DAPHNÉ
Je me suis rappelé il y a peu de mes cours de latin de lorsque j'étais encore qu'un jeune homme portant des pantalons courts. Nous avons un jour étudié le mythe de la nymphe Daphné. Dans cette légende, nous apprenons que Eros, dieu de l'amour, vexé par les moqueries de Apollon à son encontre décide de décocher une de ses flèche en or sur le dieu de la poésie, qui comme sous un filtre d'amour tombe follement amoureux de la jolie nymphe Daphné. Mais simultanément, il décoche une seconde flèche sur la nymphe. Cette flèche, différente de celle utilisée sur Apollon, faite de plomb, dégoûte la Beauté de l'amour. Le jeune dieu va alors poursuivre sa dulcinée, qui va le fuir et, fatiguée, demander à son père, le Dieu fleuve Pénée de l'aider. Celui-ci va alors transformer sa fille en laurier, d'où l'un des attributs d'Apollon.
Je me suis rendu compte que ce mythe était comme un déjà-vu, et bien sûr, que suis-je bête. J'ai moi même observé ce mythe, pendant deux mois. Les deux mois d'un été chaud aux Hamptons. Je me demande de quelle manière je ne me suis pas rendu compte plus tôt que ce mythe était comme une prédiction de l'histoire de Daphné. De plus, elle porte le même nom que la fameuse muse. Un sourire dessiné sur mon visage fatigué se réduit, petit à petit pour donner un air triste à ma face. Daphné. Après autant d'années, là voilà toujours logée dans mon esprit. Alors que je fais le bilan de ma vie, je ne me souviens d'aucune femme que j'ai aimé et pourtant, je sais que j'ai eu un cœur vagabond, léger qui se laissait très vite emporté. Une seule femme est toujours restée dans ma tête, chaque jours, chaque heures, chaque secondes, ne me laissant aucun répit. C'est Daphné. Et quelle belle ironie, elle est la seule que j'aurais aimé oublier. J'aurais aimé jeter son souvenir au cimetière de l'oubli. La jeter avec ma naïveté et ma jeunesse dans les vagues sans pitié des Hamptons.
Mais, écrire est sûrement une thérapie. Je ne sais pas comment je vais appeler ça, peut-être que je ne vais pas l'appeler. Disons que c'est une réécriture moderne du mythe d'Apollon et de Daphné. Sauf que cette fois-ci, ce n'est pas un mythe. C'est bien réel.
À mon plus grand malheur.
J'ai grandi dans la banlieue de Londres. Petit garçon, j'ai connu les bombardements, la vie me semblait comme une longue journée sous la pluie battante, trempé jusqu'aux os, bercé par les grondements du ciel. Puis vers mes 15 ans, j'ai réellement commencé à vivre sans peurs. J'ai aussi aimé, jeune homme j'en ai appris plus sur moi même et sur les femmes, je suis tombé amoureux à plusieurs reprises et j'ai découvert les plaisirs défendus de la vie. Ma philosophie était de vivre comme si le lendemain était incertain et j'ai énormément profité de ma jeunesse entre les filles, mes amis et ma famille. J'avais la tête pleine de rêves qui me semblaient irréalisables : devenir peintre, fonder une famille, devenir riche, conduire les plus belles voitures du monde... J'étais très ambitieux et je croyais en tout ça. Mais, depuis tout petit, j'ai toujours voulu aller vivre aux Hamptons, aux États-Unis.
Ma grande tante Charlotte y vivait. Je ne l'ai vu qu'une seule fois, j'avais 15 ans. Mes parents m'avaient énormément parlés d'elle, me disant qu'elle vivait dans un endroit paradisiaque en Amérique. Ils m'ont fait rêver des Hamptons et quand ma grande tante est arrivée pour deux mois en Angleterre, j'ai passé mes journées à l'écouter me souffler les plus belles choses sur cet endroit. Elle m'a raconté à quel point les plages y étaient belles, les filles séduisantes, l'air pur et parfumé d'été ainsi que le ciel bleu, toujours rayonnant d'un soleil qui brûlait la peau. Je suis littéralement tombé amoureux des Hamptons sans jamais y avoir mis un pied.
