tu es bien plus en rogne que ce que je croyais... Tu ne semblais pourtant pas l'être lorsque tu me mattais ouvertement.
Je rougis comme une pivoine. Crotte de... Il sait utiliser les mots parfaits pour me déstabiliser, ce p'tit con...
— Je... je ne vois pas de quoi tu parles...
Il ricane en levant le visage vers le plafond.
— C'est le jeu "vérité ou conséquence" qui t'a mis en rogne ? C'est pourtant toi qui as accepté de jouer avec nous, Annabelle.
Je soupire en me passant la main dans les cheveux... Et bien évidemment, comme ma main est pleine de savon, je m'en fiche partout sur les cheveux. Bravo Walker, applaudit encore une fois ma conscience.
— Ce n'est pas vraiment le jeu qui m'a mis en rogne, même s'il était vraiment puéril. C'est plutôt les questions de tes amis et toi qui m'ont énervé ! Tes questions en particulier !
Encore une fois, il rigole. Il n'arrête pas de rigoler ce con ?
— Alors, premièrement, ce ne sont pas mes amis. C'est juste des gens plus ou moins supportables lors des soirées, et qui savent plus ou moins comment s'amuser. Et deuxièmement, qu'est-ce que tu entends par "nos questions" ?
— Oh, eh bien c'est assez simple ! Les questions du genre "j'ai un balai dans le cul", ce qui, en passant, est complètement faux.
— C'est vrai.
Je le fusille du regard, et il lève ses mains savonneuses en l'air, en affichant un air innocent.
— Il y avait également les questions du genre si j'étais vierge... Venant de toi !
— Désolé tigresse, mais j'avais besoin de certaines réponses, pour quelques petites choses...
Je fronce les sourcils, mais ne prends pas la peine de lui demander de développer ses propos. Je suis presque sûre que c'est ce qu'il voudrait, mais je ne lui donnerai pas ce plaisir.
— Et puis... Comment oses-tu demander à mon copain s'il me trompe ?! Tu es tombé sur la tête ou quoi ?!
Il éclate de rire. Seigneur, je crois que je vais finir par le baffer s'il ne s'arrête pas de rire !
— Tu parles beaucoup de lui comme d'un homme soi-disant "parfait"... Mais il est où, en ce moment même ? Parce que je dois préciser que ton prince charmant n'est pas là, alors qu'un pervers narcissique est avec toi.
J'ouvre ma bouche pour lui répondre, avant de la refermer, ne sachant pas quoi dire pour ma défense. Je dois admettre que même moi, je ne sais pas où il se trouve.
— Il... il a dû partir, après un coup de fil. Je ne lui en veux pas, sachant qu'il s'est déjà montré très généreux en venant ici pour m'aider...
— Aah... Digne d'un trompeur.
Je serre les dents, et le fusille du regard. Je suis sûre que si mes yeux étaient des mitraillettes, Dean serait déjà mort depuis bien longtemps.
— Combien de fois devrais-je te le répéter : Raph ne me trompe pas. Désolé Dean, mais on n'est pas tous comme toi.
Il paraît surpris par ce que je viens de dire, en vue de son sourcil qui s'hausse, et de ses yeux qui s'écarquillent légèrement.
— Au contraire tigresse, je n'ai jamais trompé personne de ma vie. Ça peut paraître assez étrange pour toi, mais c'est vrai.
Et là, j'éclate de rire. Il va vraiment me faire croire qu'il ne trompe personne alors que je l'ai vu faire un bon nombre de fois ? Alors, à moins que je sois folle, il me ment.
— Ah bon ? Ce n'est pourtant pas ce que j'ai semblé voir, déclarai-je en croisant mes bras sur ma poitrine et en lui lançant un regard se voulant méprisant.
Il m'imite, mais affiche de son côté un petit sourire en coin.
— Développe.
Je roule des yeux avant de me lancer. Je compte bien lui fermer son clapet pour une fois, et lui prouver que dans cette histoire, c'est lui le trompeur, et pas Raphaël Davis.
— Je t'ai vu Dean, à l'université, quelques fois, en compagnie de cette nana blonde avec qui tu semblais être en couple. Vous passiez beaucoup de temps ensemble, donc je présume que vous entreteniez une relation. Et là, boum ! Tu embrasses et dragues des filles au boulot, et ne parlons même pas du flot de filles sur tes genoux lors de cette soirée ! Alors cesse de faire l'innocent, et d'accuser des gens qui sont eux-mêmes, réellement innocents !
