Chapitre 5 - Dário
L'idée ne vient pas de moi, mais de Chiaara. Elle a entendu la journaliste appeler des hôtels pour trouver une chambre. Sans grand résultat. Alors, même si Zackaria est contre cette idée, elle m'a proposé cette solution.
Dormir avec mon pote n'est pas une première. Par contre, avec sa nana c'en est une ! Je ne cache pas que regarder pas mal de porno m'a retourné le cerveau. Je nous ai imaginé à mainte reprise en pleine partouze tous les trois. Juste parce que je désire Chiaara comme un dingue. Ces rêves incongrus cessent assez vite ; lorsque je me souviens qu'elle l'a choisi. Je ne lui ai pas donné l'opportunité de me connaitre. Ça m'apprendra d'avoir été con.
Aussi bien, nous serions ensemble et heureux.
Et il faut que j'arrête de me bercer encore d'illusions. Je trouverai un jour la bonne ; je veux y croire. Pourquoi des connards trouvent-ils des femmes et pas moi ? Pourquoi peuvent-ils être eux-mêmes, des enflures sans cœur, et être aimés ?
Zackaria a trouvé un moyen pour qu'on parvienne tous à l'hôtel en un voyage. Que l'une des femmes monte sur mes genoux.
— C'est pour la bonne cause, soufflé-je à Chiaara en dissimulant mon sourire.
Je sais déjà ce qu'il va se produire. Elle va refuser et la journaliste sera contrainte de faire le voyage sur mes cuisses.
— Même pas en rêve, siffle Zack en s'engouffrant dans la camionnette. T'as de la chance qu'il n'y ait pas une place à l'arrière. J'aurais fait exprès de freiner et prendre des virages serrés !
Zackaria est sérieux. Il en serait capable et rigolerait de sa connerie.
J'éclate de rire. Chiaara monte la première et je la suis. Devant la journaliste, j'essaie d'être rassurant.
— Si tu sens un truc, c'est mon portable.
Loupé. Elle me fixe avec des petits yeux.
— Je vais essayer d'y croire, soupire-t-elle en baissant la tête.
Je m'installe, me conditionne mentalement pour ce qui s'apprête à arriver. Pierucci, drôle de prénom d'ailleurs, se glisse dans l'habitacle en tremblant. J'écarte mes bras et clos mes paupières pour éviter de mater ses fesses. Cette tentative d'être un minimum correct s'envole très vite quand elle s'installe sur moi.
— Si jamais Dário vous embête, annonce Zack à la femme sur mes genoux, dites-le-nous. Il terminera le trajet à pied.
Pourquoi joue-t-il le rôle du gentil homme ? On dirait qu'il souhaite me faire passer pour le méchant.
— C'est gentil, répond-elle en collant son dos contre mon torse.
Les seules fois où les femmes sont ainsi, c'est lorsque nous partageons des relations sexuelles. Autant dire que c'est la première fois que j'en tiens une contre moi sans aucun but.
La ceinture de sécurité est impossible à mettre. Je me contente d'enrouler mes bras autour de sa taille et de prier qu'aucun accident n'arrive. Ce que nous faisons est dangereux. On risque notre vie, mais nous n'avons pas d'autres solutions. Laisser cette femme seule est impossible. Je sais pertinemment ce qui pourrait lui arriver. Je n'ai pas envie d'avoir ça sur la conscience.
Putain de merde.
Mon membre se réveille. Le corps de la femme l'écrase et les arrêts aux feux et les virages empêchent mon corps d'être sage. Même mon esprit se berce d'images dégueulasses, ce qui en rajoute une couche.
Je croise les doigts qu'elle ne sente rien. Ce serait gênant et déplacé, même si je n'y peux rien.
Le trajet jusqu'à l'hôtel se passe dans le plus grand calme. Les femmes échangent des banalités, Zack reste concentré sur la route et j'observe le paysage. C'est tout ce que j'ai trouvé pour me changer les idées. Ça fonctionne. Lorsque nous arrivons à l'hôtel, je suis impatient de retrouver ma liberté.
La journaliste est la première à quitter la camionnette. Elle nous observe sortir avec une lueur intrigante. On dirait qu'elle est émerveillée de nous voir.
— J'ai besoin de récupérer mes affaires, avant, déclaré-je en marchant jusqu'à l'hôtel.
Zackaria et Chiaara traînent. Ils se permettent de prendre leur temps, car sous peu, ils seront bloqués avec moi. Cette idée est loin de m'enchanter. J'espère qu'ils ne s'abandonneront à aucune activité physique en ma présence. Ce serait déplacé et désagréable.