C'est en mars 1960 que nous apprenons le décès de ma grande tante Charlotte. Personne ne semblait vraiment triste suite à la nouvelle, nous l'avons que très peu connus et il faut dire qu'elle entretenait des liens assez tendus avec ses trois frères dont mon père. Elle ne tenait pas sa langue dans sa poche, c'est un fait. Mais, je l'aimais bien. J'ai été attristé quand même le temps d'une après midi et je me suis dit que ce sont les choses de la vie. Cette après-midi là, je me suis enfermé dans ma chambre et j'y ai peint une plage des Hamptons que je m'imaginais grâce aux descriptions de Charlotte que j'avais noté dans un petit carnet de cuir abîmé. C'était en quelques sortes mon hommage à cette vieille dame que j'aurais aimé connaître davantage.
Alors que je pensais ne plus entendre parler d'elle, j'ai appris dans une lettre qu'elle m'avait fait unique héritier de ses biens. Je me suis donc retrouvé avec un un compte en banque assez bien garnit -pourtant, je n'étais quand même pas riche- , un chien nommé Bash et une maison aux Hamptons.
C'était comme un cadeau tombé du ciel, vraiment. Une maison aux Hamptons, j'ai pensé quelques secondes que c'était une blague, mais non c'était bien réel. Ah, si j'avais su que ce cadeau était empoisonné. Quelques jours plus tard, je suis allé chez le notaire qui a lu plus en détails le testament de ma regrettée tante. Une phrase restera toujours gravée dans mon esprit. " Je lègue tous mes bien à mon petit neveu Harry, rien à mes frères tous aussi pourris de l'intérieur les uns que les autres. " Sacré tante Charlotte.
Pendant un moment, mes oncles ainsi que mon père ont tentés à plusieurs reprises de me manipuler afin d'obtenir quelque chose de cet héritage, mon père m'a même fait du chantage afin que je vende la maison aux Hamptons. Mais j'ai refusé. Charlotte avait raison, ils sont tous aussi pourris de l'intérieur les uns que les autres alors en juin, j'ai prit le bateau et tout jeune que j'étais, je suis parti à la conquête de l'Amérique et des Hamptons. Je me sentais comme un dieu, maître de ma destiné, comme si rien au monde ne pouvais m'arrêter. C'était sûrement les plus beaux moments de ma vie.
Quand j'ai posé un pied sur le sol américain, c'était comme une résurrection. Une renaissance, j'avais laissé l'ancien Harry à Londres et un nouveau venait de naître juste là. J'en avais complètement oublié la guerre à des kilomètres de là dont pourtant, les États-Unis étaient acteurs. J'ai rapidement rejoint Sag Harbor, le village des Hamptons où j'allais vivre, dans la maison de Charlotte. En arrivant, je suis resté deux jours sans sortir. J'ai trouvé dans le jardin le fameux Bash, un bâtard ayant l'air aussi vieux que l'étais Charlotte mais assez calme aux yeux attendrissants. Il s'est immédiatement rué vers moi, réclamant de l'attention. On m'avait dit qu'il était chez un voisin depuis la mort de Charlotte, celui-ci a du le ramener avant ma venue. Durant deux jours, je me suis installé, j'ai rempli des papiers puis j'ai enfin pu souffler. J'étais aux Hamptons, je venais littéralement de réaliser mon rêve.
Dès ma première sortie, j'ai senti que je n'étais pas dans un cadre aussi tranquille que je ne le pensais. Je voyais énormément de regards jetés en direction de ma rue et plus précisément de la maison juste à côté, il y avait même des groupes de jeunes hommes, pas plus âgés que moi, qui passaient leurs journées sur le trottoir en face de chez moi à fumer et rire tout en surveillant la maison voisine. Je ne sais pas ce qu'il ce passait, je n'avais jamais rencontré mon voisin mais j'ai d'abord supposé que c'était quelque chose comme des règlements de compte. Mais, il n'y a jamais eu de bagarre ou autre problème du genre.
