Prologue - Dário

Quatre ans auparavant,

Mes démons sont puissants ce soir. Ils me dominent, m'empêchent de me coucher. Les répétitions avec le groupe ont été catastrophiques. Les deux nouveaux membres sont affreux, mais nous n'avons pas le choix. Ils nous seront utiles pour le prochain concert.

Ma voix a déraillé. La raison de ce déclin m'est inconnue. Ou plutôt, je me voile à nouveau la face. Comment puis-je rester insensible en les voyant tous heureux ?

Ma petite balade ne me calme pas pour autant. Plus j'avance à travers la ville, plus je rumine en traînant des pieds le long de la route. Je ne sais pas où je vais, mais mon objectif est de rentrer chez moi crevé et la tête vidée.

Le soleil s'apprête à se coucher pour laisser place à la lune. La fraîcheur me procure des frissons exagérés. J'aurais dû prendre un gilet. Me voilà bien con.

Sur le pont menant à l'autre partie de la petite ville, je prends mon temps pour dévisager le paysage. Les voitures roulent à environ un mètre, les oiseaux s'envolent au loin dans le ciel et les passants marchent dans une lenteur exécrable.

Une idée traverse mon esprit. Quelques phrases idiotes que je m'empresse d'écrire en mémo sur mon téléphone. Elles pourront servir pour une prochaine musique.

Ce soir-là, je marchais à travers le vieux pont,

Fuyant ce qui martyrisait mon esprit à foison,

À la recherche d'un endroit loin du démon

Et tu es apparue avec ton petit air espiègle,

Brisant toutes les règles

J'enregistre ce début de texte que je proposerai à Zackaria. Il le retravaillera à coup sûr. C'est lui le parolier, pas moi. Je me contente de donner mon avis et de proposer quelques mots par-ci, par-là. Jamais je n'ai daigné écrire une chanson tout seul. C'est un exercice que j'aimerais entreprendre, un jour. Pour l'instant, je me contente du strict minimum. Zack est mieux dans ce rôle.

Perdu au beau milieu de mes pensées, j'ai la sensation de tomber en léthargie quand mon attention tombe sur une zone du pont. Je me tenais là, des mois auparavant, prêt à me jeter à l'eau pour faire taire les voix dans ma tête. J'étais à bout de nerfs. J'ai imaginé que c'était la seule solution, que si jamais je m'en sortirai, Chiaara Lawson sortirait de ma tête.

Or, aujourd'hui ce n'est pas moi qui m'apprête à commettre une connerie.

Une femme est à ma place, se tenant contre la barrière verte foncée en pleurant toutes les larmes de son corps. Les mètres entre nous diminuent considérablement. À sa hauteur, j'imagine tout ce qu'il pourrait arriver ; qu'elle bascule de l'autre côté ou qu'elle prenne peur par ma soudaine présence et hurle. J'opte pour y aller en douceur. J'essaie de lui changer les idées, bien que ma voix me trahisse en étant remplie de peur. Je parle de l'eau en dessous de nous, de la construction du pont qui a coûté très cher. J'aborde aussi les formes des nuages au-dessus de nos têtes.

La femme est plongée dans ses pensées. Rien ne fonctionne. Ses pupilles sont fixées sur l'eau. Comme si je n'existais pas. À quoi pense-t-elle ? À se jeter pour mettre un terme à sa vie ? Regrette-t-elle déjà ce qu'elle imaginait faire ? A-t-elle du monde pour la soutenir, comme j'ai eu Zackaria ?

— Ah vous êtes peut-être sourde ? Mmh... Si je fais ça, vous comprenez ?

Je bouge mes mains en tentant de recopier les mouvements vus à la télé. Bien sûr, je ne connais pas le langage des signes. Je devrais peut-être apprendre, ça pourrait aider.

— Merde, j'espère ne pas avoir insulté, chuchoté-je en scrutant sa réaction.

Elle m'entend. Je le sais, car le coin de ses lèvres s'est retroussé en un sourire, qui ressemble plutôt à une grimace. Les larmes roulent toujours sur ses yeux et elle renifle bruyamment. Elle est un peu plus âgée que moi. Je dirais dans les vingt-cinq voire vingt-six ans. Peut-être plus, qui sait ? En tout cas, elle n'a certainement pas mon âge, vingt-trois, ni en dessous. Cette inconnue est plus mature que moi. Je le sais en plongeant mes yeux dans les siens.