La femme marche derrière moi. Ses pas sont assurés et ses talons claquent sur le sol. Dans le hall, personne n'est à l'accueil. Nous montons donc tous ensemble dans l'ascenseur. Je me voyais mal expliquer la situation à la standardiste. On ne nous aurait pas crus.
Nos chambres sont au deuxième étage. Elles sont collées et séparées par une porte. En gros, on peut se déplacer de l'une à l'autre sans passer par le couloir. Plutôt pratique, mais probablement flippant pour la journaliste. Elle doit s'imaginer de nombreux scénarios flippants. Qu'elle se rassure, je ne suis pas le genre d'homme à abuser d'une femme. Le consentement est le plus important et je respecte toujours quand on refuse une relation. C'est tellement plus excitant quand l'excitation et la jouissance sont partagées.
J'engouffre les clés dans ma chambre. Zackaria m'imite avec la porte à côté. Il souhaite une bonne nuit à la journaliste et s'engouffre, sans plus tarder, dans la chambre. Chiaara reste quelques instants. Elle nous scrute alternativement, comme si elle se posait des questions.
Non, ma belle, on ne couchera pas ensemble. Je refuse de passer une nuit avec une femme comme elle !
— Bonne nuit, Alison. Dário, si tu n'es pas gentil, tu dormiras sur le tapis !
Je lève ma main dans les airs et lui signifie de partir.
— Je vous rejoins dans cinq minutes, ça vous laisse amplement le temps de baiser.
La journaliste à ma gauche se tend. Elle crispe sa mâchoire. Chiaara, elle, roule des yeux et s'enfuit dans sa chambre en riant. Nous savons très bien ce qu'ils vont accomplir pendant ce laps de temps. Pour les emmerder, je pourrais arriver plus tôt. Ce serait sadique et horrible de ma part. Ils ne méritent pas ça.
Puis, je les connais. Chiaara sera irritée durant des heures si je ruine leur moment. Elle a besoin d'être seule avec son fiancé.
J'aime cette femme. Je le sens. Et je souhaite qu'elle soit heureuse, même avec mon meilleur pote. Alors, j'ai promis de stopper mes conneries, de ne plus me mettre en travers de leur chemin. Dormir ce soir avec eux est une exception qui n'est pas de mon fait.
Dans ma chambre, mes affaires sont un peu éparpillées sur le lit. En arrivant ce matin, je les ai déposées à la hâte. Puis après la relation sexuelle avec Amanda, j'ai foutu encore plus le bordel. Je n'ai pas pris le temps de tout ranger étant à la bourre.
— Comme c'est étonnant, raye la journaliste en traînant son attention sur mes vêtements.
— J'étais pressé pour le concert. Ça arrive à tout le monde.
— Pas à moi, siffle-t-elle sans bouger.
Elle est hautaine. C'est indéniable. On dirait que je l'agace. Ça tombe bien, c'est réciproque.
La journaliste, appelée Alison de ce que j'ai compris suite à sa conversation avec la batteuse, reste au pas de la porte. Elle n'ose pas s'aventurer dans l'espace de taille moyenne. Son regard dévie sur ma valise ouverte, puis retombe sur moi. J'y lis de l'appréhension. Pas besoin d'en voir plus ; elle me craint. J'ai horreur de ça. OK, je suis agaçant, vulgaire, mais pas violent !
— Si t'as besoin de quoi que ce soit, tu auras juste à toquer à la porte. On a de quoi manger et boire. Ah merde, t'as mangé, sur le coup ?
Je désigne la porte mitoyenne en bois à côté de la table de chevet. Quand je replonge dans ses prunelles claires, mon cœur se serre. Je suis happé par cette couleur pure et envoûtante. Ses yeux. Ils me sont familiers. Mais d'où ? Je n'en ai aucune idée. Une sensation de déjà vue naît au creux de mon ventre et je suis surpris par les images floues qui défilent sous mes yeux. Non, je me trompe.
— Je n'ai pas mangé, avoue-t-elle en rompant le contact de nos yeux pour observer ses pieds. Mais je n'ai pas faim.
Je ne suis pas son père pour la reprendre. Qu'elle mange ou non me passe au-dessus de la tête.
J'entreprends de ranger mon merdier. Surtout pour cacher mon boxer avec des queues. La honte, j'espère qu'elle ne l'a pas vu !
— Ok. Tu peux me tutoyer, tu sais ?
— Je vais faire un effort. Mais je préfère toujours garder une barrière avec mes clilles.
Je bute sur le dernier mot. Bordel, d'où ça sort ?
— Clilles ? répété-je perdu en levant mon menton dans sa direction.
