Chapitre 9
Ozanor se leva enfin pour faire face à Lys. Pour une nouveauté, c'en était une belle ! Avec son fort caractère et sa splendeur, cette femme n'était pas à déconsidérer.
Il remarquait bien l'envie qu'il suscitait chez elle. Après avoir dénigrer les autres hommes présents, elle avait jeté son dévolu sur lui et il ne pouvait pas s'en plaindre. Aucun doute qu'il pourrait oublier ses problèmes avec cette magnifique courtisane.
— Que dirais-tu de me suivre, Lys ? proposa-t-il sans y aller par quatre chemins.
La concernée hocha candidement la tête avant de se coller sensuellement contre lui. Aussitôt, il sentit son désir croitre violemment. Décidemment, cette femme sortait du lot et commençait petit à petit à l'ensorceler par sa tenue et ses manières révélatrices.
Alma sourit et retint Nandelly par le bras. La prostituée commençait déjà à rougir de jalousie mais elle fut empêchée de séparer le couple. Quant à Fûma, son visage grimaça un instant de chagrin mais elle s'empressa de chasser ce sentiment négatif pour taper des mains :
— Voyons Nandelly, laisse-les un peu.
Viroque dédaigna ce conseil et s'imposa entre les deux avec son excentricité habituelle :
— Je suis certain que ma présence est indispensable.
— Va-t-en pour une fois, grogna Ozanor, tu ne toucheras pas Lys.
— Ce n'est pas juste, pourquoi c'est toi qui devrais profiter de cette splendide créature ?
— Ce n'est pas vers toi qu'elle est allée.
Loin d'abandonner, il s'adressa directement à la reine :
— Oh, allez Lys, tu ne regretteras pas.
— Peut-être une prochaine fois, minauda-t-elle.
Nandelly tira sur la manche de Viroque :
— Viens, je vais te consoler.
Faible, l'astre capitula aussitôt lorsque la prostituée commença à l'embrasser langoureusement. Les autres courtisanes reprirent place avec Fendrell et Caraks.
Seul le pauvre Cellint demeura délaissé avec son embonpoint. Mais la vue de ce spectacle de débauche semblait lui convenir.
Luinil ne préféra pas contempler l'assouvissement de tous ces désirs, aussi laissa-t-elle son partenaire la conduire vers une loge adjacente.
— Tu veux retirer ton masque ? demanda-t-il.
Elle secoua la tête.
— Tu préfères rester discrète, en conclut-il, j'aime ce mystère autour de toi.
La reine sourit sans ajouter le moindre mot. Elle ignorait aussi l'identité d'Ozanor, en soi. Il avait la silhouette du guerrier tout en ayant le charme des grands brigands.
Il la poussa légèrement contre le mur avant de placer ses mains sur les rondeurs du corset :
— J'aime ça, aussi.
Sa compagne perdit un peu de son assurance, traduisant sa gêne.
— Tu n'as pas l'air d'avoir été beaucoup caressée, je me trompe ?
Luinil dévia son regard, peu à l'aise :
— Tu peux toucher, si tu le souhaites.
— J'espère bien. Quand je t'ai vu entrer dans le salon, je ne te cache pas qu'on a tous louché dessus.
— Cela ne m'étonne pas vraiment.
Pour la première fois, les lèvres de l'homme se relevèrent dans un léger sourire amusé. Il délassa le corset d'un geste expert et le laissa choir aux pieds de sa partenaire. Sans maintien, les seins s'affaissèrent légèrement, arrachant un murmure de satisfaction à l'astre.
— Ils ont l'air dodus et fermes comme je les aime, constata-t-il en s'humectant les lèvres.
Il n'attendit pas pour presser la poitrine entre ses mains. Luinil rougit sous son masque et le laissa jouer avec ses attributs féminins sans répondre davantage à ces caresses.
Ozanor profita de cette disponibilité pour embrasser sa conquête. Sa langue vint danser dans la bouche de la femme avant de venir lécher la gorge offerte.
— Tu n'es pas n'importe qui Lys, tu vas me rendre fou de toi.