J'éclate complètement, et sais d'ores et déjà que mon visage est rouge de colère. Et alors que je m'attends à ce que Dean soit déstabilisé -chose que j'attends maintenant depuis un bon bout de temps, ce dernier se tord de rire, se tenant même le ventre. Je rougis de gêne, ne comprenant pas la cause de son hilarité. Une fois qu'il semble s'être légèrement calmé, il se redresse, l'hilarité déformant néanmoins toujours les traits de son visage.
— Waoh tigresse, je crois que tu t'emmêles complètement là, s'exclame-t-il en plaçant sa grande main devant moi. Alors déjà, je suis surpris et flatté de constater que mademoiselle Walker me surveille, ajoute-t-il d'un ton légèrement coquin.
Mon teint perd de ses couleurs alors que je comprends le sens de ses paroles. Et zut ! Il est évident que tout ce que je viens de dire peut porter à confusion, ce qu'il semble bien avoir compris puisqu'il en joue.
— Et ensuite, tu crois vraiment que je suis le genre de mec à avoir des "copines" ? rigole-t-il, comme si le simple fait de le dire était hilarant.
Je hausse les épaules, légèrement hésitante.
— Je... je ne sais pas, comme un peu tout le monde enfaite...
— Eh bien, sache une chose, je ne suis pas comme tout le monde. Je ne suis pas du genre "copine", ou relation sérieuse à deux balles.
Je fronce les sourcils, en ouvrant la bouche, puis en la refermant. Quoi ?...
— Je ne comprends pas... Alors, cette blonde... Elle...
— N'était qu'un "plan cul", une "sexfriend", une "amie avec supplément nature" ? Oui. Certes, ça n'a pas duré très longtemps, mais je suis du genre à me lasser.
Ma bouche s'entrouvre de stupéfaction. Alors comme ça, il n'a pas -voire jamais, eu de petite copine ? Et puis... Une "sexfriend" ?... Beurk.
— Euh, enfin oui... Ne m'en dis pas plus, je pense en avoir assez entendu, bredouillai-je.
Je secoue ma tête alors qu'il rigole. En colère, je me tourne nerveusement vers l'évier pour continuer la vaisselle avec une hargne qui me surprend. Je sens le regard de Dean sur moi, mais l'ignore, bien trop énervée -voire frustrée.
— Tu sais Anna...
J'ai comme l'impression que c'est la première fois qu'il m'appelle comme cela, et c'est assez rassurant.
— Je ne sais pas ce que j'ai fait pour que tu me détestes autant.
Je tourne précipitamment ma tête vers lui, voulant lui répliquer une réplique cinglante. Au contraire de ce que je pensais, son regard n'est ni peiné, ni triste, mais juste... neutre. Je n'arrive pas à comprendre la raison pour laquelle il me pose cette question. Mais bon, c'est Dean aussi, un vrai mur.
J'ouvre donc la bouche pour lui répondre, ce qui ne risque pas d'être dur car il y a tellement de raisons justifiant la haine que je porte pour lui...
Mais au contraire de ce que je pensais, rien ne sort de ma bouche. Je reste muette, en me creusant la tête. Et là, une révélation me vient en pleine face, aussi douloureuse qu'une encre sur mon visage.
Pourquoi je le déteste ?
— Anna ?
Il plonge son regard noisette dans mes yeux, et je me sens légèrement défaillir. Et puis, je comprends rapidement la raison -certes mince, pour laquelle je n'aime pas Dean : Il est étrange, lui et son... effet, son aura, ai-je envie de dire.
Je l'ai déjà dit, et je me répète, mais Dean est beau, très même. Et même s'il n'est pas mon style de garçon, jamais je ne pourrais ignorer cette évidence. Néanmoins, ce qui me trouble au point de me mettre à avoir d'étranges pensées qui me rendent folle de rage, c'est le mystère qui se cache derrière ses iris topaze. Le mystère qui se cache derrière la froideur de ses yeux, derrière la crispation quotidienne de ses poings écorchés, de sa mâchoire acérée, de ses sourcils froncés, lorsqu'il pense que personne ne le voit. Dean est joueur, et cela m'exaspère tellement que je me mets à avoir des envies de meurtre, mais il est triste. Tellement triste que cela me lacère le cœur, me donne envie de pleurer et de le serrer fort dans mes bras pour lui assurer, lui promettre que tout ira bien pour lui. Tellement triste que ses rares rires "sincères" sonnent faux. C'est étrange et je pourrais très bien passer pour une folle, j'en conviens bien. Néanmoins, malgré le fait que je ne sais absolument pas la raison de cette tristesse, elle est là, je la vois, je la lis. Je ne suis pas stupide.