— Vous venez de dire que vous aimiez les collants roses et les tutus.

Je passe ma main dans mes cheveux colorés en vert.

Ma première décoloration date de la première année de lycée. Au fur et à mesure des années, j'ai testé pas mal de couleur pour au final garder un vert foncé. J'aime bien cette couleur. Plus tard, je me raserai le crâne pour qu'ils repoussent et retrouvent leur couleur naturelle. Le châtain clair. En attendant, je me fais plaisir.

— Sur de belles créatures, oui, répliqué-je.

Merde. Elle le prend mal et lève ses yeux vers le ciel. Une réaction plutôt logique. J'aurais dû tourner ma langue dans ma bouche !

— Pourquoi me tenez-vous la jambe depuis bien quinze minutes ?

Je lève une épaule. Ma main droite glisse le long de la barrière froide.

— Je ne sais pas. Parce que vous sembliez sur le point de sauter.

— Qu'est-ce que ça peut vous faire ? réplique la femme en croisant les bras contre son torse.

L'inconnue triste porte une combinaison noire en coton. Elle replonge dans ses pensées en observant le ciel qui se couche sur l'eau. La beauté de ce moment est interrompue par les tonnes de questions qui se bousculent dans mon cerveau. Ma curiosité est malvenue, incongrue. Cette femme est une pure inconnue. Elle ne devrait même pas me parler. Je ne devrais pas me soucier d'elle. Après tout, qui se soucie de moi lorsque je suis au fond du gouffre ? À part bien sûr, mes quelques fans et mes potes. Cela dit, les fans, c'est vite dit. Celles qui sont à fond sur moi bavent sur ma célébrité et mon corps. Et celles qui se soucient vraiment de ma santé mentale sont les plus âgées, très souvent mère ou père.

— Si vous sautez, je saute aussi je vous préviens, déclaré-je en échauffant mes poignets.

Mes os craquent. Je tords mon cou, puis mon dos. Me voilà fin prêt à accomplir un acte délibéré et tordu.

Est-ce que j'en serais capable ? Non. Cela dit, si elle essaie de sauter, je l'en empêcherai.

— Je ne comptais pas sauter, m'assure la femme en s'écartant de la barrière.

Elle essuie du revers de son avant-bras ses yeux humides.

— Menteuse.

Mon affirmation la dérange.

— Vous êtes quoi, psychologue ? Médecin ? Non, vous êtes trop jeune pour ça. Au lycée ?

Deux beaux métiers compliqués pour lesquels je n'aurais aucune patience ! Mais ses derniers mots m'embarrassent. Ai-je vraiment encore une tête de lycéen ? Je sais que j'ai terminé mes études il y a trois ans, mais quand même !

— Pas du tout. Mannequin et vous ?

Ne m'a-t-elle jamais vu dans des magazines peoples ou entendu à la radio ? Un point qui me semble positif ; il ne s'agit pas d'une fan prête à tout pour deux minutes dans mes bras.

— Pas intéressée, répond-elle avant de s'éloigner d'un pas déterminé.

Attends. Je rêve ou bien ? Pour qui se prend-elle ? J'ai essayé de l'aider, rien de plus.

— Bah de rien, hein, sifflé-je sans lâcher sa silhouette de vue. Ça m'apprendra à vouloir aider, tient !

Je suis toujours le con dans l'histoire. Quoi que je dise ou face. Soit, on me voit comme un dragueur, soit comme un connard. La prochaine fois, je laisserai les gens se démerder seuls. J'avais promis à Zack de faire des efforts, mais c'est au-dessus de mes forces. Surtout, s'ils se comportent tous ainsi.

J'avance dans la même direction que la nana malpolie en m'efforçant de l'ignorer. Elle est cependant bien là, devant moi, marchant les poings fermés. Ses longs cheveux bruns tombent à ses fesses moulées par un jean bleu marine. Sa taille est marquée, ses hanches développées. Je me surprends à passer plusieurs instants sur ses courbes.

— Eh toi !

La voix grave me fait sursauter. Dans mon champ de vision, apparaissent deux hommes bien plus musclés que moi et une meuf aux yeux aussi clairs que le ciel. En moins d'une seconde, mon cœur se compresse et une série d'images défile dans mes yeux. Mais ce n'est pas la femme triste qu'ils ont en ligne de mire, mais moi. Ils se déplacent en groupe, dans une symphonie hors du commun.