J'ai enfilé un short et un t-shirt et je suis parti en quête d'un café où je pourrais trouver des timbres. J'ai promis à ma grande sœur de lui écrire autant que je le peux. Le groupe de jeunes hommes m'a immédiatement regardé lorsque je suis sorti de chez moi, mais à peine une demi seconde plus tard, leurs yeux sombres se sont redirigés vers la maison voisine. Je ne relève pas vraiment puis avance, laissant mes yeux vagabonder aux alentours. J'ai l'impression de vivre dans une photo polaroid, les couleurs sont les mêmes. Agréables, éclatantes. Le soleil commence à brûler ma peau, je le sens et c'est ce que je suis venu chercher ici.
Je n'ai pas eu de difficultés à trouver le petit café-bar. Il se nommait Le Paradis. Pas très original comme nom mais il avait bien sa place ici. Je suis entré et tous les regards se sont une fois de plus posés sur moi. C'était comme si ils venaient chacun leur tour de me balancer un poids sur l'épaule. C'était des regards presque malveillants et... jaloux ?
J'ai lancé un sourire, peu sûr de moi mais qu'allais-je faire d'autre ? Ils semblaient être une vingtaine, tous amis et moi je venais de débarquer avec mon accent anglais et ma peau aussi blanche que le clair de lune faisant briller la nuit noire. Je me suis avancé vers le comptoir et j'ai alors demandé un carnet de timbre.
Alors que la personne travaillant au bar part chercher ça dans ce que je présume être la réserve, un des hommes qui me scrutait du regard se lève. Une cigarette au bec, il se penche sur le comptoir. Il avait une forte odeur de sueur mélangée au rhum. Je tourne lentement la tête vers lui pour le saluer.
" Alors c'est toi, le nouveau de voisin de ce bon cul de Weaver ? " il a la voix cassée, sûrement à cause de son âge un peu avancé et du cigare. Je le regarde un moment, ne sachant vraiment pas de qui il parle.
" Qui ça ? "
Tout le monde dans le bar se met à rire aux éclats, dont l'homme juste à côté de moi. Je me sens honteux je ne sais pour quelle raison et je prie de toutes mes forces pour que la femme me ramène rapidement mon carnet de timbres. Mes prières ont sûrement été entendues et elle est rapidement revenue avec le fameux Graal. Je lui donne rapidement l'argent puis je prends le carnet. Quand je sors du bar, c'est comme si tous les poids que j'avais sur les épaules venaient de disparaître. Merci Dieu.
J'ai marché jusqu'à apercevoir un banc près d'une petite fontaine assez abîmée, devenue grise avec le temps mais dont l'eau jaillissait toujours comme une sirène jaillissant des vagues indomptables. Je me suis assis, histoire de profiter du temps et du cadre. Des enfants jouaient aux billes par terre, leurs rires animent le petit village. Je les regardait, avec un léger sourire me remémorant mon enfance à moi. Je jouais plutôt avec des douilles que des billes, mais je me suis quand même amusé de ça.
Le soleil brûlait ma peau de plus en plus. J'ai ressenti comme une douleur dans ma nuque à cause de la caresse de l'astre, mais après tout je m'y attendais. Ah, si ma famille voyait ça.
Mais parmi les rires des enfants se sont glissés les pas assurés d'un ange déchu. Ses talons donnaient un tout autre rythme à Sag Harbor, le temps s'arrêtaient, ils étaient le nouveau tic-tac de l'horloge de la Vie. Les regards étaient tous sur elle, que ce soient ceux des enfants, presque impressionnés, des hommes, complètement alléchés ou des femmes, trempés de jalousie et de sacrilèges. Le mien, complètement étranger à ce qu'il ce passait s'est donc posé sur l'objet de toutes les convoitises.
C'est à ce moment là que j'ai livrer mon âme au Démon.