Sourcil arqué, sourire moqueur accroché aux lèvres, elle se joue de moi.
— Clients. Tu te coucheras moins bête.
OK, donc elle se joue de moi. J'avais vu juste. Elle a ce petit rôle de bourgeoise, parfaite. En réalité, se cache une petite joueuse intelligente.
Contre toute attente, elle se décolle de la porte puis dépose son sac sur la petite table dans un coin de la pièce.
— La chambre est pas mal, complimente-t-elle en scrutant la décoration épurée de la pièce.
Je replonge à ma tâche et enfourne méticuleusement mes habits dans le sac. La femme pénètre dans la salle de bain. L'eau coule plusieurs instants. Quand elle revient, j'ai terminé. Je m'apprête à sortir, il est temps pour moi d'emmerder mes amis. J'espère qu'ils ont terminé !
— Bonne nuit.
Son visage remue de haut en bas. Elle mordille avec nervosité sa lèvre inférieure. Nous n'avons plus rien à nous dire. Pourtant, je n'ai pas envie de m'enfermer dans la chambre avec mes potes. Quand bien même la journée a été longue, je ne suis pas fatigué.
Je m'avance à travers la pièce, ignorant son lourd regard. Elle est contrainte de se coller contre la porte de la salle de bain pour que je puisse atteindre la sortie. La distance entre nos corps est insignifiante. Son parfum vanille est entêtant. Je mords ma langue pour m'empêcher de commettre une connerie. Me tourner de trois-quarts, me pencher sur elle pour goûter ses lèvres est exclu.
Depuis quand ai-je ce genre de désir ? C'est si surprenant et soudain. Je ne m'attendais point à ressentir une telle envie. Surtout qu'entre nous, c'est plus tendu qu'autre chose.
Entre mes doigts, la poignée froide m'est impossible à baisser. Du moins, je n'en ai pas le désir. Fais chier. Je dois chasser ses conneries une bonne fois pour toutes !
— Je suis quand même embêtée de te chasser de ta chambre. On pourrait juste nous séparer d'un cousin ?
Mon mouvement déjà très lent est stoppé par sa douce voix.
Elle me retient ? Intéressant. Ses propos semblent cacher un espoir enfoui en elle. Et ça m'amuse.
— Tu m'as pris pour un héros de romance ou quoi ? répliqué-je en riant. Je partage un lit après avoir fait jouir une femme.
Son rire cristallin résonne dans la pièce. J'abaisse la poignée et ouvre la porte. Le couloir est plongé dans l'obscurité. Aucun bruit ne trouble le sommeil de ceux qui dorment déjà. Je passe enfin la porte.
— Ah, jouir, carrément, rembarre-t-elle. Tu es le type de vantard qui s'imagine donner du plaisir à toutes les femmes.
J'esquisse un sourire sans cesser d'avancer. Je marche très lentement, telle une tortue. Gagner du temps est important. Aussi bien, Zack et Chia' n'ont pas terminé...
Beurk, j'ai envie de vomir en les imaginant ensemble.
— Qu'est-ce que tu en sais ? Tu ne vas pas me faire croire que tu es déjà passé dans le lit d'un gars.
— Tu te bases sur un jugement faussé, s'emporte-t-elle en fronçant ses sourcils. Ma tenue de travail ne me reflète pas entièrement. J'aime jouir.
Bordel. Elle a vraiment dit ça à haute voix ? Voilà quelque chose d'inattendu de sa part. J'en reste comme deux ronds de flan devant son aplomb et ses mots.
— Je ne pense pas trop m'avancer, mais avec moi tu ne serais pas déçue.
J'ai le droit à un coup d'œil de haut en bas. Wouah, quel jugement de sa part. Je lui rends le même regard, m'arrêtant sur ses jambes longues enfermées dans son pantalon noir.
— Je passe mon tour, grimace-t-elle en attrapant la poignée de porte. Bonne nuit et encore merci.
Sans attendre, la porte se ferme sous mon nez. L'arrêt brutal de notre conversation est vite oublié. Je toque à l'autre chambre et Chiaara m'ouvre. Ses cheveux sont décoiffés. Elle est dans un pyjama rose bonbon en coton. Sa peau hâlée est parfaite. Elle est parfaite. Encore une fois, je me reprends en voyant mon pote allongé sur le lit. Cette nuit s'annonce compliquée.
— On se couche. N'hésite pas à te laver, tu sens la mort.
La réflexion de Chiaara m'atteint de plein fouet. Je jongle entre elle et ma tenue. Ok. Je suis crade. J'ai besoin de me laver. Direction la salle de bain, espérant que ce soit propre après leurs passages.