Fortement excité, il passa une main dans son pantalon pour se masturber. Le voir prendre du plaisir de la sorte soutira quelques sourires de satisfaction à la reine. Son partenaire était déjà pieds et poings liés. Plus jamais il ne verrait les choses de la même manière.
— Je compte sur toi pour bien t'occuper de moi, lui glissa-t-elle à l'oreille.
Ozanor lâcha enfin les mamelons pour ôter la culotte de dentelles. Luinil se retrouva les parties intimes à l'air pour le plus grand plaisir de son compagnon. Il baissa ses grègues et découvrit fièrement son membre dur. La reine avait déjà vu des hommes dans leur plus simples appareil, notamment pendant les campagnes militaires, elle ne fut donc pas intimidée mais plutôt déroutée à l'idée de réitérer l'expérience.
— « Il me faut bien oublier l'autre », se dit elle en écartant les cuisses.
L'homme la poussa sur un divan et la força à la mettre sur le ventre. Peu désireuse d'être prise dans ce sens, Luinil tenta de se retourner.
— Reste comme ça, gronda l'astre, je veux te baiser de la sorte.
Elle reçut une violente claque sur les fesses, ce qui lui arracha un cri d'offuscation. Ozanor en profita pour lui relever la croupe :
— Jolie chatte, elle a l'air exquise.
Excédée, la dénommée Lys repoussa son amant d'un geste :
— Ça suffit ! Je ne suis pas une prostituée ! Tu n'as aucun respect pour moi.
— Je pensais que tu aimerais être traitée ainsi, releva-t-il innocemment.
— Idiot. Je... J'attends plus que ça. J'ai l'impression d'être de la chair fraiche servie pour ton repas.
— Tu es une très jolie entrecôte, alors...
Elle piqua un fard avant de refermer pudiquement son peignoir sur elle :
— Ne tente pas de faire de l'humour, ça te va mal...
Son partenaire se pinça les lèvres avant de s'allonger lourdement sur elle :
— Tu préfères que je te traite comme une reine, c'est ça ?
Luinil ne put s'empêcher de sourire :
— Tout à fait.
— Je vais te faire l'amour comme tu le mérites, Majesté.
La situation lui paraissait plutôt cocasse. Son compagnon qui la prenait enfin pour ce qu'elle était vraiment. Mais mieux valait encore lui cacher la vérité.
Comme il se montrait beaucoup plus doux et attentionné dans ses caresses, elle consentit à lui ouvrir ses cuisses ; le pauvre, après avoir peloter les seins et les fesses de sa partenaire, il n'en pouvait clairement plus. Luinil se demanda s'il allait réussir à tenir longtemps.
Mais soudain, un grattement désagréable la sortit de ses considérations érotiques. Les sons se firent de plus en plus distincts jusqu'à devenir assourdissants
— Attends, tu n'entends pas ?
— De quoi ?
— Le bruit...
Mécontent d'être arrêté en chemin, Ozanor fronça les sourcils :
— J'entends Alma et Caraks s'envoyer en l'air, c'est tout.
Luinil blêmit sans que les grattements ne disparaissent de son esprit. Devenait-elle folle ?
Son compagnon se remit à la tâche mais elle se tendit de plus belle avant de le repousser. Elle sauta du divan et sortit de la pièce à toute allure, comme pour s'extraire les échos de sa tête. Mais dans le salon aussi, ils l'assaillaient.
Les mains contre les oreilles, elle s'enfuit malgré la hauteur de ses talons aiguilles et regagna en quelques secondes les appartements d'Alma. Comme les crissements ne se calmaient pas, elle s'engouffra dans les passages secrets : chez elle, au moins, elle trouverait la paix.
En effet, lorsqu'elle déboucha dans sa chambre, un silence de plomb s'abattit sur ses épaules. Sentant la pression redescendre d'un coup, elle s'affala sur son lit et ne bougea plus.
Le soleil n'était pas encore levé lorsqu'elle se réveilla. Combien de temps avait-elle quitté la réalité ? Elle n'aurait pu le deviner mais le matin semblait encore loin.
Elle tendit l'oreille.