Elle était juste là, à quelques mètres de moi. Elle avait l'air de venir d'un autre monde. Elle défiait Aphrodite par sa beauté sans pareille, surpassait Athéna par son air candide, faisait tomber Apollon sous son charme et pouvait déclencher une guerre chez les Dieux. Une créature aussi belle ne pouvait pas être humaine, pensais-je. Elle avait de longues jambes élancées, dorées par le soleil qui semblait lui aussi lui vouer un culte sans précèdent. Une robe d'un bleu léger venait dérober au regard des âmes perfides les parties de son corps pouvant évoquer l'amour érotique. Sa peau, parsemée de grains de beauté n'avait aucun défaut. Son regard semblait assombrit par la frange décoiffée qui habillait son front. des cheveux sombres venaient accentuer cet air de mystère. Elle semblait parfaitement irréelle.
Elle marchait la tête haute alors que tous les regards étaient sur elle. Imperturbable, ses mains délicates accrochaient la corde de son sac. Elle marchait comme si personne ne la regardait, passant outre. Un parfum de rose mélangé aux huiles essentielles venait caresser mon odorat alors qu'elle passait devant moi. J'étais le seul à ne pas savoir qui elle était. Pourtant, à cet instant j'étais littéralement envouté. J'aurais donné ma vie pour un regard et mon âme pour un baiser de celle qui venait de définir ce qu'étais un coup de foudre.
Pauvre malheureux que j'étais. J'aurais du la fuir comme la peste.
Les jours ont passés et j'ai rapidement découvert que la tempétueuse beauté que j'avais croisé s'avérait être ma voisine, apparemment plus connue sous le nom de " ce bon cul de Weaver ". De la fenêtre de ma chambre, il m'arrivait de l'observer. Le matin, lorsque je peignais tranquillement, je regardait par la fenêtre. Ma voisine a des rideaux blancs assez fins et il est donc facile d'entrevoir à travers. Je ne l'espionnais pas, je ne dirais pas ça comme ça... Ce n'était pas malveillant ni pervers. Je voulais juste avoir la chance de la regarder un peu. Laisser mes yeux caresser sa peau de soleil et embrasser ses yeux plus bleus que l'océan. J'étais sous son charme.
Aux Hamptons, j'ai fais la connaissance de Robin. Nous nous sommes rencontrés dans une petite librairie dans laquelle ils vendent des livres déjà utilisés. J'ai toujours particulièrement été séduit par ce genre de concept : acheter un objet possédant une âme, une histoire. Robin est âgé d'une dizaine d'années de plus que moi. Il est très sympathique et anglais lui aussi. Nous sommes rapidement devenus amis et il m'a invité chez lui, sa femme avait préparé un très bon dîner et j'avais même eu du mal à terminer mon assiette ! Ils avaient l'air de gens charmants. Je pensais passer une soirée assez simple jusqu'à ce que sa femme amène le sujet si discuté à Sag Harbor : Daphné Weaver.
Elle s'est mise à parler d'elle car apparemment, elle aurait été vue avec Jonathan Cooper. Il est avocat, marié et a deux enfants. Tout le monde dit de lui qu'il est un homme respectable avec des valeurs mais depuis peu, le bruit court qu'il voit Daphné. Clare, la femme de Robin parlait de Daphné avec un air de dégoût que je n'avait jamais vu auparavant. Elle qualifiait ma voisine de putain, riait d'elle et de sa solitude. J'ai trouvé ça méchant pour Daphné. Mais, toutes les femmes de Sag Harbor l'appelaient ainsi. La putain.
J'ai rapidement compris que Sag Harbor n'était peut-être pas le petit paradis auquel je m'attendais.
Certaines fois, le soir, je voyais Daphné dans sa chambre. Vêtue d'une robe de chambre noire se rapprochant plutôt d'une nuisette, elle se dirigeait vers son tourne disque et y déposait un vinyle. Je ne sais de quel chanteur ou musicien, mais elle se déhanchait lentement. Sensuellement, les yeux fermés. Ses mains venaient caresser ses hanches, ses cuisses, remontaient jusqu'à sa poitrine en passant par sa taille pour finir dans ses cheveux. Elle remuait les hanches lentement, rien n'était vulgaire. Elle était juste sensuelle voir poétique dans ses gestes. Elle dansait, parfois dix minutes, parfois une heure puis ensuite, elle allait s'abandonner dans ses draps rouges sang. Je la trouvais purement magnifique. J'avais envie de me glisser à ses côtés dans ses draps qui semblaient si doux, je voulais poser ma main sur sa joue pendant que j'embrasserai avec une délicatesse infinie son front, lui souhaitant une bonne nuit.