— On t'a vu emmerder la meuf, là, s'écrit la femme avec une voix imposante.

Putain de merde. C'est une blague ? Un prank ?

Mes mains deviennent moites. En temps normal, je me sens puissant. Or, face à deux mecs qui ressemblent à des armoires à glace, je n'en mène pas large. S'ils veulent m'écraser la tête, ils le feront sans difficulté.

— Non pas du tout, réponds-je en affichant un air sûr de moi.

Ce qui est loin d'être le cas. Les types me fixent avec une lueur sombre. Sont-ils en train de m'imaginer en morceaux ?

— Bien sûr, on t'a vu la coller. Tu allais faire quoi, là ? La suivre ? L'agresser ? Juste parce que tu es une petite star de la ville, tu crois que tout t'est permis ?

Je roule des yeux face à un tel aplomb. Elle se sent forte, car des hommes sont à ses côtés. Serait-elle venue en aide à l'inconnue triste, seule ?

— Écoute, je n'ai pas de compte à te rendre. Je rentre chez moi.

J'esquisse un mouvement pour les dépasser, mais le grand molosse au regard noir m'interdit le passage. Il est deux fois plus grand que moi. Chauve, ride qui barre son front.

— T'as pas compris, le chanteur, grogne le type sans me lâcher des yeux. On ne s'attaque pas aux femmes dans la rue.

Je trouve la scène à la fois surréaliste et merveilleuse. Ils viennent sauver des gens. Or, ils se trompent de cible. Je suis un lourdaud, j'en ai conscience, mais je suis loin d'être ce genre d'homme.

— Ce que je sais est que vous vous trompez, tonné-je en bombant le torse.

Les deux hommes n'aiment pas ma réponse. Ils s'approchent d'un pas. L'un dépose sa main sur mon épaule gauche et la serre. La douleur se propage petit à petit. Je reste maître de moi, serrant les dents et priants qu'ils dévoilent la supercherie.

Là, je suis convaincu qu'il s'agit d'un prank.

— Tu fais le malin, là, non ?

J'ignore le colosse un et porte mon attention sur la femme qui est désormais en retrait. Elle assiste à la scène avec un sourire suffisant qui me porte sur les nerfs.

— Dis à tes petits chiens de me laisser passer. Si j'avais voulu blesser la fille...

Ma mâchoire reçoit un coup brutal. Ma tête tourne et je perds l'équilibre. Mes jambes me portent difficilement et quand je reviens à moi, je me sens hyper mal. Si je suis casse-cou, j'ai toujours évité les bagarres. Cette situation est une première pour moi, et je l'espère une dernière ! J'ai mal d'extérieur de ma joue jusqu'à l'intérieur. Mes dents ont reçu un choc assez important. J'inspecte que rien ne soit cassé du bout de ma langue. Un liquide chaud me surprend. Il s'écoule légèrement dans ma bouche.

— Répète ce que tu viens de dire, aboie l'un des gars balaises, vas-y ose.

Dans cette situation, j'évite de jouer au plus malin. Déjà, parce que je ne suis pas en position de force. Et deuxièmement, parce que je ne suis pas là pour me battre.

— Qu'est-ce qu'il se passe, là ?

La petite voix attire tout le monde et me tire du merdier dans lequel j'étais. Je relève mon menton et croise les pupilles clairs de la femme triste. Ses traits dévoilent son inquiétude. Accroupis, les mains sur les cuisses, je ne fais pas le fier. Il y a bien longtemps que je ne m'étais pas senti aussi minable ! Je me demande bien quelle image je renvoie de moi, actuellement. Oh, bordel. Faites que personne ne me filme.

— On règle les comptes de ton harceleur, répond la femme sur un ton doux. Tu peux rentrer chez toi, sereine.

L'inconnue triste me passe en revue. Elle s'attarde sur ma joue, puis mes lèvres, avant d'affronter le regard dur de celle qui s'est mêlée de ce qui ne la regardait pas.

— C'est mon petit-ami et on a un petit différent sur sa carrière et mon rôle.

Le temps d'un instant, un voile flou me brouille la vision. Mes oreilles bourdonnent et je me sens comme sur un nuage tout moelleux. Vient-elle de me sauver la mise en mentant ?

— Oh merde... Je pensais que...