L'espace clos est propre. Aucun poil ou tache blanche dans la douche. Je me change, prends mon temps en pensant à la soirée passée. Il s'en est joué de peu pour que je rate le rendez-vous obtenu grâce au manager.
La douche est à la fois revigorante et fatigante. De retour à la chambre, Chiaara est collée dans les bras de Zackaria. Cette vue me paralyse à tel point que je lâche une insulte. Cela fait pourtant quelque temps qu'ils sont de nouveaux ensembles. Un an à peu près. Malgré tout, je ne m'y habitue pas.
— Vous comptez dormir ou baiser ? tonné-je.
Ils m'ignorent, préférant se fixer amoureusement.
Mes pieds traînent sur le sol. J'avance, la mort dans l'âme. Ma place est petite, à peine suis-je installé, que je me sens oppressé. Dire que j'ai laissé ma chambre à une petite journaliste qui me prend pour un connard.
Les couinements des deux idiots résonnent. J'ai beau fermer les yeux et compter les moutons, le sommeil tarde à venir.
— Éteignez au moins la lumière, putain ! râlé-je en passant la main sur mon visage.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Si nous sommes plongés dans l'obscurité, les abrutis continuent de jouer ensemble sensuellement.
— Je vous entends, bande de cons.
Chia' éclate d'un rire communicatif. Zack la rejoint et je me retrouve à marmonner dans ma barbe. Ils ne me prennent pas au sérieux. Ils s'en foutent de moi, que je n'aime pas les voir ensemble. Cette situation est étouffante. Tous les efforts que je fais ne suffisent pas. Aujourd'hui, je suis à bout de nerfs.
Leur connerie dure assez longtemps pour me foutre la rage. Je bondis sur mes pieds et me guide de mes mains. Le badge entre les doigts, je lâche une nouvelle insulte.
— Dário..., soupire Chiaara.
Trop tard. Je l'ignore, quitte la chambre – non sans difficulté dans le noir – et me colle contre le mur du couloir. La lumière allumée automatiquement m'aveugle plusieurs instants. Le temps que je m'y habitude, un son me foudroie de la tête aux pieds. Des pleurs. Mon sang se glace dans mes veines et je cherche d'où proviennent les sanglots que je reconnais bizarrement.
La recherche est rapide. Mes pieds me portent jusqu'à la chambre voisine. Celle de la journaliste. Hé merde !
Que se passe-t-il ? Quelqu'un s'est introduit dans sa chambre ? Un fou ? Un fan qui aurait eu vent de ma chambre ?
L'adrénaline coule dans mes veines. Je tente d'ouvrir la porte, mais elle est fermée. Logique, cela dit.
— Euh... Ça va ? demandé-je angoissé.
Aucune réponse et les pleurs continuent.
OK, changement de tactique. J'enfonce le badge de ma porte et, sans allumer, j'avance toujours tout droit. J'ignore les râlements de mes potes. OK, je les dérange sûrement en plein acte, mais il y a plus grave à l'heure actuelle !
Devant les deux portes mitoyennes, j'ouvre la nôtre et, étrangement, celle d'Alison n'est pas fermée à clé. S'attendait-elle à ce que je la rejoigne ? Ou a-t-elle ouvert, au cas où elle ait un problème ?
Je fous ces questions de côté et pénètre dans la chambre. Une lampe de chevet éclaire partiellement la pièce. Je la parcours avec inquiétude et tombe sur la journaliste assise au beau milieu du lit double. Elle est dénudée, recroquevillée sur elle-même. Ses pleurs sont déchirants. Ils me rappellent la femme que j'avais rencontrée sur un pont.
La femme sent ma présence. Elle relève la tête, m'envoie un regard rempli de larmes. Sa souffrance est forte. À tel point que je me sens impuissant.
Au lieu de cacher sa poitrine, elle scrute mon torse-nu. D'habitude, je fanfaronnerais sous un regard aussi pénétrant. Pourtant, la peur me ronge de l'intérieur.
— Tu as été agressée ?
En posant cette question, je me dirige vers la salle de bain. Je l'inspecte. Personne. Elle est bel et bien seule. Alors, où est le problème ? Elle n'a aucune marque ou ce qui s'apparente à de la violence physique. À moins qu'elle ait été victime de violence verbale, ce qui est aussi important.
— Non, ça va, ment-elle en pleurant de plus belle.
— Menteuse.
Je m'approche à pas de loup. La peur de l'effrayer est enfouie tout au fond de moi. Je pose mes fesses sur le bord du lit sans la lâcher des yeux.
— Ce n'est rien. Un cauchemar.
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