Mais j'étais toujours là, devant ma fenêtre, mon pinceau dont les poils recouverts de peinture commençaient à sécher.
Je suis allé à la plage durant la mi-juillet. Ce n'était pas la première fois. J'avais pris une longue serviette de bain puis j'ai prit un emplacement assez éloigné des touristes et enfants qui faisaient énormément de bruit. J'avais prévu de lire tranquillement et j'avais donc besoin de calme. Une fois ma serviette posée, j'avais mis mon sac en guise d'oreiller et j'ai ouvert mon livre. Il faisait extrêmement bon, il pleuvait de la lumière sur la plage et la chaleur venait nous embaumer de son manteau. Mon corps prenait des couleurs -enfin- et je n'avais plus l'air si étranger que ça.
Lorsque le soleil s'est montré trop agressif, je me suis assis et j'ai prit mon sac à la recherche de la crème solaire. Quand je l'ai trouvée, j'ai relevé la tête après avoir entendu des bruits et derrière une cabine de plage, il y avait Daphné. Elle n'était pas seule mais dans un premier temps je ne la regardait qu'elle. Elle portait un maillot de bain en deux pièces, une culotte taille haute montant jusqu'au dessus de son nombril avec un haut tout à fait simple qui couvrait bien sa poitrine. Il était à rayures noires et blanches. ses cheveux étaient retenus par un ruban noir et elle semblait radieuse. Sa peau était toujours aussi satinée, ses yeux pétillaient devant l'homme qu'elle regardait. Mon regard s'était ensuite posé sur lui. Il était grand de taille, sûrement un peu plus que moi. Ses cheveux commençaient à grisailler, il devait avoir la quarantaine car il semblait assez séduisant tout de même. Il portait un short de bain noir simple et Daphné riait en posant quelques fois ses mains sur son torse. Je me demandais qui il était pour elle. Je ne l'avais jamais vu avant et je sais en tout cas que ce n'était pas Jonathan Cooper. Discrètement, Daphné avait jeté un regard derrière son épaule pour voir si ils étaient bien seuls puis elle l'avait embrassé. Un baiser chaste, simple sans réels sentiments, un baiser d'adolescents timides. Puis il est parti. Elle s'est ensuite retournée, le visage toujours aussi radieux et là, elle m'avait vu.
C'était incroyable d'être regardé par Daphné. C'était la première fois et je me suis senti aussi puissant qu'un Dieu. Son regard bleu s'est pourtant posé sur moi pas plus de trois secondes puis elle était partie après un simple sourire poli.
Mais je me suis senti spécial et béni.
Daphné était une véritable énigme à mes yeux. On disait tellement de choses sur elles dans le village, toutes aussi horribles les unes que les autres. Je n'ai jamais entendu un compliment à son égard alors qu'elle mérite les plus beaux du monde. Je ne savais rien d'elle mais en même temps je savais tout. Je passais la plupart de mon temps à peindre, à la fenêtre de ma chambre. La lumière y était parfaite. Bash venait des fois réclamer quelques attentions ou alors le plus souvent des croquettes. C'était un bon chien, assez fatigué malgré tout. Au fil des jours, il se fatiguait. Je savais qu'il était vieux, j'avais un léger pincement au cœur en me disant qu'un jour, il partirait rejoindre Charlotte.
Mais c'est la vie, nous sommes nés pour mourir et c'est peut-être ça qui rends nos existences plus belles.
Un jour, alors que je revenais d'une promenade le long de la plage avec Bash, un chant de sirène m'avait interpelé. C'était un " Excusez-moi " si doux que je n'ai pu résister à l'envie de me retourner. C'était la belle Daphné. Vêtue d'un long peignoir de soie rose pâle, au pied de sa porte. Ses cheveux étaient détachés, ça arrive rarement. Ils étaient ondulés et lui arrivaient au dessus des épaules, elle était vraiment magnifique. Je me suis approché doucement avec un léger sourire aux lèvres. Je ne savais pas pourquoi elle m'adressait la parole mais j'en étais tellement heureux, des papillons se battaient dans l'enceinte de mon estomac.