Je n'arrive pas à le comprendre, au contraire des jeunes de mon âge qui sont assez faciles à déchiffrer. Lui, est... compliqué, et il en joue pour m'énerver. Mais au fond, il ne fait rien de bien grave. La seule qui est en faute, c'est moi. Je m'énerve toujours pour un rien alors qu'au fond, il ne fait rien de bien grave.
Il est mystérieux.
Ça me frustre de ne pas le comprendre.
Ça m'énerve.
Il en joue en me lançant de petites piques.
Ça m'énerve encore plus.
Je suis folle de rage contre lui.
Enfaite, au fond, je me rends compte, et cela seulement maintenant : Je suis vraiment pathétique.
Je finis par me tourner vers Dean, et lui avoue sans même m'en rendre compte.
— Enfaite... Je, je ne sais pas... Tu me frustres plus qu'autre chose.
Je plonge mes yeux dans les siens brillants d'une lueur à la fois intense et mystérieuse. Frustration, quand tu nous tiens...
— Ton regard ne te trahit jamais, et... je ne sais pas. J'ai toujours envie de te défier, de te déstabiliser afin de peut-être... peut-être percer le voile qui couvre l'âme de ton regard. Mais je n'y arrive jamais, et cela se retourne généralement toujours sur moi, ce qui m'énerve d'autant plus.
Un fin sourire étire le coin de ses lèvres. J'ai littéralement l'impression de m'ouvrir sans même m'en rendre compte. C'est sûrement l'alcool...
— Cela explique toutes tes répliques plutôt... surprenantes alors.
Je hoche timidement la tête, alors qu'un silence tombe entre nous deux. Je lui lance un regard, comme pour lui demander de... je ne sais pas. De se confier ? De s'expliquer ? Mais de quoi alors ? Il continue finalement la vaisselle en souriant toujours, ce qui me fait froncer les sourcils.
— Très peu de personnes sont capables de me dompter, car très peu de personnes ne me connaissent vraiment, dit-il finalement. Je possède viscéralement un côté sauvage qui se prénomme liberté. Carpe Diem bande de connasses.
Il dit ça en effectuant deux doigts d'honneur vers moi. Je ris jaune alors que je semble comprendre quelques petites choses.
— Aah... Carpe Diem... Ça explique donc cette histoire de "je ne veux pas de copines", donc de "je ne veux pas connaître l'amour". Tu souhaites vivre ta vie sans amour, certes. Juste le sexe, l'alcool, les fêtes. "Vivre sa vie sans jamais se soucier du lendemain". Et cela risque d'être impossible avec une petite amie entre les pattes.
Il fronce les sourcils, et je comprends alors que pour une fois, je l'ai légèrement troublé.
— Mais au fond, je me demande si tu ne veux pas d'amour dans ta vie, par peur d'être blessé.
À un moment, je me remémore les paroles qu'il avait dites lorsque nous étions au parc...
"Bah... Je suppose qu'il n'est pas question de "perdre la vie" au sens... Physique. De ce point de vue, l'expression "perdre la vie" serait plus interprétée intérieurement, comme l'expression "perdre le goût de la vie". Perdre la vie dans ce sens, ce serait comme si... Je ne sais pas, il y est eut un évènement, dans notre vie qui nous fait perdre tout goût à la vie, comme... Je ne sais pas moi, la perte d'un proche, et donc, qui fait alors que nous ne sommes plus qu'une carcasse humaine, mais sans aucune âme à l'intérieure. Donc oui, nous n'avons pas réellement besoin de mourir pour perdre la vie, du moins, si on le voit de ce point de vue-là."
— Enfaite, beaucoup prétendent ne pas avoir besoin d'amour, mais au fond, on en meurt tous d'envie. C'est juste... naturel.