L'abrutie sans cerveau se confond en excuses. La menteuse la rassure et la remercie d'avoir quand même veillé sur elle. Elles discutent plusieurs minutes, me laissant dans ma douleur.

Donc, là, personne ne se soucie de moi ? Je souffre, ma tête tourne, mais ils préfèrent parler du malentendu qui vient de se produire.

Ce n'était visiblement pas un prank. Je viens bel et bien de me faire agresser au beau milieu de ma balade ! Quand je dirai ça à Zack, il se foutra de ma gueule.

— Je ne sais pas comment te remercier, marmonné-je une fois seul avec la pleureuse.

La pleureuse, voilà un surnom stupide.

Elle affiche un faible sourire.

— C'est aussi de ma faute, assure-t-elle en saisissant mon menton entre ses doigts. Aïe, ça fait mal ?

— Non, pas du tout, mens-je en souriant de toutes mes dents.

Elle arque un sourcil, peu convaincu.

— Et si j'appuie là ?

Son index appuie sur une zone douloureuse. Je grimace, m'écarte instinctivement en réprimant un grondement.

— OK, j'ai menti. Je souffre le martyre et c'est de ta faute.

***

Une fine couche de sueur huile mon corps. La femme est visée sur mon torse, qu'elle dévore de ses prunelles claires. L'attraction entre nous a pris sur-le-champ, dès le premier regard.

Contre toute attente, ce n'est pas au beau milieu d'un petit concert que j'ai rencontré cette créature divine, ni même dans un bar. Mais durant une balade. Les joues humides, prise de spasmes, elle pleurait d'une force bouleversante. J'ai cru qu'elle allait faire une bêtise. Je me suis revu des mois en arrière, exactement sur la même barrière.

À l'heure actuelle, je ne sais toujours pas ce qui lui est arrivé. Et pour être franc, je n'en ai rien à foutre.

Elle m'a demandé de la raccompagner chez elle. Me voici donc dans son hall d'entrée, à moitié à poil. Nos haleines se mélangent et très vite sa langue joue avec la mienne. Notre baiser m'embrase de la tête aux pieds.

Son t-shirt vole dans le hall, suivi de son soutien-gorge. J'empoigne à pleine main ses seins et les caresse avec douceur. Un grain de beauté orne le dessous de son sein droit. D'autres sont plus petits et sont affichés un peu de partout sur son corps. Je découvre une cicatrice sous le sein gauche. La raison est sûrement médicale, il n'y en a pas sous l'autre. Je sais qu'une femme sur neuf aura un cancer du sein durant sa vie. Cela dit, j'avais lu que ça arrivait après cinquante ans. Je ne m'attendais pas à ce que ça touche aussi les jeunes femmes. Bien sûr, je m'avance. Aussi bien, elle a eu une chirurgie réparatrice ou un accident qui méritait des points de suture.

Quant à elle, ses doigts trouvent sans grande difficulté la ceinture de mon pantalon. Elle la déboucle, puis enfourne sa main droite dans mon boxer. Je tremble quand sa chair brûlante touche la mienne. Elle me branle lentement.

Le plaisir naît au creux de mes reins. Et il disparaît aussitôt lorsqu'elle s'écarte d'un bond.

— Je suis désolée, je ne peux pas, annonce-t-elle en récupérant ses vêtements éparpillés sur le sol.

Coucou,

Oui, je reviens enfin avec le spin-off de Le Concert de Noël, sur Dário ! L'histoire est en cours d'écriture, enfin, là je vais un peu à mon rythme car j'ai des problèmes familiaux, mais la suite arrivera la semaine prochaine.

Je compte publier un chapitre par semaine, disons le dimanche après-midi ! 🤭

OUI la suite de Madame l'assistante sera écrite et publiée, ainsi que le T2 de Sanglante Séduction !  Et la nouvelle version d'Emprise est en cours. Je fais, à vrai dire, comme je peux et comme j'en ai envie. Parfois, je n'ai juste pas envie d'écrire telle ou telle histoire, alors je bosse sur d'autres 😳 puis, des fois je suis juste HS 😥

Au passage, aujourd'hui dernière journée pour profiter de Mortelle Destinée en numérique à 0,99€, après il passera à 2,99€ 👀 Si vous l'avez déjà acheté, j'offre un marque page 🥰 N'hésitez pas à laisser des avis sur les plateformes ou encore d'aller voir le streamer en live😇

Je vous remercie et j'espère que vous aimerez Dário !❤

AM

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