Et comme pour répondre à son appel, un léger grattement, semblable aux pattes de rats contre le bois, se fit entendre derrière sa nuque.
Totalement effrayée, elle hésita à appeler Kaliss. Mais sans doute ne percevrait pas non plus ce bruit macabre.
En levant les yeux vers sa tête de lit, elle distingua l'ombre de mains griffus qui raclaient contre le bois, comme pour trouver un passage. Son cœur rata un battement. Mais comme si ces silhouettes noires avaient senti la découverte de la reine, elles partirent en fumée.
Au contraire, Luinil sentit un poids s'affaisser sur ses draps. Un souffle froid glissa dans son dos. Quelqu'un vint caresser son épaule nue, descendant lentement vers le coude.
N'en pouvant plus, elle se retourna pour faire face à ses peurs.
— Luinil, tu tombes si bas.
Elle ne broncha pas. Cette fois-ci, c'était la terreur qui la clouait sur son lit.
Allongé contre elle, la dardant de son regard dément, Morgal la jugeait sans complexe.
— C'est impossible, murmura-t-elle, tu es mort.
D'ailleurs, son ancien amant ressemblait plus à une carcasse qu'au prince séduisant qu'il avait été. Une odeur de putréfaction s'échappait de lui et ses plaies s'ouvraient au point de découvrir les organes et les os. Rien que son visage ravagé lui découvrait toute sa dentition de vampire.
Jamais Luinil n'avait vu telle abomination.
La panique commença s'emparer d'elle mais aucun de ses membres ne purent répondre à sa peur.
Une flaque de sang se répandait sous l'elfe, tachant les draps blancs. Sans lâcher son ancienne maîtresse, il lui murmura :
— Tu seras gentille de ne pas te perdre dans d'autres bras, Luinil. Tu m'appartiens.
Elle secoua la tête :
— Tu n'es rien de plus qu'une dépouille informe. Mes aratayas t'ont dévoré. Je suis libérée de ton emprise, à présent.
Le macchabé ricana lugubrement :
— Stupide femme. Crois-tu vraiment que notre histoire se finisse si vite ? Nous, deux Réceptacles destinés à s'aimer ?
— Lâche-moi.
— Non, jamais je ne te lâcherai. Je serai toujours dans ton ombre à gratter les portes de ta conscience.
— Va-t-en...
— Crois-tu que Djinévix abandonne si facilement ses projets ? Non, nous sommes liés pour l'éternité.
— Dégage ! Dégage de ma tête !
Cette fois-ci, Luinil parvint à se débattre. Plus que tout, elle voulait s'arracher de la poigne famélique du prince.
Elle se redressa brutalement, en sueur.
Les rayons du soleil balayaient sa chambre. Kaliss entra brutalement dans la pièce, les sens en alerte.
— Majesté ? Vous avez crié.
La reine garda le silence. Son amie refusait toujours de l'appeler par son prénom. Mais au moins, son cauchemar s'était éclipsé.
— Ce n'est rien, Kaliss... Quelques mauvais souvenirs qui resurgissent.
— Pourquoi cet accoutrement ?
Luinil baissa le nez pour s'apercevoir qu'elle avait égaré son corset et sa culotte en chemin. La lieutenante n'allait pas lui accorder beaucoup de crédit dans cette tenue.
— Appelle Hyola, je dois me préparer.
Kaliss hocha mécaniquement la tête et s'avança d'un pas vers la reine :
— Majesté, songez-vous prendre un nouveau garde du corps ? Voilà quatre mois que je manque à mon devoir de lieutenante.
Cette suggestion blessa Luinil. Elle retira son masque et concéda :
— J'y réfléchirai... Tu peux disposer.
La guerrière prit congé, laissant sa place aux caméristes. Une mélancolie profonde l'abattait. Des voix lointaines résonnaient les abîmes de son esprit. Si seulement sa folie pouvait la laisser tranquille. Mais le ricanement du prince semblait la suivre et lui effleurer la nuque, lui rappelant sans cesse qu'elle avait échoué.
Peu importait, après tout. Elle avait une guerre à gagner, des ennemis à terrasser.
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