La salle replonge une nouvelle fois dans le silence, alors que nos deux regards restent plantés l'un dans l'autre. Ses yeux dont la splendeur est similaire à l'éclat de l'orage m'électrifient, et je sens la raison me perdre. Son regard pourtant d'ordinaire indéchiffrable, parle d'une telle façon que j'ai l'impression de le comprendre, pour une fois. Ses éloquences muettes font monter en moi une boule de feu, dans le creux moite de mon bas-ventre. Ma bouche s'assèche, et ses pupilles se dilatent, jusqu'à ce que ses yeux ne deviennent plus qu'un rond noir. Il passe sa langue sur ses lèvres avec lenteur, laissant derrière son passage des lèvres rosées, aspirant à la luxure.
Et puis, il effectue quelques pas vers moi, jusqu'à se trouver à quelques centimètres. Je n'ose bouger, et mes yeux restent fixés sur ses yeux qui me scannent, et caressent mon âme avec une intensité si violente qu'ils amènent la boule de mon bas-ventre vers ses limites. Avec une lenteur diabolique, il penche son visage vers le mien, et vient frôler le délicat bout de ses lèvres sur les miennes, qui, comme aimantées essayent de s'en approcher. Jamais je n'ai senti mon corps, ma bouche réclamer autant deux lèvres de flamme. Le désir, ai-je envie de dire.
Mes deux yeux se ferment et s'ouvrent tour à tour, quand soudain, j'ai l'impression que ma raison me revient, et que mon cerveau ensorcelé se débat pour échapper à cette dangereuse attraction. Et puis, c'est comme si je venais de recevoir un seau d'eau en pleine face. Je me rends compte, avec une violence infinie, de ce que je suis en train de faire, d'où je suis, et d'avec qui. Mes mains se posent donc subitement sur le torse de Dean qui se raffermit à mon toucher. Je le repousse en expirant brusquement. Je ne m'étais même pas rendue compte que j'avais arrêté de respirer... Pourtant, ce moment m'a semblé durer une éternité.
Je reprends petit à petit mes esprits, complètement sonnée. J'ai l'impression d'avoir plané, et d'avoir laissé mon cerveau et ma raison de côté le temps d'un instant. Et soudainement, je sens le rouge me monter aux joues. Punaise, qu'est-ce que je viens de faire au juste ?! Qu'est-ce qu'il m'a pris ?!... Je n'ai pas pu... vouloir embrasser Dean ?!
Ce dernier sourit légèrement, ne reculant pour autant pas. Qu'est-ce qui lui prend à lui aussi ? Est-ce que tout cela n'est encore une fois qu'un de ses petits jeux ?...
— Tu deviens de plus en plus intéressante, tigresse...
— Je... je suis désolé. Je n'aurais pas dû, enfin...
Il soupire légèrement en penchant sa tête sur son épaule. Ses yeux se plissent, et il fait la moue.
— Tu devrais arrêter de te placer tant de barrières... Et d'accepter ce qui se passe entre nous.
Comme si on venait de me frapper, j'entrouvre la bouche de stupéfaction, en le dévisageant.
— C-comment ça ?... Il... enfin, il ne se passe absolument rien entre nous ! Qu'est-ce que tu racontes...
Au fond de moi, je sens ma déesse intérieure me murmurer : "arrête de faire l'innocente... Tu mens...". Je secoue la tête. Ce n'est pas le moment d'avoir des pensées... déplacées ! Je me suis déjà permise d'en avoir beaucoup !
Dean place soudainement sa main à droite de ma tête, et la pose contre le mur. Je ne m'étais même pas rendue compte que j'étais contre le mur. Seigneur...
— Si. Il se passe quelque chose entre nous. Je sais parfaitement que tu es attirée par moi Anna...
— Je... Non.
Il hausse les sourcils, avant de prouver ses propos.
— Tu perds tes moyens dès que je suis dans les parages, rougis dès que je t'appelle "Annabelle"... Tu me mattes quand tu penses que je ne te vois pas. Et ça, depuis notre première rencontre. Tu auras beau le nier, la vérité restera toujours la même. Tu es attirée par moi.
Je serre mes jambes entre elles alors que je sens le feu de mon bas-ventre se raviver. Il faut que je m'échappe... Les yeux de Dean descendent jusqu'à mes jambes qu'il regarde pendant un bon bout de temps.
— Tes jambes, Annabelle.