" Tu pourrais aller me chercher un paquet de cigarettes au Paradis ? "
Sa voix était si douce. J'aurais pu en faire ma chanson préférée. J'avais simplement acquiescé puis après avoir laissé Bash à la maison pour qu'il boit et mange, je suis allé chercher les cigarettes pour Daphné. J'aurais aimé lui dire que c'est mauvais mais elle n'en aurait rien à faire c'est certain, elle est indépendante, libre et ne laissera jamais ses choix être influencés et surtout pas par son voisin.
Je suis juste son voisin, après tout.
Quand je lui ai ramené le paquet, elle m'a simplement remercié avec un sourire qui restera à jamais gravé dans mon esprit, indélébile, un tatouage qui même lorsque je serais redevenu poussière existera.
Malgré tous les ragots disant que Daphné couchait avec l'avocat, des pères de famille, le maître nageur ou encore des adolescents de 17 ans, je n'ai jamais vu quelqu'un entrer chez elle et elle sortait rarement. Quand c'était le cas, c'était pour aller au marché acheter des fruits et des légumes, quelques fois des rubans qui venaient décorer ses cheveux. Elle en avait des dizaines, tous différents. Je trouvais ça vraiment mignon pour être honnête.
Daphné n'était peut-être pas celle que les autres décrivaient. Après tout elle ne recevait aucune visite, je me demandais si sa famille habitait loin ou si elle avait des amis. La jalousie des unes venait salir sa réputation. Personne ne pouvait réellement savoir qui elle était et même pas moi.
Pourtant, elle était victimes de tant d'injustices. Un matin quand je partais promener Bash j'ai vu la façade de Daphné recouverte de tomates et d'œufs. J'ai eu tellement mal au cœur pour elle que j'avais décidé de nettoyer tout ça avant qu'elle ne le voit. C'est ignoble, j'ai vite été dégouté par Sag Harbor et ses habitants. Je voulais vraiment partir ailleurs, toujours dans les Hamptons mais loin de ce village pourri de l'intérieur. Mais je suis resté, retenu par Daphné. J'avais l'impression d'être indirectement son soutient, le seul qui croit en elle et non en ce que les autres racontent. Mais ça, elle ne le savait pas.
Peut-être pensait-elle que j'étais comme tous les hommes du villages qui voulaient coucher avec elle. Je ne sais pas ce qu'elle avait dans la tête mais ce n'est pas moi. Je voulais juste partager des mots et des sourires avec elle, ça me suffisait amplement même si un baiser ne m'aurait pas déplu. Mais en quelques sortes, elle m'apparaissait comme un ange et je n'aurais pas embrassé quelque chose de si pure par peur de la salir, de ne pas être à la hauteur.
Daphné était le fruit défendu que tout le monde se disputait mais personne ne semblait réellement l'atteindre. Jusqu'à ce jour où en allant me coucher, j'ai lancé un regard par la fenêtre juste pour voir son doux visage avant de dormir. C'est à ce moment que je l'ai vu rire avec une jeune femme sûrement de son âge, aux cheveux blonds coupés au carré et aux lèvres peintes d'un rouge profond, mélancolique. Elle était elle aussi très belle, ça m'avais fait plaisir de savoir que Daphné avait une amie.
Mais, je me suis rendu compte rapidement qu'elle n'étais pas qu'une amie. Elle s'était levée et avait embrassée Daphné avec une tendresse infinie. J'étais figé devant ma fenêtre, je ne m'y attendais vraiment pas. Daphné avait répondu à son baiser de la même façon en la débarrassant des bretelles de sa robe. J'avais rapidement fermé mes volets. Alors Daphné devait aimer les filles comme les garçons. Je n'avais absolument rien contre ça.
La bonheur de Daphné était le mien.