Je rougis, et Dean replonge son regard dans le mien.
— C'est une grande surprise pour moi aussi, car je ne pensais absolument pas être... attiré par une fille de ton genre. Pourtant, c'est le cas. Tu m'as chauffé Anna, c'est indéniable.
J'écarquille mes yeux, pas sûre d'avoir réellement compris ce qu'il vient de me dire. Lui ?! Attiré par... moi ?! Et comment ça ?! Je ne l'ai jamais chauffé de ma vie ?! Je ne suis pas une allumeuse !
— Je... Je ne t'ai jamais chauffé !
— Ne te crois pas si bien dire. Je n'ai pas oublié ta petite séance de danse à poil de ce matin, Annabelle. Tu croyais vraiment que j'allais rester complètement impassible face à... ça.
Mon estomac se tord de plus belle, et il mordille légèrement sa lèvre inférieure.
— Pour être clair, Anna. Sache que je compte te baiser. Te baiser tellement fort que tu en oublieras ton propre prénom. Lorsqu'on me chauffe, c'est à ses risques et périls.
J'en perds la voix. J'aimerais le repousser, le frapper, faire quelque chose... Mais impossible. Comme tout à l'heure, et malgré ma raison qui m'hurle de partir en courant, mon corps reste toujours aussi attiré par lui. C'est puissant, intense, et tellement bon... Mais je ne me dois de succomber ainsi.
— Tu... Non. Nous ne coucherons jamais ensemble, Dean. J'ai un copain, et je ne le veux pas. Autrement, j'appelle cela un viol.
Il rigole légèrement, et je me tends. Seigneur, qu'est-ce qui m'arrive ?!
— Oh non Anna, je ne compte pas te violer. On ne baisera peut-être pas tout de suite, mais je peux te promettre que lorsqu'on le fera, ce sera toi qui viendras à genoux pour me supplier de te prendre.
Ses mots crus secouent tout mon système nerveux, désireux de l'ivresse de l'interdit que m'offre cette situation. Il approche une nouvelle fois son visage de moi, et je ne peux plus bouger. Mon corps est comme figé par la boule incandescente de mon bas-ventre qui semble prendre le contrôle même de tout mon être. Ses lèvres se dirigent lentement vers mon oreille, avant d'y murmurer doucement :
— Je te le promets.
Et puis, soudainement, tout devient froid. Le corps chaud de Dean se détache de moi, me laissant la voie libre. J'ai l'impression de reprendre le contrôle de mon corps. Je me dirige donc avec une vitesse hallucinante vers la sortie. Un dernier regard derrière moi, et j'aperçois Dean qui me fixe de son regard intense...
Sans même m'en rendre compte, je me retrouve dehors. La pluie et le vent froid fouettent mon corps et mon visage brûlants. Je marche robotiquement jusque chez moi, les bras croisés autour de mon corps maintenant grelottant de froid. Mon esprit est bousculé, et je ne sais plus quoi penser. Je n'arrive plus à assimiler les choses, à reconnaître la vérité du faux.
J'ai quelque peu bousillé ma relation avec mon copain.
Je ne déteste peut-être pas Dean autant que ce que je pensais.
Je suis même peut-être un peu attiré par lui.
J'ai eu l'impression de succomber à ses yeux brûlants.
Dean est attiré par moi.
Dean veut coucher avec moi.
Dean.
Dean. Dean. Dean.
Toujours et encore Dean. Il ne quitte plus mes pensées alors que je sens des larmes de dépassement et d'incompréhension couler le long de mes joues glacées par la pluie.
Qu'est-ce que je suis en train de faire, au juste ?
5088 mots / Non corrigé
***
Hey ! Comme promis, voici le chapitre 15 en heure !
Qu'en avez-vous pensé ?!
- Chaud chaud chaud ! LA TENSION EST PALPABLEEEE ! 🔞🍑
- Que pensez-vous de ce qu'a dit Dean par rapport à Raph ? Par rapport à... l'amour, de son point de vue ?
- ET OMGGGGGGGGG ! Révélations de la part de Dean !
J'espère encore une fois que ce chapitre vous a plu ! Souhaitez-moi bonne chance pour mes résultats de brevet HEIN ?! *En passant, c'était beaucoup trop dur ! 😭 Les maths là... Snif.*
XOXO ❤️😍💕
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top