Je n'avais jamais revu cette mystérieuse blonde comme je n'avais revu l'homme que Daphné avait embrassé à la plage. Ce n'étaient pas des personnes de Sag Harbor. Je me suis toujours demandé pourquoi Daphné n'avait pas fuit cette vie qui la menaçait tous les jours, je n'ai toujours pas la réponse. Plus les jours passaient plus les personnes parlaient et plus elles devenaient mauvaises. C'était un enfer qui chaque jours devenait plus brûlant et étouffant. J'étais là, face aux flammes et impuissant.
J'ai été impuissant jusqu'au bout. Jusqu'au jour où j'ai entendu ce qui ressemblait à un coup de feu provenant de chez ma voisine. Immédiatement, je m'étais précipité vers la maison de ma voisine. La porte était ouverte alors je suis rentré, la peur me rongeait le ventre. La peur de découvrir quelque chose qui pourrait me traumatiser à jamais.
C'est dans le salon que je l'ai vue. Elle était aussi belle qu'une fleur, étendue sur sa moquette blanche qui devenait petit à petit rouge. Une tache rouge décorait aussi sa poitrine. ses yeux étaient clos, elle semblait totalement apaisée, libérée de cet enfer dans laquelle elle brûlait tous les jours.
Je m'étais agenouillé près d'elle et j'avais caressé sa joue. Après avoir déposé un simple baiser sur son front encore tiède, j'étais parti chercher des secours même si je savais que tout ça était inutile, elle était morte avant même que je ne franchisse la porte.
Daphné était morte.
Je suis resté sous le choc plusieurs mois. Une enquête était ouverte puisque ce n'était pas un suicide et je ne pouvais pas quitter Sag Harbor sans savoir ce qui était arrivé à Daphné. Après trois mois d'enquête, c'est Helen Cooper, la femme de Jonathan qui est allée au commissariat se rendre, le poid de son crime devenait trop lourd. La jalousie de cette femme avait dépassé les limites jusqu'à ce qu'elle commette l'irrattrapable. Elle s'est déclarée juge et a déclaré coupable sa victime.
Mais le seul crime de Daphné était d'être belle.
Une beauté qui l'a précipitée jusqu'à la tombe.
Sag Harbor n'a pas pleuré Daphné, personne ne l'a fait à part mon âme qui était meurtrie. J'étais le seul présent à son enterrement. Avec une partie de l'héritage, j'ai décidé de lui payer des funérailles dignes. Quand on m'a demandé qui j'étais pour elle, j'ai répondu " un ami. ".
Je n'étais rien pour elle, elle était beaucoup pour moi.
J'ai quitté Sag Harbor. Ce jour là, j'ai mit Bash et met affaires dans ma voiture. J'ai roulé une dizaine de minutes jusqu'au cimetière où je suis venu déposer des roses et un ruban pour les cheveux. Je lui ai fais mes adieux puis j'ai fuit Sag Harbor.
Et depuis, je n'ai jamais plus été le même.
C'est le cœur lourd que je suis sur le point d'achever mon récit. Malgré toutes ces années écoulées, Daphné ainsi que Sag Harbor viennent toujours me hanter. Je les supplie de me laisser mais rien n'y fait, ils persistent et je suis totalement soumis à leurs influences.
Quand je ferme les yeux, je revois Sag Harbor, les journée à la plage, l'écume des vagues venant caresser le sable et le doux visage de Daphné qui me sourit devant sa porte.
C'est sûrement sur ses images que je quitterait ce monde qui m'a offert de jolies choses mais aussi le pire traumatisme de toute ma vie.
Alors je m'adresse à toi, Daphné. Peut-être que nous nous reverrons bientôt ou peut-être pas. Je te présente mes excuses, pour ne pas t'avoir protégé, pour ne pas t'avoir emmenée loin de tout ça. J'espère que les divinités ont fait de toi l'une des leurs et que tu resplendis parmi les rayons du soleil le jour et parmi les étoiles la nuit. S'il te plaît, quittes mon esprit. Mon âme souffre depuis si longtemps maintenant, j'aimerais partir en paix. Laisses moi terminer mes jours l'âme apaisée.
Je t'embrasse.
Harry x
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